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The Wanderer's Treasures #35, The Nobody

The Wanderer's Treasures #35, The Nobody

chronique

Holà gringas y gringos ! Jeffzewanderer étant trop occupé à s'enfiler de la sangria sous le soleil barcelonais (j'ai peut-être manqué le second degré dans son message, mais j'ai des doutes...) je récupère sa rubrique le temps d'un jeudi pour vous resservir une dose de travaux méconnus de Jeff Lemire. Après le 5/5 que j'ai donné à Lost Dogs suite à la secousse émotionnelle et cérébrale qu'il m'a infligé et le 4.5/5 accordé à Justice League Dark #9 qui m'aura valu des remerciements du dessinateur de la série dans les commentaires (YES !!!!), pouvoir parler d'un des comics du Canadien sans avoir à lui attribuer de note fait office de soulagement. Je vais pouvoir m'extasier sans trop y perdre de ma crédibilité « journalistique » et éviter de passer pour un « fanboy ». Merci pour le concept génial de ta rubrique Jeff !

The Nobody-Comicsblog.fr
« After he came, everything changed forever »

Trêve de bavardages. The Nobody est la première collaboration de Jeff Lemire avec le label Vertigo et donc DC. Relecture très personnelle du mythe de l'homme invisible, The Nobody repose sur tous les thèmes chers au scénariste de Animal Man dont le travail est emprunt : la vie en communauté rurale, la fragilité du tissu familial, la méfiance face à l'étranger et les ravages de la cupidité. Peut-être moins brut et saisissant que Lost Dogs (ou même que Essex County, dixit Laurent d'Apo (K) Lyps), The Nobody reste une histoire que seul Lemire aurait pu livrer. Douce en apparence, elle vous prend par la main puis la serre très fort pour ne la lâcher qu'au terme d'un récit tout en nuance dont la conclusion vous amènera tout du moins à re-feuilleter un coup le graphic novel à défaut de le relire à la lumière de votre première traversée du village de Large Mouth et de votre tragique rencontre avec quelques uns de ses 754 habitants.

Si The Nobody reprend nommément certains personnages de l'histoire originale de H.G Wells, il les propulse dans un univers aux abords de la société occidentale. Il se déleste de leurs origines pour seulement vous offrir des brides disséminées en filigrane à travers le récit de qui ils étaient avant. Avant de prendre vie sous nos yeux, loin de Large Mouth et de la pression indicible qui pèse sur tout membre d'une communauté à taille réduite. Lemire n'a pas choisi le nom de cette ville à « taille humaine » au hasard. Le scénariste/dessinateur a grandi dans un coin paumé loin des mégapoles qui nourrissent habituellement l'imaginaire des auteurs de comics. Dans ce monde l'anonymat n'a pas sa place, il est inaccessible. Dur pour un homme invisible. Ce même anonymat dont les citadins savent si bien se plaindre mais dont l'absence absolue peut causer des ravages, la narratrice de ce conte moderne en rêve.

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« I'm... I'm Nobody »

A travers les yeux de cette ado de 16 ans Lemire écrit presque de façon autobiographique. La difficulté d'être un père, de protéger son enfant sans l'asphyxier, l'auteur sait en parler. Il maîtrise le thème des deux côtés de la barrière. Il n'est certes pas le seul dans ce cas. Seulement il ne s'en contente pas. Ici c'est toute la communauté qui a son mot à dire sur la vie privée de chaque habitant. L'alcool vient panser la morsure du froid en n'embellit pas le tableau. Jetez une momie ambulante sortie de nul part dans ce spectacle rural et tout s'en va à vau-l'eau. Imaginez : un trou à rat dans lequel il ne se passe jamais rien, dans lequel le sport local consiste à déblatérer les ragots les plus invraisemblables sur son prochain (dans son dos de préférence), voit un homme tout en bandelettes se pointer et s'enfermer dans sa chambre de motel sans presque jamais en sortir. La peur de l'étranger à son paroxysme. La méfiance faite Homme, faite ville (enfin village... enfin bourg... 'fin...).

Outre sa narration et ses dialogues sans failles, The Nobody porte on ne peut mieux la dénomination GRAPHIC Novel sur ses épaules. Comme il aime à le faire sur ses projets les plus personnels Lemire officie aux dessins, et à l'image de Lost Dogs l'artiste joue sur une petite poignée de teintes. Quand le rouge et l'obscurité nourrissaient la violence du récit dans son premier graphic, ici le lecteur se voit éblouit par un bleu ciel et un blanc immaculé qui vient alimenter la froideur du climat et du cœur humain. Lemire sait aussi jouer avec un découpage habile qui renvoie sans arrêt aux regards. Le regard soupçonneux des habitants de Large Mouth sur le danger venu de l'extérieur. Le regard fasciné d'une ado sur l'aventure que représente l'arrivée de cet étranger venu semer la zizanie malgré lui. Le regard impuissant d'un père sur sa fille qui lui échappe. Le regard d'un homme invisible au travers de ces lunettes mythiques sur un monde auquel il n'appartient plus et qu'il serre toujours trop fort de peur de le perdre de vue.

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The Nobody prolonge l'expérience Lemire dans la continuité de Lost Dogs en venant s'intercaler entre Essex County et Sweet Tooth. Si vous aimez un de ces titres ou appréciez son travail actuel sur les New 52, n'hésitez pas un seul instant à dévorer cette fable singulière. Si vous êtes étranger à son œuvre, allez plutôt chercher du côté de Essex ou Lost Dogs pour une entrée en matière. Mais n'oubliez pas de venir payer une visite à l'homme invisible après ça, vous ne le regretterez pas.

Steeve
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