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Édito #68 : il se dit n'importe quoi sur Batman v Superman : à qui la faute ?

Édito #68 : il se dit n'importe quoi sur Batman v Superman : à qui la faute ?

chronique

A quelques jours de l'événement maintenant, Batman v Superman ne semble pas être un projet cinématographique plus clair qu'il y a près de trois ans, à son annonce faite dans la foulée d'un Man of Steel, qui lui aussi divisait les foules. Mais puisque tout et son contraire filtre sur le prochain métrage de Zack Snyder, il était temps pour nous de nous pencher sur la longue gestation d'un projet hors du commun, dans tous les sens du terme.

Aussi, si l'idée ne date pas d'hier - un film mettant en scène les deux personnages était en projet du côté de Wolfgang Petersen (Troie) au début des années 2000 - Batman v Superman est un concept qui continue de faire couler beaucoup d'encre. A ses débuts, le projet semblait même attirer bien plus d'internautes qu'un certain The Force Awakens, ce qui en dit long sur l'attente et la tension qui se cachent derrière le métrage de Snyder. Rappelons, avant toute chose, que le projet avait été annoncé, dans une certaine précipitation, juste après la sortie de Man of Steel dans nos salles, en juin 2013. Le mois suivant, Warner Bros, obéissant au rythme effréné du genre, dévoilait en effet, dans un petit teaser vidéo puis dans son panel à la SDCC, une suite, qui allait introduire le personnage de Batman dans ce nouvel univers super-héroïque. Et il n'en fallu pas plus aux fans du monde entier pour se montrer intrigués, même après un Man of Steel plutôt clivant dans ses choix artistiques.

Une complexe gestation

Lors de la San Diego Comic Con de 2013, Zack Snyder avait d'ailleurs enflammé les fans en introduisant le projet - par l'intermédiaire de l'acteur Harry Lennix - avec une citation de The Dark Knight Returns, comic book culte de Frank Miller. A l'époque, nous avions donc parié sur une adaptation relativement fidèle de l'œuvre de Miller, qui est, il est vrai, un moyen assez intéressant de démarrer un univers DC au cinéma. Ce dernier aurait déjà eu du vécu, et aurait proposé des versions assez neuves de personnages déjà connu du grand public. On se souvient d'ailleurs des déclarations de Zack Snyder, qui à la sortie de Watchmen, avait répondu "The Dark Knight Returns" quand un journaliste lui avait demandé quel comic book il aimerait adapter après 300 et l'œuvre culte d'Alan Moore

En novembre 2013, Snyder est revenu sur ses propos, expliquant que le film ne pouvait être une adaptation de TDKR, la faute à un Superman bien différent de celui qu'il développait dans Man of Steel. Une vraie-fausse excuse, qui envoie un premier doute aux fans : si le projet avait dû être pitché par Snyder comme une adaptation de The Dark Knight Returns, Warner Bros et ses cadres impliqués avaient dû légèrement revoir la formule. Pour un lancement plus en douceur de ce qu'on appelle maintenant le DCEU ? Rien n'est moins sûr. Les choses semblaient déjà bien floues pour Batman v Superman, à l'époque présenté comme l'Untitled Man of Steel Sequel, programmé pour une sortie en 2014.

Les choses se compliquent un peu plus en novembre 2013, lorsque Chris Terrio, un proche de Ben Affleck (qui acceptait le rôle de Bruce Wayne en août 2013) remplace un David Goyer très occupé au titre de scénariste. Tout comme son collaborateur et producteur Christopher Nolan, Goyer est en effet très pris, et laisse un premier jet à Chris Terrio, qui aux côtés d'Affleck, attaque l'écriture d'une nouvelle mouture. Jusque-là, rien de très anormal pour une production aussi colossale, mais en ajoutant de nombreuses phases de tournage (des pre-shoots en octobre 2013, un tournage principal à partir de mai 2014 et un tournage pour compléter le tout de novembre à décembre 2014), une date de sortie repoussée de près d'un an au milieu de la production (tout comme Man of Steel) et de nombreux éléments inédits en cours de route (dont Wonder Woman, puis Lex Luthor), on obtient un projet tentaculaire. 

Une promotion chaotique ?

Ce qui ne veut pas dire qu'il accouchera forcément d'un mauvais film. Maintenant, il faut bien l'avouer, et en toute honnêteté, le film n'a pas tellement été soutenu par son studio dans sa lente ascension vers les salles. À une gestation pour le moins complexe s'ajoute en effet une promotion assez chaotique. Vous n'êtes pas sans savoir que la promotion autour d'un film est capable de sublimer ou d'enterrer un métrage, aussi Warner Bros avait tout intérêt à mettre le paquet pour escorter BvS. Or, depuis ses premiers jours de tournage, Batman v Superman souffre d'une promotion assez étrange, comme si personne chez les frères Warner n'osait revendiquer la parenté du projet. Certes, la plupart des annonces ont été faites par Zack Snyder, qui semble avoir usé sa santé pour mettre le film sur pied : voilà trois ans qu'il bataille sur tous les fronts pour essayer de donner un sens à un projet qui a bien du mal à avancer la tête haute.

Si je devais prendre les paris sur les origines de cette promotion hasardeuse, je mettrais quelques pièces sur le traumatisme Man of Steel. Comme les critiques semblent avoir affecté le marketing du Ghostbusters de Paul Feig, les différentes opinions sur le métrage consacré au Kryptonien ont mis du plomb dans l'aile de Batman v Superman. Ce qui était auparavant l'introduction (dans un combat qu'on espère toujours épique) du chevalier noir dans l'univers de Man of Steel, est plus ou moins devenu la plaque tournante pour tous les super-héros DC, comme si Warner Bros était soudain soucieux de rattraper Marvel Studios, et dans une moindre mesure la 20th Century Fox, dans leur course aux univers partagés. Point de mal à cela, entendons-nous bien, mais quand on sait que l'avance de l'écurie de Kevin Feige permet à Warner Bros de se différencier comme de s'inspirer des projets Marvel Studios, on a bien du mal à croire que le studio soit si maladroit dans sa communication.

Elle avait commencé avec un événement loupé - le footage s'étant retrouvé sur le web avant même ses débuts - dans les salles IMAX, qui proposaient, moyennant finance (!), de découvrir les premières images du film de Zack Snyder. Lors de la dernière San Diego Comic Con, c'est un casting mené par un Ben Affleck fatigué qui nous apportait un premier trailer fidèle à la grandiloquence si caractéristique de l'univers DC - mon préféré, personnellement. La seconde bande-annonce, dévoilée en fin d'année dernière, nous spoilait vraisemblablement le troisième acte du film de Snyder, sans honte aucune. La dernière tentait ainsi, tant bien que mal, de ramener l'équilibre dans la Force avec une majorité d'images centrées sur l'affrontement entre Batman et Superman, après des mois de promotion bien moins précis. Un parcours médiatique assez effrayant, qui peut expliquer les nombreuses et passionnées réactions sur le web, plus que toute logique d'affiliation ou de rejet aux personnages DC, n'en déplaise à nos détracteurs (seule et unique pique de cet édito, promis).

Personne à la barre

Mais plus que la promotion elle-même, aussi chaotique soit-elle, c'est l'absence de référent sur le sujet qui nuit à Batman v Superman. Comme nous le montre Marvel Studios, le succès d'un univers passe aussi par la présence d'un ou plusieurs communicants de confiance. Or, depuis le début Zack Snyder - encore une fois, le pauvre semble y avoir laissé sa santé - fait office de chef de file par intérim'. Parfois remplacé dans son rôle par le président de Warner Bros, Kevin Tsujihara, ou encore par le scénariste de comics Geoff Johns, le bon Zack a bien du mal à tirer son épingle du jeu. Et ses récentes interventions attestent de sa fatigue ou d'une certaine lassitude, au choix. Au micro de Première, il avoue ne plus être convaincu par l'idée d'un Man of Steel 2 mais explique avoir beaucoup travaillé avec David Ayer pour introduire convenablement Suicide Squad dans son univers. Et c'est peut-être la plus intéressante de ses récentes déclarations, les autres prenant trop vite la forme d'un discours pré-mâché et privé de passion par trois longues années de travail.

Imaginer un film refait de A à Z (et en court de route) n'est donc pas tellement de la science-fiction. Non pas que Batman v Superman soit à bannir pour autant : nombreuses sont les productions hollywoodiennes à avoir souffert de ce traitement, mais c'est bien tout le problème, puisqu'il n'est rarement synonyme de bonnes nouvelles pour un film. En l'absence d'un discours clair sur le sujet, Warner Bros a d'ailleurs laissé filé une quantité tout simplement folle de rumeurs et de ouï-dires. Du côté du studio, on se dit peut-être que les milliers de scoops façon Latino Review et Heroic Hollywood sont un moyen pour le film d'exister, sans investir un dollar dans la communication. Mais soyons honnêtes, le revers de la médaille ne vaut pas cette économie de billets verts. A travers ces rumeurs, le film a pris de trop nombreuses apparences. Et là où ces dernières peuvent allécher les fans quand elles sont bien faites - comprenez précises - elles déforment un film et son potentiel quand elles sont aussi folles et nombreuses. 

A qui la faute ?

Mais peut-on vraiment en vouloir aux fans ? "Peut-être" est, parfois, la meilleur réponse. D'un côté, difficile de critiquer ceux qui comme nous, étaient excités par le film. Quitte à parfois vouloir en imposer un autre dans la tête de leurs pairs - c'est sans doute l'objectif des soit-disant leaks ayant suivi le second trailer, qui dans tous leurs détails, voulaient maintenir notre niveau de hype élevé, comme pour nous faire oublier la maudite bande-annonce. Non, on ne peut pas en vouloir aux fans, qui attendent - et en fan de Snyder et de Batman, je les comprends - ce film comme le métrage de leur vie. Mais d'un autre côté, comment ne pas noter la tendance inverse, en forme de foi aveugle en un film qui semble changer de direction artistique, du moins dans sa promotion, tous les trois mois ? En quelques années de carrière sur le web, je n'ai que rarement vu un film aussi clivant que Batman v Superman, il est vrai. Mais cela ne justifie en rien les agissements de détracteurs impolis et insultants qui crient au scandale dès que les gens commencent à réfléchir sur ce film. 

Et je ne cherche pas, sur ce coup, à apitoyer Comicsblog, puisque nous ne sommes pas les seuls à commenter cette tendance. Si vous acceptez le constat, allez faire un tour du côté de Screen Junkies - les créateurs d'Honest Trailers - qui tirent souvent la sonnette d'alarme sur le sujet, eux qui sont pourtant aussi polis et corporate que peuvent l'être les américains. En un sens, cette tendance parmi les fans - encore une fois je ne vise personne en particulier - est fascinante à étudier, puisqu'elle peut-être considérée comme un effet secondaire de la promotion de Batman v Superman. Et forcément, elle ne peut que nuire au film de Zack Snyder. D'une part parce qu'on ne fonde pas une fan-base sur de la haine, d'autre part parce qu'elle incite forcément les gens à surréagir, d'un côté comme de l'autre.

Et le constat ne changera sans doute pas d'ici la sortie du film. Si quelques heureux élus auraient déjà vu le métrage, Batman v Superman ne devrait pas être montré aux journalistes. C'est ce que nous rapportent des sources solides (plus que celles d'Umberto Gonzalez, on vous rassure), qui nous expliquent que les rares journalistes ayant pu poser leurs yeux sur le film croulent sous les accréditations et les non-disclosure agreements. Autre folie, plus récente, c'est Ben Affleck qui expliquait que le film n'avait pas besoin de réécritures, une semaine après une news qui révélait très fermement que l'acteur s'était penché sur le scénario. Un nouvel exemple du "tout et son contraire" caractéristique de Batman v Superman.

Il se raconte n'importe quoi sur Batman v Superman. C'est un fait. Et je crois que ce constat sera le seul à réunir les pro, les anti et tous les autres sous une même bannière. De toute évidence, une production tentaculaire méritait d'être explicitée par une promotion exemplaire, au bas-mot : le film n'est-il pas sensé être le vrai début de l'univers DC sur grand écran ? Une question qui résume peut-être le traumatisme à la source de tout ce bazar, le spectre d'un Man of Steel qui n'en finit pas de faire jaser. Mais en laissant la porte ouverte à tous les commentaires et toutes les rumeurs, et en oubliant de s'affirmer dans une promotion thématique et claire, Warner Bros n'a peut-être rendu service à personne. Si ce n'est à tous les détracteurs d'un univers naissant et prometteur, qui ont eu tôt fait de s'engouffrer dans ce flou artistique et promotionnel, entraînant dans leur sillage des hordes de fans (parfois trop) en colère. Et si nous ne pouvons pas jurer de la qualité du film, une chose est sûre, en tant que production et sujet de promotion, Batman v Superman est déjà bel et bien passionnant.

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