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Fantastic Four était-il condamné dès son scénario?

Fantastic Four était-il condamné dès son scénario?

chronique

Enfonçons le couteau dans la plaie pour ce nouvel opus de notre série Rumeur un Autre Jour, qui s'intéressera au premier scénario élaboré pour le reboot de Fantastic Four, le désormais tristement célèbre métrage de Josh Trank, qui était peut-être finalement d'emblée condamné par les écrits de Jeremy Slater, scénariste de The Lazarus Effect et de la future adaptation hollywoodienne de Death Note.

Une genèse bien complexe

La prochaine fois que vous allez voir un film, penchez-vous sur les noms crédités au scénario : plus ils sont nombreux, moins le film a de chances d'être bon. Je vous l'accorde, je viens d'inventer cette règle. Mais elle n'est pas stupide pour autant, surtout à Hollywood, où la multiplication des noms sur cette ligne est souvent synonyme de réécritures successives, qui ont tendance à transformer un tout cohérent, qu'on appelle couramment un film, en un vulgaire patchwork de scènes péniblement mises bout à bout.

 

Figurez-vous que notre dernier Fantastic Four en date affiche pas moins de trois noms qui n'ont, à un film prêt, rien à voir entre eux. Jeremy Slater, jeune scénariste à Hollywood, Josh Trank, remarqué pour son travail sur Chronicle, et enfin Simon Kinberg, producteur et scénariste très en vogue à Hollywood. Notez l'ordre choisi : Slater avait été chargé d'écrire un scénario, Trank de se l'approprier - puisqu'on lui doit l'initiative d'un nouveau film consacré aux quatre héros - et Kinberg s'est a priori occupé des phases de réécriture, avec ou sans l'aval de son réalisateur d'ailleurs, comme le veulent les rumeurs. Un scénariste débutant, un réalisateur connu pour son sale caractère et un producteur prenant sa revanche sur Hollywood après des années de films médiocres (Jumper en tête) : voilà la recette du cocktail Fantastic Four. Pouvait-on vraiment espérer un résultat au pire acceptable ? Rien n'est moins sûr, au regard du scénario original.

Slater Building

Nos confrères de Birth.Death.Movies. on en effet eu l'occasion de lire ce premier jet et en retenir les grandes idées. Et le moins qu'on puisse dire, c'est que le film de Trank ne partait pas tout à fait sur des bases saines. Jusque là, rien de bien méchant. Nombreuses sont les productions à démarrer leur vie avec quelques pages d'intention ou un scénario maladroit, qui ne demande qu'à être peaufiné. Mais il faut s'intéresser, dans le détail, aux différentes idées de Slater pour mieux comprendre : 

• Comme dans le film, Reed débarque au Baxter Building grâce à son invention. Il y rencontre Sue Storm et Victor Von Doom. Ce dernier essaie de dévergonder notre nerd en l'emmenant dans de multiples soirées, durant lesquelles il tombe amoureux de Sue. De son côté, Doom reste bien sage, pour la simple et bonne raison qu'il est en fait un espion pour son pays, la Latvérie.

• Lorsque l'équipe pose le pied sur la Zone Négative (ou Planète Zéro, peu importe), elle ne découvre pas un paysage désertique comme dans le film, mais plutôt les restes d'une ville alien. Ils l'explorent, trouvent un amphithéâtre couvert de cadavres, et quelque chose d'énorme, dans une armure couronnée d'un casque étrange.

 

• C'est, vous l'aurez compris, Galactus qui rentre en scène. Il chasse les explorateurs (Reed, Johnny et Ben, Sue est absente, comme dans le film final) qui retournent à leur module, frappé par la matière noire de Galactus alors que l'équipe s'échappe sur terre. Un feu d'artifice cosmique qui change à jamais nos quatre héros.

• Le script avance, via une ellipse, de quatre bonnes années. Johnny Storm est devenu une star de la télé-réalité, Sue Storm continue ses recherches au Baxter Building, utilisant ses pouvoirs pour aider des patients. Elle reçoit la visite d'un certain d'un certain Docteur Elder, qui lui demande de rejoindre un programme qu'elle pense militarisé.

• Nous partons en Latvérie. En utilisant les informations fournies par Victor, le gouvernement du pays a bâti son propre module et cherche à utiliser la Zone Négative à ses fins. Il envoie sa machine, qui revient avec un seul passager : Victor Von Doom est de retour sur Terre, et il est désormais doté des pouvoirs de la matière noire. Il renverse les forces en présence et prend le contrôle du pays. 

 

• Pendant ce temps (c'est bien pratique) le Baxter Building est attaqué par un mystérieux commando. Le Docteur Elder se voit aspergé de produits chimiques qui le transformeront en Homme-Taupe. Sue et Johnny se défendent, et doivent ensuite faire face au Moloïde géant. Ils reçoivent l'aide de Ben Grimm, qui se baladait par là, et de Reed, a priori toujours caché dans son laboratoire du Baxter Building. L'équipe engage alors l'adversaire dans un plan faisant référence à la couverture de Fantastic Four #1 (1961).

• Le reste du scénario se déroule en Latvérie, au centre de toutes les attentions. Crise politique mondiale : ce bon Doom tente de bâtir un canon d'antimatière pour combattre Galactus. Pour survivre, le vilain a en effet dû faire un pacte avec le dévoreur de planètes, devenant son héraut. Mais il entend se libérer de l'emprise de son maître par tous les moyens. 

• Le final se déroule dans les quartiers généraux de Doom, qui est en fait un double du vilain, toujours en train de se balader dans la Zone Négative. Ce "Doom Bot" est vaincu, les Quatre Fantastiques préviennent le gouvernement de la menace Galactus, et les officiels américains décident de laisser nos héros préparer les défenses de la terre. Pour se faire, ils engagent tous les petits prodiges du monde entier, réunis au Baxter Building pour percer les secrets de la Zone Négative.

Deux et deux font quatre

On ne vous fera pas l'affront de revenir sur tous les défauts qui se dégagent de ce premier scénario. De toute évidence, quelques bonnes idées subsistent, notamment la vision d'un Doom infiltré devenant finalement le maître de la Latvérie dans un coup d'état cosmique. Mais pas besoin d'avoir fait carrière dans l'écriture de films pour déceler deux trois problèmes majeurs, à commencer par l'ellipse - procédé à utiliser avec parcimonie - après laquelle on retrouve nos personnages dans des contextes complètements nouveaux : un peu lourd pour le spectateur, surtout si on ne fait pas attention aux dialogues ou à l'exposition, c'est à dire l'art de distiller les informations dans le film.

A ce titre, le film de Josh Trank s'avère finalement assez proche de ce que proposait, dans les grandes lignes, Slater : on retrouve l'ellipse temporelle, les mêmes challenges, le même aller-retour de Doom etc. Seule la (massive) présence de Galactus et une certaine proximité avec les comics les séparent clairement. Et c'est bien là tout le problème. De toute évidence, le film de Trank, qui se veut scientifique, réaliste voire social, se base sur un scénario qui est d'abord conçu comme un hommage aux Fantastic Four.

A croire que le réalisateur n'a jamais réellement discuté avec son scénariste (d'ailleurs fan de comic books, en témoigne le tweet ci-dessous), ou qu'on l'a obligé à fusionner ses idées à celle de Slater. Au regard des différents thèmes abordés, les deux tirent la couverture dans deux direction finalement très opposées, ce qui a forcément handicapé le film. 

Avec une genèse pareille, difficile d'envisager un radieux futur pour Fantastic Four, et les nombreuses rumeurs en cours, parallèlement à une chute à pic au box-office, ne font que le prouver. Mais restons justes : le scénario d'un film ne fait pas tout, nous ne l'avons pas eu sous les yeux et il a dû être ajusté (par au moins deux personnes) avant d'être validé comme support pour la production. Autant vous dire que les soucis du film sont plus complexes encore.

D'ailleurs, une source proche de Collider a il y a peu expliqué au site que la Fox aurait dégraissé le métrage de Josh Trank de trois localisations - qui auraient servi d'hôtes à des scènes d'action - quelques jours seulement après le début du tournage. Ces coupures ont peut-être sacrifié Galactus, la Latvérie et bien d'autres aspects du scénario original, en plus de saboter les plans de Josh Trank, qui comptait notamment nous expliquer, après la fameuse ellipse, le sort de ses héros dans un moneyshot des familles

Le potentiel était là - après tout Christopher Nolan a réussi à concilier une approche réaliste et une certaine fidélité au matériau original dans sa trilogie The Dark Knight - mais un manque de communication évident avant, durant et après la production n'a fait qu'amener un film en forme de bête blessée à l'abattoir. Qui sait, la vérité sera peut-être un jour rétablie par un documentaire inspiré sur ce torturé projet !

Republ33k
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