En début d'année 2025, quand Komics Initiative a ramené au FIBD l'équipe créative de The Good Asian, soit Pornsak Pichetshote (qu'on avait déjà interviewé pour Infidel) et Alexandre Tefenkgi, il était impossible pour nous de ne pas aller discuter ensemble de leur polar on ne peut plus réussi. La série est parue au départ chez Image Comics et avait su nous séduire par sa proposition forte, tant dans son propos que son ambiance, et nous avions donc beaucoup de choses à discuter avec les créateurs de cette bande dessinée.
Nous avons enregistré cette interview dans des conditions particulières, au-dehors des vastes tentes du FIBD et dans les rues d'Angoulême près d'un parc (heureusement que nous avions le beau temps avec nous). L'essentiel est que nous avons pu longuement converser autour de The Good Asian, en allant discuter des origines du projet, de sa conception, du travail d'Alexandre... et qui sait, des envies d'un second volet ? Et si vous n'avez pas peur de l'anglais et que vous préférez la fluidité d'un podcast, alors vous pouvez écouter cette discussion au format podcast via First Print.
AK : C'est un réel plaisir de vous avoir ici, à Angoulême. Félicitations pour votre sélection au Fauve Polar ! Comment vous sentez-vous, Alexandre, Pornsak ?
PP : Je pense qu'on va bien ! Encore en décalage horaire mais ça commence à aller mieux. C'est ma première fois à Angoulême donc j'essaye de m'imprégner de l'ambiance autant que possible. Tout le monde m'avait prévenu : le samedi, c'est la journée la plus chargée, et pour l'heure, je ne suis pas déçu de ce point de vue.
AT : De mon côté, ce n'est pas une première. J'avais découvert le festival pour la toute première fois il y a... dix ans je pense ? Ca doit bien faire dix ans. Et ça a changé un peu, je pense. Les stands, la structure générale est un peu différente. Mais globalement, l'ambiance, les copains, l'atmosphère, les gens, les éditeurs, tout le monde est encore pareil, donc aucune surprise de mon côté.
AK : Tout le monde est juste un peu plus vieux.
AT : Oui. Surtout que dans l'intervalle, j'ai eu un enfant. (rires)
AK : Ca fait partie des changements de la vie ! J'avais déjà rencontré Pornsak au moment de l'interview consacrée au projet Infidel, il avait donc déjà eu l'occasion de se présenter à notre public. Mais de ton côté, Alexandre, on ne s'était pas encore parlé. Est-ce que tu pourrais nous résumer ton parcours ?
AT : Bien sûr. Je m'appelle Alexandre Tefenkgi, J'ai commencé ma carrière sur le marché franco-belge, chez Spirou Magazine notamment. Ensuite j'ai signé un premier contrat chez Bamboo Editions, avec le projet Tranquille Courage. Et je suis resté chez eux pendant environ dix ans. Ensuite, j'ai eu envie de changer... je ne dirais pas que j'avais envie de quelque chose de radicalement différent. En fait, j'avais surtout envie de plus de liberté, de nouvelles aventures dans le monde de la narration. Lorsque j'ai quitté la France, mon dernier titre s'appelait Jean de Florette. C'était une aventure qui m'a imposé beaucoup de contraintes - adaptation d'un roman écrit par quelqu'un de très connu, la pression de cet héritage nécessitait que j'épouse une certaine structure. Or, j'avais envie d'autre chose à cette période de ma vie. Je me suis donc dit : pourquoi ne pas tenter les Etats-Unis ? C'était l'occasion d'expérimenter avec de nouveaux concepts visuels, de nouvelles façons de penser la narration, de repenser mon style graphique.
Je me suis donc rendu aux Etats-Unis, et sur place, j'ai rencontré Cliff Chiang. C'est lui qui m'a ouvert les portes de chez Skybound où j'ai pu réaliser un premier projet en format comics, Outpost Zero, avec Sean McKeever.
AK : Tu dis que tu voulais davantage de liberté. Ça sous-entend donc que le monde du franco-belge est peut-être plus limité sur ce plan ?
AT : Je ne dirais pas ça comme ça. Mettons plutôt qu'ici, on recherche plutôt la sécurité. Aux Etats-Unis, ils assument de prendre plus de risques, et chez Image Comics en particulier - je ne sais pas comment ça se passe chez Marvel ou DC, parce que je ne connais pas vraiment ces deux maisons d'édition. Ma référence, aux Etats-Unis, ça reste Image Comics. Et dans ce genre d'environnement que l'on peut vraiment briller en tant qu'artiste indépendant, je pense.
AK : Une question plus générale que l'on pose souvent aux dessinateurs : quelles sont les influences qui composent ton style graphique ?
AT : Mes influences... Waouh. Elles peuvent aller d'Astérix et Obélix à Jiro Taniguchi, en passant par Chris Bachalo... Beaucoup de choses. J'aurais du mal à limiter ça à une zone géographique ou à un genre particulier, comme le manga, la BD ou les comics. Je lis de tout donc je prends un peu de tout.
AK : Est-ce que c'est difficile pour un artiste français de s'implanter aux Etats-Unis ? Est-ce que les éditeurs locaux ont des stéréotypes sur le sujet ?
AT : Tu connais le monde du franco-belge, donc tu sais que nous n'avons pas du tout la même cadence de travail. Un artiste français, on a tendance à dire qu'il livre 7 à 8 planches par mois. Quand tu débarques aux Etats-Unis, on te demande de livrer 22 planches en six semaines. C'est un vrai grand écart. (rires) Mais pour être honnête, au départ, j'étais terrifié. Est-ce que j'allais être capable de m'adapter à cette productivité ? Est-ce que j'allais pouvoir rendre l'histoire telle que je la voulais sans avoir à compromettre mon dessin ? Et au final, je pense que jusqu'ici, ça va. Je la regarde là (ndlr : Alexandre Tefenkgi feuillette l'édition française de The Good Asian pendant l'interview) et je trouve que ça va !
OC : Autre question évidente : comment ce projet a-t-il pu se monter ? On comprend donc que c'est Cliff Chiang qui vous a permis de vous rencontrer ?
PP : Oui ! Cliff et moi sommes de vieux amis, on s'était rencontrés lorsque j'étais éditeur chez Vertigo. Lorsque j'ai eu l'idée de cet album, je lui en ai parlé, en lui demandant s'il avait quelqu'un en tête pour la dessiner. Quelqu'un qu'il respectait suffisamment pour se charger de ce projet, qu'il aurait fait l'affaire. Et je savais que je voulais travailler avec un artiste asiatique, pour ne pas avoir à expliquer ou à vulgariser les détails culturels nécessaires... et à ce moment là, Cliff m'a dit qu'il n'avait personne en tête, mais qu'il allait jeter un œil sur ce qui se passait en ce moment à la recherche du bon profil. Et justement, Alex venait justement de terminer Outpost Zero. Il a été voir Cliff pour lui demander s'il avait entendu parler d'autres projets qui auraient pu avoir besoin d'un dessinateur sur le moment.
Cliff lui a donc dit : je crois que j'ai quelque chose qui serait parfait pour toi. C'est là qu'il nous a présentés l'un a l'autre. Et tout s'est passé merveilleusement à partir de là !
AK : Alors, quelle était l'idée originale au départ ?
PP : L'idée originale m'est venue après la mort de mon père. C'était quelqu'un qui était obsédé par la culture chinoise, et donc, c'était aussi une façon pour moi de faire mon deuil de m'intéresser aux choses qui l'avaient toujours passionné. Je me suis donc lancé dans des recherches approfondies dans l'histoire de la Chine - mais je reste un auteur des Etats-Unis, ça reste mon principal point de focale. L'élément qui m'a donc le plus le plus intéressé, c'était évidemment cette loi : le Chinese Exclusion Act, une mesure de rétention qui interdisait l'accès du pays aux migrants chinois entre 1882 et 1943. Et j'ai trouvé ça fascinant ! Moi qui suis Asiatique-Américain, je n'étais même pas au courant que ce truc là avait existé.
Et comme mon cerveau va souvent avoir tendance à se reconcentrer sur les motifs de la culture pop', je trouvais tout aussi intéressant le fait que, dans les années trente, existaient des personnages comme Charlie Chan, Mr Moto et Mr Wong Detective, des œuvres de fiction grand public avec des enquêteurs asiatiques... à une période où leur présence était prohibée dans le pays ! C'est à ce moment là que je me suis demandé : et si on pouvait revisiter ces archétypes de personnages en les intégrant à l'histoire réelle des populations asiatiques aux Etats-Unis ? Dans l'idée de développer la question : qu'est-ce qui constitue l'identité américaine en général, mais aussi, voire surtout, à cette période précise de l'histoire du pays.
OC : On se souvient aussi que lorsque le projet avait été annoncé, on parlait de "Muslim Ban" aux Etats-Unis (ndlr : décret présidentiel de 2017 comparable au "Chinese Ban" évoqué dans The Good Asian). Et au passage, du refroidissement des relations entre l'Amérique et la Chine au moment de la première présidence de Donald Trump. Est-ce que ces éléments ont aussi servi de base de travail pour la série ?
PP : Absolument. Je pense que l'une des raisons principales qui m'a amené à travailler sur cet album était effectivement liée au "Muslim Ban". Mon projet précédent, Infidel, était articulé autour d'un protagoniste musulman. Et le fait d'entendre tout ce qui était en train de se passer, tout ce qui a fini par se passer pour ces différentes populations concernées par cette nouvelle interdiction d'entrer sur le territoire, m'a finalement conduit à me demander : d'accord, mais qu'est-ce qui se passe une fois qu'on a condamné l'accès au pays ? Qu'est-ce qui se passe lorsque l'on explique à un groupe de population qu'ils ne sont plus les bienvenus quelque part ? Quel est le résultat de cette équation ? Le fait d'avoir accès à quelque chose de très comparable dans l'histoire récente des Etats-Unis, pour établir un point de comparaison, m'a aussi permis de trouver un point d'entrée vers cet exercice.
Et ce qui s'est passé, c'est que... une fois que le projet a été annoncé, on a aussi assisté en parallèle à une recrudescence de la haine envers les asiatiques aux Etats-Unis, avec des agressions, des attaques, partout dans le pays. En fait, beaucoup de choses de notre période contemporaine ont eu une influence réelle sur la façon dont on s'est emparé des thèmes de cet album.
AK : Au point de voir le script évoluer en cours de route ?
PP : Oui, au final certains éléments ont été accentués. Vous savez, quand le projet a été annoncé, nous pensions faire tenir l'histoire en neuf numéros, plutôt que sur le format classique des maxi-séries de dix numéros. Mais le premier numéro a rencontré un franc succès, ce qui nous a permis d'étendre l'histoire pour un numéro supplémentaire. Et dans les thématiques que je voulais intensifier justement - je crois que ça a dû survenir aux alentours du numéro #7 - en parallèle de cette nouvelle vague d'attaques envers les populations asiatiques-américaines dans le monde réel, on s'était autorisé un moment pour évoquer l'état de Chinatown à la suite de ces crimes racistes. Une grande partie de ces éléments sont arrivés en cours de route, pour reprendre certaines des choses qui se passaient aux Etats-Unis aux environs de l'année 2021.
OC : Alexandre, est-ce que ces thèmes ont trouvé une résonance particulière chez toi ? Ça faisait partie des raisons qui t'ont poussé vers ce projet ?
AT : Oui, parce que... Lorsque je m'étais tourné vers Cliff Chiang, ce n'était pas simplement que je cherchais du boulot. J'avais envie de me rapprocher de mes racines. J'avais appris que j'avais des racines vietnamiennes, et c'est même pour ça que j'étais parti vivre au Vietnam pendant trois ans. Avoir découvert cette part de ma propre identité, l'importance que ça a eu pour moi... Cliff m'a dit tout naturellement : oui, je comprends, je vois exactement la personne que tu as besoin de rencontrer. (rires)
OC : Pornsak, vous parliez aussi du personnage de Charlie Chan. Ce choix vous a donc poussé naturellement à introduire des codes empruntés au film noir... tout en basant l'intrigue dans un environnement politique réel, dans l'histoire vraie des Etats-Unis. Comment avez vous décidé de doser cette rencontre entre une esthétique de fiction codifiée et cette envie de rester proche de la réalité des faits ?
PP : Ce n'était pas facile ! C'est drôle : au final, je pense que l'approche s'est révélée plus intuitive que ce que l'on pourrait croire. Et d'ailleurs, j'ai même du mal à me rappeler quelle partie est arrivée en premier, c'est un peu comme l'œuf ou la poule. Je sais que je voulais d'abord parler du Chinese Ban. Mais c'est une loi qui a été passée en 1882, alors, naturellement, on peut se demander pourquoi l'histoire ne commence pas directement au moment où cet événement a pris place. Mais en 1882, les Etats-Unis étaient encore très sauvages. Et dans ce cas là, le projet aurait fini par ressembler à un western, comme Warrior. Finalement, je trouvais ça plus intéressant de situer tout ça dans les dernières années de cette exclusion, parce que... à cette époque, on "reconnaît" cette version des Etats-Unis que l'on connaît encore aujourd'hui. Oui, les gens s'habillaient différemment, les voitures n'avaient pas la même allure, mais l'imagerie nous est encore familière.
Et c'était ce que je voulais : que l'on fasse l'expérience du Chinese Ban dans une version du pays qui ne nous paraît pas si lointaine, si étrangère. C'est comme ça que le choix de la période a été décidé. Et une fois que vous avez pris cette décision, vous en arrivez à la conclusion naturelle : évidemment que ça doit fonctionner comme un film noir. On aurait pu garder l'aspect détective dans n'importe quelle autre époque, mais de fait, les thèmes de l'immigration s'accordent parfaitement avec les codes du noir. Pour tout vous dire, je suis assez surpris qu'il n'existe pas davantage d'œuvres dans ce genre là. La figure de l'immigrant dans un environnement de film noir me paraît pourtant tellement naturelle ! Lorsque la série est entrée en publication, j'ai eu le sentiment que c'était quelque chose qui commençait doucement à se propager, mais je suis tout de même étonné de ne pas avoir vu davantage de projets comparables sortir depuis.
Aujourd'hui, nous sommes entrés dans une période différente : un détective privé, aujourd'hui, il peut utiliser internet, la technologie, ce genre de trucs. Et quand vous travaillez sur une intrigue de ce registre, c'est à vous de vous imposer ces limites, pour éviter que votre histoire ne se résume à un gars qui prend son téléphone et qui lance une recherche sur le web. Mais lorsque l'on s'attaque au sujet des personnes issues de l'immigration, ce genre de problématiques s'impose naturellement - et vous pourriez même faire la même chose en basant l'histoire dans le présent, un "Immigrant Noir" différent. Finalement, les thèmes sont arrivés assez naturellement, et ça a été quelque chose d'assez fascinant à explorer.
AK : Alex, même question pour la partie artistique ? Comment se sont passées tes recherches, est-ce que tu as privilégié l'étude de vieux films ou bien de références issues du monde réel ? Parce que de la même façon, tu as dû trouver un équilibre entre l'atmosphère du film noir et cette recherche d'une fiction historique.
AT : Oui. Bien sûr, j'en ai profité pour redécouvrir beaucoup de vieux films associés au genre, comme L.A. Confidential. Mais le gros du travail émane tout de même de Pornsak, c'est lui qui s'est occupé de toute la documentation et de la recherche des références avant même qu'il ne m'envoie les premiers éléments de scénario. Je recevais les textes et la documentation en même temps. Donc il m'a suffit de suivre le courant, de mon côté.
OC : Même si ce n'était pas ton premier projet aux Etats-Unis, ça reste une esthétique profondément américaine. On peut penser au travail d'Eduardo Risso notamment. Est-ce que tu es parti à la pêche aux bonnes idées dans le rayon des polars classiques de l'univers comics ?
AT : Je ne voulais pas forcément regarder ce qui se faisait avant, pour éviter de me stresser. Mon idée, c'était surtout de m'approprier le projet, et de faire en sorte que cette esthétique "noire" s'accorde avec mon style. Et avoir quelque chose QUI PARAISSE (ndlr : Alexandre Tefenkgi se remet à parler correctement dans son micro), pardon, qui paraisse - il faut le tenir vraiment près de la bouche ! (rires) - authentique et qui pourrait bien s'accorder au scénario.
PP : Et aussi, pour une bonne partie, j'aurais envie d'ajouter qu'Alex a trouvé une façon de graviter assez naturellement vers cette esthétique. C'était l'une des raisons pour lesquelles j'avais envie de travailler avec lui. Mon éditeur et moi, oui, nous avons bien évidemment été influencés par Eduardo Risso, par Darwyn Cooke... et lorsque l'on s'était mis à discuter du projet, la question était arrivée rapidement : quel dessinateur serait l'équivalent asiatique de Darwyn Cooke ? Quel artiste pourrait canaliser cet esprit ? Et c'est là que nous avons rencontré Alex. Alors, on n'a pas eu besoin de lui demander de dessiner de telle ou telle façon. Alex pouvait se contenter de faire ce qu'il fait de mieux, sans se préoccuper de ces références, parce son style gravite déjà naturellement vers cet environnement artistique.
AK : Vous avez donc étudié d'autres profils avant de vous décider sur lui ?
PP : Oui ! On a même passé un long moment avant de tomber sur la bonne personne. Et au final, tout s'est bien passé, parce qu'Alex était disponible à ce moment là. Mais pendant un long moment, on a considéré d'autres dessinateurs asiatiques - et quelque part, c'est une bonne nouvelle : ils étaient tous occupés avec des projets de long terme ! - mais ça a tout de même été un processus de plusieurs mois. Et finalement, il a fallu attendre que Cliff me montre les dessins d'Alex, je me suis dit : heureusement que personne n'était libre, parce que c'est exactement l'artiste que je recherchais pour cette histoire !
AT : Comme je vous l'ai dit tout à l'heure : tout ce projet s'est joué sur un bon timing.
AK : Et pour la création des personnages et des environnements, est-ce que vous aviez constitué une bible ?
AT : Pas exactement une bible. Nous avions des concepts pour les personnages, on a beaucoup échangé sur cette recherche des environnements et de l'apparence d'Edison Hark.
OC : C'est un très bel album.
AT : Merci.
OC : Mais dans le même temps, on pourrait trouver que l'imagerie vient forcément se greffer aux stéréotypes racistes sur la culture asiatique de cette période (avec l'opium, les triades, etc). Encore une fois, comment avez-vous abordé cette question tous les deux ?
AT : Je crois surtout que c'était bien écrit.
AK : Tu te dissimules derrière Pornsak. (rires)
AT : Non, non.
AK : C'est bien toi qui a dessiné les planches ? (rires)
AT : C'est moi qui les ai dessinées ! Mais à titre personnel, je ne suis pas un grand fan du genre "noir". Ou en tout cas, ce n'est pas le genre vers lequel je me dirige naturellement. J'ai dû apprendre, me construire une image, une interprétation claire. Et ça, ça a été possible parce que le script était bien écrit. Je n'aurais pas été capable de faire apparaître cette imagerie tout seul, le ressenti nécessaire. Comme pour le club, par exemple... Je ne saurais trop comment le dire, mais le scénario m'a permis de m'imaginer très clairement ce à quoi ça devait ressembler.
AK : C'était un script détaillé ?
AT : Détaillé, oui. Et lorsque l'on travaillait sur l'étape du storyboard, là-encore, ça a été un véritable échange. Donc à partir de cette période du processus, tout était déjà bien fixé.
PP : Je dirais également que, à titre personnel, je crois vraiment à cette théorie qui dit que dans le cinéma, le casting représente 80% du processus créatif. Que si on a sous la main un bon casting, on n'a pas forcément besoin de donner des directives, de guider les comédiens, en tant que réalisateur. Et je pense que l'une des raisons pour lesquelles on avait regardé dans la direction des albums de Cooke ou d'Eduardo Risso, c'est justement parce qu'ils représentent cette direction dans laquelle peuvent s'engager les comics du genre "noir". Beaucoup de polars sont souvent très réalistes, ils utilisent des références photographiques, cherchent à reproduire la réalité. De notre côté, on voulait opter pour une approche plus cartoon. Moi, je sortais tout juste de cette collaboration avec Aaron Campbell sur Infidel, qui utilise une méthode plus photoréaliste. Ce n'était pas ce que l'on voulait pour The Good Asian : l'idée n'était pas de pointer du doigt le côté crasseux, le côté violent... le réflexe classique dans ce genre d'histoire.
Pour nous, l'élément le plus important restait surtout la partie humaine du récit. Et c'est là qu'Alex est particulièrement bon, parce que c'est quelque chose qu'il fait sans même s'en rendre compte : il arrive à sublimer l'empathie, la noblesse des personnages, à porter cette romance qui intervient dans l'album malgré l'esprit morbide que véhicule le récit. C'était très important pour ce projet. Et c'est justement l'une des raisons pour lesquelles on avait besoin d'un coup de crayon très affirmé. Alex a un style bien à lui, et l'objectif était de miser sur ce style plutôt que sur l'historique. Le scénario lui-même est déjà truffé d'éléments factuels, de détails sur l'histoire de cette période, et donc, le dessin en lui-même n'avait pas besoin de s'embarrasser de cette consigne du réalisme absolu.
AT : J'aimerais ajouter que, de mon point de vue, le rôle du dessinateur est aussi de compléter le script d'une façon qui ne soit pas trop "visible". Par exemple, si vous lisez un roman, vous ne vous attachez pas forcément aux mots en eux mêmes. Ce qui vous intéresse, c'est d'abord l'histoire qu'on est en train de vous raconter. J'aimerais que mon dessin fonctionne comme ça : qu'il serve pour élever l'histoire plutôt que de s'attacher à ce que l'on remarque précisément ce que je suis en train de faire, si vous voyez ce que je veux dire.
AK : Ton dessin est au service de l'histoire.
AT : Oui. En gros, j'aimerais que mon dessin soit invisible. Dans le bon sens du terme ! Pas dans le sens où tout le monde s'en moque, mais dans dans le sens où vous vous immergez dans ce récit jusqu'à en oublier que vous avez une BD entre les mains. Si je suis capable d'atteindre cet objectif, c'est parfait.
PP : Et toute l'ironie, c'est que de mon côté, je cherche justement à produire des scripts qui laissent davantage de place à Alex pour exprimer son dessin ! Je lui laisse des espaces pour qu'il s'accomplisse, qu'il expérimente des choses. Dès le début de l'album, vous avez cette page par exemple, où le script se résume à un bloc de texte qui indique que ça se passe "le jour suivant". Trois cases, avec des images insérées dans la police d'écriture. Et de mon point de vue, cette petite séquence est très importante en tant que note d'intention. Elle est là pour vous dire : le style prend une part importante dans cet album ! Parce qu'il existe une version de cette histoire où cet élément n'aurait pas été là. Et si vous le retirez, le reste de l'histoire fonctionne encore, vous n'en avez pas forcément besoin pour comprendre ce qui se passe. Mais toute la raison de sa présence, c'est justement de dire : le style du dessinateur fait partie des personnages fondamentaux dans ce récit. Vous êtes dans ce genre de bouquins.
Et c'est la chose la plus intéressante lorsque l'on en discute entre nous. Lui va vous dire "je n'ai pas envie que l'on attire trop l'attention sur moi, c'est l'histoire qui compte avant tout !" et moi je vais vous dire "il fallait que je trouve une façon dans l'écriture du script pour que les gens comprennent à quel point il est talentueux, que je lui laisse la place de s'exprimer". C'est cet échange qui est toujours assez amusant, et dans tous les cas, l'idée est évidemment de servir le résultat final.
OC : C'est drôle de vous entendre dire ça. La recherche de bons profils de dessinateur, ce rapport interactif avec Alex sur le récit, cette façon de penser le script pour le mettre au service du créatif... on a l'impression que vous êtes encore éditeur, finalement.
PP : C'est vrai, hahaha. Je pense que je serai toujours un éditeur au fond de moi, ça prend une part conséquente dans la façon dont je travaille. C'est ça que j'aime. J'aime les comics, j'aime les artistes, j'aime travailler avec eux, j'aime discuter avec eux. L'une des choses qui marche bien dans ma relation avec
Alex, comme pour ma relation avec
Jesse d'ailleurs (ndlr :
Lonergan,
Man's Best avec Pornsak Pichetshote) passe aussi par le fait que l'on se téléphone pratiquement une semaine sur deux pendant tout le processus créatif. Et idéalement, lorsque je suis engagé sur un projet de long terme avec une personne, j'aimerais que ça se passe toujours comme ça. J'ai besoin d'en discuter, juste pour être sûr qu'on soit sur la même longueur d'onde. Et ce n'est même pas seulement une question de travail - quand on se parle, finalement, on va rester une petite heure en ligne pour évoquer le projet du moment, mais au final on en parle cinq minutes avant de migrer vers un autre sujet.
Et au final, je pense que, lorsque l'on s'entend bien, lorsque c'est agréable de travailler ensemble, ça se remarque sur la planche. Pas juste chacun de son côté, mais vraiment ensemble.
AT : J'aimerais aussi ajouter, pour être clair, que ce que je recherche personnellement n'est pas tant de devenir "invisible" que "magnifiquement invisible". (rires) Je suis là pour que sublimer le script, mais je dois aussi m'occuper du dessin, donc c'est un équilibre assez difficile à trouver - il faut briller... mais pas trop. C'est ce que j'ai essayé de faire ici.
OC : Je ne crois pas qu'on ait encore parlé de la mise en couleurs par Lee Loughridge, très expressive elle-aussi. Alexandre, je crois que toi même tu avais une expérience de coloriste auparavant ?
AT : Oui, dans le franco-belge. Pornsak, tu m'avais demandé si je voulais me charger moi même des couleurs non ?
PP : Oui, je crois bien !
AT : Voilà. Et j'avais répondu que ça représenterait probablement trop de travail. C'est là que tu as fait intervenir Lee. Et un autre coloriste de mémoire...
PP : Oui, on avait envisagé trois personnes différentes qui auraient pu fonctionner avec ton style. Et c'est toi qui a fini par choisir Lee si je me souviens bien.
AT : Oui c'est ça : quand j'ai vu la façon dont Lee s'était emparé de mes dessins, j'ai eu un coup de foudre ! (rires) Et là j'ai dit : c'est lui, c'est ce gars, il est trop intelligent, il faut le prendre.
PP : Je pense aussi - et Alex est trop humble pour le dire lui-même - que son dessin est tellement puissant en noir et blanc que ça représente une véritable difficulté de devoir le mettre en couleurs. Parce que tous les éléments sont déjà là. Et c'est un défi pour un coloriste quand les éléments sont déjà là justement. Ils ont souvent tendance à se dire : qu'est-ce que je vais bien pouvoir faire, qu'est-ce que je vais bien pouvoir ajouter ? La raison pour laquelle ça a fonctionné avec Lee repose surtout sur son intelligence, son expérience. Il est tout à fait capable de laisser le dessin respirer tel quel. Et il est particulièrement doué avec les atmosphères ! C'est ce qu'il a décidé de faire en définitive : travailler les atmosphères déjà très élaborées dans les encrages d'Alex pour les amplifier. Certains des choix qu'il propose dans cet album sortent vraiment des sentiers battus, mais sont brillants.
Et encore une fois : lorsque les gens pensent aux œuvres de genre "noir", ils se représentent d'abord quelque chose de sinistre, d'ancré dans le réel, de photoréaliste. Sauf qu'en réalité, si vous regardez les premiers artistes aux origines de ce mouvement, vous réalisez que leur approche était au contraire beaucoup plus expérimentale. Je pense que l'on avait justement envie de retrouver cet esprit, que ce soit dans le découpage, la narration... et Lee a tout de suite bien compris cette idée. Parfois, il approchait certaines planches comme un exercice de "punk rock noir". Et cette créativité s'est vraiment bien retranscrite dans l'album.
AK : Mais cette réponse appelle une autre question : finalement, pourquoi ne pas avoir directement publié la série en noir et blanc ? Pourquoi avoir voulu ajouter de la couleur ?
PP : Je ne sais pas ! C'est une très bonne question. Pour être honnête, je ne sais vraiment pas si l'idée m'était seulement venue à l'esprit... et j'aurais envie de vous dire : peut-être. Je ne peux pas vous l'affirmer, ou prétendre que c'était un questionnement réellement conscient. En fait, je sais surtout que l'une des choses qui nous intéressait, c'était d'utiliser le langage spécifique du format comics pour retranscrire le genre "noir". Par exemple, quand vous regardez le cinéma ou les séries télévisées, ils ont tout un arsenal de petites astuces, de petits langages, pour vous inviter dans cet univers et cet atmosphère de l'enquêteur.
Mais à l'inverse, ce genre de petites techniques sont un peu plus rares dans les comics. Et pourtant, le genre est plutôt bien représenté : pensez à toutes ces histoires de Batman, tous ces comics de polar... mais j'avais le sentiment que peu de BDs se posaient la question de la grammaire du médium, de développer un langage qui nous permettrait de pénétrer dans l'esprit du détective, de visualiser la façon dont il perçoit son environnement. Et dans cet ordre d'idée, la couleur est simplement l'un des nombreux outils à notre disposition. En somme, ça aurait été dommage de se limiter en n'utilisant pas tous les ustensiles disponibles dans notre boîte à outils.
AT : Je réfléchissais en t'écoutant, et je me disais... peut-être qu'on pourrait envisager ça dans le cas d'une suite. C'est vrai : notre façon de travailler n'a fait qu'évoluer depuis le point de départ, donc on pourrait considérer cette idée. Par exemple, avec quelques séquences seulement en noir et blanc...
PP : Ah, oui...
AT : Et seulement quelques tonalités restreintes. Et ensuite l'histoire pourrait revenir vers la couleur.
PP : Oui !
AT : C'est juste une idée qui me vient en tête. Dans tous les cas, ça dépendra du script. Si je l'avais en face des yeux, ce serait plus facile à visualiser.
AK : Vous réalisez que la suite de The Good Asian risque d'être meilleure grâce à cette interview ? (rires)
PP : Oui haha. En gros, ce qu'on vient de dire, c'est que si on vire Lee Loughridge, le bouquin sera meilleur. (rires)
OC : Tout à l'heure, vous parliez tous les deux de l'importance de la représentation des identités en fiction. Or, si on sait qu'aux Etats-Unis, un effort certain a été consacré à la mise en avant de personnages noirs, on sait que les héros et héroïnes asiatiques sont encore assez peu présents chez les super-héros ou au cinéma. Est-ce que vous estimez qu'un projet comme The Good Asian serait susceptible de montrer le bon exemple sur ce front ?
PP : J'aimerais vraiment que ça se produise en tout cas. En ce qui me concerne, j'aurais plutôt tendance à dire qu'il existe déjà beaucoup d'histoires actuellement dans les rayons qui évoquent des thématiques liées à l'identité asiatique. En revanche, il en existe beaucoup moins sur le sujet de l'identité asio-américaine. Dans les comics en particulier. L'une des choses que je voulais absolument réaliser avec The Good Asian, c'était justement de trouver une histoire qui décrit très précisément l'expérience asio-américaine, et de la développer sur un récit complet. Et si ça peut servir d'inspiration pour d'autres créateurs, je trouverais ça merveilleux. Parce que vous savez, il existe tellement de choses qui sont spécifiques aux communautés asiatiques installées aux Etats-Unis et que l'on ne retrouve pas du tout dans des fictions qui se passent en Asie, ou qui racontent l'histoire de migrants qui partent d'Asie vers les Etats-Unis.
Pour The Good Asian, je voulais au contraire raconter ce que signifie le fait d'être un enfant de la deuxième génération une fois que votre famille s'est installée dans ce pays.
AT : Moi je ne suis pas américain, donc... (rires)
OC : Justement, si on pense à votre travail sur l'anthologie The Horizon Experiment, compte tenu de toutes ces attaques du lectorat conservateur dès lors qu'un personnage issu d'une minorité obtient un rôle de fiction généralement attribué à un héros caucasien, comment s'est passé cette expérience ? Et comment pensez-vous que l'on puisse manœuvrer ce sujet sans s'attirer les traditionnels commentaires réactionnaires ?
PP : Je dirais que... Généralement, lorsque les gens réagissent à certaines de ces décisions (qu'ils qualifient de "woke"), c'est souvent parce que les histoires en question ne sont pas faites de la bonne façon. Bien sûr, il existe aussi énormément de gens qui font ça très bien. Mais la plupart du temps, les corporations ont tendance à prendre les choses dans le mauvais sens lorsqu'elles actionnent ce genre de levier, en étant un peu trop cyniques. Si vous me demandez comment est-ce que moi je pourrais m'y prendre, en agissant différemment, j'aurais tendance à vous dire que ça se joue surtout sur la façon dont j'aborde les choses. Pour moi, cette mise en avant n'est pas un acte de charité, ce n'est pas même plus quelque chose que l'on devrait s'obliger à faire pour se donner une bonne image. C'est même tout l'inverse. En ce qui me concerne, j'ai un regard assez égoïste là-dessus.
Et cet égoïsme se traduit comme ça : aux Etats-Unis, il existe des tas de poches d'individus, de groupes de gens, qui ne consomment pas de comics. Qui ne mettent pas d'argent là-dedans. Avant, je travaillais dans un comicshop. Donc je peux vous dire que j'ai parfaitement conscience du nombre de lecteurs asiatiques que vous pouvez croiser dans ce genre d'endroits. Ça m'a toujours semblé aberrant de voir combien de gens issus de la communauté asiatique hantent les librairies, alors qu'il n'existe presque aucun produit susceptible de les pousser à consommer dans le médium. Pensez à tout cet argent que les éditeurs laissent sur la table. Et tout ça est lié à la façon dont certaines personnes envisagent les Etats-Unis. Beaucoup de gens pensent que le pays est composé de 100% de blancs, mais ce n'est pas vrai. Une partie de l'évolution du pays repose sur cette découverte, de réaliser à quel point ça peut être valide ou invalide de penser comme ça.
Tout le projet autour de Horizon Experiment, Infidel ou The Good Asian, de mon point de vue, ne repose pas seulement sur l'envie d'insérer des personnages issus de la diversité, mais plutôt de prendre appui sur le réel. Sans vouloir pointer du doigt qui que ce soit, moi, si je lis un comics où 100% des personnages sont blancs, ça ne me paraît pas très réaliste. Ni très pertinent. Le fait de prendre des personnages plus variés, c'est ma façon à moi de rendre le gens plus réel, plus pertinent, et plus moderne. Spécialement dans le registre de l'horreur. On ne fait pas ça pour "plaire" à ces groupes, mais pour permettre à notre histoire de rester moderne, de faire de l'horreur moderne, du film noir moderne. C'est une recherche de la modernité plus qu'autre chose.
OC : Après la victoire aux Eisner Awards, vous êtes sélectionnés à Angoulême pour cet album. Est-ce que ce succès critique vous étonne ?
AT : Pour moi, oui, c'était une surprise. Surtout du côté du marché français, où l'album a été très bien reçu. Parce que... pendant une assez longue période, j'avais envie que The Good Asian s'importe en France. Mais il a fallu attendre que les bonnes personnes s'en occupent et témoignent de l'intérêt vis-à-vis de notre projet. Ma mère m'avait même demandé plusieurs fois "quand est-ce que je vais pouvoir enfin lire ton album ?". (rires)
AK : C'est vrai que ça a pris un certain temps.
AT : Un peu, oui. Et je lui ai répondais : sois patiente, ça va arriver. Donc, maintenant qu'il est sorti ici, le lectorat a l'air de l'avoir beaucoup aimé. Il y a eu cette sélection pour le Fauve, on a aussi eu beaucoup de retours positifs sur le titre pendant le festival. Je pense que c'est un album qui fonctionne plutôt bien pour ce territoire, il n'existe pas de réelle frontière culturelle pour ce genre du "noir" entre la France et les Etats-Unis. Maintenant que j'ai eu l'occasion d'en parler avec les lecteurs, l'implantation du projet me semble fluide, naturelle.
PP : Personnellement, je suis vraiment impressionné par le travail que Mickaël et Komics Initiative ont réalisé sur cette édition. Depuis les Etats-Unis, on entend souvent parler des versions internationales, et on a tendance à s'imaginer que l'album en question va seulement venir s'intercaler dans un rayonnage anonyme. On n'y pense plus vraiment ensuite. Mais le fait de venir à Angoulême, de rencontrer les fans français, ou même de se déplacer à Paris et de voir comment il a été mis en avant dans les boutiques, la façon dont les gens en ont entendu parler... C'est assez extraordinaire. Je ne sais même pas si je me suis encore bien fait à l'idée. Quelqu'un est venu nous voir tout à l'heure sur le stand, une lectrice qui achetait l'album pour son petit-copain. Elle nous a dit qu'il avait commencé à le feuilleter, que ça l'avait obsédé et qu'il l'avait finalement envoyée pour le lui acheter. J'avais envie de lui demander : qu'est-ce qui a bien pu lui plaire à ce point pour l'obséder en feuilletant seulement quelques pages ?
Ça me paraît tellement surprenant de voir à quel point ce projet a pu voyager aussi loin pour être honnête. C'est quelque chose de fantastique !
AK : Vous nous confirmez donc qu'une suite est en chemin. Qu'est-ce que vous pouvez nous dire sur ce sujet ?
PP : Pas grand chose !
AK : T'as intérêt à te mettre à table. (rires)
PP : Je peux vous dire qu'on travaille dessus... mais pas plus que ça pour le moment !
OC : J'ai une question plus précise : un Eisner Award, une sélection à Angoulême... comment comptez vous faire pour que le suivant fasse encore mieux ? (rires)
PP : Doux Jésus ! Je n'en ai aucune idée ! C'est pour ça que la gestation prend aussi longtemps.
AT : C'est drôle, parce qu'on en parlait hier justement. On s'est demandés... est-ce qu'on n'a pas atteint le plafond de verre ? (rires)
PP : C'est ça ! On a sûrement atteint le sommet, donc maintenant, il faut qu'on prenne notre temps pour le suivant, comme ça les gens auront eu le temps d'oublier le premier. Avec de la chance, on passera entre les mailles du filet.
AK : Mais vous avez tout de même de nouvelles idées pour ce personnage et cette histoire.
PP : Oui, oui, bien sûr. On verra combien de temps les gens auront encore envie de nous suivre, mais je peux vous dire que nous avons bien prévu de poursuivre l'histoire de The Good Asian sur plusieurs volumes. Reste à voir si toutes les idées pourront bien être explorées.
AK : Et l'éléphant dans la pièce évidemment : est-ce qu'une adaptation est prévue ?
PP : Haha. Oui. Le projet a reçu une option, oui. Effectivement.
OC : Dernière question : est-ce que vous aimeriez vous retrouverez pour d'autres collaborations, en dehors de The Good Asian, d'ici les prochaines années ?
AT : Mh. Je pense que si on prenait le temps d'en discuter, pourquoi pas. Mais actuellement, nous sommes tellement pris dans la spirale de The Good Asian, des idées que l'on aimerait développer ensuite, qu'on n'a pas encore forcément pris le temps de parler d'autres projets ensemble.
PP : Oui, nous n'y avons pas forcément réfléchi plus que ça pour le moment. Je pense que je vois quelles autres idées pourraient correspondre à une collaboration avec Alex, mais lorsque ces idées me viennent en tête, je réalise qu'on a déjà trop de travail sur la suite de The Good Asian. Prenons les choses dans l'ordre !
AT : Oui, oui. Pour nous, l'objectif en 2025 ce sera The Good Asian, et un autre projet de roman graphique chez Oni Press. Ce sera déjà bien dans l'immédiat.
AK : Merci Pornsak, merci Alex, c'était un plaisir de vous avoir tous les deux pour cette interview !
PP : Merci ! Plaisir partagé.
AT : Merci oui, c'était un plaisir de vous répondre.