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Édito #51 : Josh Trank et Fantastic Four, la juste mise au point ?

Édito #51 : Josh Trank et Fantastic Four, la juste mise au point ?

chronique
Un box-office catastrophique, un crew qui se déchire de toutes parts, 8% d'avis favorables sur Rotten Tomatoes et une suite tuée dans l'œuf, voici le triste bilan de l'existence de Fantastic Four au cinéma. Relancée dans l'idée de garder les droits de la famille Richards du côté de la Fox, la franchise est aujourd'hui au cœur des débats, cristallisant à merveilles les dérives d'Hollywood et de ses producteurs, en plus d'appuyer comme il faut sur le serpent de mer de la lassitude du grand public pour les Super-Héros. Chronique d'un drame en 5 actes, pour essayer de comprendre ce qui se cache derrière un long-métrage aussi médiocre qui, rappelons-le, dessert en premier lieu ses spectateurs. 
 
 
Avril dernier, la Star Wars Celebration bat son plein. Et alors que des millions de fans communient autour de The Force Awakens, une absence fait parler : celle de Josh Trank, futur réalisateur d'un spin-off Star Wars - celui sur Han Solo récupéré par Phil Lord et Chris Miller ? Nous ne le saurons peut-être jamais. Prétextant une vilaine grippe, celui que l'on considère comme un "nerd surdoué trop solitaire" peine à convaincre, les rumeurs de sa rupture brutale avec Simon Kinberg allant bon train. Et alors que la Fox essaye de camoufler tant bien que mal les conditions de productions chaotiques de Fantastic Four, The Hollywood Reporter choisit la date du 2 mai pour annoncer le départ de Josh Trank de son projet dans une galaxie très lointaine, et le géant de l'entertainment va plus loin dans ses explications. La raison de ce départ brusqué ? La présence à la production de Simon Kinberg (Jumper, X-Men 3...), également producteur de Fantastic Four. En effet, les deux hommes ne s'adresseraient plus la parole depuis que les chiens du réalisateur auraient coûté 100 000$ à la production. Oui, c'est saugrenu, mais dès lors on nous explique que Trank est victime de reshoots auxquels il n'est pas convié, ainsi que de coupures violentes sur son montage, lui qui souhaitait un film de plus de deux heures. 
 
Mis devant le fait accompli, les spectateurs déjà divisés par les choix osés de la production s'en remettent à leur bonne étoile, eux qui espèrent enfin découvrir le film qui rendra honneur à l'un des piliers de l'histoire de Marvel. C'était sûrement trop en demander, puisque Simon Kinberg, mutique jusque-là, prend la parole quelques jours avant la sortie du film afin de déclarer : "ce n'est pas un désastre". Qui prétendait l'inverse ? Les critiques ? Sûrement pas puisque le film était sous embargo jusqu'au jour de sa sortie, une pratique archaïque et suicidaire pour un long-métrage en 2015. Pourquoi donc prendre les devants et caresser les futurs dépositaires du prix d'un ticket dans le bon sens du poil ? Tout simplement parce que le traitement réservé à Josh Trank était une bombe à retardement. Loin de moi l'idée de vouloir prendre la défense d'un réalisateur sûrement loin d'être exempt de tous reproches, toujours est-il que ce dernier porte aujourd'hui ses bijoux de famille et l'affirme haut et fort : il ne travaillera plus pour Hollywood, il ne jouera plus au prête-nom pour des producteurs qui auront la main sur le montage final quoi qu'il arrive. Peut-être Kinberg avait-il raison en criant au loup quelques jours plus tôt, puisque Josh Trank choisit la date de sortie du film pour asséner le tweet ci-dessous, qui aurait coûté jusqu'à 10 millions de dollars d'exploitation au film de la 20th Century Fox. Un film balayé sur son terrain de blockbuster par Mission Impossible, autre sortie majeure de ce mois d'août. 
 
 
Fatigué d'être pris à parti par des fans qui ignorent tout des conditions de production d'un film et qui voient en lui un parfait coupable ("il n'avait qu'à faire les choses lui-même, après tout c'est lui qui réalise et qui gère son montage, non ?" ; "Encore un gros nerd qui se croit tout permis, ça lui apprendra à faire le malin" sont autant de réponses lues sur la toile, c'est dire si la prise de conscience du public en est à ses balbutiements), le réalisateur s'est fendu d'une lettre ouverte où il revient en détails sur les différentes étapes qui ont fait de son film l'horrible désastre aujourd'hui en salles. Traduction :
 

"Salut à tous les fans,

Je suis Josh Trank. Si mon nom ne vous dit rien, j’ai réalisé et co-écrit le film Fantastic Four qui passe en ce moment au cinéma. Comme vous le savez sans-doute déjà, la critique a descendu le film avec 9% sur Rotten Tomatoes.
Mais je voudrais vous donner ma version de l’histoire, et je voudrais aussi que les fans comprennent par quoi les réalisateurs doivent passer pour adapter des comics books au cinéma. C’est une véritable lutte.

J’ai commencé par réaliser un film intitulé Chronicle pour la Fox. Vous en avez peut-être entendu parler. La critique l’a adoré et il a fait un carton au box office. Il a seulement coûté 12 millions de dollars et en a rapporté 130, sans compter les ventes de DVD.
A cette époque la Fox cherchait à relancer la franchise des Fantastic Four. Leurs droits allaient expirer et être rétrocédés à Marvel/Disney (NDLR : comme pour cette version du film et ce qui explique l’absence de caméo de Stan Lee). Ils ont sollicité plusieurs réalisateurs, dont moi. Bien que je sois un jeune réalisateur la Fox voulait me donner la chance de réaliser un film dont la réussite critique et financière était importante pour eux.

J’y ai réfléchi quelques temps et j’en ai discuté avec d’autres réalisateurs. Une semaine plus tard j’ai rencontré plusieurs cadres de la Fox et je leur ai exposé mes idées. Je voulais faire un film différent, plus réaliste, quelque-chose que les fans n’avaient encore jamais vu. Je voulais me différencier des précédentes versions qui étaient très théâtrales.
Je leur ai dit que je prendrais le projet s’ils me laissaient le contrôle créatif et ils ont dit oui. La Fox adorait mes idées.
Mais la Fox a rapidement commencé à interférer avec mon projet. Ceci étant dit, je vais essayer de faire court.

Tout d’abord ils ont dit que je faisais un film trop dramatique et que je devais rajouter des scènes d’action. Je leur ai dit que je prenais le film très au sérieux et qu’ils devaient me faire confiance sur le produit final. Cependant de nombreuses scènes que j’ai tournées n’ont pas été approuvées par la Fox.

Et puis est arrivé le Comic Con 2014. Ni les acteurs ni moi n’y sommes allés, car à ce stade le film était déjà devenu un vrai merdier.

Il y avait plusieurs scènes dans lesquelles la Chose combattait auprès de militaires, mais il y avait des problèmes de budget que la Fox refusait d’allonger. Les effets spéciaux pour la chose n’ont pas pu être terminés à temps et il y a eu des coupes sur le film. Plusieurs scènes n’ont jamais été intégrées dans le produit final :

Johnny avait un passé plus fouillé, y compris concernant son travail sur sa voiture.
Un long passage sur Sue découvrant comment utiliser son pouvoir a été coupé.
La romance entre Reed et Sur a été coupée.
Il y avait un passage assez dur dans lequel on découvrait que Ben était un enfant battu, mais la Fox a considéré que c’était trop sombre pour un film de super-héros et a décidé de le supprimer.
15 minutes de film sur la cavale de Reed ont été coupées. Dans la version finale du film l’équipe trouve Reed immédiatement. Dans ma version on suit le périple de Reed assez longtemps.
De nombreuses scènes avec Doom ont de toute évidence été coupées (NDLR : on confirme c’est visible au visionnage).
Harvey Elder survivait et aurait du devenir par la suite l’Homme Taupe, mais ça aussi ça a été coupé.
Sans mon accord les acteurs ont été rappelés pour refaire certaines scènes du film à la dernière minutes (en Avril, 2 mois avant la sortie du film). C’était une tentative de couper de gros morceaux du film et de faire des raccords. Un problème évident de continuité concerne d’ailleurs les cheveux de Sue dont la longueur et la couleur changent et dans les plans suivants reviennent à leur forme de départ.

Ma version originale du film faisait 140 minutes, et je comptais la réduire à 120 ou 130 minutes. La version que vous pouvez voir en salle dure 98 minutes. Ce que vous voyez est une version saccagée du film.

Je ne travaillerai plus jamais sur un film de super-héros. La Fox m’a promis une liberté créative, mais il n’ont pas tenu parole. A partir de maintenant je ne ferai plus que les films que je souhaite vraiment faire.
Je peux juste espérer maintenant que la Fox rentrera dans ses frais."


Voir aussi : Un B-Roll pour Fantastic Four

 
À qui la faute ? Peu importe finalement, mais ce que ne raconte pas cette lettre, c'est que Simon Kinberg et Emma Watts (un gros bonnet de la FOX) auraient délibérément poussé le jeune réalisateur à craquer sous la pression permanente et les suppressions de moyens, l'amenant à baisser les bras et à les laisser tourner une fin insipide sans le moindre contrôle de sa part. Le meilleur moyen de se débarrasser des râleurs de la toile en leur offrant toujours plus de médiocrité, en plus d'assurer un futur compliqué pour un artiste que l'on aimerait voir se développer sur ses propres productions.

On attend une réponse de Simon Kinberg et Emma Watts, si tant est que ces riches décideurs décident de descendre de leur tour d'ivoire, eux qui semblent trop occupés à compter les quelques billets qu'ils ont quand même pu ramasser. 
Sullivan
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