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Fatale 2, la review

Fatale 2, la review

ReviewDelcourt
On a aimé
• Une atmosphère dense
• Le genre de l'horreur au summum
• Des mystères qui se résolvent... un peu
On a moins aimé
• Sean Phillips parfois un peu juste
• L'absence des bonus originaux
Notre note

Fatale revient en France pour un second volume. Après la découverte de l'originalité de ton du premier, cette série à la lourde tâche d'avoir du répondant au niveau scénaristique pour pouvoir s'inscrire dans la durée. En musique, on parle souvent du "toujours difficile second album", car une fois passé l'attrait de la nouveauté (et de l'inspiration première), il faut pouvoir assurer sur l'écriture et montrer qu'on en a sous la pédale.

"Ils étaient là dans l'ombre, à attendre."


La formule avouée d'Ed Brubaker pour Fatale était d'allier le genre du polar noir avec celui de l'horreur méta-humaine inspirée de H.P. Lovecraft. On a vite été rassuré par le premier point. L'auteur de Criminal maîtrise le genre sur le bout des doigts, ce n'est plus un exercice de style pour lui, mais une grande partie de son ADN. On en doutait assez peu à vrai dire, tant il domine le genre aujourd'hui avec son comparse Greg Rucka. Mais il fallait bien que la seconde partie de son contrat (l'horreur lovecratienne) se manifeste pour qu'il puisse se démarquer du reste de sa production. Une nécessité pour lui, pour ne pas être enfermé dans un genre, ce qu'il l'aurait grandement handicapé après avoir claqué la porte de Marvel. Dans le premier volume, cette horreur se manifestait surtout par une ambiance, un petit quelque chose presque imperceptible qui rendait le tout différent du polar habituel. Un côté malsain, comme une ombre qui parait au coin de l'oeil mais qui a disparu dès que vous tournez la tête, un mystère qui sans cesse se dérobe jusqu'au point de non-retour qu'est la folie. On voit toujours ces personnages qui sombrent peu à peu, presque conscients que quelque chose a une emprise sur eux mais qu'ils ne peuvent sans défaire.

Pourtant, on est à une autre époque, celle du Los Angeles des années 70. Donc forcément une autre atmosphère, mais pas forcément plus agréable. Ici, on découvre cette ville de tous les excès, qui est en pleine descente après le trip du Summer of Love. Partie l'insouciance et l'amour universel. La famille Manson est passée par là, et le rêve a laissé brutalement la place à une réalité faite d'acteurs ratés trop camés pour s'en sortir. Obligés de tomber dans les mains de sectes bien trop heureuses de toute cette déchéance humaine. Mais parmi toutes ces sectes dont le but final n'est autre que de soutirer de l'argent aux stars en manque de sensations fortes (salut Tom !) ou d'organiser des orgies au bénéfice d'un gourou bien malin, Brubaker nous en décrit une qui pourrait ne pas être que du mysticisme de façade et qui pourrait bien être liée à l'héroïne mystérieuse de cette série, Joséphine.


 

"Dans sa vie, le hasard n'existe pas."


C'est d'ailleurs grâce à ça que l'on rentre véritablement dans le projet qu'Ed Brubaker avait depuis le début. Enfin, l'horreur se fait plus réelle, plus tangible. Enfin, on commence à se faire une idée de ce que sont ces forces occultes qui sont à l'oeuvre. Mais ne vous attendez cependant pas à ce qu'un monstre gigantesque sorte des égouts toutes tentacules dehors, car le scénariste américain a bien compris que ce qui effraie, ce n'est pas le monstre en soit, mais son effet pernicieux sur les humains qui ne sont au final que des fourmis minuscules qu'il manipule afin d'assouvir son noir dessein. Et puis franchement, ce qu'Hollywood n'a pas compris, c'est que les Grands Anciens ont des plans sur plusieurs millénaires pour revenir sur notre plan d'existence, alors ils ne vont pas apparaître à chaque fois qu'un héros ouvre un placard ou un cercueil (coucou les films de séries B !). Encore une fois, Brubaker reste sur la retenue en dévoilant le moins possible du plan démoniaque et de leurs agents sur Terre, mais une figure d'ensemble se dégage et rend chaque incursion bien plus effrayante que si cela arrivait toutes les dix pages. Il est d'ailleurs bien aidé par un Sean Phillips qui se délecte à nous laisser des indices de l'horreur sous-jacente qui se déroule, mais sans jamais nous la montrer frontalement. Il se fait un virtuose de dissimuler des détails cruciaux loin de l'action, dans les ombres ou même les flammes, en quelques traits discrets et géniaux. Pourtant, on le sent moins à l'affut que dans le premier volume, certains visages étant tout à fait limites, et quelques erreurs éparses font penser que la pause qu'il a pris ne pouvait être que salutaire.

Mais quid de l'intrigue ? Car rester sur la retenue, ne pas tout dévoiler, c'est bien. Mais réussir à faire en même temps avancer son propos, c'est mieux. Ce serait sous-estimer Ed Brubaker que de croire qu'il ne le sait pas. Ainsi, les mystères entourant Joséphine s'éclaircissent peu à peu (mais d'autres viennent se rajouter), nous permettant progressivement de découvrir le noeud de l'histoire. Tout se fait encore une fois en petites touches, une réplique par ci, un indice visuel par là, rien ne nous est donné gratuitement. On n'a aucun discours de révélation permettant de tout comprendre et faire croire à son public qu'il est intelligent (encore une fois, coucou Hollywood). De plus, l'astuce de situer chaque arc dans une époque différente nous permet d'avoir une grande richesse scénaristique et une intrigue à tiroir. Si l'on rajoute à cela le fil rouge incarné par la quête de Nicolas Lash dans le présent permet de cadrer le récit et lui donner sa cohérence. Il permet aussi à Ed Brubaker de nous offrir un de ses cliffhangers tonitruants, fort en émotion et crucial pour l'histoire. Un must du genre qui nous donne qu'une seule envie, découvrir le volume suivant de cette série qui sort définitivement du rang et propulse son auteur au sommet des scénaristes actuels, si certains avaient encore des doutes.



Si vous ne lisez pas que la conclusion des reviews et des critiques, vous l'aurez donc compris, ce volume est encore plus accompli que son prédécesseur. Il développe l'intrigue tout en finesse sans prendre son lecteur pour un attardé, mais arrive à la fois à ne pas se montrer pédant dans sa réalisation et à nous livrer des moments de véritables épouvantes. Comme dit pour le premier tome sorti par Delcourt, la lecture de Fatale s'apprécie beaucoup plus en relié, surtout quand il est d'une telle qualité. On ne serait regretté que les bonus originaux qui donnaient des informations vraiment passionnantes sur les auteurs américains qui ont défini le genre de l'horreur et du polar.

Illustration de l'auteur
Alfro
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