Une petite semaine de pause et nous voilà désormais dans ce chaud mois de juillet, où les éditeurs de comics braveront encore un peu les départs en vacances pour vous proposer, justement, de nombreux comics à emporter avec vous si vous avez la possibilité de vous octroyer un peu de repos. Mais quel que soit la période de l'année, et malgré la crise, il est des choses qui ne changent pas : chaque semaine apporte un lot important de bande dessinées, qu'il s'agisse de VF, de VO, de mainstream, d'indépendant. Et comme à chaque semaine, la Checklist Comics est là pour vous aider à faire un tour d'horizon des titres qui marquent l'actualité.
Bien entendu, comme toujours également, nous n'avons pas prétention à être les plus exhaustifs malgré la vivacité de notre regard sur ce secteur culturel (c'est bien dit, hein). On vous invitera donc comme à chaque fois à venir nous faire part de vos propres lectures et sélections personnelles sur les titres disponibles cette semaine, afin d'en faire profiter le plus grand nombre. Le seul mot d'ordre restera de soutenir vos libraires et d'enrichir votre esprit avec des comics !
Si les lecteurs d'Urban Comics peuvent découvrir à présent le spin-off Unkillables de la première mini-série DCeased, gros carton de l'éditeur à deux lettres par l'an passé, sa suite démarre également en VO. Pour les amateurs de personnages DC zombifiés, et qui ont apprécié le remarquable travail de caractérisation de Tom Taylor, Dead Planet s'annonce comme une jolie petite sucrerie (même si le sucre ça abîme les dents, hein). Quelques années ont passé depuis la conclusion du premier volet, les réfugiés sur Earth 2 ont pu bâtir une nouvelle société, et Taylor redistribue les cartes en mettant en scènes ses personnages préférés dans de nouveaux rôles (avec par exemple une Lois Lane présidente). Malheureusement, l'équation d'Anti-Vie corrompue va encore faire des siennes, alors qu'un signal de détresse est reconnu en provenance de l'ancienne Terre de nos héros. On attend donc toujours ce délicieux mélange horrifique et émotionnel, parce que les écrits de Taylor dépassent le simple cadre du jeu de massacre. Avec Hairsine de retour aux dessins, on se réjouit de retrouver également un dessin plus marqué qu'avec Unkillables, qui décevait de ce point de vue là.
Si vous n'aviez toujours pas lu le récit fondamental God Loves Man Kills et que l'édition VF récente chez Panini Comics ne vous attire pas, peut-être alors voudrez vous tenter l'expérience du single issue-remake (ou pas vraiment), puisque c'est ce que Marvel fait. Il s'agit en fait de proposer la version originale du récit, avec de nouvelles planches de Brent Anderson, toujours écrites par Chris Claremont, qui servent d'addendum à notre époque, contre le récit principal se déroulant il y a quelques années maintenant. Du reste, on ne change pas un classique indétrônable de l'histoire des X-Men, et qui avait figuré parmi les premiers représentants de la ligne Graphic Novel de Marvel par le passé. Des actes racistes contre les mutants menacent cette communauté, et le révérend Stryker, illuminé, mène une lutte frontale sans merci pour réussir à les éliminer et à monter la population contre eux. Un propos racial qui n'a jamais été aussi pertinent qu'aujourd'hui, pour un récit dont on reste, là aussi, curieux de voir la pertinence des ajouts.
Alors que le troisième tome d'Oblivion Song nous est parvenu en début d'année chez Delcourt (on vous fait un retour sur la série bientôt), c'est un nouvel arc et une nouvelle étape en VO pour la série chez Image Comics. Un 25e numéro qui permet d'aborder une direction un poil différente, puisque désormais Nathan Cole n'est plus face à un Oblivion inconnu et indéchiffrable, mais en comprend assez le fonctionnement pour pouvoir désormais l'explorer. Malgré le poids de sa culpabilité et un environnement toujours aussi dangereux, Cole se montre désormais dans une position plus active, et l'on pourra encore et toujours profiter des dessins racés de Lorenzo De Felici, qui ici nous séduisent depuis le premier numéro. Numéro "étape" oblige, la pagination est étendue et profite d'une histoire courte supplémentaire illustrée par Annalisa Leoni, la coloriste de la série - de quoi voir ses prouesses aux crayons.
Passons à présent du côté de Marvel avec le second numéro de Strange Academy. On ne va pas tourner autour du pot, l'influence Harry Potter est largement assumée, pour une transposition du concept avec de jeunes apprentis sorciers issus des différents recoins magiques de Marvel. Le programme scolaire va se faire en compagnie de nombreuses personnalités bien connus des fans de ce genre d'univers, Dr. Strange étant évidemment le recteur de l'Académie. Avec une héroïne principale rapidement attachante, une ambiance légère qui arrive à poser quelques enjeux, des dialogues enjoués qui fusent, et le dessin travaillé de Ramos, dont le style correspond parfaitement à la proposition, Strange Academy pourrait bien être l'un de ces outsiders qui font le succès de Marvel, en dehors de ses grosses têtes d'affiche. Ici, on recommande volontiers.
Les profanes de la bande-dessinée connaissent le nom de Robert Kirkman pour son travail sur Walking Dead, empire télévisuel et immense série de comics indépendants. Mais, pour les amateurs du septième art et les fans de super-héros en particulier, le bonhomme est avant tout l'auteur d'Invincible, géniale saga centrée sur sa vision absolue et totalitaire des surhommes. Invincible commence comme une aventure pour enfants, et termine comme un cycle d'homme mûr, voir assagi. Guerre, conflits, trahisons, depuis la confection de son costume jusqu'à l'apprentissage de son propre rôle de père, la vie de Mark Grayson s'est illustrée dans le paysage des héros en cape comme un des chefs d'oeuvre indiscutable, pour sa capacité à se réinventer, son énorme densité et son emballage artistique global. Une série-monde où la vie d'un justicier est épluchée du début jusqu'à la fin sans concessions au large public, et désormais accessible au format intégrale. Un os à ronger pour les amateurs de zombies qui n'auraient jamais découvert cet autre monument signé Robert Kirkman, ou pour les mondains qui aiment se la ramener dans les soirées habillées, l'occase de lire la BD avant de découvrir la série Amazon pour se la ramener devant Jean-Phi' et Loulou du département marketing. Contrairement aux apparences des premiers chapitres, à ne pas offrir à votre neveu de six ans.
Pendant le premier volume, beaucoup de lecteurs avaient comparé Black Hammer à la série Lost de Damon Lindelof. Pour synthétiser, le volume Age of Doom poursuit l'analogie : les héros, loin de leur "île", vont devoir se retrouver et repartir à leur point d'origine pour éviter que l'Anti-God ne revienne foutre le speul dans la réalité. Enorme tournant (et fin potentielle), ce quatrième volume permet à Jeff Lemire de poursuivre sa métaphore filée sur l'industrie des comics, avec un moment "Animal Man" pour le Colonel Weird et une parabole sur ces histoires de reboot et relaunch qui recommencent et recommencent encore. L'ennui et la morosité de la normalité contre la fiction, le besoin pour une famille de se retrouver dans les moments périlleux, les thèmes ne manquent pas dans ce quatrième tome, qui embarque avec lui l'excellente histoire courte Cthu-Louise avec la géniale Emi Lenox, ainsi qu'un Annual et quelques autres bonus. Belle édition, fantastique série venue taper un grand coup dans la fourmilière du super-héros, Black Hammer marque une pause après ce volume pour se consacrer aux nombreuses, nombreuses dérivations perpétrées par Lemire et ses copains sur le thème des justiciers en cape, la mémoire sélective de l'industrie et la critique de certains poncifs dans les comics américains. Toujours un indispensable, évidemment.
Allons ensuite du côté d'Akileos, qui à côté de ses créations et autres pépites indé' telles que Renato Jones ou Fearless Agents s'adonne aussi aux comics de patrimoine, avec plusieurs volumes tirés des publications du fantastique éditeur EC Comics, phare dans la nuit imposée à l'industrie des comics à l'époque du Comic Code Authority. Si l'on pourra préférer les histoires d'horreur strictes, l'éditeur avait aussi des titres policiers, à base d'enquêtes mystérieuses ou souvent les héros ne sont en rien détectives par vocation. Crimes crapuleux, ambiance sourde, et toujours un très beau travail d'édition pour Akileos, qui joint à ces comics en noir et blanc un cahier des couvertures mises en couleurs. On imagine bien qu'il ne s'agira pas de la lecture prioritaire pour beaucoup de monde, mais on tenait encore une fois à souligner l'importance de ce travail que mène l'éditeur pour apporter ces vestiges de l'Histoire dans nos contrées.
Exercice périlleux que celui de décrire l'intrigue de Shaolin Cowboy, rêverie hallucinée et auto-diagnostiquée comme "absurde et bébête" par son propre scénariste. Contentons nous des dessins : pour la seconde fois, Futuropolis fait honneur au travail du gigantesque Geof Darrow, secret bien gardé des comics américains comme de la BD franco-belge, et titan dont l'exigence du trait n'a d'égal que son amour des chevaux qui parlent et des crustacés vengeurs. Shaolin Cowboy est un curieux hommage croisé au cinéma de John Wayne et à celui des Shaw Brothers, une éternelle scène de combat outrancière dans un désert, où un voyageur solitaire enquille les coups de lattes et les prises du tigre tournoyant contre une armée de punks tatoués, de monstres invraisemblables et de ce malchanceux roi des crabes. Violentes, punk, chacune des planches de Darrow est une explosion de détails, une sorte de ralenti permanent sur l'inventivité des combats chorégraphiés par Jackie Chan dans un film imaginaire écrit par un Frank Miller encore cocaïné (et muet). On remerciera Futuropolis pour leur travail sur ce génie mésestimé, en espérant un jour redécouvrir le facétieux Bourbon Threat, ancêtre du cowboy, dans un volume aussi soigné.
Gros succès l'an passé chez DC Comics et en début d'année chez Urban Comics, DCeased nous revient cet été avec la mini-série en spin-off du volume initial, toujours chapeauté par Tom Taylor. Il s'agit de découvrir les évènements cataclysmiques tels que vécus par d'autres personnages de l'univers DC, et notamment quelques vilains ou anti-héros comme Deathstroke, Solomon Grundy, le Creeper ou Jason Todd, qui essaient de survivre tant bien que mal dans une Gotham City dévastée, dont les habitants sont tous des zombies avides de chair, transformés par l'équation d'Anti-Vie corrompue que Darkseid avait déployé avant d'y succomber. Le cocktail de Tom Taylor continue de prendre bien, malgré l'importance relativement anecdotique du volume. Il s'agit de s'amuser avec quelques vilains et pas forcément les plus connus, de les transformer en héros en temps de crise, et de mettre quelques répliques cinglantes par moments. Le scénariste est toujours habile dans l'exercice, et le lien avec le volume principal devrait être assez consistent pour contenter les fans de la première oeuvre. Reste une partie graphique bien en dessous des performances de Hairsine (qui n'était pas toujours au top), avec de nombreux visages peu reluisants, Cheetah en première. Pas indispensable, mais si DCeased vous a plu, vous devriez y trouver votre compte.
Grand amateur des romans de Richard Stark, Darwyn Cooke s'était engagé dans l'adaptation en comics de Parker avec l'objectif de réaliser un unique roman graphique. En définitive, l'artiste en réalisera quatre, avec l'approbation de l'écrivain original et des éditions IDW Publishing. Cette série représente l'ensemble du style Cooke : son amour des polars, des histoires de truands inspirés par les chefs d'oeuvre du "Hollywood classique", et un trait unique en son genre, arrivé à une excellence et à une précision inégalée jusqu'ici. Voici donc Parker, criminel sans merci, voleur de métier et salaud notoire, impitoyable héros d'une série d'ouvrages dans lesquels il triomphera des trahisons et des retournements de veste de ses infortunés partenaires. Chef d'oeuvre de la bande-dessinée moderne, le travail de Cooke sur Parker lui vaudra pas moins de huit sélections aux Eisner Awards, et parachèvera un parcours impeccable dans les comics de voyous, loin de sa routine sur les super-héros. A lire, avec cette belle intégrale que nous propose Dargaud.