Chose promise, chose due : vous m'avez demandé une critique de Superman #32, la voici !
Brillant puis ennuyeux et en manque d'inspiration, Geoff Johns est ces dernières années à l'image de son éditeur, que l'on annonce proche d'un reboot qui enchanterait sûrement celui qui a fait les beaux jours de la Distinguée Concurrence avant les vaguement messianiques New 52 il y a quelques années. Pourtant reconnu (à juste titre) comme l'architecte d'un univers, Johns s'essaye à tous les genres, à tous les héros, et c'est bien naturellement qu'il fait son retour sur le plus alpha d'entre eux, Superman.
Déjà auteur de l'une de ses meilleures origines avec Gary Frank avant le grand chambardement du reboot, l'homme à tout faire de DC est le premier heureux du mercato de ses patrons, qui se payent le légendaire John Romita Jr, qui brise le vœu de fidélité familiale qui le liait à Marvel exclusivement jusque-là. Décrié depuis des années, le co-créateur de Kick-Ass est-il à la hauteur de l'évènement ? Oui et non...
Une nouvelle fois appelé en renfort du Kryptonien le plus célèbre de la galaxie, Geoff Johns doit faire face à un problème plutôt cocasse pour un auteur : celui d'avoir été dans cette position à plusieurs reprises tout en devant pourtant trouver la lumière et l'inspiration pour enfin sortir le héros de Siegel et Schuster du bourbier dans lequel il se trouve depuis le début des New 52. Ainsi, impossible pour Johns de le priver de ses pouvoirs, c'est déjà fait de sa plume. Impossible et caduque aussi de raconter de nouveau ses origines, pour un héros qui pourrait terminer schizophrène plus tôt qu'on ne le croit à force de changer son passé.
Résultat : Geoff Johns trouve une parade qui sent autant le réchauffé que l'exécution millimétrée En effet, c'est en alliant une narration ultra-efficace (presque sensorielle tant le scénariste maitrise son art) à une trouvaille plutôt moyenne qu'il parvient à s'en sortir. C'est en calquant le schéma de Kal-El à un autre personnage (appelé à être l'alter-ego du héros avant même son apparition) venu d'une autre dimension qu'il parvient à donner un peu de sang neuf à un univers qui en a cruellement besoin. Pourtant, au-delà de cette brillante exécution, de dialogues ciselés et d'auto-références parfois situées au niveau du nombril, l'histoire ne décolle pas. Je m'explique : ce premier numéro est typiquement une introduction "à la Geoff Johns" à un nouvel arc. Il y pose ses bases, y réalise un petit numéro de professionnalisme pour gommer les défauts, mais nous prépare surtout inexorablement à une suite que l'on voit venir à des kilomètres.
Certes, l'approche interdimensionnelle des choses peut permettre des variations à l'auteur, mais il semble lui-même s'être pris les pieds dans son idée de départ, à savoir la relation Ulysses-Superman, téléphonée et déjà vue à de trop nombreuses reprises dans la cosmogonie du héros.
Attendu au tournant de son transfert en forme de traitrise pour les Marvel-Zombies, en forme de salvation pour les lecteurs de DC uniquement, John Romita Jr n'offre raison ni aux premiers, ni aux seconds. Capable du meilleur (des panels détaillés, expressifs et un sens inné du découpage et de la progression séquentielle) comme du pire (des décors inexistants, des horreurs anatomiques et un soupçon de flemme), le fils du légendaire Romita Sr signe un premier numéro correct, meilleur que ses dernières années, mais à des années-lumière de ses plus belles.
On notera que le design d'Ulysses semble tout droit sorti des réinterprétations Kirbyennes de l'artiste, un symbole au regard du transfert dont nous sommes témoins aujourd'hui. À noter le travail de Klaus Janson sur les scènes "civiles" du numéro, détaillées et précises.
Superman #32 est à l'image de ses deux auteurs : attendu et efficace, mais en quête d'originalité. L'écriture de Geoff Johns ne laissant pas énormément de place à des remous colossaux pour la suite, les deux artistes devront se retrousser les manches pour nous offrir mieux qu'un simple arc correct sur le plus grand héros DC, qui commence à trouver le temps long à force de voir les grands noms défiler à sa tête. On notera quand même l'exécution très sérieuse des deux auteurs, qui offrent un numéro solide à défaut d'être inoubliable.