Après son label All-Star quelques années auparavant, DC Comics lance en 2010 un nouveau label mélangeant les genres : Earth One. Un peu comme All-Star, l'idée est de donner à une équipe créative la liberté de réinventer un personnage DC pour un public plus actuel. On retrouve là-dedans ce qui était également à l'origine de la ligne Ultimate Marvel 10 plus tôt. La particularité du label se trouve principalement sur sa publication : il n'y a pas vraiment de contrainte de temps pour les auteurs, et ceux-ci sortent des tomes de 128 pages, que l'on appellera abusivement Graphic Novel, plutôt que des singles classiques de 22 ou 24 pages. Ainsi chaque fois nous avons une histoire complète.

La ligne Earth One a vu trois tomes sortir en trois ans, dont deux consacrés à l'Homme d'Acier par J. Michael Straczynski et Shane Davis. Alors que le troisième est en préparation par la même équipe, Urban Comics sort un premier DC Deluxe regroupant ces deux premières aventures.
L'histoire du premier volume commence alors que le jeune Clark Kent quitte Smallville pour rejoindre Metropolis. On ne le présente pas puisque tout le monde le connaît déjà, et ses origines seront racontées de manière décousue à travers le premier volume, et on comprend vite pourquoi. Dans cette version, Clark ne rejoint pas la grande ville pour devenir journaliste, mais pour se trouver lui-même. Pas encore un héros, il ne sait pas ce qu'il compte faire de sa vie. Dans cette nouvelle interprétation on abandonne le jeune homme introverti qui se coupait du monde dont il était trop différent pour protéger son secret. Ici Clark Kent est un jeune homme qui réussit tout ce qu'il touche, du sport à la science, et il a bien l'intention de s'essayer à tout pour faire son choix. Là où on pourrait le prendre pour un jeune homme accompli c'est tout l'inverse : tout lui réussit et rien ne lui convient. Tout, ou presque...
En parallèle on le découvre assez nerveux lorsqu'il est agressé, loin du Superman qu'on a pu connaître jusqu'ici (si ce n'est dans le Action Comics des New 52). Il n'est pas encore le héros qu'il est censé devenir et ce volume nous montre comment il se découvre et se dévoile au monde. Comment il y trouve sa place.
Il est difficile d'en dire plus tant l'histoire est courte et pourrait facilement être spoilée. On a l'impression de regarder un film d'origines, et lorsque l'on regarde Man of Steel aujourd'hui on voit que beaucoup a été emprunté à ce Superman Terre-1. La menace introduite dans ce premier tome est puissante, significative pour le monde, mais n'est presque qu'anecdotique tant l'histoire est là pour amener ce jeune Superman à son statut de héros. Straczynski aime avoir la liberté dans ce qu'il fait, et ça se voit ici sur certains points, où il prend son pied tout en restant fidèle à l'esprit du personnage.
De son côté, Shane Davis est incroyable d'efficacité. Son trait est beau et précis, même si on peut trouver qu'il manque du dynamisme qui aurait pu être nécessaire pour atteindre de plus hauts sommets en seconde partie de volume. On retrouve ses inspirations cinématographiques et télévisuelles dans ses décors et ses personnages. Sa Lois Lane est d'ailleurs le sosie de Jennifer Carpenter (Dexter). Et tant qu'on parle d'elle, elle fait partie des quelques personnages secondaires mis en avant dans ce récit, suffisamment pour ne pas se concentrer que sur Clark et introduire plusieurs intrigues pour la suite de l'histoire.
Ce premier volume était une excellente surprise à l'époque, lançant de nombreux espoirs pour la ligne et la suite de l'histoire. Peut-être de trop grands espoirs. 4/5
Le second volume, sorti fin 2012 et que l'on retrouve également ici, mis une belle claque aux fans et à leurs attentes. Pour commencer le vilain principal se trouve être le Parasite. Si ce n'est pas le pire ennemi de Superman, c'est loin d'être glorieux et Straz repousse l'affrontement tant attendu avec Luthor pour son tome 3 à venir. Après un premier volume centré sur Clark et comment il devient Superman, on aurait aimé voir un vrai Superman avec une vraie menace. Ce n'est pas le cas, et le Parasite est un prétexte donné à Clark pour tenter de vivre une vie normal (incluant un point très important dans la vie d'un homme...).
L'affrontement de ce volume s'en ressent fortement, et on retrouve un découpage en deux temps très (trop) classique, assez décevant de la part de l'auteur. Ajoutons à cela une intrigue une nouvelle fois très rapide, et l'on se retrouve avec un volume qui sonne creux. Le plus intéressant reste peut-être alors Lois et son enquête pour tenter de découvrir qui se cache derrière le costume de Superman.
Dommage lorsque l'on voit que les dessins de Shane Davis n'ont pas déclinés, bien au contraire. Plus dynamique que dans le premier, il nous livre de meilleures scènes d'action, mais qui se résument à peu de choses. On ressort de la lecture avec un vrai sentiment d'insatisfaction. 3/5
Superman Terre-1 est une excellente initiative qui pourrait avoir un énorme succès en kiosque à un rythme régulier, mais qui se trouve plombé par le fait que la publication traîne et qu'on en attend donc quelque chose de plus grand. Il en reste un vrai "Superman pour la nouvelle génération" qui a le mérite de moderniser le personnage sans le trahir. Il vaut au moins le coup d'oeil.