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Édito #61 : Lego et les super-héros, une histoire d'amour ?

Édito #61 : Lego et les super-héros, une histoire d'amour ?

Chronique

En 2016, difficile d'imaginer le paysage des toys inspirés des comics sans Lego. La marque danoise, surfant sur la popularité des films hollywoodiens comme celle de super-héros intemporels tels Spider-Man ou Batman, ne cesse d'envahir les rayons des magasins de jouets avec des boîtes toujours plus élaborées ou fouillées, toujours plus chères. Mais ça n'a pas toujours été le cas.

En fan absolu de la marque danoise comme des univers mettant en scène nos héros favoris, j'attendais, il y a quelques années encore, la venue de sets inspirés de comic books. Je ne vous parle d'un temps que même les moins de vingt ans ont pu connaître, 2003, heure à laquelle l'exploitation des super-héros ne s'étendait pas jusqu'aux usines de la marque danoise. Pourtant, timidement, Lego et les comics se draguaient déjà. En 2002, certains s'en souviennent peut-être, on pouvait ainsi retrouver de sets Spider-Man sur les étagères des magasins. Inspirés par les événements du premier Spider-Man de Sam Raimi, ces produits étaient en fait une déclinaison du thème intitulé "Studios", qui entendait faire de vous (ou de vos enfants, selon votre âge) des réalisateurs en herbe.

Très proche de sa communauté, Lego tentait alors de faire du Brickfilm - le fait de réaliser des courts-métrages en stop motion avec des briques Lego - une activité mainstream. Pas facile, à l'heure où internet n'est encore guère porté sur ce genre de joyeuses geekeries, sans même parler de l'aspect technique de la chose - à l'époque, YouTube n'exise même pas. Résultat, les amateurs de Lego retiennent d'avantage l'exploitation de licences comme Spider-Man ou même Jurassic Park que les boîtes accompagnées par des vraies studios en briques ou des caméras. Et le moins qu'on puisse dire, c'est que c'est le début d'une belle relation entre Lego et les licences super-héroïques.

 

L'année suivante, la marque fait en effet disparaître la tutelle de Studios pour laisser les sets Spider-Man vivre par eux-mêmes. Nous sommes en 2003 et les origines et les premières aventures de Spidey se retrouvent adaptées en briques, rapidement suivies, en 2004, par des sets qui rendent hommage aux affrontements emblématiques entre le tisseur et Doc Ock, tels que mis en scène dans le second Spider-Man de Raimi. Un chouette début pour les fans de comics, mais qui sont déjà déçus de cette exploitation, finalement plus orienté cinéma que bande-dessinée. Lego semble en être conscient, et prend en tous cas bien note du potentiel des super-héros.

C'est ainsi qu'en 2006, la marque lance sa gamme Batman, qui est, à proprement parler, la première collection adaptée de comics, même si ses sets piochent déjà chez Tim Burton ou Bruce Timm. Une série de sets que j'avais découvert dans un savant teaser du Lego Magazine, qui accompagnait les catalogues de vente par correspondance avant l'ère internet (2016 sera placé sous le signe de la vieillesse, je crois). C'est donc avec le plus populaire des super-héros que Lego s'engouffre dans la brèche, élargie quelques années plus tard par la soudaine popularité des films adaptés de comics, synergies obligent.

 

Il est intéressant de noter que cette rencontre entre la brique de plastique et les comics va donner plus que de simples collections de sets. Assez ironiquement, la production de Brickfilms explose depuis l'arrivée des super-héros chez Lego, dans un miroir assez étonnant avec leur popularité à Hollywood. Après tout, qui ne voudrait pas admirer un Cap' face à des Nazis Zombies, le tout en Lego ?

Autre parallèle intéressant, on note que les fans de comics ramènent chez Lego une vraie tendance à la spéculation. Si le cours de l'or est aujourd'hui inférieur à celui des boîtes de la marque danoise, c'est en partie à cause ou grâce à la multiplication de sets labellisés super-héros. Comme ils aiment chiner les couvertures les plus rares, les lecteurs de comics collectionnent le minifigs les plus cool ou les moins communes. Résultat, certains Batmen se vendent à 350 dollars sur internet, comme vous l'explique la vidéo ci-dessous :

De même, on constate que comme les séries de comics, les sets Lego sont toujours plus pointus. S'il convient de rappeler que la gamme DC comics s'appuie encore très largement sur Batman, les meilleurs sets Lego Super Heroes de ces derniers mois sont ceux inspirés des comics ou de leurs séries animées, qui mettent en scène des personnages moins connus du grand public. Je pense notamment à deux boîtes récentes, le sous-marin d'Iron Skull, qui familiarisa les propriétaires du set avec ce vilain, tandis que l'Avenjet nous offre Hyperion ou Captain Marvel. A côté des sets très mainstream - généralement ceux inspirés par les films de Marvel Studios ou de Warner Bros, librement adaptés de ce que les studios daignent envoyer à la marque danoise - Lego propose donc quelques produits un poil plus audacieux. Un constat qui reflète, quelque part, l'état de l'industrie des comics en 2015/6.

Cette précision progressive des sets Lego Super Heroes reflète d'ailleurs celle des fans de comics, qui cherchent toujours plus loin, dans des univers toujours plus pointus. A ce titre, il n'est pas étonnant de découvrir une vraie communauté de customizers de minifgs sur internet. Ces dernières années, le retour en force de Lego a conduit la marque à multiplier ses investissements dans de nouveaux moules, qui donnent naissance à des pièces toujours plus précises ou variées. Le paradis, pour les amateurs de minifigures personnalisées, qui aujourd'hui, ont toutes les armes à leur disposition pour donner vie à leurs personnages favoris, le temps que Lego ne leur offre une version officielle. Une sorte de gentil marché noir qui n'a pas été tué par la multiplication des sets Super Heroes, mais qui bien au contraire, témoigne de leur résonance dans le cœurs des fans. Les plus fanatiques trouvent ainsi dans cette personnalisation le moyen de se distinguer des autres collectionneurs.

Vous l'aurez compris, les synergies entre Lego et les univers super-héroïques sont de plus en plus nombreuses. On constate d'ailleurs qu'au contact de l'industrie des comics, sous toutes ses formes, Lego tombe dans des travers bien connus des lecteurs de bande-dessinée américaine, comme l'opposition entre le mainstream et le plus pointu, ou la spéculation, par exemple. Ajoutez à cela quelques sets parfois bien ratés ou trop chiches en contenu, et beaucoup de fans de la marque danoise pointent alors du doigt les super-héros, qui mettent la pagaille dans les plans du fabricant. Pourtant, il doit sans doute une partie de son salut à Spider-Man, Batman et les autres. Un tiraillement permanent entre l'amour du bon produit et la puissance des licences, un paradoxe comme il en existe plein dans la culture comics, et qu'on apercevait déjà en filigrane du Lego Movie de Lord et Miller.

Illustration de l'auteur
Republ33k
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