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Édito #52 : Portland, ville de comics

Édito #52 : Portland, ville de comics

chronique

Quand on pense aux comics, il nous vient forcément en tête New York et ses hauts buildings entre lesquels se balance Spider-Man et qui abrite la plupart des grands éditeurs de comics (du moins, c'était vrai jusqu'à ce que DC Comics décide de déménager à Burbank). Ville historique des comics, elle a vu émerger avant la Seconde Guerre Mondiale tous les éditeurs historiques de BD américaine. L'explication toute simple vient du fait que les principaux journaux nationaux avaient leurs locaux dans la Grosse Pomme qui par une synergie logique attirèrent les éditeurs qui avaient ainsi à disposition les imprimeurs qu'utilisait la presse papier. Si l'on ajoute à cela le réservoir d'artistes que représentaient les millions d'immigrants qui chaque jour arrivaient au pied de la Statue de la Liberté, New York était la ville désignée pour accueillir cet art en plein développement.

Seulement, en presque un siècle, les choses ont bien bougé. Le paysage américain est sans cesse en mouvement et si la Côte Est reste un centre d'activité hors norme, le reste du pays s'est bien développé. Ainsi, si New York est encore et toujours la ville qui accueille en son sein le plus d'éditeurs de comics, une autre bourgade a, au fil du temps, fini par s'attribuer le titre de la ville des comics. Contrairement à ce que l'on pourrait penser, ce ne sont ni Los Angeles, Seattle ou même Chicago, grands centres culturels américains, mais bien Portland qui abrite en son sein le plus d'éditeurs de comics après la ville de Will Eisner.


Comment cette ville de l'Oregon, qui compte près de 600.000 habitants, ce qui en fait une métropole de taille déjà correcte mais bien loin des millions d'âmes que comptent les villes tentaculaires de la Côte Est, a pu développer cette particularité ? Un premier élément d'explication est a trouver du côté de Mike Richardson qui va ouvrir en 1980 un comics-shop intitulé Things From Another World. Très vite, cette boutique va devenir très active et attirer un grand nombre de passionnés. Véritable plaque tournante de la culture comics avant l'ère d'internet, Richardson va devenir le porte-étendard de sa passion. D'autant plus que quelques années plus tard, il va fonder ni plus ni moins que Dark Horse Comics, célèbre éditeur qui va cristalliser une nouvelle scène autour de lui.

Ainsi, quand Mike Mignola quitte Marvel, il débarque logiquement chez l'éditeur au cheval noir. Convaincu par Richardson, qui est devenu un très proche ami, le célèbre créateur de Hellboy va quitter sa Californie natale pour s'installer dans la Ville des Roses. Le charisme des deux hommes, et leur volonté de créer des comics au-delà des standards des deux majors (Dark Horse sera parmi les premiers éditeurs américains à proposer du manga, comme Astro Boy), va drainer toute une nouvelle génération d'artistes de comics. Parmi eux, de grands noms vont émerger. Des gens aux noms aussi connus que Brian Bendis, Matt Fraction, Greg Rucka, Craig Thompson ou encore Gail Simone sont ainsi résidents de la plus grosse ville de l'Oregon.

Au fil du temps, assez rapidement en fait, cette scène va se développer et ce sont plusieurs éditeurs indépendants qui vont émerger dans cette ville hautement culturelle et radicalement opposée au modèle américain. On retrouve ainsi à Portland les locaux d'Oni Press, Top Shelf (célèbre pour avoir édité de nombreuses œuvres d'Alan Moore) et une myriades de petits éditeurs, dont le nombre devient proprement ahurissant si l'on compte les auto-édités. Ces derniers sont d'ailleurs dans la droite lignée de la culture de cette ville qui met un point d'orgue au Do It Yourself et au "consommer différent".

C'est un havre de paix plongé au milieu de grandes forêts et qui a placé le "vivre-ensemble" au-dessus de toutes lois, c'est notamment la ville qui recycle le plus ses déchets au monde, qui développe le marché local avec des centaines de producteurs locaux qui ont pris le dessus sur Walmart et autres Target et dont les rues hument bon le café frais avec ses centaines de coffee shops qui proposent du café artisanal (et bientôt de la verte puisque l'Oregon a décidé de suivre l'Etat de Washington sur la dépénalisation). Un milieu favorable à la création artistique (encouragée par la municipalité) qui explique l'exode de créateurs dans la Ville des Roses.

D'ailleurs, bien consciente de sa particularité culturelle, l'université locale a ouvert un cursus Comics Studies, où l'on étudie l'histoire et la théorie des comics. Des cours qui peuvent être donnés par Michael Avon Oeming avant d'aller assister à une conférence menée par un Bendis ou un Mignola, ou par un Matt Groening s'il faut faire un cours sur l'animation, tranquillement. D'ailleurs, Chuck Palahniuk qui habite lui aussi Portland aurait été convaincu de faire la suite de Fight Club en comics parce qu'il fréquente des énergumènes comme Matt Fraction, lors de diners de scénaristes. Une ville qui cultive donc sa particularité, au point que sa devise non-officielle proclamée par ses habitants hautement libertaires (en témoigne le Scarlet de Bendis et Alex Maleev et le fait que ce soit la seule ville des Etats-Unis qui a le plus grand nombre d'habitants non-affiliés religieusement) est : "Keep Portland Weird" !

Alfro
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