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Que vaut la Collection Anniversaire Spider-Man de Panini Comics ?

Que vaut la Collection Anniversaire Spider-Man de Panini Comics ?

chronique

Disponible depuis ce début d'année, la Collection Anniversaire Spider-Man éditée chez Panini Comics en ce printemps 2022 fait suite au "printemps des comics" opéré à la même période l'an passé. Le principe de fonctionnement est toujours le même : l'édition de dix albums à très faible coût (bien qu'on soit passé de 5,90€ à 6,90€ avec l'augmentation des tarifs liée à la crise des matières premières) sur une thématique particulière, qui permet à un lectorat plus ou moins connaisseur de s'offrir (ou d'offrir) quelques ouvrages sans prendre trop peur du risque de son investissement. En 2022, c'est avec les soixante ans de Spider-Man que l'on se retrouve avec cette collection qui doit retracer six décennies de publications en une dizaine d'albums, avec des récits piochés à différents endroits de cette vaste continuité. On profite donc d'avoir pris le temps de tout lire et de se concerter pour vous livrer un avis (qui reste le notre) sur l'ensemble de cette collection, avec un argumentaire un poil fourni - parce qu'on aime les articles en long format - et en vous aiguillant sur ce qui est, à notre sens, le meilleur de cette fournée 2022. En route !

Notre classement des dix albums La Collection Anniversaire Spider-Man

Comme avec le "Printemps des Comics" en 2021, une chose nous a marqué dès le départ : c'est la qualité géénrale de l'ensemble de la collection. Si bien sûr tout ne peut être un chef d'oeuvre, on trouvera que même le récit le plus faible peut trouver un certain intérêt auprès du lectorat. Chaque album a ses particularités, et on peut deviner ce qui a motivé l'éditeur français pour inclure les numéros choisis dans chacun des ouvrages. Alors bien sûr, on se doute qu'il n'y aura pas besoin de ce genre d'article pour que la collection se vende, et nous avons déjà pointé les limites de ce système de publication sur le marché global des comics en France. Ces ouvrages à petit prix peuvent-ils réellement inciter en lire d'autres, au tarif normal, quand on s'habitue à un faible coût avec une certaine régularité ? Les lecteurs et lectrices qui ne connaissent pas Spider-Man iront-ils ensuite lire le run de Nick Spencer, ou tout autre sortie plus récente sur le Tisseur ? Peut-on se permettre de ne prendre que l'un des dix tomes proposés, quitte à ne pas avoir de frise dans sa bibliothèque ? Si pour la dernière question, l'affirmative nous semble évidente, les autres interrogations restent pour le moment, et sans chiffres concrets sur du long terme, dans l'expectative. Que cela ne nous empêche pas en revanche de chroniquer chacun des titres, avec une sélection qui va - à notre humble avis - de l'album le plus indispensable à celui dont vous pourrez vous passer plus aisément. 

1. La Dernière Chasse de Kraven

Difficile de toper plus haut. Taillée dans le bois de plusieurs séries consacrées à l’araignée (Web of Spider-Man, Amazing et Spectacular), La Dernière Chasse de Kraven est aujourd’hui considérée comme le firmament inébranlable d’une technique à part entière dans la bande-dessinée des américains. Un monument qui trône parmi d’autres arcs représentatifs de cette méthode, sublimée dans les séries de la maison d’en face, d’une école que les historiens du comics ont choisi de surnommer l’Âge Sombre.. Plus encore que Spider-Man, l’histoire de J.M. DeMatteis et Mike Zeck pose une énigme à la logique manichéenne de décennies de tradition dans la vie des super-héros. Et si, en définitive, le vilain se donnait les moyens de gagner la bataille ? Ou pour voir plus loin, qu’est-ce qui agite l’esprit de ces adversaires colorés, bardés de motifs absurdes ou riches en gimmicks faciles à parodier, passé le stade des motivations basiques, des banques à braquer ou des vengeances personnelles contre la société qui a choisi de les foutre dans une case inconfortable ? A quelques encablures de Knightfall, en parallèle du séisme Killing Joke, Marvel avait trouvé sa propre réponse à ces questions que l’industrie des comics avait soigneusement choisi d’ignorer. Au profit de mécaniques plus simples, plus logiques : le héros tape le méchant, le méchant a perdu, le héros attend le vilain suivant pour poursuivre l’aventure. Kraven répond, et il répond fort. A coup de fusil.


Dès les premières pages, la motivation du vilain, animé par le désir de vaincre d’un véritable sociopathe, frappe la rétine. Par l’emploi d’images rares dans l’iconographie d’un genre considéré comme accessible aux adolescents :  Kraven se muscle, Kraven mange des araignées à pleines dents, tandis que le héros cauchemarde et patrouille seul dans une New York sous la pluie battante face à un nouveau genre de vilains plus incompréhensibles et inexplicables (Vermine), comme si le mal prenait des formes plus radicales ou à part du champ conventionnel du bien et du mal. Des images de nudité, des images de pierre tombale, de grandes pièces vides ou de séquences silencieuses où le héros paraît plus humain et fragile que jamais. Une science du rythme, également, une capacité à ménager le rapport à l’humanité dans la narration, la construction d’un rapport plus direct entre deux adversaires qui cherchent enfin à se comprendre.En résumé, c’est de la grosse balle, et si vous aviez réussi à trouver une excuse à chaque occasion de vous envoyer le morceau, il va falloir en inventer de meilleures maintenant que l’album coûte le prix d’un tacos sans boisson. A noter que d’autres lectures perméables aux plus jeunes existent dans la liste, mais que celle-ci n’en fait pas partie.


2. Apprentissage

Dans les grands runs de Spider-Man apparus lors de ces vingt dernières années, le nom de Joe Michael Straczynski revient souvent comme le plus important. Normal. Le gars a cassé la compréhension traditionnelle des pouvoirs de l’araignée, développé les personnages sur le temps long, au point de frôler le point de non retour et de se faire rattraper par la captivité sempiternelle de ces héros incapables de rester grands trop longtemps. Et pendant que Stracz menait la barque arachnéenne vers l’âge adulte, Bendis, lui, se cramponnait à l’adolescence d’un Peter Parker à réinventer, de pied en cape. Dans cette collection, vous retrouverez, donc, le deuxième arc de la saga Ultimate Spider-Man - baptisé “Apprentissage”, parce qu’il s’agit bien des premiers pas du justicier, mais pas de son origine proprement dite.Pas de tonton pour encaisser une malheureuse bastos fataliste, pas de morsure d’araignée ou de regard rêveur devant un calepin à griffonner l’ébauche d’un costume fait maison. Parker a déjà tous les éléments, mais reste un petit débutant qui doit comprendre les rouages du métier. Le héros va donc se frotter à un Kingpin aux impressionnantes paluches, entamer une carrière de pigiste sous-payé (donc, de pigiste) pour le Daily Bugle, préparer les scènes que Sam Raimi pourra allègrement piller quelques années plus loin, et surtout, tomber amoureux. 


L’essor candide d’une réécriture des premières aventures de Ditko et Stan Lee, transposées dans les codes du comics moderne, en reprenant les choses à zéro et en ajoutant un élément que Bendis est le seul à maîtriser à ce niveau de perfection : les dialogues, rythmés comme l’infatigable solo de batterie d’un dingue avec sa propre science du tempo. Bien aidé par un  Mark Bagley qui complète cet usage du langage par les regards, les moments de silence et l’expressivité simple et immédiatement attachante de ses personnages entre deux percussions de répliques, la série reste l’une des meilleures portes d’entrée vers Spider-Man pour le lectorat moderne. Celui qui cherche à prendre les choses par le début, sans s’imposer de lourdes années de continuité, ou les curiosités validées par l’éditorial contemporain de Marvel sur ce pôle précis de séries. Pour Panini, le projet a en plus l’avantage de faire le pont avec d’autres rééditions plus fastes (et plus chères, c’est le jeu de l'omnibus) de l’immense saga Ultimate Spider-Man. Mais l’arc isolé  n’est pas qu’un bête produit d’appel - on peut se satisfaire de cet “Apprentissage” tel quel, d’un modeste combat contre Wilson Fisk et des premiers bourgeons de la romance séculaire de Peter Parker et Mary Jane Watson, en considérant que la lecture remplit son rôle. 
 
De ce point de vue là, pour peu qu’on adhère au style de Bagley, un dessinateur qui a très bien compris comment ménager les effets du bon vieux Bendis, l’album reste un excellent moment volé, dans un run considéré par beaucoup comme l’un des tout grands sur le personnage de Spider-Man, quasi-parfait dans son envie de remettre le héros dans une vie d’adolescent, sincère, inspirée, incarnée, et une excellente bande-annonce de cette superbe saga pour celles et ceux qui auraient envie d’aller plus loin. Contrairement à Straczynski, le projet a en plus l’avantage de ne pas être illustré par Romita Jr.. Et sur ce front là du débat, sans agiter de cruels doigts accusateurs, mettons que certains préfèrent le ping pong, d’autres le tennis.

 

3. La mort de Gwen Stacy

Il y a les incontournables, les classiques, et les passables obligés. Et si les trois catégories se confondent, celles-ci ont bien un sens une fois mises dans le bon ordre. En résumé, certains bouquins doivent être lus parce que la qualité est au rendez-vous, certains bouquins doivent être lus parce qu’on n’a pas le choix pour comprendre de quoi on parle, et certains bouquins sont lus parce l’histoire des comics n’aurait pas eu la même gueule sans eux. La Mort de Gwen Stacy appartient à cette dernière catégorie, en particulier dans cette édition, qui embarque aussi l’arc Green Goblin Reborn, une autre histoire quasi-plus importante dans son rapport à l’industrie de la BD aux Etats-Unis. Les éditoriaux de Panini Comics intégrés au début de l’album vous expliqueront mieux que cet encart rédactionnel le pourquoi du comment de ce couple de projets, mais mettons, pour résumer, que Stan Lee s’est réveillé de mauvais poil un matin des années 1970 et a décidé d’énerver tout un tas de gens. Les censeurs, avec un arc sur les ravages de la drogue à New York, pour commencer, et les lecteurs qui avaient élevé la bouille blondinette de Gwen en icône indispensable à la saga Spider-Man lorsque le Green Goblin décide de frapper le héros au coeur en assassinat sa petite-amie. Au Mexique, la mort de l’héroïne a même fait pas mal de bruit - au point que les éditeurs locaux ont décidé de développer une version parallèle à la série Marvel dans laquelle la copine de Peter Parker était encore en vie, et poussé cette uchronique bizarre sur plusieurs années avec leurs propres artistes. Vous pourriez penser à un canular, mais les faits sont là : à l’époque, la mort en comics, c’était du sérieux. C’était de l’événement.

Pour le lectorat moderne, l’album a surtout le charme de l’ancien. Un Peter Parker aux tenues stylisées, un argot de jeunes remis dans le contexte des traductions d’époque, un propos social d’avant-garde qui nous rappelle que les comics ont toujours pris position sur différents sujets, et la perspective de redécouvrir des scènes depuis adaptées au cinéma (à plusieurs reprises) sur le difficile combat de Spider-Man et de son adversaire le Bouffon. Les dessins de Gil Kane, encrés par John Romita Sr., sont aussi un superbe témoignage d’une école de dessin perfectionnée, avec une compréhension différente du découpage ou de l’émotionnel - la fameuse technique des têtes en arrière-plan pour matérialiser les pensées de Peter, les “hallucinations” sous drogue, un trait dynamique et expressif dans des scènes puissantes où la mise en scène anticipe les codes qui deviendront, plus tard, la nouvelle façon de faire. Figure de proue de la transition vers l’Age de Bronze sur plan thématique, avec l’arrivée de la mort et les premiers pas d’un réalisme social longtemps attendu. La présence de Luke Cage dans cette édition vient parachever le tableau de cette transformation, comme si, à la lecture, la prise de conscience du rôle des comics et de leur possibilité avançait au fil des planches. La lecture accuse aussi toutefois le coup de vieux en terme de rythme, avec des dialogues qui manquent de fluidité (en particulier sur la partie de Stan Lee, Gerry Conway gère son tempo différemment) mais pas de quoi gâcher la puissance de cet événement, superbement rendu et encore efficace malgré le poids des ans.
 
  

4. Spider-Man N'est Plus !

Au moment de composer une éventuelle liste d’albums censée représenter l’ensemble de l’histoire de Spider-Man, en admettant de revenir aux origines, et de proposer aux lecteurs modernes une plongée dans les codes narratifs et visuels des comics de l’Âge d’Argent, l’arc “No More” était un choix évident. Pour cette collection anniversaire, Panini Comics réédite l’une des premières aventures importantes de la vie de Peter Parker : le moment où le héros a décidé de renoncer au costume pour embrasser une vie d’étudiant et de neveu “normal”, à force d’encaisser les mauvaises nouvelles et les revers de fortune dans son quotidien de vengeur masqué. Évidemment, la séquence “Spider-Man n’est plus” et sa planche (légendaire) dans l’allée sombre au masque jetée aux ordures, reprise et imitée maintes fois et maintes fois encore, ne dure pas assez longtemps pour occuper tout un album. En tout et pour tout, la courte retraite de Peter tient pendant un bref numéro isolé. Panini va donc embarquer quelques-uns des numéros suivants, dont certains sont directement accolés à l’intrigue (le Kingpin fomente un plan pour s’emparer de la ville à présent que Spider-Man a baissé la garde), avec une présence importante de J. Jonah Jameson et les premiers pas de l’éditeur du Daily Bugle, Robbie Robertson. 

Le titre reste toutefois un bon point de départ dans cette collection anniversaire. D’abord pour la découverte de ces codes d’époque - ça parle, ça raconte beaucoup, et l’habitude d’antan de réexpliquer certains éléments de l’intrigue à chaque nouveau numéro (pour permettre à ceux qui prenaient le train en route) a ici l’avantage de rendre le volume très perméable. En particulier pour ces éléments de scénario, entrés dans le champ de la culture collective à force de générations. Tout le monde a en tête l’abandon du costume, la puissance du Kingpin, et l’éventuel triangle amoureux entre Peter, Gwen Stacy et MJ, sorte de trio à la Archie Comics de la partie soap opéra de ce volume, en accord avec les premières années de Ditko sur le personnage. Le J. Jonah Jameson ni nuancé ni sympathique dans sa posture de vieux bougon, et les premiers vilains classiques (le Doctor Octopus occupe la seconde partie du volume), une sorte de carte postale des premiers pas de l’araignée à une époque où tout était encore nouveau et surprenant. Par exemple, le rôle de Mary Jane, beaucoup plus secondaire aux yeux de Peter que Gwen Stacy, se résume encore à une posture de jolie jeune femme détachée et éternellement blagueuse, loin de la densité qui l’accompagnera, plus tard, au moment d’évoquer sa famille ou la dramaturgie de sa relation avec le héros. A l’inverse, Wilson Fisk était déjà positionné sur la trajectoire qu’il suivra pendant le reste de sa carrière : un vilain de l’efficacité, impressionnant physiquement et doué d’un intellect supérieur à la norme des super-méchants “physiques”, comme une masse brutale lancée contre New York et qui n’aurait pas l’intention de reculer.


En définitive, l’abandon du costume passe davantage pour une pièce rapportée dans un volume qui sert surtout d’entrée en matière, et il était assez logique que Panini sélectionne cet arc en particulier dans les grandes histoires des années soixante - l’éditeur, on va le voir, a aussi construit sa collection en fonction des morceaux parfois adaptés au cinéma, et de ce point de vue, Spider-Man n’est plus informe l’un des passages les plus connus du Spider-Man 2 de Sam Raimi (adapté presque mot pour mot). Mais, l’arc a aussi l’intérêt de sanctifier l’idée du héros qui ne cessera jamais, à partir de là, d’encaisser. Un combat difficile, par choix, par responsabilité, et une capacité à surmonter les obstacles ou le chaos de cette double-vie qui feront de lui une figure plus accessible que la plupart des héros masqués au quotidien plus tranquille. De ce point de vue, “No More” montre l’exemple, pour un personnage encore empêtré dans les problèmes de loyer et les galères amoureuses au bout de soixante ans. Hey, bon anniversaire quand même, l’ami.
 
  

5. Spider-Men

Si l’adaptation au cinéma de l’arc Spider-Verse s’inspire très logiquement du travail de Dan Slott lors de sa grande réunion des araignées du multivers, l’origine authentique de l’histoire développée par Phil Lord et Chris Miller pour le cinéma émanait, au départ, d’un projet moins couru. Plus restreint, plus simple, plus dirigé, le Spider-Men de Brian Michael Bendis et Sara Pichelli avait tout d’un caprice - celui de l’autre grand scénariste de la vie de Peter Parker (et de son héritier des quartiers pauvres de Brooklyn), l’autre immense architecte de la saga arachnéenne, auteur d’un run de plusieurs centaines de numéros et père d’une figure inédite à mettre dans le costume du héros acrobatique. Au terme de la première série Ultimate Spider-Man, Bendis s’était décidé à mettre un point final aux aventures de Parker. Le héros succombe à ses blessures lors d’un ultime combat contre le Bouffon Vert, laisse la ville de New York sans protection, tandis que, entre-temps, un jeune garçon qui vient tout juste d’être admis dans une sorte de campus pour adolescents ambitieux se fait mordiller la main par une autre araignée génétiquement modifiée. Miles Morales n’aura hélas pas le temps de connaître Peter Parker. A peine ses pouvoirs obtenus, et face à la trouille d’être mis au banc de la société ou d’être pris pour un mutant, le nouveau Spider-Man ne croisera la route de son prédécesseur que lorsque les infirmiers vinrent chercher sa dépouille, emmenée sur un brancard quelques minutes après le funeste trépas du héros.

En dehors de ça, le scénario se compose essentiellement de gags, ou de mécaniques usées dans cette famille de projets de crossovers faciles d’accès - on passe plus de temps à suivre le héros s’inquiéter d’une situation que le lectorat avait démêlé dès la couverture, ou en dialogues de sourds et en effet de rythme dispensables. Pour un caprice, mettons que l’ensemble reste réussi. Pour un premier schéma narratif sur le futur Spider-Verse, aussi.. On se marre, on s’émeut, mais le projet est loin d’être aussi accessible que Panini Comics semble vouloir le dire - mettons que vous risquez de vous flinguer quelques surprises si vous n’êtes vraiment jamais passés par Ultimate au préalable.

Pour Bendis, et parce que le multivers Marvel permet aux grands enfants de ce genre de s’autoriser ces excentricités, il était donc important, ou intéressant, de mettre un Peter Parker face à son propre héritier involontaire. Arrive alors la mini-série Spider-Men, où le premier porteur du costume de la Terre-616 va traverser le mur dimensionnel qui le sépare de la regrettée Terre des Ultimates et rencontrer son successeur, dans une mini-série en cinq numéros illustrée par l’autre créatrice de Miles, l’artiste Sara Pichelli. Le projet n’a évidemment pas la place de donner grand chose de trop développé : Mysterio joue le rôle de vilain utile à cette rencontre, qui va s’amuser à filer la comparaison entre l’univers principal et l’univers Ultimate à la moindre occasion. On compare les Spider-Men, on compare les Nick Fury - Bendis n’a évidemment rien perdu de son talent comique dans ce jeu de cour de récré’ permanente - et on passe plus de temps en compagnie du Peter Parker officiel qu’avec Miles. Ce qui est assez logique, après tout, le petit gars est chez lui. Si Bendis pourrait profiter de l’occasion en appuyant maladroitement sur une relation mentor/élève qui n’a jamais été le sujet de son invention de Morales (seul compte le symbole, seul compte le costume), le scénariste en profite surtout pour offrir une sorte de pay off émotionnel à la famille Parker. L’auteur met de grandes balayettes aux lecteurs (sensibles) de la première série Ultimate Spider-Man en organisant des retrouvailles servant de point final à un long feuilleton familial, immédiatement touchantes pour les amateurs de ce run extraordinaire. Les glandes lacrymales, il faut bien que ça bosse.


6. La Saga du Rédempteur

Passée la seconde moitié de ce classement (qu'on rappelle, tout à fait subjectif et tiré de longues et vives discussions à deux au sein de notre petite rédaction), arrive un ensemble de récits qui témoignent également de leurs qualités, tout en se révélant peut-être moins dispensables que ceux de la première moitié. On ne pourra s'empêcher d'avoir un attachement particulier à la Saga du Rédempteur, un vrai récit en forme de polar qui s'inscrit dans l'univers de Spider-Man. Au point de départ, la mort du capitaine de police Jean DeWolff, assez brutale, qui va pousser le Tisseur a enquêter sur l'une de ses rares alliées. Publié dans les années 1980, le récit s'inscrit dans une certaine ligne sombre (sans atteindre les sommets de noirceur de la Dernière Chasse de Kraven) et étonne surtout par la tension qui ressort de chaque chapitre. Peter Parker fait équipe avec le sergent Stan Carter pour résoudre le mystère autour du meurtre de la capitaine, et petit à petit, la trace du Rédempteur, un criminel qui s'en prend à ses victimes avec un fusil pour les expier de leurs péchés - par motif religieux donc, se trace aux pieds des héros.

Scénariste iconique sur The Incredible Hulk, Peter David montre avec brio dans cet album ce qu'il est capable de faire vivre à Spider-Man, au fil d'une enquête proprement haletante qui a aussi le mérite de faire intervenir d'autres héros de l'univers Marvel - notamment Daredevil. Au-delà de l'ensemble assez sombre, le retournement de situation dans la conclusion de la première intrigue ne vieillit pas malgré les décennies et se montre encore efficace même pour des lecteurs et lectrices qui iront à la rencontre de cette histoire pour la première fois en 2022. La seconde moitié du volume fait intervenir une nouvelle fois le Rédempteur histoire de conserver l'approche thématique de l'album, avec Sal Buscema aux dessins (contre Rich Buckler pour la première) et c'est donc aussi une garantie de bonne lisibilité sur la partie graphique. A moins que vous n'appréciez pas le style du dessin mainstream de cette période. Alliant donc une bonne prestation sur le plan visuel à une histoire aussi prenante dans la forme que riche sur le fond (notamment sur la notion de justice expéditive), le tome mérite que vous y accordiez pas mal d'attention si jamais vous ne comptez pas prendre toute la collection.


7. La Naissance de Venom

On se doute que pour beaucoup de gens, la création de Venom et son ajout à la mythologie de Spider-Man, en partant de l'hypothèse que le costume noir récupéré lors de Secret Wars était en fait un organisme vivant, figure parmi les moments les plus cultes de l'histoire du Tisseur. Malgré tout, d'un point de vue purement technique, on pourra trouver le récit un poil daté notamment dans la façon dont Todd McFarlane représente les personnages féminins. Les poses lascives et les petites tenues de MJ n'ont pas très bien veilli à l'heure d'une lecture plus moderne de cette histoire, mais il faut reconnaître que le dessinateur apportait à l'époque un souffle épique avec la façon dont il dessine Spider-Man, et dont les toiles se raccordent au héros de façon organique, quasi viscérale. 

C'est d'ailleurs aussi pour McFarlane que l'on reste sur cet album parce qu'il faut bien avouer que l'on prend plaisir à découvrir (ou redécouvrir) les poses et les angles que l'artiste propose lors que Spider-Man est en mouvement entre les bâtiments de New York, l'ensemble étant magnifié par une maîtrise certaine des perspectives. Du reste, David Michelinie opère de façon assez brute, avec l'iconique Amazing Spider-Man #300 (qui est le numéro avec une première apparition en bonne et due forme de Venom) tandis que l'arc suivant (Amazing Spider-Man #315-317) voit le symbiote revenir, en compagnie d'Eddie Brock pour tourmenter MJ et le reste des proches de Peter Parker. L'opposition classique entre le héros et sa nouvelle némésis, Venom ayant l'avantage d'être particulièrement retors, profitant des connaissances de son hôte humain pour appuyer là où ça peut faire mal. Le tout est bien rythmé et se laisse suivre sans déplaisir pour qui recherche du récit de super-héros qui préfère donner dans le simple, l'efficace et le grand spectacle visuel. Pour les fans de Venom qui n'ont jamais approché le personnage en comics, c'est plutôt bien fait, même si Panini Comics a déjà sorti un grand nombre d'albums dans cette même veine (avec les petits formats Marvel-verse par exemple, dont celui sur Venom était très bien agencé). 


8. Le Cauchemar

A chaque super-héros, il faut son super-vilain. Bien que Venom, dans l'album précédent, constitue désormais une menace iconique pour Spider-Man, rien ne saurait égaler la cruauté du Green Goblin, qui se retrouve à nouveau au coeur de l'intrigue de cet album. On peut comprendre le choix de Panini Comics afin d'avoir plusieurs visions de ce qui reste l'antagoniste ultime de Spidey, mais l'autre récit étant celui de La Mort de Gwen Stacy, difficile de faire plus brutal pour dépeindre le personnage. Néanmoins, l'ouvrage, qui reprend l'arc "A Death in the Family" de Paul Jenkins, n'est pas inintéressant sur le pur plan narratif. Norman Osborn essaie en effet de pousser à bout Peter Parker de toutes les façons possibles, et de le placer dans ses derniers retranchements afin qu'il commette l'irréparable envers sa personne, et le tue. Une façon radicale de mettre fin à leur affrontement qui ne cesse jamais, et qui serait une forme de victoire absolue pour le Bouffon Vert, s'il réussissait à briser la volonté de Parker jusqu'à ce point de non retour.

Le soucis, c'est que si les intentions de l'histoire sont bonnes, l'exécution reste relativement sommaire (et aurait certainement pu se passer d'un numéro), avec des dialogues qui ont tendance à se répéter et une progression de l'intrigue en dents de scie. D'un point de vue accessibilité, malgré les éditoriaux qui sont là pour accueillir les nouveaux venus, on se retrouve néanmoins largué au coeur d'une intrigue dont on ne connaît pas grand chose du contexte précédent. Et puis, il y a Humberto Ramos. Alors oui, le dessinateur fait lui aussi partie de ceux qui sont devenus cultes en laissant leur empreinte sur le Tisseur (et c'est sûrement l'une des motivations de Panini Comics pour motiver le choix de ce récit), mais par ici, on trouve que ça n'a pas très bien veilli et que le trait hyper anguleux n'est plus aussi attrayant qu'il a pu l'être. Aussi parce que l'artiste a pu progresser entre temps, mais en fonction de vos affinités avec le dessin, il se peut que Ramos soit rebutoir (et oui, on assumera d'écrire ça). En somme, si l'ensemble n'est pas déplaisant, on est désormais complètement dans la catégorie des titres qui peuvent se montrer dispensables, à moins que vous ne teniez absolument à avoir votre frise Spider-Man au complet.


9. Révélations

Un autre exemple est celui de l'album Révélations qui est sûrement le plus curieux en termes de composition, mais s'inscrit aussi dans un passage obligatoire puisqu'il permet de regrouper quelques numéros écrits par J.M. Straczynski, auteur à faire figurer obligatoirement dans une sélection anniversaire. Mais le passage choisi, s'il reste important dans un run global (puisque c'est là que Tante May découvre le grand secret de Peter Parker et va le confronter après cette révélation), il est difficile de se passionner pour cette intrigue quand on est parachuté directement dedans. On peut supposer que cette sélection s'est faite sur la base de la présence du dessinateur John Romita Jr., puisque cette période de publication des aventures de Spidey reste à jamais rattachée à son nom (et puis, il dessinait pas trop mal à l'époque). 

En outre, l'album contient également un épisode iconique, celui du 11 septembre 2001, l'un des rares moments où Marvel s'est permis de réagir directement (et rapidement) à une actualité survenue dans le monde réel, et qui aura donc aussi eu lieu dans l'univers de la Maison des Idées. Un récit toujours bouleversant sur l'horreur des actes commis ce jour, et l'impuissance qu'ont les super-héros à contrer ce genre de menace, et qui constitue même un bon rappel de ce que le médium comicbook est capable de conter, encore en 2022 - à l'heure où beaucoup se remémorent une époque où les comics n'étaient pas politiques qui n'a, en réalité, jamais existé. Mais ce morceau et les autres, mis bout à bout, donnent au final un album un peu inégal, ou surtout on ne sait pas trop ce qui a motivé cet entremêlement. Reste une lecture là aussi, abordable, mais qui ne profite pas par ailleurs du "fun" qu'on décrit dans l'ultime entrée de notre classement.


10. Spider-Verse

Comme on le répétait dans l’introduction de notre texte, le fait de classer les différents récits de cette collection anniversaire Spider-Man n’implique pas nécessairement que les récits en bas dudit classement soient mauvais. On estimera simplement qu’ils sont ceux qui ont le moins d’intérêt (à notre humble avis) si jamais vous décidiez de ne pas investir dans l’ensemble des tomes. Concernant Spider-Verse, le débat pourrait être un peu plus houleux, attendu que Corentin n’est absolument pas client du récit, tandis que votre second rédacteur y trouve un certain plaisir puisqu’il s’agit d’un récit qui se veut premièrement fun, et relativement accessible. Il s’agit d’un arc intégré dans le long run de Dan Slott sur le personnage, qui intervient assez rapidement après le relaunch du titre Amazing Spider-Man courant 2014. Le scénariste américain va reprendre quelques éléments de la mythologie arachnéenne imaginée par J.M. Straczynski et reprendre notamment le personnage de Morlun. Le vampire capable de traverser les dimensions parallèles dans l’ensemble du Multivers a rassemblé ses congénères, les Héritiers, pour traquer tous les spider-totems existants, au travers des dimensions, pour se repaître de leur énergie. Conséquence logique à cette attaque : Peter Parker, Mile Morales, et tout un tas d’autres Spider-Men ou Women vont devoir unir les forces et se rassembler à travers le Multivers pour mener la bataille pour sauvegarder toute leur existence. 

Du fun, disait-on. Le scénario de Spider-verse, qui va puiser dans l’imaginaire sans limites inhérent au concept du Multivers et des déclinaisons de terres parallèles, popularisées avec le concept d’Elseworld chez DC Comics, pour proposer tout un tas de Spider-variants dont certains resteront iconiques, tels que le Spider-punk. C’est l’occasion aussi de ramener quelques personnages un poil oubliés du pan arachnéen de Marvel, et de faire une intrigue certes auto-contenue (la preuve étant, cet album vous permet d’avoir toutes les clés de compréhension du récit, même si les très nombreux tie-ins ne sont pas inclus), mais assez généreuse visuellement. C’est là le principal attrait de Spider-verse : le fait que le dessinateur français Olivier Coipel soit présent la majeure partie du temps pour faire preuve de tout son talent, et laisser libre cours à ses envies de chara design pour proposer plein de Spiders-totems différents. Facile à parcourir, agréable pour qui aime surtout l’action et les retournements de situation, et petit plaisir pour les fans de Multivers, Spider-verse n’en est pas pour autant mémorable en tant que tel. Mais son influence sur le visage de la pop culture actuelle n’est pas à sous-estimer, qu’il s’agisse des inspirations évidents du film d’animation Spider-Man : into the Spider-verse (qui emprunte néanmoins bien plus à Spider-Men, un récit qui figure plus haut dans notre classement), mais aussi sur l’utilisation à outrance, désormais, du Multivers, par les adaptations de comics. L’album permet donc d’avoir en réalité quelques clés de compréhension sur des mécanismes de l’industrie moderne du divertissement de masse. Et s’il ne s’agit pas de l’histoire la plus marquante de cette collection, la lecture devrait plaire aux novices et experts, qui pourront avoir envie d’en découvrir plus. On prévient néanmoins : les suites (directes ou spirituelles, que ce soit des Venomverse ou Spider-Geddon) n’iront jamais plus haut que l’arc originel.



En définitive, s'il fallait apporter une réponse nette à la question posée en titre de cet article, il serait malhonnête de ne pas dire que la Collection Anniversaire Spider-Man ne vaut pas son prix - autant pour la qualité de fabrication que les contenus présentés dans ces différents albums. Vous connaissez notre avis sur chacun des titres, et il vous appartiendra de jouer le jeu de la collectionite ou de ne vous référer qu'aux ouvrages qui sont les plus indispensables. L'un dans l'autre, le tour d'horizon opéré sur l'historique du Tisseur en comics se montre assez complet, et surtout, on l'espère, saura agir comme une porte d'entrée pour aller découvrir d'autres comics sur Spider-Man, sur d'autres super-héros voire, soyons fous, sur de l'indé. Par exemple, si vous avez apprécié Spidey, il y a un truc qui s'appelle Invincible, là... 

- La collection anniversaire Spider-Man est toujours disponible en librairie, mais aussi en ligne à ce lien.

Arno Kikoo
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