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Devolution #1, la review

Devolution #1, la review

Reviewdynamite
On a aimé• Encore un titre d'une grande richesse pour Remender
• Jubilatoire dans la forme
• Passionnant dans le fond
On a moins aimé• Ce n'est pas Paul Renaud qui dessine (mais Wayshak est très fort)
Notre note

L'année dernière fut plus que faste pour Rick Remender. Son association avec Image Comics a produit des séries qui comptent comme ce que l'on peut retrouver de mieux actuellement sur les étals des comic-shops, de l'unanimement plébiscitée Black Science au bijou de S-F métaphorique qu'est Low en passant par la plus personnelle et toute aussi brillante Deadly Class. Pourtant, le scénariste américain a annoncé qu'il ne s'arrêterait pas là, et sa boulimie de travail va encore accoucher de nouvelles séries cette année, dont cette Devolution qui est publiée cette fois-ci par Dynamite Entertainment.

"To prove there was no God coming to fix this. Only her."

L'histoire de Devolution remonte à quelques années en arrière, en 2012 exactement, quand Remender n'était pas encore l'un des fleurons de l'explosion d'Image. Cette année-là, Dynamite annonce la série en dévoilant les premières pages dessinées par un Paul Renaud visiblement très inspiré. Malheureusement c'est la mort dans l'âme que l'on voit ce projet tomber dans les oubliettes à cause d'un différend avec l'éditeur et Paul Renaud se concentrer sur sa carrière chez Marvel. Pourtant, Rick Remender n'en a pas fini avec cette histoire et fait alors appel à Jonathan Wayshak pour prendre la place du dessinateur.

Autant régler la question tout de suite, oui, on regrette que Paul Renaud n'est pas pu mettre en image cette série, surtout quand on voit les pages qu'il avait déjà rendu. Pour autant, Wayshak montre lui aussi un talent certain. Dans un style très différent, puisque son trait n'est pas sans nous rappeler les envolées punk d'un Simon Bisley. D'ailleurs, son style très "chaos cradingue maîtrisé" colle à merveille à cette histoire post-apocalyptique. Renforcé par une colorisation de Jordan Boyd aux petits oignons, il arrive à donner vie à ce monde avec une grande virtuosité et un amour du détail qui fait toute la différence. Surtout, on sent qu'il prend un malin plaisir à mettre en image les idées farfelues, presque absurdes, qui peuvent passer par la tête de Remender. Un Las Vegas croulant sous la végétation, un ptérodactyle arrachant goulument les yeux d'un supplicié ou des hommes primitifs enragés, voilà un panel de ce que Wayshak a pu dessiner avec jubilation dans ces pages.

"We shit everywhere and on everything."

Justement, comment a-t-il été amené à dessiner tout cela ? Rick Remender nous présente un futur où pour en finir avec les guerres de religion, des scientifiques ont inventé un virus devant faire "dévoluer" la partie du cerveau qui abrite les croyances. Evidemment, les choses ont mal tourné et c'est tout le corps, d'où les hommes préhistoriques, qui s'est mis à régresser, l'agent pathogène allant même à sauter d'espèce en espèce. Le virus se répandant comme tout virus digne de ce nom, ce fut bientôt une Apocalypse qui s'est abattue sur le monde, laissant une poignée d'humains au milieu d'un monde peuplé de créatures invraisemblables. Un Walking Dead où les zombies sont remplacés par des hommes des cavernes, mammouths et plantes du crétacé. Remender a déjà prouvé qu'il était un redoutable créateur d'univers et le prouve encore ici en mettant en place un monde aussi terrible que cohérent.

Et au milieu de tout cela, on retrouve une femme (on a déjà vu avec Low que Remender aime beaucoup mettre en scène des protagonistes féminins), Raja, qui s'est donnée pour but de mettre fin à cette folie, rien que ça. Parcourant cette dystopie, elle a ce dessein chevillé au corps, poussée par l'injonction de son père, qui fait ici office d'appel du héros. Pourtant, là où visiblement le paternel voulait la mettre sur le chemin d'une certaine spiritualité, c'est avec un agnosticisme total que Raja parcourt ce qu'il reste des Etats-Unis. Encore une fois, le scénariste américain associe des concepts majeurs à ses personnages (Low est ainsi une fable sur l'optimisme). Ici, c'est clairement la question de la croyance qu'il pose avec cette héroïne qui s'attache à rejeter formellement toute forme de divin.

Ce qui est remarquable dans cette série, et qui est sans doute dû au fait que Remender l'a écrite il y a plusieurs années, c'est qu'elle plus proche d'un Fear Agent dans l'esprit. On ressent ainsi dans ces pages une colère immense, notamment quand il analyse les raisons qui ont poussé le monde à régresser. Car la société malade, dysfonctionnelle et absurde qu'il décrit est évidemment la notre, et il le fait avec une rage, un dégoût de tout ce compose notre monde contemporain, qui est antérieur dans l'esprit à là où il en est dans Black Science. Dans cette dernière série, si son constat sur le monde est identique, il entrevoit des formes d'espoir. Il sera donc intéressant de voir comment à partir de ce premier numéro qui a été écrit par son alter ego d'il y a cinq ans, il va développer sa série pour en arriver à celui qu'il est aujourd'hui, avec cette énergie qui l'habite désormais.

Rick Remender appartient clairement à la catégorie des grands scénaristes, de ceux dont les œuvres nous font remettre en perspective notre société et nos individualités. En ce sens, Devolution est passionnante car elle permet de voir l'évolution d'un esprit éveillé, qui a fait un grand chemin intérieur en quelques années. Et puis, avec Remender, on ne s'ennuie jamais. Rien que pour voir Raja défoncer de l'homme des cavernes avec un canon scié, on en redemande.

Alfro
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