Jeff Lemire
est un des piliers des coins obscures des New 52 de DC. Aux commandes
d'un run prodigieux depuis le premier numéro de Animal Man, son
premier épisode sur Justice League Dark a suffit à faire de cette
série un must-read. Depuis Essex County le Canadien se fait
progressivement un nom dans l'industrie et se bâti une réputation
d'auteur solide et incontournable. Mais contrairement à ce qu'on
pourrait penser, l'aventure de l'auteur n'a pas commencé dans le
conté d'Essex. Non, l'incursion de Lemire dans le monde des comics
s'est faite à travers un petit bijoux pas bien connu du grand public
que Top Shelf a eu la bonne idée de ressortir la semaine dernière : Lost Dogs.
« We're going to be late if we don't hurry »
En 2005
personne ne connaissait Jeff Lemire (enfin j'imagine que sa famille
et ses amis devaient déjà avoir entendu parler du bonhomme), mais
l'artiste avait déjà pris la décision de nous en foutre plein les
mirettes. Restait plus qu'à trouver comment. Après quelques essais
infructueux, il parvint à décrocher une bourse de la Xeric
Foundation (fondée par Peter Laird, le co-créateur des Tortues
Ninja qui ne sera pas à la Comic Con Paris) afin de s'auto-publier.
Le résultat : 700 exemplaires de son Lost Dogs, comic qu'il
boucla en un mois après avoir enfin trouvé sa voie mais qui passa
quelque peu inaperçu à l'époque. Pour la version longue de
l'histoire, se référer à la préface de la réédition que je suis
là pour commenter.
Lost Dogs est donc le premier travail
professionnel de Lemire. A l'époque il cherchait sa voix en tant
qu'artiste et ça se sent. Un coup d'œil aux dessins de ce graphic
novel suffira à rebuter les moins habitués aux publications
indépendantes. C'est brut, parfois grossier, voire informe. Ca sent
l'inachevé. Et pourtant. Il suffit de poser ses yeux sur la première
bulle pour se laisser porter à travers la petite centaine de pages
de ce conte dramatique. Dès le début de l'histoire le lecteur se
retrouve piégé par une histoire aux prémices vieux comme le monde
mais qui se risquent à le trainer dans les recoins les plus obscures
du vice humain. Âmes sensibles s'abstenir.
« Little late for Family stroll »
Avec Lost Dogs on
est face à une histoire de revanche. Seulement cette dernière ne se
trouve pas là où on l'attend. Le récit, pas révolutionnaire pour
un sou, prend aux tripes et a manqué de m'arracher une larme à
plusieurs reprises. L'histoire que Lemire nous conte est peut-être
la plus dure qu'il ait jamais pensé. Ceci étant, elle pose
clairement les bases de son travail à venir. On retrouve ainsi des
thèmes qui résonnent encore aujourd'hui dans les pages de son
Animal Man.
Très vite les dessins qui interpellent avant la
lecture se muent en véritables vecteurs émotionnelles qui servent
l'histoire à merveille. Le style de Lemire s'est depuis affirmé,
mais si la partie graphique de Lost Dogs avait été différente
l'histoire ne marcherait peut-être pas aussi bien. Côté édition,
Top Shelf a pris soin de faire de cette réédition un petit objet
qu'on prend plaisir à tenir en main. Le tout est ouvert par une
préface de Timothy Callahan et Jeff Lemire himself qui nous
apprennent tout ce qu'il y a à savoir sur la genèse du projet et
nous mettent l'eau à la bouche juste ce qu'il faut.
Tout fan de Jeff Lemire se doit de passer par la case Lost Dogs. Il y pose les bases des travaux qui ont fait de lui un auteur incontournable et offre une histoire poignante qui ne cède jamais à la facilité. Les plus sensibles devront peut-être s'abstenir. Les autres n'ont absolument aucune excuse de passer à côté de ces 100 pages qui ne leur coûteront que 10$ et les hanteront longtemps après la lecture.