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Édito #30 : Les Comics tels que nous les connaissons sont-ils en train de disparaitre ?

Édito #30 : Les Comics tels que nous les connaissons sont-ils en train de disparaitre ?

chronique
"Tu ne le sais pas encore, mais tu es déjà mort." Voilà comment Ken le Survivant pourrait s'adresser à l'industrie des Comics telle qu'on la connait aujourd'hui.

Et si l'année 2015 a particulièrement mal commencé pour bon nombre d'amoureux de la culture et des arts, il se pourrait qu'elle ne soit pas annonciatrice d'excellentes nouvelles dans les mois à venir du côté de la BD Américaine dans sa forme la plus diffusée. Reboots, relaunchs et autres poudres aux yeux éditoriales en tête de gondoles, Marvel et DC comptent toujours se disputer la plus grosse part du gâteau, en semblant cette fois accélérer encore un peu plus le mouvement en matière d'annulation et de remplacement de séries. Effet #1 et augmentation du prix oblige, la méthode est dans le pire des cas tout à fait rentable pour les deux géants, qui peuvent compter sur un lectorat fidèle à défaut d'être ménagé par la qualité ces derniers mois. 
 


En revanche, il reste évidemment énormément de raisons d'espérer et de mieux consommer, que ce soit les plus connus des Super-Héros ou de l'indé'. Essayons ici de détailler ces résolutions, après un petit état des lieux :   
 
• Chez Marvel, 2015 est depuis un moment placé sous le signe du méga-reboot. De plus en plus connecté à son univers ciné (pendant que les Fantastic Four sont officiellement abandonnés, et les X-Men micro-gérés) et à l'idée d'être un pan des plans transmédias de Disney avec Marvel, la Maison des idées nous proposera bientôt Secret Wars, la conclusion du très long (et très bon) travail de Jonathan Hickman sur Avengers et New Avengers. Plateau de jeu physique, baston cosmiques entre les différentes représentations les plus connues de vos héros préférés, tout est fait pour vous impliquer. Et à la clé ? Un énième reboot, toujours pas de le trempe des New 52 en termes de prises de décisions éditoriales, et (déjà) quelques zones d'ombres autour de l'annonce d'un titre Vengeur que l'on imagine forcément un peu lié à son grand-frère au ciné', Avengers : Age Of Ultron. "Wait & see", comme dirait le plus optimiste de vos potes lecteurs.
 
Le reste ? Spider-Man fait sa vie avec Dan Slott, amateur des montagnes russes de qualité à l'écriture, tandis que les petites séries "d'auteurs" façon Moon Knight ne se payent les services des meilleurs artistes de l'industrie que pour quelques numéros seulement, de manière plus répétée que par le passé. Évidemment,  il reste des raisons d'espérer avec des séries comme All New Hawkeye de Jeff Lemire, Black Widow / Punisher par Nathan Edmonson (LE rayon de soleil de l'éditeur depuis quelques temps) ou encore Rocket Raccoon, mais le bilan est maigre et toutes ces séries gagnent à être découvertes en TPB ou en relié, quitte à voir nos artistes préférés disparaître après quelques numéros seulement.
 
Marvel a peut-être rarement été aussi peu excitant, à 6-7 séries et auteurs près, et 2015 ne donne pas de signe d'amélioration notable à l'horizon. La fuite des cerveaux pour Image Comics se fait ressentir et nous ramène cyniquement au début des années 90. 
 


• Chez DC, on prend l'eau et on laisse le rafiot à Dan Didio. La superbe des New 52 définitivement fanée, l'éditeur peine franchement à me passionner (je ne vous ferais pas l'affront de dire "nous", mais je ne pense pas parler qu'en mon nom). Ce n'est pourtant pas faute de laisser sa chance à Scott Snyder sur Batman (depuis longtemps dépassé par le travail de Tomasi sur sa modeste série) et à Geoff Johns sur Justice League (dont l'arc en cours fait penser à un mauvais épisode de série TV low-budget), les deux séries les plus importantes de l'éditeur. Pourtant, contrairement à Marvel qui est porté par ses deux titres Vengeurs, chez DC la qualité est ailleurs. Detective Comics de Manapul et Buccelatto s'inscrit dans la droite lignée de leur travail sur The Flash, Grant Morrison livre un travail qui aurait été porté aux nues il y a quelques années avec Multiversity. Teen Titans avait beau avoir laissé une bonne impression, l'impossibilité de Kenneth Rocafort de boucler chaque numéro de sa série nous ramène bien trop aux défauts récurrents de l'éditeur, qui peine réellement à verrouiller et à sécuriser ses artistes, en dehors de ses superstars aux prétentions imposantes. 

Et pour 2015 ? Il faut espérer que la réussite DC Comics repose entre les mains du scénariste de Mutant X et FBI : duo très spécial, auteur de Convergence, nouvel event de l'éditeur. On passera sur le fait que Marvel et DC proposent à peu près la même recette éditoriale au même moment (sans que l'un soit plus coupable que l'autre - c'est d'ailleurs peut-être là le fond du problème), la remarque sur la répétitivité nous épuise nous-mêmes. 
 

 
• Chez Image Comics enfin, "on pagaie, on pagaie" ! "Mais où t'as mis la pagaie ?" se demande Todd McFarlane, richissime chef des opérations et incrédule entrepreneur, qui voit sa part de marché graviter à 10%, peu importe les sorties et les efforts éditoriaux. Et pourtant, ils sont nombreux ces efforts ! Maison-mère de Brian K. Vaughan, Matt Fraction, Ed Brubaker et bien d'autres, Image Comics est plus que jamais le meilleur ami des artistes dont la renommée n'est plus à prouver, qui peuvent s'adresser à leurs fans directement sur la toile et laisser le département marketing / impression à des gens compétents chez Image. Un deal gagnant-gagnant qui ne déplairait pas à Ségolène Royal, éternelle combattante de la culture Pop. 
 
2015, ce sera évidemment un milliard de nouvelles séries qui déchirent, d'artistes qui s'éclatent et de secrets d'édition les mieux gardés. En plus de ça, et je vais forcer un peu le trait : IMAGE COMICS EST L'ÉDITEUR LE MOINS CHER DU MARCHÉ. Tout simplement.
 
Les autres éditeurs, eux, devront faire face aux mêmes défis que les années précédentes, à l'exception d'un Dark Horse qui compte plus que jamais sur son génie Mike Mignola pour les sortir de l'impasse créée par le départ forcé de Star Wars vers Marvel. IDW fera des licences, Dynamite collera des procès, Top Shelf et Oni Press ne cesseront de publier de fabuleuses pépites et Avatar Press ira toujours plus loin dans le gore. Une année comme une autre, finalement.  
 
C'est pour cette raison que je tiens à insister sur le titre de cet édito' : les Comics ne sont finalement pas tellement en danger, ce sont nos habitudes de consommation qui le sont. Augmentation des prix (le 5$, c'est à vous de décider si vous laissez passer, quand vous achetez), effet d'entonnoir sur le marché, auto-édition et disparition progressive de l'achat de singles pour mieux se tourner vers la librairie (d'une meilleure qualité, souvent aidée par un prix bon marché...), tels sont les défis qui s'opposent à des lecteurs à la patience déjà bien entamée en raison des ressorts scénaristiques répétés à l'infini par deux majors en grave déficit d'originalité.
 
Mais puisqu'on sait que vous les aimez ces beaux défis, on vous souhaite définitivement une excellente année, à l'occasion de notre rentrée !  
Sullivan
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