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The Wanderer's Treasures #3, Back To Brooklyn

The Wanderer's Treasures #3, Back To Brooklyn

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Notre note

            Bienvenue dans la nouvelle édition de The Wanderer’s Treasures. Après deux premiers numéros consacrés à des séries fantastiques, préparez vous à un changement radical d’ambiance avec le titre présenté cette semaine : Back To Brooklyn (Image, 2008) par Garth Ennis (Preacher, Punisher, The Boys), Jimmy Palmiotti(The Pro, Power Girl) et le nouveau venu Mihailo Vukelic.

            Avant de commencer, un petit avertissement : cette mini série est à déconseiller aux âmes sensibles. N’y voyez pas là une accroche racoleuse mais une véritable mise en garde. Même si vous êtes habitué au style violent et parfois « trash Â» des histoires de Garth Ennis, vous risquez d’être surpris par cette histoire très sombre. Ceci dit, ne perdons pas plus de temps et aventurons nous dans les rues sordides de Brooklyn.

            L’intrigue de cette mini est l’œuvre à la fois du « brooklynien Â» Jimmy Palmiotti, encreur reconverti en scénariste (il a officié notamment sur Jonah Hex), et de l’irlandais Garth Ennis. Cependant c’est ce dernier seul qui s’est occupé des scripts. Le point de départ est fort simple : Bob Saetta, frère du parrain mafieux Paul « the wall Â» (et mafieux lui-même), est sur le point de dénoncer les agissements criminels de toute l’organisation à laquelle il appartient. On découvrira au cours du récit ce qui l’a poussé à agir ainsi. Mais hélas, il apprend que Paul retient en otage Michael et Penny, son fils et sa femme. Alors il passe un nouvel accord avec les autorités : qu’on lui laisse deux jours pour sauver sa famille, et il dira tout. Ses interlocuteurs, un policier et un agent du FBI ambitieux et à la moralité qu’il serait généreux de qualifier de douteuse, finissent par accepter. Ce qui suit sera une véritable descente aux enfers ultra violente pour Bob qui le verra s’opposer à sa famille, retrouver et perdre d’anciens amis, et surtout qui le confrontera au monstre qui sommeille en lui.

Back to Brooklyn est incontestablement un polar noir. Très noir même. Il n’y a pas de héros, loin de là. Seule Maggie Mahoney, l’amie d’enfance de Bob impliquée bien malgré elle dans cette sinistre histoire, fait figure d’innocente. Elle sera d’ailleurs tout au long du récit l’ Â« ancre émotionnelle Â» du lecteur, le seul personnage pour lequel il ressentira une véritable empathie. Mais ne l’imaginez pas en simple demoiselle en détresse, elle est au contraire un personnage très fort. Une belle réussite en termes d’écriture pour le duo Ennis-Palmiotti, surtout qu’ils font ressentir cette force sans utiliser l’artifice facile de faire commettre un acte violent à Maggie (elle ne tue personne, et n’a même jamais une arme à la main). L’autre personnage très réussi est Vincent « Vinnie T Â» Gogliormo. Ami d’enfance de Paul et Maggie, il apporte une (petite) touche d’humour et d’humanité supplémentaire au récit. Et on retrouve dans l’origine de son surnom une trace du côté « humour trash Â» d’Ennis. Mais à part pour ces deux là (ainsi que le vieux monsieur Caproni, mais qui ne fait que passer), on n’est entouré que de monstres. Ce sentiment est d’ailleurs confirmé par le rebondissement final, totalement inattendu et amené de main de maître. Les méchants (Paul et le tueur à gage Churchill) sont parfaitement irrécupérables, de même que le policier et l’agent fédéral du début de l’histoire. Bob a certes une motivation plutôt pure (protéger sa famille) et n’est pas dépourvu d’un certain sens moral (c’est ce qui le pousse à trahir Paul), ce qui permet d’en faire un protagoniste principal intéressant. Mais ses actes font qu’on ne peut en aucun cas le considérer comme un homme bon. La dernière phrase de l’histoire résume parfaitement le personnage. Il y a pire que lui, c’est tout.

Il ressort de tout cela un côté sordide et désespéré du récit du plus bel effet. Impression renforcée par l’univers dépeint par les auteurs. Bien que Back To Brooklyn se passe dans le monde de la mafia, on est aux antipodes des codes habituellement véhiculés par les films et la littérature pour ce genre. Ici point de Marlon Brando ou de Ray Liotta en costume trois pièces impeccable. Pas de gangster charismatique et suave qui vous fait une offre que vous ne pourrez pas refuser. Les criminels sont vulgaires, sales et laids. Ils jurent comme des charretiers (les dialogues sont d’ailleurs excellents, jamais gratuitement grossiers mais parfaitement dans le ton), sont mal habillés et ont des mines patibulaires. Même Churchill, qui se pique d’élégance, n’a rien d’une icône de la mode. Et les « gentils Â» ne valent pas mieux. Bob est l’antithèse du beau héros à la mâchoire carrée, et que dire de Vinny T, le parfait guido (on parlerait de « playboy napolitain Â» en français). Maggie aussi échappe au diktat de la beauté pour les personnages féminins. Elle n’est pas laide, loin s’en faut (elle n’est pas conçue comme volontairement à l’opposé des canons de beauté), mais elle n’a que peu de choses en commun avec les amazones sculpturales qui peuplent habituellement les comics. Elle fait « vraie Â». L’artiste, Mihailo Vukelic, a donc réussi un remarquable travail de design. Son trait n’est pas s’en rappeler celui d’Adi Granov (Iron Man). Les personnages sont parfois un peu rigides et les arrières plans dépouillés, il faut le reconnaître, mais le tout reste très soigné et agréable. Les visages sont expressifs, de manière plutôt subtile. Les mises en pages sont très classiques en termes de découpage (pas de cases aux formes baroques…) et les cadrages très cinématographiques. Les splash pages sont rares mais toujours à propos. Cependant, ce qui restera comme la grande trouvaille de l’artiste, c’est la palette de couleurs employées. Tout est vu comme à travers un filtre gris. Ceci, combiné au grain particulier de l’image, crée une ambiance à la fois sinistre et oppressante qui sert parfaitement le récit.

Un autre aspect marquant de Back To Brooklyn, qui participe à la création d’une atmosphère, est la violence. Que ce soit dans Preacher, Punisher ou encore The Boys pour ne citer que ces titres, Garth Ennis nous a habitué à des orgies en ce domaine. Cependant il y a toujours du « second degré Â», justement dû au côté exagéré des scènes. On va souvent même jusqu’à l’humour noir (qui a oublié le gangster décapité par un ours polaire ou le sort de Ma Gnucci dans la mini Punisher ?). Pas ici. Paradoxalement, la violence est moins exagérée (le fusil à pompes a certes toujours une puissance de bazooka et les chiens des mâchoires de crocodiles, mais on est dans la norme du cinéma d’action) mais de ce fait d’autant plus choquante. Ceci car elle est plus viscérale, plus brute. Chaque fusillade, chaque passage à tabac, vous prend à la gorge. Et que dire de la scène finale… (comme d’habitude je n’en dis pas plus pour éviter les spoilers). Ce sentiment est encore accentué par le fait que les scènes d’action sont très peu chorégraphiées. On n’est pas du tout face à du John Woo ou du Matrix. Là encore il convient de saluer les choix artistiques de Mihailo Vukelic.

Enfin il convient de souligner l’excellent travail des scénaristes en matière de gestion du rythme du récit (une habitude chez Ennis). Les rebondissements, s’ils ne sont pas tous renversants, arrivent toujours à point nommé. La gestion du temps est parfaite et la conclusion arrive naturellement à l’issue du délai de deux jours accordé à Bob Saetta. Le découpage de l’histoire en cinq chapitres (pour autant de numéros mensuels lors de la publication originale) ne fait pas artificiel, bien au contraire, garantissant la constance de l’intensité dramatique. Et lorsqu’on lit l’histoire d’une traite on n’a pas non plus l’impression d’une narration hachée.

Back To Brooklyn s’avère donc être une franche réussite. Sur une idée efficace de Palmiotti, Garth Ennis y montre tout ce qui fait son talent, tout en évoluant dans un registre très sombre un peu différent de ce à quoi il nous avait habitués car plus sobre. Et Mihailo Vukelic livre une prestation des plus convaincantes. Cerise sur le gâteau, les textes de Jimmy Palmiotti sur sa jeunesse à Brooklyn publiés en back up sont très divertissants. Un trade paperback de la mini est sorti en 2009 en VO. Elle n’est hélas pas disponible en VF. Sur ce, il ne me reste plus qu’à vous souhaiter un bon retour à Brooklyn. Et gare aux balles perdues.

Jeffzewanderer
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