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The Wanderer's Treasures #28, Road To Perdition

The Wanderer's Treasures #28, Road To Perdition

ReviewDc Comics
On a aimé- Le pois d'une oeuvre culte
- Un rythme alletant
- Le dessin Richard Piers Rayner
On a moins aimé- Tout sauf mainstream
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Notre note

Bienvenue dans la nouvelle édition de The Wanderer’s Treasures. Au programme cette semaine le comic book movie dont vous ne saviez pas qu’il en était un, Lone Wolf And Cub, John Woo et même Frank Nitti. Tout ça dans Road To Perdition, graphic novel publiée pour la première fois en 1998 chez Paradox Press, écrite par Max Allan Collins (romancier auteur de la série Nathan Heller, d’Il Faut Sauver Le Soldat Ryan, et continuateur du strip Dick Tracy) et illustrée par Richard Piers Rayner (Hellblazer).

Si le titre Road To Perdition vous dit quelque chose, c’est normal. En français ça donne Les Sentiers De La Perdition, et il s’agit bien du film de Sam Mendes sorti en 2002 avec Tom Hanks dans le rôle principal (ainsi que Paul Newman). Car ledit film fut bien tiré d’un comic. Il aurait dû s’agir d’une mini série, finalement devenue une graphic novel, et publiée par une filiale de DC. Et si le film fut salué par la critique, la lecture de l’œuvre originale permet de découvrir qu’il aurait pu être encore meilleur s’il avait été un peu plus fidèle dans la forme.

Road To PerditionL’histoire de Road To Perdition est désormais bien connue. C’est celle de Michael O’Sullivan et de son fils, Michael Jr. Le père est un enforcer, un tueur, pour la famille Looney. Ce gang irlandais opère dans la région des Tri-Cities, dans l’Illinois, durant la prohibition. Racket, prostitution et bootlegging sont leur pain quotidien. Et Michael est leur soldat le plus redoutable et le plus loyal. Leur ange de la mort. Mais l’homme n’est pas un monstre. C’est un père de famille aimant, et un époux dévoué.

Tout va donc pour le mieux dans le pire des mondes, l’Amérique des années 30, jusqu’à ce que Michael Jr se cache dans la voiture de son père lors d’une de ses « missions », voulant savoir en quoi celle-ci consiste. A cette occasion il assiste au meurtre d’une bande rivale des Looney par son père et Connor Looney, fils du big boss John. Et devient un témoin gênant. Tout va basculer quand John Looney décide d’envoyer son enforcer à la mort via un traquenard, tandis que Connor va tuer Michael Jr. Mais l’ange est difficile à tuer, et Connor se trompe de cible, abattant l’autre fils d’O’Sullivan, Peter, et sa femme. Ayant tout perdu, Michael O’Sullivan va partir en quête de vengeance, avec son fils survivant. S’ensuivra un magnifique road movie au cours duquel attaque de banques et fusillades s’enchaîneront, sur la route de la petite ville de Perdition où O’Sullivan veut laisser son fils, en compagnie de son oncle et sa tante.

La première force de Road to Perdition est à n’en pas douter d’être une histoire extrêmement bien écrite. Au-delà de son pitch assez simple elle est très fouillée et comporte de nombreux rebondissements. Michael O’Sullivan sait faire preuve d’intelligence et d’astuce dans sa quête de vengeance, de sorte qu’on ne s’ennuie jamais tout au long du périple du duo père/fils. Les raisons qui justifient les attaques de banque, environ à la moitié du récit, en sont un excellent exemple. Mais il y en a bien d’autres, tels que l’attaque du bateau ou la visite à Chicago. Et la fin, tragique, est magnifiquement amenée. Digne des grandes tragédies grecques.

Road To PerditionMax Allan Collins conduit donc son récit sur un rythme exemplaire, et n’oublie pas non plus de faire la part belle à l’action. Un point que le film avait totalement occulté, le rendant aux yeux de certains (lire « aux miens ») soporifique. Ici on sent bien l’hommage (avoué) que le scénariste a voulu rendre au cinéma de John Woo période Hong Kong, à ses films d’heroic bloodshed tels que The Killer, A Better Tomorrow (Le Syndicat Du Crime) ou Hard Boiled (A Toute Epreuve). Déjà à travers la chorégraphie des fusillades, avec beaucoup de corps à corps, de plongeons dans le décor et du gun fu à deux mains. Mais aussi dans de tous petits détails tels que la manie de Michael d’aller allumer une bougie et se confesser après chaque tuerie. Comment ne pas penser aux origamis réalisés pour ses victimes par le personnage de Tony Leung dans Hard Boiled ?

Enfin le scénariste fait preuve d’une finesse magnifique dans le traitement de ses personnages. Ainsi Michael O’Sullivan déborde de charisme, et réussit à susciter chez le lecteur un réel sentiment d’empathie. Il incarne parfaitement cette dichotomie de l’homme honorable commettant  des actes qui ne le sont pas. Il est un samurai. Fidèle jusqu’à ce que son « maître » le trahisse. Le parallèle avec le cultissime manga Lone Wolf And Cub (l’histoire d’un samurai victime d’un complot, dont la famille est tuée et qui part sur les routes avec son fils pour se venger) est là encore totalement assumé. Et Michael Jr, qui fait office de narrateur est un personnage tout aussi réussi. On ressent parfaitement son innocence, qui s’effrite mais ne disparait jamais, son admiration pour son père, tempérée par la lucidité mais bien réelle. La relation entre le père est le fils, le thème central de l’œuvre, est parfaitement établie et écrite avec une justesse absolue. On sent l’amour inconditionnel entre ces deux êtres, leur complicité. Cette relation on la retrouve aussi entre John et Connor Looney, ce qui donne une profondeur bienvenue aux vilains.

Les personnages secondaires qui traversent le récit sont aussi remarquables. Déjà parce qu’ils sont à l’avenant des héros en termes de qualité d’écriture, réussissant à fasciner sans que soit occultée leur véritable nature de gangster sans scrupule. Mais aussi et surtout parce que bon nombre d’entre eux Road To Perditionont réellement existé. On croise ainsi Al Capone, son bras droit Frank Nitti, et même Elliott Ness. Ces touches de réalisme omniprésentes sont la cerise sur le gâteau, conférant à Road To Perdition une atmosphère inimitable. L’érudition et le travail de recherche de Max Allan Collins forcent le respect. A ce titre l’introduction et le petit paragraphe final sont fascinants à lire, révélant nombre de détails sur la genèse de l’ouvrage (et c’est bien écrit, ce qui ne gâte rien).

Au dessin le très rare (car très lent) Richard Piers Rayner est le complément idéal de Max Allan Collins. L’artiste anglais a mis quatre ans à réaliser cette graphic novel, mais elle le valait bien. Son trait est réaliste, un peu stylisé, évoquant celui d’un autre anglais : Tommy Lee Edwards (1985, Turf). Et surtout c’est extraordinairement détaillé. Les décors notamment sont hyper fouillés et absolument superbes. On reconnaît ainsi parfaitement Chicago et plus particulièrement l’hôtel Lexington qui servait de QG au gang Capone. De même les personnages historiques tels que Capone, Nitti ou Ness sont parfaitement ressemblants. Le tout sur des pages plus petites que le format comics standard, et sans que celles-ci ne soient jamais surchargées. C’est dire tout le talent de l’artiste en termes de story-telling. Il est aussi à l’aise pour représenter les scènes de dialogue, notamment entre le père et le fils O’Sullivan, que les scènes d’action, telles que les fusillades à la John Woo évoquées plus tôt. Et les angles de vue sont toujours choisis avec discernement, donnant une qualité très cinématographique à l’ensemble  malgré l’absence de cases en « cinémascope ».

Road To Perdition est donc un thriller remarquable, à la fois une histoire de gangsters captivante, un road movie touchant, un film d’action endiablé. Max Allan Collins est un auteur remarquable, gérant parfaitement le rythme de son récit, dépeignant parfaitement les relations père-fils, et sachant s’inspirer de faits réels sans qu’ils deviennent un carcan. Et en n’occultant pas l’action, la graphic novel garde tous les éléments qui ont fait le succès du film, avec en sus une réelle valeur ajoutée. Les magnifiques illustrations de Richard Piers Rayner sont la cerise sur le gâteau. Ce petit bijou est disponible en VO dans la collection Vertigo Crime, ainsi que sa « suite » On The Road (qui se passe pendant le récit), et en VF chez Delcourt. Deux romans (Road To Purgatory et Road To Paradise) et un autre graphic novel (Return To Perdition avec Terry Beatty, prévue en VF) continuent la saga. Alors bonne route…

Road To Perdition

Jeffzewanderer
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