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Édito #60 : Batman v Superman, Civil War - de l'intérêt d'un bon trailer

Édito #60 : Batman v Superman, Civil War - de l'intérêt d'un bon trailer

chronique

À une semaine d'intervalle, les deux futurs géants de l'adaptation de comic-books au cinéma se sont livrés une guerre médiatique sans merci. D'un côté, Marvel Studios revient après une année 2015 qui n'a pas satisfait tout ses fans, dans un trailer pour Captain America : Civil War qui renvoie directement à l'un de ses plus vifs succès (critiques) : Winter Soldier. De l'autre, Warner Bros enfile les crampons et a tout à prouver avec un DC Extented Universe naissant, pour le compte duquel Batman v Superman mènera la charge. Les films ne seront pas sur nos écrans avant quatre bons mois, et pourtant, il y a déjà tant à dire sur eux et sur le genre qu'ils représentent dans deux bande-annonces, qui chacune à leur manière, sont assez symptomatiques des reproches qu'on peut adresser auxcomic book movies.

Vous n'êtes pas sans le savoir, la guerre ne se joue pas seulement dans les cahiers critiques et dans les résultats du box-office, mais aussi dans la tête des spectateurs, toujours plus exposés aux messages publicitaires, et toujours plus sollicités dans leur façon de consommer leur passion. Pas étonnant, donc, que les fandoms se déchirent pour savoir qui de Batman v Superman ou Civil War sera le meilleur métrage. Mais pour mieux comprendre cette guerre médiatique, revenons un peu en arrière. Le concept de trailer a plus d'un siècle, puisqu'on estime que le premier d'entre-eux est apparu en 1913. Déjà à l'époque, ils sont un moyen indispensable pour communiquer sur l'arrivée d'un film. Seulement, tout les spectateurs ne prenaient pas le soin de les regarder, puisqu'ils étaient diffusés après le film auquel ils étaient attachés, d'où leur nom de trailer (caravane, remorque, en anglais), et tout le monde n'a pas la patience de rester dans la salle. On déplace alors les trailers avant le film, histoire de maximiser leur impact et d'inciter les spectateurs à revenir la semaine suivante. Vous voyez, cent ans en arrière, on cherchait déjà à appâter le client du cinéma, c'est loin d'être nouveau. 

Ce qui l'est peut-être, c'est que les trailers sont toujours plus normalisés. De la même manière que la publicité - outre certains secteurs et marques bien précis - s'est standardisée, les bandes-annonce, qui ne sont jamais qu'une pub', répondent trop souvent au même schéma. Et en tant que genre dominant à Hollywood, les super-héros ne font qu'exacerber, à mon sens, cet état de fait. Chaque jour, les trailers fantasques des films d'Orson Welles, Hitchcock ou Kubick nous paraissent un peu plus lointains. Et je dois avouer être lassé par un tel constat, considérant qu'un leader se doit de mener par l'exemple. SiStar Wars n'avait pas pointé le bout de son nez avec deux bandes-annonce de très belle facture, la situation de cette année serait plus triste encore, d'ailleurs. Mais retournons à nos super-héros, qui, les deux dernière semaines, n'ont guère fait preuve de subtilité.

Que vous soyez fan de Marvel Studios ou du travail de Warner Bros sur DC (ou des deux, car ça existe) rangez vos fourches ou faites alliance avec votre voisin, parce que tout le monde va en prendre pour son grade. Commençons avec Civil War. Vous n'êtes pas sans savoir que l'écurie de Kevin Feige est en tête de la course depuis quelques années déjà, même si sa position de leader a été fragilisée par Ant-Man et Age of Ultron, qui sont loin d'avoir plu à tout le monde, en fin de compte. A ce titre, la bande-annonce du troisième Captain America avait tout intérêt à placer la barre très haut. Et à vrai dire, c'est ce que j'ai pensé qu'elle ferait, quand après la D23 - où il fut pourtant diffusé - Disney n'avait pas offert le trailer au grand public. La pression montait, et je voyais déjà dans cette retenue une leçon comprise par Marvel Studios, qui entendait changer sa politique en termes de communication - peut-être après le passage de Star Wars, qui sait ? Hélas, il n'en est rien, et sans être honteuse, la bande-annonce de Civil War répond à tous les standards imposés par le genre et la maison-mère, quitte à ce que certains plains aient l'air redoutablement inachevés. Plus surprenant encore, on sent l'hésitation du projet au sein même de ce trailer, qui balance entre l'envie d'un thriller politique plus complexe et le désir d'une bonne grosse baston de super-héros. Et à viser deux cibles, je pense que Civil War - dans ce seul trailer, rappelons-le - finit par manquer les deux. Ce qui est d'autant plus dommage que Marvel Studios ne se montre pas à la hauteur de sa réputation, dans ce cas précis.

Mais peut-être exige-je trop du leader. Quelque part, n'est-ce pas ce qu'on lui demande : de mériter la place qui est sienne ? C'est une autre question, passons à Batman v Superman. Dans son genre, la bande-annonce est elle aussi tiraillée entre deux influences. Un gros côté "extrait" pour toute sa première partie, puis un enchaînement de révélations sur la seconde. Comme si, au sein du trailer lui-même, l'idée était d'être d'abord sur la retenue pour laisser les choses mieux exploser ensuite. Or à mon sens, c'est la pire chose à faire pour un suiveur/concurrent comme le DCEU, qui semble, ici, vouloir montrer à tout prix qu'il en a sous le capot façon : "hé Marvel ! Tu n'as pas le monopole de l'humour. Nous aussi on a des blagues, des moneyshots et plein de héros" - autrement dit, Warner a, pour le coup - car certain trailers de la maison sont géniaux - oublié l'adage "less is more" de nos amis anglo-saxons et sacrifie des rebondissements dans une simple guerre d'égo.

Pire, même si cela était prévisible, le trailer désamorce le titre du film et son concept (qui à lui seul donne déjà de belles pistes pour la promotion) : Batman vs Superman, d'aucun disent pour mieux rassurer le grand public. Je dirais justement que c'était cette impossibilité sémantique ("ils sont pas copains d'habitude ?" comme dirait mon pater familias) qui piquait sa curiosité et lui donnait envie d'en savoir plus. De la même manière, le trailer semble vouloir s'affranchir d'emblée de certaines questions, comme l'échelle de puissance séparant Superman de Batman ("stay down, if I wanted it, you'll be dead already") ou encore l'idée d'un univers partagé (avec l'apparition du Joker dans la réplique "a bad history with freaks dressed like clowns"). Je comprends le besoin pour Warner de tout justifier étant donné sa place de second dans le game, mais force est de constater que je trouvais le studio plus pertinent quand il assumait sa grandiloquence et ses propres problèmes dans une seconde bande-annonce très efficace.

Mais des deux cotés, quelque part, on aperçoit dans ces trailers un genre qui se cherche encore. Comme lors de l'échange entre Tony Stark et Steve Rogers : "He's my friend - So was I" qui fonctionne certes dans le trailer mais n'est pas tellement conforme à ce qu'on a pu voir par le passé dans le MCU, où les deux lurons n'ont jamais été de vrais amis, à mon sens. Ce genre de phrases qui, comme celle sur le Joker, traînent ça et là et prouvent bien que malgré son succès, la serialization du genre atteint déjà ses limites. Et il n'a pas fallu deux minutes aux fans pour le remarquer, ce qui témoigne d'un certain manque de finalisation chez les deux studios, qui sont pourtant capable de bien mieux. Du côté de chez Warner Bros, je pense notamment au premier trailer de Mad Max : Fury Road, qui a complètement retourné la situation pour le film de George Miller, passant d'énième retour d'une franchise vieille de trente ans à un chef d'œuvre en devenir (et avéré, depuis) qui vibrait dans le cœur de tous les parents ayant grandi avec Mel Gibson et de leurs enfants pressés de découvrir Tom Hardy dans le rôle. Plus proche de nous encore, je pense à l'extrait diffusé en amont du trailer de Batman v Superman. En utilisant ce qui est sans doute une séquence de rêve, il nous en disait beaucoup sur le film et titillait notre curiosité. Pour le grand public, c'était même l'occasion d'envisager, le temps d'une petite scène, que Batman et Superman puissent être des adversaires. C'est diablement plus intelligent que ce qu'on peut retrouver dans la bande-annonce diffusée jeudi, qui propose quelques moments de bravoure certes, mais qui est terriblement premier degré. 

Assez ironiquement, ces deux bande-annonces ont fini par mettre Warner Bros et Marvel Studios sous la même bannière, dans ma tête : celle d'un genre ô combien passionnant mais qui a bien du mal à gagner en maturité malgré le nombre de films déjà proposés par Hollywood à l'heure où j'écris ces lignes. Et puisque je ne veux détester aucun des deux films - le saviez-vous, en qualité d'anti-DC officiel de la rédaction, j'attends pourtant énormément Batman v Superman ! - je me permets au moins de critiquer leurs bandes-annonce, histoire de ne pas laisser la flemme (et la flamme) des studios gagner sur tous les terrains. En espérant que les trailers des futures adaptations de comics soient un compromis plus équilibré ou en tous cas plus intéressant entre curiosité, révélations et bonbons visuels.

Republ33k
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