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Suicide Squad, la critique

Suicide Squad, la critique

ReviewCinéma
On a aimé• Le DCEU par Charles Roven, c'est bientôt fini
• Toujours aucune suite annoncée, c'est peut-être pas plus mal
On a moins aimé• Une écriture inexistante
• Le montage, gênant pour tout le monde
• Harley Quinn et le Joker ne méritaient pas ça
Notre note
C'est au sein d'un DCEU en pleine mutation depuis le départ tant attendu de Charles Roven et l'arrivée (tout aussi anticipée) de Geoff Johns au poste de président de DC Entertainement que Suicide Squad vient peupler l'été des blockbusters 2016. Fort de son rôle de troisième film de l'univers partagé de Warner Bros et du premier long-métrage à ne pas être réalisé par Zack Snyder, le film de David Ayer portait sur ses épaules une tonne d'obligations, dont celle d'amener Harley Quinn pour la première fois sur grand écran, moderniser le Joker, recréer une équipe culte des Comics et offrir à l'industrie son premier film axé uniquement sur des super-vilains. 
 
Pourtant, quelques mois à peine après la sortie d'un Batman V Superman largement débattu pour sa production aux allures chaotiques, on ne risque pas de parler de Suicide Squad pour les raisons citées ci-dessus, mais plutôt pour sa propension à se travestir plus souvent que son Joker, dans un montage final qui nous rappelle les longues heures de débats du printemps dernier. Pire, on se prend à rêver de découvrir ce montage apparemment meilleur et moins bricolé de compromis qui existait avant les reshoots du film il y a quelques semaines, commandés pour ajouter plus d'humour et d'un Will Smith apathique à un film qui avait besoin de tout sauf d'une tel interventionnisme. Mais à en croire David Ayer qui jure que ce que nous avons découvert au cinéma est "100% sa vision, et pas un film fait pour servir des intérêts industriels plus grands que lui", on imagine que contrairement à la trinité, le film n'aura pas les honneurs d'une Ultimate Cut pour sa sortie Blu-Ray. Jusqu'à ce que Warner Bros bouscule ses plans une fois de plus ? 
 
 
Avant de revenir sur la dizaine de scènes aperçues dans les trailers disparues depuis sur l'autel d'un marketing plus matraqueur et fluo que jamais, dressons une liste non-exhaustive des raisons qui empêchent Suicide Squad d'exister en tant que film, et ce dès sa première scène.

Audacieux de prime abord, le film s'ouvre sur un training montage nous présentant la Squad, ses membres et ses capacités intrinsèques dans un déluge d'effets visuels empruntés (entre autres) à Edgar Wright et typiques de la série B, exercice de style ô combien risqué pour qui ne maîtriserait pas le rythme de son film. Ni une ni deux, David Ayer se vautre alors dans un déchaînement vulgaire et sans la moindre paternité, alors que le spectateur comprend que Warner Bros a effectivement tout misé sur Will Smith et Margot Robbie, duo prétendu de choc déjà à l'affiche du médiocre Focus l'année dernière. Le réalisateur va même tenter quelques approches de mises en scène originales, à l'image du jump cut qui permet de peser la folie du Joker, et qui n'est utilisé que dans l'intro', oubliant ensuite l'intérêt et la plus-value d'avoir ajouté le nemesis de Batman à un film où il n'a rien à faire. 

Pire, ce premier acte devient alors une première petite collection d'incohérences, où le rythme entre Amanda Waller, Rick Flag et les prisonniers prêts à former la Task Force X ajoute presque une dimension absurde au film, dont l'enjeu principal est urgemment placé pour être ensuite cordialement ignoré. On pourrait aussi s'appesantir sur le comportement tout aussi délirant des officiels américains, tous plus obnubilés par le moyen-orient et la "3ème guerre mondiale" sans qu'aucune menace ne pèse encore sur le film. Certes, le film a une vertu pop-corn indéniable au départ, mais c'est une raison de plus pour éviter de sombrer dans les pires clichés d'Hollywood, digne des films de Comics les plus oubliables des années 2000. 

Après avoir installé son équipe sans savoir quoi en faire (il faut savoir que le film a été tellement remonté que certaines scènes finales se retrouvent dans son premier acte et vice-versa), il est alors temps pour nos anti-héros de nous montrer ce qu'ils ont sous le coude. Amputé de 20 minutes de backstory utile pour le trouver moins ridicule qu'il ne l'est déjà, Jared Leto livre alors une interprétation abyssale en tant que Joker, entre Gangster de clip de Hip-Hop et acteur de théâtre de rue, lui que je pensais pourtant capable de se hisser au niveau de Heath Ledger et Jack Nicholson, sans souffrir de la comparaison vu le traitement initial de son personnage. 
 
Pas menaçant ni effrayant pour un sou, son personnage pourtant si fin et si poétiquement chaotique incarne alors le ton très premier degré du film, entre humour qui ne fonctionne pas, qui ne dépasse jamais la ceinture (mention spéciale à toutes les blagues et allusions sexistes du film qui viennent nous rappeler d'où vient David Ayer) et une beauferie globale qui déteint jusque dans la mise en scène monstrueuse d'un film qui semble ne jamais avoir été écrit.

"Prison - Ville". Les deux environnements aperçus dans les trailers semblent être le seul embryon de scénario que David Ayer a produit, lui qui livre une performance énorme avec AUCUN dialogue qui ne fait mouche, des personnages qui se parlent comme des pantins inhabités et symboles d'un cool depuis longtemps dépassé, en témoigne les gimmicks insupportable envers le public visé, à qui l'on envoie des licornes roses fluo pour le forcer à rigoler. C'est tristement ringard, vide de sens et terriblement générique alors que le film se prétendait en marge. Un comble honteux et un raté total, qui rappelle la vidéo de Nerdwriter sur "l'erreur principale de BvS", à savoir sa construction en "moments", et aucunement pensée comme une histoire complète capable de se tenir. Jamais le film ne se bâtit autour d'un enjeu, les personnages acceptent leurs sorts tragiques sans broncher, personne n'ose prendre le dessus et en dehors d'une Harley Quinn sur laquelle le film ne fait que lorgner, aucun personnage n'est capable de tirer son épingle de ce bourbier. Mention également pour la Bande Son qui rappelle le caractère très "Guardians of the Galaxy de Warner Bros", faite uniquement de chansons entendues plus de 30 fois au cinéma, certes classiques mais tragiquement surannées. 
 
 
Dans ces conditions, impossible pour le casting (pourtant impressionnant) du film de briller. Pire, les quelques scènes du Joker (en costume de TDKR ou la moitié du visage brûlé, prêt à dégoupiller sa grenade) qui semblaient mémorables ont tout simplement disparu, faisant du personnage tout entier une gênante pièce rapportée. Si Will Smith et Joel Kinnaman ont l'honneur de faire le boulot sans trop y croire, même l'argument de facilité du loser adorable interprété par Jai Courtney (notre idole maison) fait plouf, son personnage de Boomerang n'ayant lui aussi rien à faire dans le film, si ce n'est servir de justification à un caméo plus rushé que le film tout entier.
 
Plutôt laid dans sa direction artistique à l'exception des très courtes scènes issues du premier trailer (à l'époque où le film semblait avoir d'autres ambitions), Suicide Squad est aussi et surtout un film de David Ayer, à savoir un déchaînement d'armes à feu et d'explosions. Ici, l'ex-militaire n'a que faire de réaliser un film à pouvoirs, la seule scène d'action véritable du film (et qui n'est pas aussi gênante que cette baston finale digne de Fantastic Four) est une fusillade en pleine rue qui ne prend même pas la peine de réviser sa géométrie, où nos héros d'un jour flinguent à tour de bras une armée de monstres sans visages. Monstres qui, à l'instar de la menace du film, n'ont rien de piochés à l'immensité de l'univers DC, et font penser à ces films de Super-Héros d'un autre temps où les studios n'avaient que faire d'essayer de coller au matériau original. Ce qu'on appelle en général "l'average 20th Century Fox movie" semble s'être étendu jusqu'à Warner, et à l'exception de Doomsday, c'est un défaut que Batman V Superman avait su éviter.
 
Evidemment, l'avenir n'est pas tout noir pour autant. Charles Roven, que l'on soupçonne d'être l'auteur de ces montages abrutissants, est parti, Geoff Johns est arrivé et s'il faudra composer avec un Wonder Woman encore sous la coupe du premier, le Justice League de Zack Snyder a essayé de nous montrer qu'il avait conscience qu'il fallait se redresser. Pas forcément par l'humour et la "Marvelisation" comme on peut le lire un peu partout, mais c'est encore un autre débat. Reste que la première apparition d'Harley Quinn au cinéma restera pour moi un souvenir douloureux et la preuve que l'on peut encore faire les pires films du siècle dernier en 2016, tandis que j'espère sincèrement revoir Jared Leto pour laver l'affront, peut-être dans le film solo de Batman, réalisé par un Ben Affleck qui, s'il semble perdu dans Suicide Squad, devrait remettre les pendules à l'heure chez tout le monde. C'est en tout cas tout ce qu'on souhaite au DCEU, que l'on a jamais autant espéré pouvoir aimer.
 
 
Je suis entré dans la salle persuadé de voir un film fun et plutôt badass, loin des évidents pièges tendus concernant le sexisme sur Harley Quinn et/ou la capacité du film à proposer une réunion de vilains autour d'un enjeu fort, je suis ressorti lessivé par un navet à 175 millions de dollars pas capable de garder les rares plans à la valeur artistique forte aperçus dans ses trailers. Pire, ce montage est clairement issu des reshoots récents, qui avaient pour vocation d'ajouter plus de Will Smith et plus d'humour à un film qui se serait bien passé des deux. Une petite catastrophe industrielle, une de plus, dont Jared Leto et Margot Robbie ne parviennent même pas à se sauver. "Fuck Marvel" qu'ils disaient.

Sullivan
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