A défaut de m'être acheté un costume, j'ai profité de la
célébration de Halloween pour justifier l'achat à première vue
inconsidéré de Ghosts #1, la dernière anthologie en date publiée
par Vertigo. Pourquoi inconsidéré ? Parce que la dernière fois que
j'ai eu le malheur d'investir 8$ dans une anthologie de Vertigo je
m'en suis sévèrement mordu les doigts. Le titre savamment intitulé Mystery in Space regroupait à la grand surprise du lecteur des
histoires autour de l'espace. A l'époque, deux m'avaient marqué, quatre
m'avaient laissé indifférent et les deux restantes avaient achevé de me
faire regretter mon achat. Alors, pour quelle raison retenter le coup six mois plus tard ? Pour la liste de noms associée au projet. Geoff
Johns, Jeff Lemire, John McCrea, Amy Reeder, Phil Jimenez, Paul Pope, David Lapham... et surtout Joe Kubert.
Pas annoncé en couverture, perdu au milieu des autres histoires
du recueil, le lecteur non averti tombe sans s'y attendre sur ce qui
est présenté comme le dernier travail inachevé de la légende. Une
introduction de Karen Berger (directrice éditoriale) vient ainsi nous
interrompre dans notre lecture afin de nous aider à bien prendre la
mesure de ce que l'on s'apprête à lire. The Boy and the Old Man
n'aurait peut-être pas retenu mon attention s'il ne s'agissait pas
de l'oeuvre d'un homme sur le point de mourir. Encore sous forme de
crayonnés, pas encore encrée, cette histoire porte le trait
reconnaissable du vieux Kubert. Par chance, l'artiste a eu le temps
de poser des mots sur ses images de manière à ce que le lettrage
puisse être posé sur ce travail qui commençait à peine à prendre
forme. The Boy and the Old Man parle assez étrangement
d'un grand père qui est sur le point de quitter son petit-fils.
Plaisante à lire et belle, elle offre de l'action et des émotions,
mais surtout a une résonance toute particulière au regard des
circonstances dans lesquelles elle est publiée. A lire.
Mais Ghosts ce n'est pas que la dernière contribution de Joe
Kubert à l'industrie des comics. Ghosts est un voyage dirigé par
une équipe de virtuoses qui vous transporte du Texas aux
confins de l'espace en passant par une jungle luxuriante et bien
entendu, un cimetière. L'anthologie s'ouvre sur une histoire
intitulée The night I took the data entry job I was visited by my own ghost (La nuit après que j'ai accepté cet emploi de saisi
de donnée, j'ai reçu la visite de mon propre fantôme).
Totalement loufoque, cette histoire survole le concept de réalités
alternatives, aborde l'importance de croire en ses rêves et les
conséquences des choix, le tout en 8 pages. Une mise en bouche des plus relevées mise
en images par Rufus Dayglo (Tank Girl) qui donne le ton du reste du
titre. Le gros problème vient ainsi du fait que ceux qui s'attendent
à avoir peur l'auront dans l'os. Fun la plupart du temps, malsaines
ou difficiles à cerner par moments, les histoires courtes compilées
ici manquent de faire trembler. Mais un grand nombre d'entre elles
n'en demeurent pas moins de qualité.
Pour n'en citer que quelques unes : A Bowl of Red succède à
l'adieu à Joe Kubert. Histoire totalement délirante et malsaine
tournant autour d'un bol de chili démoniaque (je n'invente rien),
elle est dessinée par John McCrea, actuel dessinateur de Mars
Attacks, qui est manifestement le choix parfait pour ce genre de
contes. Horreur, humour et sensualité. Le
scénariste Neil Kleid achève un sacré tour de force et se hisse à
la hauteur des meilleurs hauteurs adeptes du format court.
Treasure Lost de son côté fait littéralement figure d'OVNI de
ce recueil. Imaginé et dessiné par Paul Pope (Batman année 100)
sur un script rédigé par David Lapham, Treasure Lost nous plonge en
plein conflit spatiale. C'est très beau, bien écrit et parfait dans
le genre épopée galactique. On comprend très vite pourquoi Pope a
gagné son premier Eisner Award dans la catégorie meilleure histoire
courte, mais on peine à saisir la raison d'être de ce morceau de
Space Opéra au milieu de toutes ces histoires de fantômes. Mais si c'est bon,
pourquoi s'en plaindre ?
Ghosts for Hire ferme le volume. Premier essai au format court de Geoff Johns, ces huits pages marquent aussi la première
collaboration du scénariste de Justice League avec Jeff Lemire.
Histoire drôle, pleine de bons sentiments, bien écrite avec un
style graphique qui ravira les plus grands fans de Lemire, Ghosts for
Hire est de ce genre d'histoires courtes qu'on aimerait voir se
transformer en ongoing. Qui sait, peut-être un jour l'emploi du
temps des deux monstres de chez DC leur permettra-t-il une
collaboration sur la durée...
Bride et The Dark Lady m'en ont aussi donné pour m'en argent. Les
deux histoires restantes m'ont par contre laissé perplexe. J'invite
les lecteurs ayant apprécié ces contes à venir éclairer ma
chandelle. Ne connaissant rien des Dead Boy Detectives de Neil
Gaiman, leur réapparition dans ce volume ne m'a pas du tout parlé...
J'ai juste l'impression d'avoir lu la preview d'un titre qui ne
m'intéresse pas et dont les prémisses m'ont échappé... Pour ce
qui est de Wallflower, si le trait d'Amy Reeder m'en a mis plein les
mirettes, je suis totalement passé à côté du sens du scénario de Cecil Castellucci...
Une histoire dispensable et une délicate à saisir pour sept bijoux d'écriture et de dessins. Le ratio est bon. Ajoutez à cela le dernier récit de Joe Kubert, la première collaboration de Johns et Lemire et une fresque galactique par Paul Pope et vous pouvez être certain de ne pas regretter vos 8$.