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Édito #26 : L'event estival a-t-il encore raison d'être ?

Édito #26 : L'event estival a-t-il encore raison d'être ?

chronique

La réflexion qui suit est basée sur la lecture d'Original Sin #8 il y a deux semaines. Une lecture décevante, qui fait porter un regard tout autre sur des mots publiés ici même il y a à peine quelques mois, et qui met en lumière les dérives d'une industrie réglée comme du papier à musique. Souvenez-vous au printemps, Forever Evil se finissait et l'une des critiques que l'on avait à faire, au-delà du retard et donc du temps de publication, était que l'event prenait trop son temps avant de s'accélérer sur la fin. Une critique bien ironique au vu de l'event Marvel de cette année.

Car si Forever Evil prenait son temps, c'était pour faire perdurer une situation, et surtout pour mieux nous surprendre sur la fin, soit tout l'inverse d'Original Sin. Celui-ci nous présente une situation existant depuis longtemps (même si cachée au reste de l'univers Marvel), pour nous montrer pourquoi et comment elle va changer. Passée une (ou deux) surprise(s) au début de la mini-série, tout coule naturellement pour nous montrer comment on arrive à la suite, et pour mettre en valeur des personnages qui ont un intérêt cinématographique pour Marvel Studios. Huit numéros, un numéro zéro, une quantité de tie-ins, un annual... tout ça sans révolutionner quoi que ce soit. D'autant que le jeu est gâché par la loi des sollicitations, et que l'on savait depuis bien longtemps que Thor perdrait son marteau, et que la nouvelle série de SPOILER viendrait montrer la relève de SPOILER (oui, il y a peut-être encore des lecteurs qui peuvent être surpris, ne leur gâchons rien).

Ce constat fait se poser une question quant à la nécessité des events. Développés avec ce qu'on appelle l'Âge Moderne des comics, ceux-ci ont toujours été destinés à réunir les héros d'une maison d'édition (voire de plusieurs) et à booster les ventes sur son passage. Mais dans un univers désormais complètement partagé (on vous rappelle qu'une série Spider-Man & The X-Men arrive bientôt), le prétexte original s'est perdu pour laisser place à une logique souvent mercantile et événementielle, et à l'argent (les numéros zéro à 5$), le tout en annonçant que forcément "tout va changer !".

Dès le début des events en 1984, DC Comics a toujours mis plus de pertinence dans ses events que Marvel. Là où Les Guerres Secrètes étaient un prétexte à un combat géant de héros et de vilains de la Maison des Idées, la Distinguée Concurrence nous proposait Crisis on Infinite Earths, une série raisonnant dans toute l'histoire de l'éditeur, multipliant les univers et les versions des personnages pour unifier le tout. Ce crossover reste aujourd'hui l'un des plus célèbres, et a eu des impacts jusque dans les années 2000 avec Infinite Crisis et l'apparition d'un nouveau multivers (et par là, il raisonne encore aujourd'hui). Idem avec Flashpoint qui a amené à un reboot quasi-complet de la continuité.

Mais avec les années 2000, Marvel avait ramené de l'espoir dans le coeur des fans, en proposant coup sur coup House of M et Civil War. Le premier réduisait presque la race mutante à néant, et le second opposait les héros Marvel entre eux. On se souvient tous de ces événements et des faits marquants qui les jalonnent : Wolverine retrouve sa mémoire, Pietro se révèle être un traitre, la race mutante est au bord de l'extinction. Puis Spider-Man dévoile son identité, un clone de Thor tue Goliath, Captain America meurt...

Mais depuis quelques années, l'event devient une obligation estivale, y compris chez DC Comics qui s'en sert pour donner la ligne directrice de son univers. Les événements s'enchainent comme autant de gimmicks (puisque c'est ce qu'ils sont) là pour surproduire et survendre, et qui se souvient clairement de ce qu'il se passe dans World War Hulk, Siege, Secret Invasion, Fear Itself, Age of Ultron... ? Des noms qui raisonnent comme des ongles sur un tableau noir aux oreilles de certains fans. Des noms associés à une idée, et à un changement de statu quo, sans pour autant qu'on aie envie de réfléchir à ce qui se cache derrière, et qui s'avèrent souvent un peu vide vers le début, le milieu, et juste avant la fin.

Nous vivons une période charnière dans le monde des comic-books. Le succès des films et séries tirés de ces univers place sous les projecteurs cette boîte de Petri qui vivait tranquillement dans son coin, et pousse les éditeurs à toujours attirer de nouveaux lecteurs. Et ça signifie jouer sur leur image, donner toujours de nouveaux points de départ, éternellement recommencer sans surtout ne jamais trop changer.

La pratique nous donnera forcément tort, les contre-exemples de changements réels (au moins temporaire) étant légion, mais il n'en demeure pas moins que là où un event se plaçait entre deux arcs d'une série, on se retrouve avec des séries vivant des events. Qui se souvient d'Avengers A.I. l'an dernier ? Combien de crossovers a subi Wolverine & The X-Men, première du nom ? Les séries Green Lantern ne vivraient-elles pas mieux sans un event tous les 6 mois ?

De fait, on se trouve devant un phénomène temporaire, qui se décantera avec le temps quand les éditeurs comprendront qu'il faut parfois laisser le temps aux histoires de créer leur propre succès, et qu'il n'est pas nécessaire de tout changer artificiellement chaque année pour promouvoir la sortie d'un film ou forcer tout un concept sur un univers. Peut-être alors pourra-t-on voir ce genre d'events redevenir une exception, tous les deux ou trois ans. Peut-être laissera-t-on Spider-Man gérer ses multiples problèmes plutôt que se mêler brièvement de ceux des autres. Peut-être ne sera-t-on pas obligés de lire tout un mois consacré à un futur potentiel, dans lequel 10% des titres tireront leur épingle d'un jeu qui tire son principe des couvertures 3D. La question reste de savoir si les anciens lecteurs ne se seront pas lassés de ces retournements permanents. Parce que c'est bien connu, c'était mieux avant, non ?

Manu
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