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L'un des meilleurs dessinateurs de comics existant, tout simplement ? C'est ainsi que l'on peut résumer ce qu'incarne Wes Craig, artiste très certainement révélé au plus grand nombre grâce à son travail sur Deadly Class avec Rick Remender, et qui continue aujourd'hui de ravir son lectorat avec le titre Kaya (deux tomes disponibles chez Urban Comics). Wes Craig était présent au mois d'avril à l'édition 2025 de la convention FACTS, aux côtés de Michael Gaydos, Raùl Allén et Patricia Martin. Il était donc impossible de ne pas aller également lui poser quelques questions, principalement autour de sa dernière série en creator-owned.

En résulte un échange on ne peut plus instructif où l'auteur/dessinateur revient sur ses inspirations, ses thématiques et sa méthode de travail. Si vous souhaitez apprécier cet échange à l'audio et en anglais car vous êtes suffisamment anglophone, vous pouvez également retrouver cette interview au format podcast via First Print. N'hésitez pas à marquer votre soutien à notre travail et ces discussions avec les artistes en partageant partout où vous le pouvez ces articles.

Nous remercions chaleureusement Clément Boitrelle qui s'est occupé de la traduction et retranscription de l'interview. Remerciements également à Stefan van de Walle, Peter Vermaele et Rémi Lach.

Merci d’être à notre micro\nWes, c’est un plaisir de pouvoir échanger avec vous. Comment vous présenteriez-vous brièvement ?

Je m’appelle Wes Craig, je suis dessinateur\nde comics depuis bientôt 20 ans. Durant la première moitié de ma carrière, j’ai\nsurtout travaillé pour DC, Marvel, Wildstorm. Ces dix\ndernières années j’ai surtout travaillé sur Deadly Class aux côtés de Rick\nRemender, je suis le dessinateur et co-créateur de cette série. Elle est\npubliée chez Image Comics pour le marché Américain et pour le marché\nfrançais, elle est publiée chez Urban Comics, tout comme Kaya. C’est\nsur cette série que j’écris et que je dessine depuis bientôt deux ans et demi\nmaintenant. C’est une série de fantasy qui raconte l’histoire d’un frère et\nd’une sœur qui doivent survivre dans cet étrange univers. L’édition anglaise\nest également publiée chez Image. Voilà mon portrait !

Vous souvenez-vous à quand\nremonte votre volonté de devenir dessinateur ? Aviez-vous cette carrière\nen tête très tôt ?

Oui, complètement. Nous étions\ndeux garçons dans ma famille : mon grand frère et moi. C’est d’abord lui\nqui s’est intéressé aux comics quand nous étions très jeunes. Je viens de\nMontréal, et les premiers comics que j’ai pu lire furent les traductions\nfrançaises des comics Marvel ou DC. Vous avez sans doute eu les\nmêmes ici, mais il s’agissait en fait de deux ou trois récits de super-héros\nregroupés dans un seul album en noir et blanc, il n’y avait que très rarement\nde la couleur.

Les albums de l’époque en\nFrance étaient tous en couleurs.

Vraiment ?! J’ai toujours\npensé que les albums transitaient par la France avant d’arriver chez nous. Ils\ndevaient sans doute être produit au Québec…

On parle également d’une\népoque où je ne lisais pas encore de comics…

Cela remonte à longtemps c’est\nvrai. Dans les années 80, on trouvait beaucoup de rééditions d’histoires des\nannées 70 comme Conan, Avengers, ce genre de récits. On\nretrouvait les travaux de Sal Buscema, John Byrne, George Pérez\net autres… Mon frère et moi étions donc amateurs de comics. Il dessinait un peu\naussi et vous savez, je faisais comme tous les petits frères, j’essayais de le\ncopier ! Je m’y suis néanmoins beaucoup plus intéressé que lui à tel point\nqu’il n’y avait plus que ça qui comptait : je voulais dessiner et écrire\ndes comics. Plus jeune, j’organisais déjà mes pages en cases, je plaçais les\nbulles de dialogue et réfléchissais à l’histoire. Je réalisais aussi les pinups\ndes super-héros qui m’intéressaient à l’époque. Un autre aspect important fut\nma découverte des comic shop : nous y allions avec mon frère et d’autres\namis férus de comics. J’explorais les rayons et tout me paraissait si\nintéressant. Néanmoins je me souviens de ma découverte de la série Teen\nTitans de Marv Wolfman et George Pérez : c’est vraiment\nce qui m’a fait plonger ! Il me fallait toute la série ! J’avais mis\nla main sur le numéro 17 ou 18 je ne me souviens plus, mais j’ai dû rechercher\nles anciens numéros et ceux plus récents. J’essayais de recopier le style de George\nPérez pour dessiner comme lui. C’est donc tous ces éléments qui m’ont tout\nde suite attiré !

Comment s’est passée la\ntransition entre être fan de comics à vouloir devenir dessinateur de\ncomics ? Est-ce que cela a été difficile ?

Eh bien ce fut un chemin un peu\nparticulier quand même… Aujourd’hui, la culture geek est beaucoup plus acceptée\net universelle qu’elle ne l’était avant…

Elle est devenue mainstream.

Tout à fait. Mais vous savez à\nl’époque c’était bien différent, on se faisait tabasser au lycée à cause de\nça ! Je me souviens dessiner dans les couloirs du lycée et des camarades venaient\nme demander de leur dessiner une Tortue Ninja, ou tel personnage… Je ne voulais\npas passer pour le gars qui dessine et à qui on peut demander n’importe quoi. J’ai\ndonc préféré me consacrer au dessin chez moi. Je sortais quand même, j’essayais\nd’être populaire ! Vous voyez, rencontrer des filles et tout ce que font\nles ados ! Une fois rentré à la maison, je me consacrais aux comics dans\nmon coin, dans le sous-sol de mes parents. Je voulais donc être dessinateur de\ncomics déjà très jeune. En CE1, je me souviens avoir fait une rédaction du\ngenre « Que veux-tu faire plus tard ?». Je disais que je voulais\ntravailler pour DC et vivre à New York, car c’est là où tous les\nartistes vivent… J’ai encore cette rédaction d’ailleurs ! Mais en\nvieillissant vous vous rendez-compte que ce n’est pas aussi facile que ça. Je\nne savais pas à l’époque si être dessinateur de comics serait vraiment\nréalisable mais en tout cas je m’amusais tellement à dessiner que cela me\nsuffisait !

Après le lycée j’ai suivi des études d’illustration et de\ndesign à Montréal : c’est ce qui s’apparentait le plus à une école de\ndessin pour moi à l’époque car il n’y avait pas d’école de comics à proprement\nparler. Et c’est donc à cette période que j’ai commencé à envoyer des échantillons\nde mon travail chez DC, Marvel, Dark Horse…\nJ’envoyais également des idées de scénarios chez DC entre autres. L’une\nd’entre elles s’appelaient « Le Troisième Royaume » … Ce n’était\npas très bien écrit (je n’étais pas encore auteur à l’époque) mais les bases de\ncet univers donneront plus tard naissance à Kaya et Jin. Il y a des éléments de\nce premier récit que j’ai ré-utilisé dans Kaya… J’ai ensuite été diplômé,\nj’ai emménagé avec mon frère. Je continuais à envoyer des travaux chez les\nmaisons d’édition. Au début je recevais constamment des lettres de refus très\nimpersonnelles et sans aucune signature de la part de DC ou de Marvel.\nElles disaient toutes la même chose : « Nous avons bien reçu vos\ntravaux, mais vous n’êtes pas encore prêt… » etc etc. Puis, quelques fois,\nun éditeur glissait un petit mot me disant que je me débrouillais bien et qu’il\nfallait que je persévère. Vous voyez, des petits encouragements qui m’ont\npermis de rester motivé. Un jour j’ai reçu un email de Matt Idelson\nqui était éditeur chez DC à l’époque, il avait reçu plusieurs de mes\ntravaux sur Superman. Il les a plutôt appréciés et il cherchait un nouveau\ndessinateur pour la série Touch. Tout allait donc pour le mieux avant\nque la série ne soit annulée après six numéros ! Il a donc fallu s’échiner\nà trouver du travail de nouveau. J’ai œuvré sur des séries comme Texas\nChainsaw Massacre ou bien les Gardiens de la Galaxie…

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La majeure partie de votre\ncarrière est consacrée à du travail en creator-owned, gardez-vous cependant de\nbons souvenirs de cette période où vous avez travaillé sur des personnages\nde franchise ?

Il y avait des hauts et des bas,\ntout dépendait du projet sur lequel je travaillais. Il y a plusieurs événements\ndans ma vie qui ont eu beaucoup d’importance : la rencontre avec mon\népouse, la naissance de mes enfants, Kaya qui est accepté par Image\ncar c’était un projet très personnel… Je place au même niveau le premier email\nque j’ai reçu et qui me proposait du travail. J’ai littéralement fait le tour\ndu quartier le poing levé comme à la fin de Breakfast Club ! C’était\nun moment si important pour moi après tant d’essais infructueux, après en avoir\nrêvé depuis que j’étais gamin. Ceci étant dit, vous n’avez pas vraiment de\ncontrôle artistique. Ce dernier est plus aux mains des éditeurs et de\nl’entreprise. Quand vous travaillez pour DC ou Marvel vous n’avez\npas vraiment de contrôle sur l’évolution de votre carrière. Parfois j’acceptais\ndes projets sans vraiment être intéressé, juste parce que c’était ce que l’on\nme proposait à l’époque. Mais je me suis quand même bien amusé parfois. Une\nfois mon travail entamé sur Deadly Class, j’ai eu l’impression\nd’avoir un peu plus de reconnaissance des lecteurs et le respect que j’ai\ntoujours espéré de la part d’autres artistes. Vous voyez, la première fois où\nj’ai pu aller boire un coup dans un bar lors d’une convention sans avoir à me\nprésenter, ce fut un sentiment très agréable ! Bons nombres d’artistes que\nje respectais connaissaient Deadly Class. J’étais donc à la\nrecherche d’un peu de reconnaissance. Après Deadly Class, j’ai eu\nde nouveau plus de contrôle sur ma carrière. Après ça, je pouvais accepter ou\nrefuser des projets que me proposaient Marvel ou DC.

Je ne veux pas trop m’étendre\nsur Deadly Class mais à l’époque, vous êtes-vous rendu compte du succès de la\nsérie ? En dehors de vos royalties évidemment !

Complètement oui. Cela s’est joué\nà plusieurs degrés : déjà, comme je vous l’expliquais avant, j’avais plus\nde contrôle sur mon travail. Il y a quelques personnes dans cette industrie\npour lesquelles je suis redevable. Il y a deux éditeurs qui travaillaient chez Marvel\net DC et qui m’ont beaucoup aidé pour trouver du travail à l’époque\nalors qu’ils n’avaient pas à le faire, je leur suis très reconnaissant. Je fais\nréférence à Nachie Castro et\nBen Abernathy. Et bien évidemment je dois beaucoup à Rick. Tout\nse passait plutôt bien chez Marvel et DC mais je n’avais pas\nl’impression de fédérer un public autour de mon travail, je n’avais pas de\nlongue série qui m’aurait permis de vraiment faire connaître mon nom. J’ai bien\nun peu travaillé sur les Gardiens de la Galaxie, mais pas suffisamment\npour être reconnu. Une fois que Rick m’a offert l’opportunité de\ntravailler sur Deadly Class, tout a changé. D’un point de vue\nfinancier, j’ai pu vendre mes originaux un peu plus chers, j’ai pu réaliser des\ncommissions etc. J’ai pu régler mes factures un peu plus facilement !\nAvoir un travail régulier était bien plus confortable que de travailler à\ndroite à gauche pendant de courtes périodes, avant de devoir de nouveau\ndémarcher pour du travail.

Il y avait également bien plus de monde présent lors\nde mes déplacements en convention. Beaucoup de lecteurs me parlaient de Deadly\nClass, de la scène de poursuite du premier numéro qui visiblement avait\nfait forte impression ! Elle est très souvent revenue sur le tapis au fil\ndes années ! Cela a vraiment changé ma vie. J’ai pu m’installer dans une\nmaison plus grande, je n’avais plus à m’inquiéter de mon prochain salaire. Et\nd’un point de vue créatif, Rick m’a laissé beaucoup d’amplitude à tel\npoint que j’ai pu expérimenter dans le découpage, la composition des pages et\nl’agencement des cases, je me suis beaucoup amusé. Il m’a vraiment donné\nl’occasion d’être le co-créateur et ne m’a pas juste considéré comme la main\nqui dessinerait ses idées. Il y a donc eu beaucoup de changements du jour au\nlendemain !

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Ma prochaine question sera\ndonc toute logique : qu’avez-vous ressenti à la fin de Deadly Class ?\nCraigniez-vous de perdre vos lecteurs ?

Il y avait un peu de ça oui. Mes\nsentiments étaient partagés à l’idée de dire au revoir à tous ces personnages.\nC’est toujours agréable de dessiner Billy ou même Petra lors d’une\ncommission, surtout quand cela fait plusieurs années que vous ne les aviez\npas dessinés. J’ai travaillé et dessiné ces personnages pendant près de dix ans\nqu’ils deviennent quasiment réels pour vous. Vous espérez toujours que votre\nprochain projet soit encore plus important que le précédent. C’est un peu comme en musique : certes\nRobert Plant a eu une belle carrière en solo, mais ce n’est pas pareil qu’être\nchanteur de Led Zeppelin. Ou comme Sting avec The Police…\nC’est peut-être un mauvais exemple ! Mais vous voyez, ces artistes qui ne\nrencontrent pas le même succès en solo : leur ego est tellement grand\nqu’ils s’imaginent pouvoir avoir le même succès tout seul. En réalité, c’est\nl’alchimie du groupe qui fait tout le sel de leur succès. Au final, je ne\nserais pas étonné si Deadly Class reste le projet pour lequel je\nsuis le plus connu. Kaya rencontre un petit succès, beaucoup de\npersonnes me l’apportent lors des dédicaces, je n’ai donc pas à forcer la main\naux lecteurs pour qu’ils s’y intéressent. Ce n’est certes pas aussi populaire\nque Deadly Class mais l’album fait son chemin. Il y a un peu d’inquiétude aussi, je n’ai plus\nla présence de Rick pour me guider. Aujourd’hui, je dessine et j’écris\navec l’aide de mon équipe créative. Kaya est une série que j’ai élaboré\ntout en travaillant sur Deadly Class et pouvoir écrire et\ndessiner mon propre comics a toujours été un rêve pour moi. Il y a donc\nbeaucoup d’enthousiasme mais aussi des inquiétudes…

Vous suiviez les scripts mais\nvous ambitionniez de réaliser vos propres récits.

Exactement. Mon rêve a toujours\nété d’avoir ma propre série, l’écrire et l’illustrer, ce que je fais\nactuellement. Si en plus je peux payer les factures grâce aux ventes, c’est\ntout ce que je peux espérer ! Je ne peux pas rêver meilleure situation.

A-t-il été compliqué d’écrire\net de dessiner en même temps votre série ? Est-ce que votre collaboration\navec Rick Remender vous a permis d’apprendre le métier d’auteur ?

J’ai un peu appris avec lui oui,\nmais il a un style différent du mien, surtout dans sa manière d’écrire. Je\npense qu’il est très bon dans une writer’s room : il peut lancer des idées\nimmédiatement. Il peut par exemple vous dire au téléphone que telle scène ne\nfonctionne pas, et s’ensuit ensuite un va et vient d’idées. Je suis plus\nméthodique.

Quelle est votre méthode\njustement ?

Je suis plus organisé : j’ai\nbesoin de faire murir une idée un certain temps vous voyez, en promenant le\nchien par exemple, avant d’arriver à une solution, plutôt que de proposer dix\nidées très rapidement et se débrouiller avec ça. C’est ainsi que je fonctionne,\nque ce soit pour le dessin ou l’écriture. Cela correspond plus à ma\npersonnalité : je fonctionne par étape, tranquillement mais sûrement. Je\nsuis plus tortue que lièvre ! Et les résultats sont là. A une période,\nj’enviais un peu les auteurs comme Rick capable de générer autant d’idées. Mais\nchacun à ses points forts et il ne faut pas se soucier de ce que font les\nautres : il faut se concentrer sur nos points forts. Il y a une chose que\nje respectais énormément chez Rick c’était sa capacité à réécrire complètement\nune histoire si cette dernière ne fonctionnait pas : il repartait à zéro.\nJ’étais vraiment impressionné car les publications sont mensuelles et les\ndeadlines planent toujours au-dessus de vous. C’était assez courageux de faire\nça ! Je ne le fais pas très souvent. Cela dit, il faut savoir parfois être\nhonnête envers soi-même et si quelque chose de ne fonctionne pas, il faut être\ncapable de remonter le fil et recommencer, quand bien même cela remonte à\nloin ! Cela peut donc m’arriver.

Gérer les deadlines doit aussi\nêtre plus compliqué quand vous êtes artiste et auteur ?

Oui, cela dit certains aspects\ndeviennent plus rapides. Evidemment l’écriture ralentit le processus, mais c’est\nplus rapide d’écrire pour votre propre histoire que pour quelqu’un d’autre.

Vous rédigez-donc vos propres\nscripts.

Oui, je ne peux pas le faire de\ntête. Peut-être un jour… Je me souviens avoir écouté une interview de Chris\nWare où il explique qu’il est capable d’écrire au jour le jour. Il a\njuste à dessiner et les idées lui viennent. Je trouve ça incroyable. Je serais\nbien incapable de faire pareil, je m’emmêlerais les crayons, j’aurais peur\nd’oublier des éléments de l’histoire. J’ai besoin de connaître les grandes\nétapes du récit : je sais que Kaya tiendra sur huit tomes, j’ai tout\nprévu. Les détails en revanche ne sont pas encore précis. Je ne sais pas encore\ncomment j’arriverai à un certain point de l’intrigue, mais j’ai les grandes\nlignes.

Vous savez donc déjà que tout\nceci n’était qu’un rêve…

[rires] Tout à fait oui, ce\nn’était que le rêve de Markus qui va se réveiller dans l’univers de Deadly\nClass !

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Quel twist ! [rires] Parlons\ndonc de votre merveilleuse série. C’est un récit que vous aviez en tête depuis\nun moment déjà, que pouvez-vous nous dire de sa genèse ? J’ai d’abord cru\nque l’idée vous était venue à la naissance de vos enfants, mais cela remonte à\nplus loin ?

Quand j’ai entamé Kaya,\nmes enfants étaient encore très jeunes. En tout cas, quand j’ai commencé à\ntravailler sur mes planches, car ils n’étaient pas encore nés quand j’ai\ncommencé à réfléchir au projet. A l’époque, ma femme et moi ne parlions pas\nencore d’avoir des enfants. C’est un sujet qui est arrivé vers la fin de Deadly\nClass. Je me doutais que l’arrivée de mes enfants allait influencer la\npersonnalité de Kaya et Jin. C’est surtout le cas pour Jin, le\nplus jeune. Si jamais il pique une colère, je sais à quoi cela ressemble\nréellement ! Vous pouvez adapter leur façon de penser également. Kaya est\ncertes la grande sœur, mais elle joue également le rôle de père, de mère. C’est\nelle qui doit tout gérer. Je comprends mieux les difficultés qu’elle peut\nrencontrer en devant s’occuper de son petit frère. Aussi sa manière de réagir\ncorrespond à la mienne face à mes enfants.

Si vous n’aviez pas eu\nd’enfants, pensez-vous qu’il aurait été plus difficile d’écrire de tels\npersonnages ?

Ce n’est pas évident. C’est un\npeu difficile de juger votre propre travail en tant qu’auteur. J’arrive à\nprendre plus de recul sur mes dessins que sur mon écriture. Il y a tellement de\nnuances dans la personnalité d’une personne qui rentrent en jeu quand vous\nécrivez un dialogue. Quand je me suis lancé dans l’écriture, j’ai d’abord\nréfléchi aux personnages avant de me concentrer sur l’intrigue en tant que\ntelle. Qui sont-ils vraiment ? Pour se faire, j’ai essayé de me souvenir\ndu mieux que je pouvais de mon enfance. Plus jeune, j’avais l’habitude d’écrire\ndes petits journaux. J’ai essayé de me souvenir de ce que j’ignorais à\nl’époque. Comment le monde tournait selon moi ? Qu’est-ce que je ne\ncomprenais pas ? A cet âge, il vous manque tellement de connaissances que\nvous ne pouvez qu’imaginer comment les choses fonctionnent. J’ai donc essayé de\nme replonger dans cet état d’esprit le plus possible. Je pense que j’aurais\ncontinué ainsi si je n’avais pas eu mes enfants. Je comprends un peu mieux\ncomment ils fonctionnent. Je pense à une scène en particulier où Jin fait\nune colère et où il répète « Non ! Non ! Non ! », dans\nmon esprit il le prononce d’une certaine manière. Je ne pense pas que j’aurais écris\ncette scène de la même façon si je n’avais jamais vécu ce genre de scène où mes\nenfants piquent une crise ! Je me suis donc un peu inspiré de la réalité.

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Et que pouvez-vous donc nous\ndire sur l’origine du projet plus précisément ?

Tout a commencé avec une idée de\nrécit que j’ai proposé chez Image. Il s’agissait d’un comics très court\nd’environ quinze pages, intitulé « Le Troisième Royaume ». Je\nl’avais imprimé personnellement sur du beau papier. J’ai tout réalisé\nmoi-même : l’encrage, les couleurs… J’ai encore un exemplaire quelque\npart. Les dessins ne sont pas trop mal. C’était bien avant que je n’aie une\nvraie carrière professionnelle, cela remonte à vingt ans. L’écriture n’était en\nrevanche pas au niveau. L’univers était construit, vous pouviez y voir évoluer\ndes personnages plutôt classe, mais il y n’y avait aucun fil conducteur :\nque font-ils ? Où vont-ils ? Il n’y avait rien de tout ça, juste des\néléments qui semblaient cool à dessiner. Quand vous êtes auteur, vous commencez\nbien souvent à intégrer des éléments qui vous semblent intéressants, cools.\nAvec l’expérience, vous réalisez qu’il s’agit avant tout d’une sorte de\nconversation avec vos lecteurs. Si vous ne les incitez pas à tourner la page,\nc’est que votre travail en tant qu’auteur ne marche pas. Il faut raconter\nl’histoire qui vous tient à cœur, mais il faut aussi intégrer des éléments qui\ntiendront en haleine vos lecteurs que ce soit une prémonition, l’espoir\nque vos personnages arrivent à destination etc. Cela semble évident, mais ce\nsont des éléments que vous apprenez au fur et à mesure. Il faut être capable de\ntrouver la bonne formule. Enfin bref, j’ai présenté ce projet chez Image. Je ne\nme souviens plus si j’ai eu un quelconque retour de leur part. Je sais juste\nque cela n’a pas été accepté, mais je n’étais pas prêt de toute façon… J’ai\nquand même gardé cet univers dans un coin de ma tête. Il y a d’ailleurs un\npersonnage qui accompagne Kaya et Jin, Razel. C’est un dieu farceur en\nquelque sorte. Razel est quasiment le même personnage que dans le Troisième\nRoyaume. Les trois personnages du récit étaient des sortes de variations d’Odin,\nThor et Loki, j’ai toujours adoré la mythologie nordique. Razel est donc ma\nversion de Loki : un dieu farceur qui a toujours un mauvais tour dans son\nsac… Il fait parfois le bien, le mal, on ne sait jamais vraiment. Je parle bien\nde la version mythologique de Loki, pas la version de Marvel. Voilà donc le\ngenre de personnage et d’ambiance qui peuplaient cet univers : un mélange\nd’éléments de fantasy et de science-fiction, mais je n’avais aucun fil\nconducteur. Plusieurs années plus tard, au début de mon travail sur Deadly\nClass, je me souviens faire quelques petits croquis de Kaya en version\nadulte : une chasseresse badass ! Puis elle a changé pour devenir\nenfant…

Avait-elle déjà son bras\nrobotique ?

Oui, c’est assez bizarre\nd’ailleurs car elle avait déjà ce bras et la peinture noir autour de ses yeux. Quelques\nannées plus tard, Mad Max Fury Road sort et le personnage de Furiosa\na exactement les mêmes accessoires ! J’ai trouvé ça très étrange ! Je\npense qu’Hellboy est l’influence principale : la Main droite de la mort est\névidemment une influence importante en ce qui concerne le bras de Kaya.\nConcernant le noir autour des yeux, je pense que cela vient des Maoris ou des\nAmérindiens, vous voyez ? Toutes les peintures faciales d’anciennes\ncultures que l’on peut voire en photo et qui sont très cools !

Est-ce que les personnages que\nvous avez imaginés ont permis de résoudre le problème de l’intrigue ?

Je crois oui. Après avoir imaginé\nKaya, je me suis dit qu’elle aurait besoin d’un but. Au début vous ne\nsavez pas trop de quoi il peut s’agir… On parle souvent de\n« McGuffin », vous voyez, le moteur de votre intrigue. Je crois qu’au\ndébut il devait s’agir d’un objet… Plus vous y réfléchissez, plus vous essayez\nde vous démarquer et trouvez une idée originale. Et si cet objet était en fait\nune personne ? Cette personne est devenue Jin. Et s’il s’agissait de son\npetit frère ? Si Kaya est plus jeune, cela devient donc plus difficile\npour elle de retrouver son frère : Kaya est un personnage très capable,\nmais c’est encore une jeune fille, elle fait encore des erreurs. J’ai donc\nessayé de leur rajouter plus d’obstacles au fur et à mesure pour rendre\nleur parcours plus compliqué. Tous ces éléments ont donc évolué avec le temps. Comme\nje travaillais sur Deadly Class en même temps, j’ai eu le temps\nde tranquillement réfléchir à l’intrigue.

Est-ce que la conception de\nvotre univers a été difficile ? Il y a des éléments de science-fiction\ndans votre monde, il y a des lézards géants, des dieux… Comment rendre tout\ncela cohérent ?

A l’époque où je réfléchissais à\nl’histoire, il n’y avait pas énormément de comics tout publics. Ce fut donc une\nvolonté de ma part de faire une œuvre tout publics. En revanche, quand Kaya est\nsorti, il y avait déjà beaucoup plus d’histoires de ce genre, ce qui était\nplutôt chouette.

Comme Jonna de Chris\nSamnee.

Il y a beaucoup de similarités\nentre nos deux œuvres. J’ai toujours rêvé de faire un genre crossover entre les\nunivers de Jonna, Head Lopper et Kaya, mais cela ne\nverra jamais le jour ! Pour revenir à votre question initiale, je me suis\nsurtout concentré sur des éléments qui me permettraient de garder de l’intérêt.\nC’est une odyssée, ils traversent des villes, des villages et des royaumes sur\nleur chemin. J’ai donc choisi certains tropes de la fantasy et j’ai réfléchi à\nl’équivalent en science-fiction pour mélanger les deux. Conan est une\ninfluence importante. Kaya est littéralement une mini Conan : elle ne\nparle pas beaucoup, c’est juste une dure à cuir. J’ai donc pioché dans des\néléments de la mythologie de Conan : l’âge Hyborien, Atlantis… Tous\nces éléments que croise Conan sur sa route. L’intrigue de Kaya se déroule sur\nune Terre des années dans le futur : la civilisation est retournée à un\nniveau antique, comme l’Egypte ou Babylone, vous voyez ? Vous trouvez\négalement des robots et d’autres éléments de science-fiction. Dans le troisième\narc, ils vont dans une ville hantée où les habitants semblent être des\nfantômes. Il se trouve qu’en fait il y a un dysfonctionnement sur une machine\ntemporelle qui fait que les habitants répètent les mêmes actions. Pour les\npersonnages, cela ressemble à un élément de fantasy mais pour le lecteur, c’est\nclairement de la science-fiction. C’est donc un heureux mélange de tous ces\néléments.

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Vous disiez un peu plus tôt\nque vous aviez déjà la fin en tête. Comment pavez-vous la voie vers cette\nconclusion ? Vous m’avez dit que le récit tiendra sur huit tomes, mais\npeut-être que dans quelques années vous déciderez que cela tiendra en neuf ou\ndix ?

C’est une possibilité oui.

Pour avoir discuté avec\nbeaucoup d’artistes, vous vous faites souvent rattraper par votre propre\nhistoire : vous souhaitez rajouter de nouveaux arcs narratifs ou au\ncontraire, si les ventes ne suivent pas, vous devez boucler le récit plus tôt\nque prévu. Comment vous voyez-vous d’ici trois ans ? Serez-vous en train\nde terminer Kaya ?

Je suis d’accord avec vous. Deadly\nClass devait se terminer au numéro cinquante, pour finalement se\nconclure au numéro cinquante-six. Surtout en ce qui concerne la fin, il faut\nque vos lecteurs soient investis dans l’histoire. Vous ne pouvez pas vous\npermettre de bâcler la fin pour en être débarrassé. Il faut finir correctement,\nsinon personne ne s’en souviendra comme vous l’espériez. Je peux vous dire avec\ncertitude que le dernier arc sera plus long que tous les autres. J’aurais très\ncertainement besoin de plus de pages pour que tous les éléments de l’intrigue\nretombent bien sur leurs pattes et pour que mes intentions en termes d’émotions\nsoient respectées, à la fois pour les lecteurs et les personnages.

Au début\nj’avais prévu dix volumes puis j’ai réfléchi et j’ai pensé qu’il serait\npossible de resserrer un peu l’histoire pour que l’ensemble fonctionne mieux.\nCertains éléments ne me paraissaient pas forcément pertinents, deux intrigues\npouvaient se regrouper en une afin de rendre le tout plus intéressant. Mais\nl’intrigue est déjà planifiée, avec suffisamment d’espace entre chaque arc pour\ndonner suffisamment de consistance aux personnages, leur donner des dilemmes\nmoraux etc. On ne sait jamais ce que la suite nous réserve. Je n’avais jamais\nfait d’ongoing seul avant, je dois donc garder en tête que l’histoire\ntiendra en huit volumes pour me rassurer et savoir où aller. Si j’ai une\nchouette idée en cours de route, je peux me permettre de voir ce que je peux en\nfaire mais pour l’instant, la majorité de ce que j’avais prévu s’est déroulée\nde la manière que je souhaitais. Je n’ai pas eu d’idée beaucoup plus\nintéressante que ce que j’avais prévu à l’origine, je n’ai pas eu à tout\ndétricoter. Cela peut m’arriver mais dans des scènes moins importantes\ncependant. La scène peut changer mais sur le long terme, les personnages\nsuivent la même direction que celle que j’avais prévue.

Vous travaillez également avec\nJason Wordie pour la colorisation, tout en réalisant vous-même vos aquarelles.\nComment se passe cette collaboration ?

Je dispose d’un certain style et\nj’aime accentuer ou atténuer certaines de mes inspirations en fonction du\nprojet sur lequel je travaille. Sur Deadly Class, je me suis\nbeaucoup inspiré des posters de groupes punk-rock, de Jaime Hernandez,\nde David Mazzuchelli, Franck Miller… Beaucoup\nd’artistes des années 80 que j’apprécie, période durant laquelle se déroule\nl’intrigue de l’album. En ce qui concerne Kaya, je me suis plus inspiré du Seigneur\ndes Anneaux de Ralph Bakshi, de Franck Frazetta et de\nbeaucoup d’autres artistes talentueux qui ont œuvré dans la fantasy comme Moëbius\net qui ont eu une grande influence sur moi. Je voulais donc des couleurs plus\nvibrantes tout en utilisant l’aquarelle. J’ai donc confié mes planches à Jason\nqui est un artiste très différent de Lee [Loughridge], qui fut le\ncoloriste de Deadly Class. Jason est plus minutieux. Nous avons\ndonc collaboré sur Kaya. J’avais repéré son travail dans un projet intitulé\n« First Knife » aux côtés de Simon Roy.\nL’univers était très proche de celui de Kaya et je me suis dit que s’il était\ncapable de travailler sur First Knife, cela marcherait également très\nbien sur Kaya. First Knife est un récit\npost-apocalyptique mais l’histoire se déroule beaucoup plus tard que l’apocalypse\nen question fait partie du passé lointain. C’est donc le même type d’univers\nque Kaya. Il était capable de bien retranscrire l’atmosphère des lieux.\nJe l’ai donc contacté et il a pu réaliser une sorte d’essai sur le prologue que\nj’ai réalisé, quand les personnages sont perdus dans un désert. Il s’est donc\noccupé de ce passage et je pouvais sentir la sécheresse, la poussière soulevée\npar les pas des personnages. Je travaille des teintes intermédiaires comme le\nbleu ou le gris, puis Jason s’en empare et rend mes couleurs plus immersives. Il\na passé le test du premier coup !

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Votre intuition était\négalement celle d’un artiste professionnel, vous saviez donc quoi rechercher\nchez un coloriste.

Ça me semblait être la meilleure\npersonne pour le projet. Comme je vous l’ai déjà dit, le récit est une grande\nodyssée où les personnages traversent le monde : chaque arc narratif a son\npropre thème. Ils vont sur le territoire des mutants dans le deuxième\narc : tout est marécageux, on y voit des couleurs qui rappellent des\nradiations. Jason est capable de s’adapter à chaque environnement.

Pendant votre travail sur Kaya,\nvous avez également réalisé une courte histoire pour le DC All-In\nSpecial. Trouvez-vous encore le temps de réaliser des projets\nannexes pour les grands groupes ou même d’autres artistes ?

Oui. C’est d’ailleurs une belle\nillustration de ce que je disais : savoir accepter ou refuser un projet. Quand\nj’ai débuté, j’acceptais tout ce que l’on me proposait pour pouvoir payer mes\nfactures. La première fois que j’ai refusé un projet après Deadly Class,\nce fut très intimidant mais en même si libérateur. DC m’a donc contacté\net le projet remplissait pas mal de critères intéressants : travailler\navec Scott Snyder, travailler sur la plupart des personnages du Quatrième\nMonde de Jack Kirby (Darkseid est un de mes personnages\npréférés). Je peux créer de nouvelles versions des héros DC avant la\nsortie de la ligne Absolute. Le dernier critère fut le suivant :\nj’étais très emballé par le projet mais je devais continuer à publier Kaya\nde manière mensuelle. La série marche plutôt bien mais je ne voulais pas\ndisparaître totalement : si un lecteur laisse tomber la série car il ne\nl’aime plus, c’est une chose mais je refuse que le moindre lecteur arrête de\nlire Kaya car les numéros sont trop longs sortir. J’ai donc demandé une\ndeadline un peu plus large, je ne pouvais pas me permettre de faire une page\npar jour. DC a accepté et c’était parti ! Vous savez, il y a plusieurs\naspects dans tout ça : il y a le plaisir que je peux en tirer mais il y a\naussi l’aspect business. Peut-être que certains lecteurs qui apprécieront ce\nrécit pour DC iront jeter un œil à Kaya. C’est également un\nsalaire qui me permet de rémunérer mon équipe créative… Cela fait aussi partie\nde l’équation. Mais c’était avant tout un projet très marrant, je me suis\néclaté !

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Pour l’heure, vous ne vous\nconcentrez que sur Kaya ? J’ai cru lire dans une interview que vous\nsouhaitiez écrire pour un autre artiste.

Il y a bien quelque chose qui se\nbricole depuis un moment mais je n’ai aucune idée de quand cela sortira. Je\nsuis encore en train de l’écrire et un dessinateur est sur le projet. Il n’y a\npas encore assez de matière à l’heure actuelle pour pouvoir en parler. J’espère\nque nous serons assez rapides pour pouvoir annoncer quelque chose d’ici la fin\nde l’année. Il y a également un autre projet dans la même veine que le DC\nAll In mais ce n’est pas dans le même univers. J’essaie de garder le\nsecret… Disons que c’est une mini-série pour DC que j’écris et je\ndessine. C’est hors continuité… Et c’est tout ! J’avais une idée pour un\ncertain personnage depuis un moment, une approche spécifique pour un personnage\nque j’apprécie beaucoup.

Absolute Darkseid ?

Non ! [rires] Ce serait très\ncool ! Figurez-vous que j’avais réfléchi à un concept pour la ligne Absolute,\nj’ai un peu travaillé dessus mais je n’arrivais pas y intégrer le personnage\nprincipal. En tout cas, Kaya reste mensuel, DC me donne assez de\ntemps. Cela devrait sortir l’an prochain. Je dois encore travailler sur quelques\npages chaque semaine, sans compter mon travail sur Kaya. C’est une année\nbien remplie mais j’arrive tout juste à m’en sortir ! Je vais m’efforcer à\npublier Kaya tous les mois !

Nous avons hâte d’en savoir\nplus ! Merci beaucoup pour votre temps Wes Craig !

Merci à vous !

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À l'automne 2017, nous étions parmi les premiers médias spécialisés à relayer l'existence d'un nouveau festival dédié à la bande dessinée américaine, le Lake Como Comic Art Festival. Une manifestation se déroulant dans un cadre visiblement luxueux - aux bords du célèbre lac de Côme - et qui réunit en son sein plusieurs dizaines des artistes parmi les plus talentueux des comics, qu'il s'agisse de vétérans bien installés ou de nouveaux prodiges. Stoppé pendant la période Covid, le festival est revenu en grande forme depuis 2022, et chaque nouvelle édition fait saliver depuis la France, au vu des noms alignés.

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La Roll's Royce du Festival de BD ?

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Bien entendu, pour les habitués de salons familiaux comme Paris Fan Festival ou l'ancienne Comic Con Paris, le déplacement jusqu'à Côme et le prix d'entrée au festival peut rebuter, si l'on ne comprend pas bien du moins quel est le public cible du festival et ce que l'on vient y trouver. Pour décrypter la démarche des organisateurs du Lake Como Comic Art Festival, nous sommes allés nous entretenir avec Arno Lapeyre, le co-fondateur de l'évènement. Ce dernier s'occupe également, entre autres activités, des enseignes Pulp's situées à Paris et à Bordeaux, et c'est à lui aussi que l'on devait les différentes éditions de la regrettée Paris Comics Expo. En somme, un amoureux des comics installé depuis pas mal d'années, qui nous a fait le plaisir de répondre à nos questions. Alors que l'édition 2025 du LCCAF doit commencer à la fin de la semaine, nous revenons ensemble sur la conceptualisation de l'évènement - de quoi vous donner envie de faire vos préparatifs pour l'an prochain ?

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- La programmation du Lake Como Comic Art Festival 2025 est à retrouver en ligne ici !

Bonjour Arno ! En premier lieu, comment te présenterais- tu ?
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Ce sera plutôt par le prisme de nos travaux. Nous avons aujourd'hui plein d’activités qui sont toutes liées à la bande dessinée, et principalement aux comics. On a commencé avec une boutique Pulp’s qui touchait un peu à tout - les bandes dessinées en anglais et en français, ainsi qu’une part de toys et de cartes à collectionner. On avait qu’une seule boutique qui réunissait tout, puis elles se sont développées. On a commencé ensuite à faire de la distribution de comics en VO, un peu d’édition avec des artbooks, une partie évènementielle avec la PCE (Paris Comics Expo). En résumé, on s’intéresse à plein d’aspects liés aux comics et aux auteurs. La boutique de produits dérivés a pas mal évolué ; on est moins sur les produits US (action figures, statuettes) qu’on avait fin ‘90/année 2000. On s’est ouvert à la BD française/européenne et les mangas, avec une palette plus large pour les produits dérivés. On a donc plusieurs casquettes.

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Pourquoi parmi tes nombreuses activités, tu t’es dit que faire de l’évènementiel autour des comics et de la pop-culture était une bonne idée ?

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A l’époque il y avait peu d’évènements comics en France, du moins pas d’envergure ou qui mettent vraiment le comics en avant. Il y avait bien sûr eu d’autres tentatives - la librairie Arkham avait fait un salon il y a des années. La preuve que ce sont surtout la motivation et l'énergie des libraires/retailers qui compte, sinon les comics ne sont pas naturellement mis en avant. Au FIBD, même si ça s’est ouvert, c’est toujours compliqué de faire vivre le comics. La Japan Expo a essayé de construire une Comic Con mais ça ne prenait pas. Peut-être que c’était plus parce qu’ils cherchaient un autre public plutôt que de vraiment mettre cette culture en avant.

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Étant donné qu’ici, c’est notre passion et qu’on veut la faire connaître au plus grand monde, un salon qui permette de réunir les artistes et les lecteurs, ça nous faisait envie depuis des années. C’était une évidence pour nous d’organiser quelque chose à Paris. On a toujours voulu insister sur la partie artistes/rencontre, que ce soit à Paris ou ailleurs, parce que c’est ce qui donne du sens, la rencontre, plus que le dessin ou la signature, qui sont la première chose demandée/attendue avec les artistes. C’est plus important d’avoir une relation un peu plus développée, de pouvoir discuter avec eux. Dans une librairie c’est compliqué de le faire, mais un festival peut permettre d’avoir quelque chose de plus long et de meilleure qualité.

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Est-ce que tu peux nous expliquer les origines du LCCA et quelles sont les différences d’approche avec la PCE, que tu organisais avant ?

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A la dernière édition de PCE [en 2016], sincèrement, je pensais que j’en avais terminé avec l’évènementiel. Par la somme de travail, de tout ce que ça impliquait. Avec toutes les activités qu’on a à côté, il y a un nombre limité d’heures par jour comme pour tout le monde et l’évènementiel est extrêmement chronophage. C’est d’une intensité assez incroyable. Il faut se préoccuper de milliards de choses en continu, sur tous les aspects, c’est épuisant physiquement et mentalement. C’est donc un bon challenge, mais c’est presque du masochisme vu l’investissement personnel (en temps et en énergie) qu'on met. Malgré tout, c’est excitant, et on y revient quand même.

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A l’époque il y avait un déséquilibre assez important vis-à-vis du reste de nos activités. Il a fallu qu’on fasse un choix, et comme on avait trop de choses à côté, je n’avais plus envie de consacrer mon temps à l’organisation d’un salon. Mon futur associé, Steven Morger, avait aussi fait un salon similaire aux États-Unis, avec la même évolution et le même constat. Il m’a proposé de refaire quelque chose, mais qui soit uniquement centré sur les artistes.

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Son concept était bien plus proche de ce que j’avais envie de faire, étant donné que ça permettait de sortir toute la partie avec laquelle j’avais moins d’accroches. Sur un salon grand public, comme on a beaucoup de monde, on a beaucoup d'activités, de personnes impliquées dans des animation, donc beaucoup de gens et de questions à gérer. Si on ne se concentre que sur les artistes, en soit une partie de ce qu’était PCE, ça simplifie l’ensemble. Il y a toujours un minimum de travail important, mais ça ne prendra pas les mêmes proportions. En partant sur un concept avec beaucoup moins de monde, et seulement une partie qui nous intéresse, le projet devient plus agréable et “plus simple” à gérer. On est pas obligés de s’occuper par exemple d’acteurs de cinéma ou de séries, qui peuvent avoir leurs caprices…

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Mais les artistes peuvent aussi avoir des caprices…

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Ha non, rien à voir [rires]. Ce sont deux mondes différents. Franchement, je n'ai pas l’impression d’avoir eu vraiment de caprices d’artistes. À Como on a pas mal d’artistes américains, et ils sont assez autonomes, puisque lorsqu’ils vont à New York [à la NYCC], personne ne s’occupe d’eux. Ils se débrouillent, en somme. Vu le nombre d’artistes qu’on a, même ceux qui seraient considérés comme têtes d’affiche ailleurs sont en fait “mélangés” avec les autres, donc tout le monde est en gros sur le même plan, et se gère lui-même. Il y a donc moins de demandes exceptionnelles. Puis d’une manière générale, et on est pas sur les mêmes exigences avec les artistes qu’avec des acteurs. Pour ces derniers, il y en a avec qui ça se passe très bien, mais pour d’autres on est pas loin des caricatures qu’on pourrait s’imaginer [rires]. Je n'ai jamais eu un artiste qui m’a fait de crise pour récupérer un café latte à la pistache qu’on ne trouve qu’à un seul endroit dans la ville ! [rires]

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Du moins, pas encore ! Mais trêve de plaisanteries. On comprend donc le concept initial du festival. Comment vous-êtes vous organisé pour la première édition ? Notamment pour trouver le lieu, très important pour vous donner une certaine prestance. C’était une évidence d’aller au lac de Côme ?

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Mon associé, Steven, adore cet endroit. Ça faisait longtemps qu’il avait ce rêve d’organiser quelque chose là-bas. Lors d’un voyage il y a quelques années, je crois qu’il en discutait avec certaines personnes, qui lui ont suggéré d'aller voir la Villa Erba. Après avoir visité, il m’a appelé pour me dire qu’il pensait avoir trouvé le bon endroit, et qu’il fallait absolument que je vienne. Il le trouvait parfait pour le projet. C’était plus facile pour moi de m’y rendre (Paris-Milan c’est plus simple que Paris-NYC), et j’ai compris en arrivant pourquoi tout le monde aime cet endroit.

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La villa Erba est somptueuse, et la cerise sur le gâteau c’est qu’à côté de la villa il y a un centre moderne, pour organiser des salons. On a donc à la fois un aspect antique, et quelque chose de moderne où on peut moduler les espaces, sans forcément avoir besoin de devoir installer un bloc électrique par exemple. En voyant la villa puis le centre de convention, j’ai vu tout l’aspect pratique du point de vue de l'organisateur. On a donc le côté somptueux avec la villa qui en met plein les yeux, et le centre de convention à taille humaine qui permet de faire ce qu’on veut et qui correspond à ce dont on a besoin. Pour la première édition on est donc partis là-dessus.

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L’idée de faire un salon uniquement sur les artistes, sur les planches originales, c’était ce qui m’intéressait vraiment donc ça m’a donné envie de revenir dans l’organisation d’évènementiel. En enlevant tout ce qui est acteurs, associations, cosplay, plein de choses qui ont leur sens dans un évènement familial ou grand public…

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Oui car c'est le coeur du sujet : ce n'est pas du tout le même public qui est visé.

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Non là on cible vraiment les fans de comics et de bande dessinée européenne, les collectionneurs de planches originales, les gens qui veulent prendre des commissions d’artistes, et des planches auprès de certaines galeries qu’on accueille. C’est un public plus précis, plus pointu, ce n’est pas quelque chose de familial comme l’était Paris Comics Expo. Ce qui permet d’avoir un évènement qui est à taille humaine, d’avoir peu de monde, donc qui favorise de meilleures interactions avec les auteurs.

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Quand on voit les artistes à NYCC ou San Diego, avec cinquante personnes qui font la queue devant, on passe simplement pour dire bonjour et avoir une signature, mais on ne peut pas rester trois heures vu que cinquante personnes attendent après. L’idée c’est donc de proposer autre chose, quelque chose de différent. Et s’il y a moins de monde, l’ambiance est forcément plus détendue, pour les festivaliers comme pour les auteurs. Lors de la première édition, ça a été assez compliqué, car je pense que beaucoup de gens pensaient que c’était une arnaque. Parce qu’on ne venait de nulle part, et on annonçait des noms de dingues à un endroit que personne ne connaissait.

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D’autant plus avec le prix d’entrée, qui laissait penser que c’était une entourloupe ?

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Il y a peut-être eu pas mal d’interrogations autour du caractère "vrai" de l’évènement. On a pas eu beaucoup de monde pour la première, mais je pense qu’ils ont vécu quelque chose d’assez incroyable.

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C’était combien de monde ? Comparé à maintenant ?

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Une centaine de personnes, alors qu’aujourd’hui on vise plutôt 500-600 personnes sur le weekend. Ce qui reste très peu. Bien sûr certains artistes auront plus de monde - comme un John Romita Jr. - mais ce n’est pas comparable avec les conventions grand public. Un indicateur assez visible de notre différence, c’est qu’on met des chaises en face des artistes, pour que les personnes puissent s’asseoir pour entamer la discussion. Si tu sais que tu n’as personne derrière toi et que tu arrives, tu vois Jim Lee ou n’importe qui en train de dessiner, tu es libre de t’asseoir et de discuter en même temps que tu fais signer tes comics. Personne ne te presse, et tu peux aller voir Frank Quitely qui est juste à côté. Au final, tu peux discuter avec tout le monde, et cette absence de stress, on la ressent, également le cas pour les artistes qui ne sont pas tendus ; d’autant plus qu’ils savent qu’avec le public qui vient, ils n’ont pas de stress à devoir faire des recettes, car le public qui vient ne vient pas juste pour se balader…

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Justement c’est la question que j’allais te poser : qu’est-ce qu’on vient faire à Lake Como ? Parce qu’il faut tout de même venir depuis la France, donc quel est le programme s’il n’y a pas de cosplay, de funko pop ou de stand de confiserie ?

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Justement, tout est centré sur les artistes, les dessins, les planches originales. Il y a aussi quelques conférences, qui cette année devraient être assurées en majorité par Scott Dunbier. Les artistes en général peuvent avoir quelques sketchbooks ou quelques comics qu’ils ont fait à vendre. Mais il n’y a pas grand chose en plus que les dessins, mais ils ont souvent des planches originales. Certains préfèrent même les vendre en quasi-exclusivité sur le salon (vu qu’ils n’ont pas d’agents). Il est possible de prendre des commissions en avances ou sur place, de prendre des planches aux auteurs ou aux différentes galeries (on a des revendeurs européens et américains), et on peut donc passer du temps avec les artistes. C’est vraiment tout l’intérêt de ne pas être dans la course, de ne pas devoir se demander à quelle heure tel artiste doit dédicacer sur un stand parce qu’il sera appelé sur un panel ou autre chose : là les artistes sont disponibles tout le temps.

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Oui, c’est mieux aussi s’il n’y a pas ces foutus journalistes qui viennent prendre du temps aux artistes pour leur poser des questions

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[rires]

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Mais donc au vu de ce programme, on est d’accord pour dire que les festivaliers du LCCA sont plutôt fortunés ?

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Alors plutôt, mais pas exclusivement.

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Explique-moi. Je sais qu’un aspect qui peut bloquer les gens, au-delà de l’aspect “non familial”, c'est le prix pour aller à Como, le prix d’entrée, puis le prix évidemment sous-entendu avec toutes les activités puisqu’une planche ne coûte pas 20€. Je ne sais pas quels sont les prix pratiqués par les artistes, mais effectivement dans l'idée on se retrouve avec une sorte d’anti-thèse des festivals de BD français, d’autant plus qu’on a longtemps eu la tradition du free sketch ?

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Alors, en partie, mais cette tradition évolue et je pense qu’elle va finir par disparaître.

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Ce sont les salons qui paient les artistes pour pouvoir continuer les free sketches, mais il faut rappeler en effet qu’un dessin n’est pas un dû, c’est du travail, quand bien même on a déjà payé la BD… bref, très long débat, mais tu disais que ce ne sont pas forcément des gens très fortunés qui viennent à Lake Como ?

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En effet, c’est un salon où plein d’auteurs vont venir avec des planches et des pépites qu’ils n’ont jamais montrées, ou bien parce que ces artistes se déplaçaient peu ; on peut donc trouver des planches incroyables, qui valent très cher, et qui seront en effet pour les plus fortunés ou ceux qui ont fait le plus d’économies.

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Mais ça c’est le côté extrême, et la majorité des auteurs prévoient en fait une gamme assez large, avec plein d’options. Que ce soit des petits dessins ou des remarks qui sont abordables. Certains vont préparer des commissions folles en amont du festival, et faire des choses plus simples sur place, qui ne leur prendront pas des heures. Les plus élaborées seront forcément limitées sur le weekend, mais il y aura d’autres options bien moins chères. Tout le monde ne vient pas avec l’idée de vendre des dessins à 4000€, loin de là. Parfois même ça me surprenait de voir des artistes avec les prix les plus cher proposer à côté des petits dessins à moins de cinquante euros.

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Bien évidemment ça reste un budget, mais il n’y a pas besoin de débourser des milliers d’euros, et encore une fois si c’est accompagné d’une véritable interaction avec l’artiste, c’est là que se fait la différence et c’est là qu’il y aura un souvenir. Un dessin, c’est bien, mais si tu recherches quelque chose d’autre, un souvenir dont tu te rappelles pendant des années parce que tu auras pu discuter de je ne sais quoi avec ton auteur préféré pendant qu’il te faisait un petit dessin… ce moment-là, il n’aura pas de prix. Et tu ne peux pas l’avoir dans un autre salon. Oui bien sûr à New York l’artist alley est gigantesque et parfois tu peux avoir un coup de chance avec un artiste. Mais la plupart du temps, il y a tellement de monde que t’es stressé, tout le monde court à la table de l’artiste, tu te fais signer ton album et voilà c’est terminé. À Como, tu pourras avoir une autre interaction, car là-bas tout le monde est détendu, même certains artistes qui n’ont pas la notoriété d’être les plus souriants.

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Mais donc, si je viens en ayant vendu mon rein, et que j’arrive juste avec mon sac et quelques comics, est-ce qu’il y a quand même des free sketches ou des signatures, ou il faut obligatoirement payer pour repartir avec quelque chose ?

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On laisse les artistes décider de ce qu’ils font gratuitement ou non. S’ils font des signatures, en quel nombre, etc, on leur laisse décider de tout. On demande juste à ce que chaque jour, il y ait une demi-heure de signatures gratuites, à trois par personne. Mais si on veut absolument avoir quelque chose sans débourser un euro, c’est donc possible. Après, certains artistes font payer pour des signatures, mais d’autres non, donc cette demi-heure ne compte pas puisqu’ils signent de toute façon. Nous ne rentrons pas dans leurs politiques de tarif.

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Vous n’avez pas de droit de regard, vous ne touchez pas de commissions sur leurs ventes ?

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Non.

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Donc votre modèle économique, ce n’est que la vente de billets ?

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Oui, et les sponsors, la vente d’espace aux galeries, et c’est à peu près tout. Pour revenir sur les signatures, certains artistes font aussi des petits dessins si on leur prend un album à leur table. Ce n’est pas forcément quelque chose de très strict pour tout le monde. Si certains ont vendu suffisamment de dessins sur la journée, j’imagine qu’ils sont un peu plus relax.

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Une autre chose qui est importante avec ce festival, c’est le fameux portfolio que vous éditez.

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Oui, d’autant plus qu’il s’est amélioré - en qualité de fabrication - au fil des ans. Maintenant on a quelque chose de cartonné assez sympa, et on l’offre pour tous les billets deux jours jusqu’à la fin du mois de mars [le festival ayant lieu en mai]. Certains sont vendus sur place, mais pas beaucoup, car on cherche à limiter le tirage au plus près des billets achetés à la date limite.

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Quand on a ce portfolio, même si on a rien d’autre, on peut se le faire signer par l’entièreté des artistes présents.

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Alors, les 70 artistes ne sont pas tous présents dedans, on demande d’abord à celles et ceux qui ne sont encore jamais venus. Et en effet, les artistes vont signer leurs illustrations sans problème. Ce qui en fait des objets très côtés, et après on les voit classiquement poper sur e-bay ; une version intégralement signée est alors revendue à 400-450€, soit bien plus que le prix du billet d’entrée.

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C’est donc une astuce pour se renflouer le voyage ! Il y a aussi une soirée d’ouverture façon gala, qui est aussi ouverte au public qui a pris le billet adéquat. Est-ce qu’on voit les festivaliers oser parler aux artistes à cette soirée ? En vrai, c’est pas évident de claquer la discute à Pepe Larraz ou Bill Sienkiewicz autour d’un verre de vin ?

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Très franchement, ça dépend. De si tu viens seul ou non, de ton caractère. On peut essayer d'aider les festivaliers à se présenter, à faire un lien pour qu’ils puissent discuter un peu. L’ambiance est encore plus détendue lors de cette soirée que sur le salon. C’est sûr que si on est très timide, on peut apprécier quand même la soirée, mais ce n’est pas forcément évident.

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Dans l’esprit, Como ce n’est pas un festival auquel on va chaque année ? On s'y prépare, on met de côté et on y va plutôt tous les 3-4 ans en fonction du budget ?

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Mine de rien, on a pas mal de gens qui reviennent chaque année, et qui sont contents de revenir tous les ans. Quand on a fait plein de salons différents et qu’on vient chez nous, et sans vouloir nous jeter des fleurs, je crois sincèrement qu’on ne retrouve pas la même ambiance ailleurs. Quand on a vécu cette atmosphère si particulière et tranquille, c’est compliqué de retourner dans un salon à plusieurs dizaines de milliers de personnes. Il y a des gens qui se demandent pourquoi ils s’embêteraient à faire la queue, attendre des heures pour le moindre truc, et où ça coûte tout aussi cher - notamment si tu vas à NY ou à San Diego.

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Et donc en ce moment tu planches déjà sur l’édition 2026 ?

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Alors oui, on prend toujours de l’avance ; on a une dernière conférence en général le dimanche soir pour faire le bilan, et où on annonce les dates de la prochaine édition avec nos premiers invités. On en a quelques-uns qui devaient venir cette année et qui préfèrent faire 2026, et d’autres qu’on veut faire venir depuis longtemps [ndlr : Arno montre une liste avec déjà une trentaine de très gros noms].

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Mais alors, avant de se quitter j’ai une question qui me brûle les lèvres, et sûrement de plein de fans de comics français aussi. Est-ce que la PCE c’est VRAIMENT fini ?

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[Arno sourit] Dire que c’est complètement mort, non, ça serait..

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Ha, la flamme ne s’est pas complètement éteinte…

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Alors à l’heure actuelle ce serait assez improbable, mais complètement complètement mort, je ne dirais pas non. Parce qu’il y a toujours besoin d’un salon à Paris, sur les comics, et la bande dessinée même de manière générale. Ce qui est sûr, c’est que ce n’est pas pour demain. Mais tout ça pourrait dépendre de plein de choses…

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Donc tu ne veux pas qu’on fasse notre deuil !

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[rires]

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Merci en tout cas du temps que tu m’as accordé Arno !

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Il s'agit d'un duo que les lecteurs de la grande période Valiant des années 2010 connaissent forcément. Raùl Allén et Patricia Martin ont ravi les lecteurs avec des titres comme Secret Weapons ou Livewire. Depuis la fin de Valiant, le duo s’est attelé à une entreprise ambitieuse : la réalisation d’une adaptation en trois albums du roman Dune de Frank Herbert. Un travail de titan (disponible en VF chez Huginn & Muninn) qui valait bien quelques questions, et ça tombe bien :le duo était présent à la dernière édition de FACTS à Gand en Belgique, où nous sommes allés les retrouver !

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Nous sommes donc ravi de vous proposer cet entretien en compagnie de Raùl Allén et Patricia Martin afin d’explorer leur parcours, leur façon de travailler à l’époque chez Valiant, puis de revenir longuement sur leur travail et les choix artistiques faits sur Dune. Une discussion que vous pouvez également retrouver à l'audio et directement en anglais via First Print si vous préférez ce format.

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Nous remercions chaleureusement Clément Boitrelle qui s'est occupé de la traduction et retranscription de l'interview. Remerciements également à Stefan van de Walle, Peter Vermaele et Rémi Lach.

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AK : Merci de nous accorder un peu de votre temps. Comme il s’agit de notre toute première rencontre, pouvez-vous vous présenter brièvement ?

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RA : Je m’appelle Raùl Allén, je suis un illustrateur et dessinateur. Je travaille pour des magazines, des livres pour enfants et pour des comics depuis maintenant vingt ans. J’ai travaillé par exemple pour Quentin Tarantino, Playboy, Rolling Stones, Time Magazine, mais aussi pour Valiant, DC, BOOM, Dynamite…

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AK : Pour tout le monde en fait ! Et quant à vous Patricia ?

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PM : Je suis Patricia Martín, je suis également une dessinatrice et illustratrice espagnole. Je travaille aux côtés de Raúl depuis dix ans je crois, je m’occupe de dessiner les intérieurs. Je me suis également lancée dans les illustrations de couvertures, ce que j’aime beaucoup ! Nous venons de réaliser l’adaptation en comics du roman Dune et maintenant nous travaillons sur un projet mais je ne sais pas si nous pouvons déjà en parler…

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RA : C’est encore secret, on ne nous a pas encore donné l’autorisation d’en parler.

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AK : Oh rassurez-vous on m’a fait comprendre que vous pouviez en parler avec moi !

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RA : [rires] Montrez-moi l’email !

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AK : Bon j’aurais au moins essayé !

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PM : En tout cas nous sommes ravis d’être ici !

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AK : Vous travaillez donc ensemble depuis dix ans, comment vous-êtes-vous rencontrés ? Via une convention, un projet sur lequel vous travailliez tous les deux ?

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PM : Nous vivons dans la même ville pour commencer, ce qui rend les choses plus simples.

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RA : Nous avons commencé à travailler ensemble sur quelques illustrations. A cette époque tu travaillais plus dans le design éditorial, le lettrage ce genre de choses.

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PM : C’est exact. Il m’a tout appris en fait. J’ai toujours aimé dessiner et ce depuis que je suis petite. J’avais oublié à quel point j’aimais ça et Raúl m’a montré que je pouvais vraiment m’amuser en dessinant. Je te dois beaucoup !

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RA : Nous avons vraiment commencé notre collaboration lors de mon premier comics chez Valiant, Patricia s’occupait du lettrage. Elle est très forte pour la mise en page et m’a donc aidé à organiser mes pages. C’est comme ça que tu as découvert à quel point tu aimais la narration dans l’art séquentiel.

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PM : La narration visuelle surtout. J’ai fini par réfléchir et élaborer une narration visuelle pour l’album sur lequel nous travaillions. C’est comme ça que notre duo s’est formé.

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AK : Qu’aimiez-vous précisément dans la narration ? Vous expliquiez avoir oublié à quel point vous aimiez ça.

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PM : Je n’ai jamais vraiment été une lectrice de récits super-héroïques. Aussi, tous les codes inhérents au genre m’étaient parfaitement inconnus. J’ai peut-être apporté quelque chose de neuf dans notre façon de faire des comics, c’est sans doute pour ça que les lecteurs ont apprécié nos albums. J’ai pu gagner en assurance et ainsi commencer à travailler sur l’encrage, les couleurs. Notre collaboration a évolué de manière très naturelle.

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RA : La suite logique pour toi après les illustrations de couverture serait de te lancer dans ton propre comics.

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PM : Un jour peut-être…

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AK : Comment vous organisez-vous dans votre travail ? J’imagine qu’après tout ce temps, vous devez avoir un genre de routine ? A-t-il été difficile de trouver la bonne organisation ?

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RA : Ça a été quelque chose de plutôt naturel. Il y a tellement d’étapes dans la conception d’un comics. J’aime m’organiser en plusieurs petites tâches à faire, ce n’est pas gérable autrement. Patricia a donc commencé à réaliser une tâche par-ci, moi une autre par-là. Cela a commencé par le lettrage, puis la mise en page et l’encrage. Les gens ne savent jamais vraiment qui fait quoi car au final notre travail s’entremêle très vite. Nous communiquons beaucoup l’un et l’autre et nous partageons la même passion pour raconter des histoires. Nous essayons également de rester fidèle à la vision de l’auteur tout en apportant des éléments pertinents et intéressants pour le lecteur mais également pour nous-même afin de toujours rester stimulé dans le processus créatif. Tout ça est très naturel. Nous utilisons aussi beaucoup de références. J’aime les petites subtilités quand une personne bouge ou dans ses expressions. Nous effectuons nos séances de références ensemble, c’est toujours très drôle. J’ai un studio avec un fond vert…

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PM : Et beaucoup de costumes !

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RA : Effectivement, j’ai des costumes que ma mère a conçus et cousus. Mon père a également bricolé des armes factices.

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AK : Vous vous prenez donc en photos ?

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RA : Oui mais également certains de nos amis ou même des modèles. Tous nos comics pourraient être des romans photos car grâce au fond vert, nous pouvons découper les références et les placer par-dessus les arrière-plans.

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PM : C’est un procédé un peu long mais très amusant. Comme le disait Raul, nous travaillons par petites tâches. Aussi quand l’un a terminé, il peut passer à autre chose. Nous pouvons même parfois travailler sur deux tâches à la fois. Ainsi quand je travaille sur la mise en page il peut par exemple s’occuper des arrière-plans. Il y a toujours quelque chose à faire, c’est un travail sans fin !

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AK : Raul est souvent mentionné au dessin et Patricia aux couleurs mais c’est plus compliqué que ça.

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RA : Nous essayons d’éviter d’avoir un rôle bien précis, car ce n’est pas vraiment le cas. Pour Dune nous n’avons pas pu faire figurer notre cher collaborateur Jesus Pastrana qui réalise un travail tout aussi crucial. On aime bien rendre fou les gens pour deviner qui a fait quoi précisément !

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AK : Une question pour vous Patrica : comment travaillez-vous vos couleurs ? Votre style semble très reconnaissable. Je me souviens que durant votre passage chez Valiant, je savais reconnaître votre travail sur les couleurs.

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PM : Nous essayons de trouver des couleurs qui séparent clairement les scènes. Ainsi le lecteur peut savoir précisément où se trouvent les personnages. Dans Dune par exemple nous avons une palette différente pour Arrakis, une autre pour Caladan, une autre pour Giedi Prime, la planète des Harkonnen. Le lecteur ne remarque peut-être pas forcément ces différents changements, mais ils facilitent la lecture. Nous cherchons à mêler chaque aspect du travail pour créer l’expérience la plus agréable possible.

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RA : Je tiens à préciser que Patricia a le sens de l’esthétique. Si vous pouviez nous voir en ce moment, je porte des couleurs très ternes. Patricia quant à elle porte des couleurs beaucoup plus vives. Ton style tend vers cette approche de l’esthétique. Vous pourriez l’apercevoir à l’autre bout du hall alors que je me fond dans le paysage !

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AK : Que retenez-vous de votre travail chez Valiant ? Qu’est-ce que vous aimiez dans les personnages sur lesquels vous travailliez ?

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PM : Nous avions beaucoup de liberté et c’est ce qui nous a le plus plu chez Valiant. Nous avons eu également la chance de travailler avec des auteurs incroyables comme Jeff Lemire, Matt Kindt. On s’est bien amusé, les rédacteurs ont toujours été très sympas avec nous. Il s’agissait également de nos tout premiers comics, ce fut donc une expérience toute particulière pour nous.

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RA : Nous n’étions également pas très familiers avec les premières versions des personnages des années 90. Nous sommes donc arrivés avec un regard neuf. On ne se préoccupait pas trop de l’héritage des personnages. Ce qui n’a pas été le cas par exemple lors de notre travail sur Wonder Woman chez DC.

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PM : Quand vous travaillez sur un personnage si important et si populaire, il peut y avoir une sorte de pression. Tandis que si vous prenez le temps de connaître les personnages, voir même de les créer, ce qui fut le cas dans Secret Weapons avec Eric Heisserer, c’est tout de suite beaucoup plus amusant.

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AK : Vous parliez de liberté créative, est-ce quelque chose que vous regretteriez si vous veniez à travailler chez Marvel ou DC sur des projets au long cours ?

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RA : Vous savez, j’ai réalisé des illustrations dans la publicité, j’ai donc déjà été très dirigé. Ce manque de liberté peut très vite drainer toute motivation. Si votre travail passe par trop de personnes, cela peut être très pénible. Le processus créatif se retrouve très ralenti. Vous avez une première phase de révision, une seconde voire une troisième. Vous perdez donc toute spontanéité. Valiant nous a entièrement fait confiance. Nous n’avions pas à leur soumettre les ébauches avant la mise en page, ce qui fut également le cas chez DC. Nous avons donc pu nous amuser avec la façon de disposer les éléments sur la page. Je pense que c’est ce que les lecteurs apprécient le plus dans notre travail. Le premier volume de Dune a été un peu plus difficile. Brian Herbert avait par exemple comme idée de ne pas dépasser six cases par page. Cela n’avait aucun sens pour nous. Ils ont vite compris comment nous fonctionnions, et c’est pour cela que pour le deuxième et troisième volume, les auteurs nous ont octroyé plus de cases par page.

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AK : Comment êtes-vous arrivés sur ce projet ? Etiez-vous amateurs de l’univers auparavant ?

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PM : J’ai lu le roman quand j’avais une vingtaine d’années. Je suis tombée amoureuse de l’univers. J’étais tellement captivée que je l’ai lu en deux jours !

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AK : Il m’a fallu deux semaines…

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PM : Une de nos anciennes rédactrices chez Valiant, Charlotte Greenbaum, travaille également sur Dune. C’est une très bonne amie. Elle a quitté Valiant pour rejoindre ABRAMS. Quand ces derniers ont obtenu les droits pour adapter Dune en roman graphique, elle nous a contacté pour travailler sur le projet. Nous avons dû passer un petit test car si je me souviens bien, d’autres dessinateurs avaient postulé pour travailler sur la série.

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AK : Il y a donc eu une sorte de casting ?

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PM : Quelque chose comme ça oui. Nous n’étions pas vraiment sûrs de vouloir nous lancer dans le projet. Comme nous l’expliquions un peu plus tôt, il y avait beaucoup de pression sur nos épaules : l’histoire est importante, personne ne l’avait encore fait avant nous. Tout le monde attendait la sortie du nouveau film. Nous ne savions donc pas vraiment à l’époque si nous voulions nous lancer dans l’aventure. Malgré tout nous avons passé le test…

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RA : C’est une opportunité qu’il ne fallait pas laisser passer.

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PM : Nous avons finalement décroché le poste ! Cela a été un grand soulagement !

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AK : C’est effectivement un peu paradoxal : vous disiez plus tôt vouloir éviter ce genre de pression. Vous pouvez avoir un peu de liberté créative, mais on ne parle pas là d’un album de science-fiction lambda, il s’agit de Dune là quand même ! D’autant qu’il y a déjà eu un film auparavant, il existe déjà des illustrations, des peintures. Malgré tout, vous vous êtes quand même lancés !

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RA : Ce projet était très spécial pour moi. Dune était le livre de chevet d’un de mes frères qui est malheureusement décédé il y a un moment déjà. Il n’aura jamais l’occasion de lire le roman graphique. C’est donc un projet qui m’est très cher. Vous l’avez mentionné tous les deux, il s’agit d’une tâche très intimidante que de s’attaquer à Dune. J’aime regarder les différentes incarnations précédentes, les différentes références. Ça a sans doute été la chose la pire chose à faire pour moi car il y a déjà eu tant d’artistes talentueux qui se sont appropriés l’univers de Dune.

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PM : Cela a quand même été intéressant d’étudier l’imaginaire collectif autour de cet univers. Nous avons fait des recherches mais il fallait également développer notre propre vision et interprétation pour ne pas être trop influencé par ce qui avait déjà été fait.

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RA : Après avoir étudié les anciennes versions, nous avons tout mis de côté sans jamais y retourner. Comme la tâche était immense, j’ai contacté Alex Jay Brady qui est une concept artiste britannique. Elle a notamment travaillé avec Luc Besson. Ses travaux sur Dune sont très différents de notre approche. Je l’ai donc contactée et je lui ai demandé si elle était intéressée pour nous donner un coup demain. Elle nous a aidé en designant par exemple les ornithoptères. A bien des égards, ce projet ressemble beaucoup à une grosse production hollywoodienne mais avec le budget d’un comic-book ! Il a donc fallu tout imaginer de zéro. Il ne fallait pas que cela ressemble au Dune de David Lynch, ni au casting de l’adaptation de Denis Villeneuve car c’est la seule chose qui était connue de son film à l’époque.

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AK : Vous n’avez donc regardé aucune bande annonce…

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RA : Pas du tout. Je me souviens qu’un de mes premiers designs pour Paul ressemblait trop à Kyle MacLachlan. J’ai donc recommencé et on m’a ensuite fait remarquer que ses cheveux ressemblaient un peu trop à la coiffure de Timothée Chalamet. Il a donc fallu changer à nouveau !

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AK : Quand avez-vous réussi à trouver les bons designs ? Je pense notamment au personnage de Paul Atreides ou du baron Harkonnen.

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PM : C’est avant tout Raul qui s’est occupé de cette partie. Il y a eu beaucoup de modifications et d’échanges avec la rédaction pour se mettre d’accord sur les designs des personnages.

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RA : Nous avons également travaillé avec David Astruga, qui a réalisé des travaux pour Magic the Gathering notamment. Nous avions déjà collaboré sur Wrath of the Eternal Warrior chez Valiant. Il a un bon sens du design. Sur ce type de projet, j’aime impliquer plusieurs artistes, si possible les meilleurs !

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PM : Comme le disait Raul précédemment, c’est vraiment comme un tournage de film : il faut tout imaginer et concevoir, c’est très compliqué de faire ça tout seul.

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RA : Le fait que nous travaillons en équipe, que ce soit Patricia et moi ou avec d’autres collaborateurs, rend plus facile le fait de rebondir sur les idées des autres. Quand vous travaillez seul sur un projet, vous pouvez vous retrouver bloqué et ne pas réussir à surmonter cette difficulté. Avec notre organisation, il devient plus facile d’avoir des idées fraîches et d’aider ses collègues. C’est ce qui me plaît dans ce travail : on additionne nos talents et on s’aide.

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AK : Concernant le découpage des planches, aviez-vous votre mot à dire ou bien cette tâche revenait exclusivement aux auteurs ?

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PM : Comme nous l’expliquions un peu plus tôt, nous avions un script avec un certain nombre de cases par pages. Nous avons échangé avec notre rédacteur en lui expliquant que nous préférions représenter l’intrigue à notre manière, celle avec laquelle nous avions l’habitude de travailler. Evidemment que nous respecterions la vision des auteurs, mais nous souhaitions travailler à notre manière. Ainsi, à chaque fois que nous recevions un script, nous trouvions de nouvelles mises en page qui intégraient le scénario qui nous était donné. Nous avons par exemple utilisé des gouttières noires pour que le lecteur puisse se représenter l’obscurité, le fait d’être dans une caverne. Nous avons donc pu jouer avec ça car c’est une histoire très dense avec beaucoup de dialogues. On ne s’est jamais senti perdu.

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RA : Nous avons effectué pas mal de changements. Le premier volume devait faire à la base 150 pages. Nous nous sommes rendus compte une fois le travail de mise en page entamé, que 150 pages nous paraissaient très peu. Il nous fallait plus de pages pour pouvoir faire respirer l’intrigue. Nous avons donc demandé 13 pages de plus, ce qui n’est pas énorme mais cela nous a bien aidé.

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PM : Cela a vraiment fait la différence.

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RA : Si le timing n’avait pas été un problème, nous aurions demandé davantage de pages. Nous n’avons rien contre le fait de condenser les récits via des ellipses par exemple, mais cela me fait penser à Tintin : tout le monde parle tout le temps, il n’y a que des bulles de dialogues ! Ici, on parle d’une histoire épique avec des enjeux importants, des scènes de bataille.

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PM : Le désert est également un endroit silencieux, il faut savoir aussi amener un peu de silence dans le récit. Tous les personnages n’ont pas à parler constamment. Il faut pouvoir ressentir l’isolement.

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AK : Pour revenir à la question du design : a-t-il été difficile d’imaginer les vers des sables ?

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RA : Tout dans Dune a été difficile ! Il a fallu travailler plusieurs idées, nous avons testé différentes formes. L’imaginaire collectif que nous partagions a eu une grande influence dans notre design final. Nous avons opté pour une approche très organique, comme une créature préhistorique sans oublier l’aspect monstrueux.

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PM : Nous avons essayé de le rendre facilement identifiable : que vous en dessiniez un petit ou un grand, vous savez qu’il s’agit d’un vers des sables. Il fallait le rendre identifiable rapidement pour le lecteur.

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AK : Nous parlons donc de trois albums de plus de 150 pages chacun. Comment avez-vous tenu sur le long terme ? N’étiez-vous pas trop épuisés à la fin ?

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PM : Oui !

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AK : S’agit-il du projet le plus long sur lequel vous ayez travaillé ?

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RA : De loin oui !

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AK : Comment avez-vous survécu ?

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RA : On s’est beaucoup soutenu. Sans ce type de soutien, nous n’aurions pas pu le faire. Le premier album a été très difficile car il a fallu le réaliser en huit mois, en comptant les recherches de design. Durant le confinement, nous sommes tous les deux tombés malades ! J’ai été souffrant pendant un mois au début de la production de l’album.

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PM : Ils voulaient publier l’album avant la sortie du film pour la promotion. Le film a été repoussé d’un an et demi ensuite… Le chemin a été mouvementé ! C’est pourquoi nous sommes très contents du résultat. Je suis particulièrement fière du dernier tome, c’est mon préféré. Cependant, il fallait vraiment que nous passions à autre chose pour nous changer les idées. Ce projet représente cinq ans dans nos vies, nous sommes satisfaits du travail accompli et nous sommes prêts à passer à autre chose !

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RA : A la fin du deuxième volume, nous étions épuisés mais nous connaissions bien les personnages et étions bien plus à l’aise avec notre méthode de travail. Lors du premier album, il y avait beaucoup de stress à l’idée d’adapter Dune.

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PM : On était un peu perdu ! Il fallait s’adapter aux auteurs, à la rédaction.

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RA : Nous n’étions pas aussi à l’aise à l’idée de changer des éléments du script que nous avions pu l’être pendant nos anciens projets. On parle de l’adaptation d’un roman. Nous avons échangé avec Brian Herbert et Kevin J. Anderson, mais pas autant qu’avec les autres scénaristes avec qui nous avions travaillé auparavant. La période de transition a donc été un peu compliquée. Mais je suis très content du résultat, le troisième tome est également mon préféré.

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AK : Quel est donc le nouveau projet dont vous pouvez nous parler ?

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PM : Nous travaillons avec Kevin J. Anderson sur le personnage de Doctor Strange. C’est une série qui a été choisie par Alex Ross. Je ne sais pas si vous avez lu son Fantastic Four : Full Circle ?

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AK : Oui.

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RA : L’album aura le même format : ce sera un roman graphique de 64 pages.

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PM : Nous travaillons donc avec Abrams Comics et Marvel. Le livre va être magnifique et l’édition sera très soignée [en français dans l’entretien]. On est très content de cette opportunité.

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RA : C’est d’ailleurs Alex Ross qui nous a choisi pour cet album. On très content. Après mes études de beaux-arts en Espagne, je suis parti aux Etats-Unis étudier l’illustration et le design. Je me souviens de ma rencontre avec Alex Ross et Chip Kidd qui présentaient un ouvrage en commun. J’ai pu avoir leurs autographes… Et vingt ans plus tard, je me retrouve en visio avec Alex Ross et Charles Kochman ! Je lui ai montré mon livre signé, la boucle est bouclée !

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AK : Nous attendons donc avec impatience cet album, ainsi que vous futurs projets.

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RA : Dans quelques temps nous serons sans doute à Paris pour parler plus longuement de Doctor Strange et de notre projet secret !

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AK : Merci beaucoup à vous !

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RA et PM : Merci !

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C'est l'un des plus grands artistes de la bande dessinée américaine, même s'il se refusera à le reconnaître. Michael Gaydos était présent sur le vieux continent ce printemps, à l'occasion de l'édition 2025 du festival FACTS qui se tenait comme d'habitude à Gand, en Belgique. Une convention qu'on ne pourra que vous recommander tant elle permet une certaine accessibilité des artistes auprès des lecteurs et lectrices. Mais aussi parce que les mêmes artistes prennent le temps de répondre à nos questions lorsqu'on vient les voir.

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Nous sommes donc ravi de vous proposer cet entretien en compagnie de Michael Gaydos, où nous revenons - nous sommes obligés, c'est la première fois qu'on lui parle - sur sa co-création de Jessica Jones, son travail avec Bendis (notamment Pearl) mais aussi de façon plus générale de création en comics indé (en évoquant aussi le Beneath qui doit bientôt arriver au format physique). Une discussion que vous pouvez également retrouver à l'audio (et en anglais) en podcast via First Print si vous préférez ce format.

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Merci beaucoup Michael Gaydos de votre présence, bienvenue ! Ma première question sera au sujet de Jessica Jones, mais juste avant, comme il s’agit de votre première venue dans notre podcast, pourriez-vous vous présenter brièvement ?

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Eh bien je dirais que j’ai toujours voulu être dessinateur de comics. Je m’estime très heureux aujourd’hui d’avoir pu réaliser mon rêve ! J’ai quasiment travaillé avec toutes les maisons d’éditions possibles ! Et cela fait trente-cinq ans que je fais ce métier ! J’ai la chance de pouvoir gagner ma vie en faisant ce que j’adore.

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J’ai lu dans une interview que vous rêviez de cette carrière dès l’âge de cinq ans ! Pourquoi au juste ?

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Je suis tout simplement tombé amoureux des comics ! Que ce soient les costumes, le dessin. Je suis né en 1966, la même année que la diffusion de la série télévisée Batman. J’ai donc grandi en la regardant. J’ai toujours eu une affinité avec le personnage de Batman. J’étais également beaucoup attiré par ce que l’on pourrait appeler les premiers animés telles que Speedracer, Gatchaman aussi connu sous le titre La Bataille des Planètes. J’aimais beaucoup la Justice League également. Mais j’avais un oncle qui était collectionneur de comics et qui m’avait offert certains de ses numéros. Il dessinait un petit peu également. Il me dessinait des super-héros. Mes amis aimaient également cet univers, nous dessinions ensemble nos propres récits de super-héros. C’est comme ça que tout a commencé. A cette époque j’aimais beaucoup John Byrne et je rêvais de devenir le nouveau John Byrne ! J’aimais beaucoup aussi le travail de Frank Miller. Arrivé à l’université, je ne m’y connaissais pas vraiment en beaux-arts. Aussi, quand j’ai commencé à les étudier, cela m’a vraiment fasciné ! Ma façon d’appréhender le dessin et l’art en général a complètement changé. Je ne voulais plus forcément travailler dans les super-héros. C’est également à la même époque que les univers des beaux-arts et de l’illustration commencèrent à se mélanger. Je pense par exemple à des artistes comme [Bill] Sienkiewicz, Kent Williams, George Pratt et Jon Muth qui réalisèrent des albums. Ces derniers étaient très influencés par les beaux-arts. Les travaux de Matt Mahurin et Brad Holland étaient également très influents. C’était donc la jonction parfaite pour moi entre ces deux univers. C’est vraiment ce qui m’a motivé à continuer dans cette direction.

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Vous rêvez dorénavant de devenir le nouveau Sienkiewicz ?

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Exactement !

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A-t-il été difficile à l’époque de se faire une place dans cette industrie ?

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J’avais la chance de connaître des personnes dans le milieu. Un ami de fac connaissait le duo Kevin Eastman et Peter Laird, les créateurs des Tortues Ninjas. Il a fini par être embauché chez eux et a déménagé à Northampton. Pour mon projet de fin d’études, j’ai décidé de réaliser un comic-book d’environ vingt pages, tout en couleurs. J’ai eu l’occasion de le montrer à Kevin Eastman qui venait tout juste de fonder Tundra Publishing. Il a beaucoup aimé mon travail et était partant pour l’éditer. Et donc mon tout premier album de publié s’intitulait Scorched Earth, je crois bien d’ailleurs qu’il s’agissait du tout premier comics publié par Tundra ! C’est donc comme ça que tout a commencé. Mes débuts n’ont donc pas été trop difficiles, ce n’est qu’après la faillite de Tundra où il a fallu que je me débrouille pour trouver du travail à droite à gauche. J’ai d’ailleurs réalisé quelques albums des Tortues Ninjas. J’ai également travaillé chez Caliber, où beaucoup d’artistes et d’auteurs ont fait leurs premières armes. J’ai donc ensuite gravi les échelons. Il se trouve que Brian M. Bendis est allé à la même université que moi mais pas dans la même promotion. Je ne crois pas que nous nous fréquentions à la fac. Nous n’avons fait connaissance que durant nos passages respectifs chez Caliber. Nous avons réalisé deux petites histoires ensemble. Puis il m’a proposé de travailler sur Alias.

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Vous vous rendez compte que votre travail sur Jessica Jones remonte déjà à presque 25 ans ?!

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Cela commence à faire long ! C’est assez difficile à croire !

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Quels sont vos souvenirs de la création du personnage de Jessica Jones ?

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Eh bien à l’époque je m’étais inspiré de ma femme, mon ex-femme aujourd’hui, pour concevoir le personnage. Jessica devait être très expressive, c’est pour cela que j’ai procédé ainsi. Je me suis dit que les lecteurs s’attacheraient à elle. Comme ma femme et moi nous connaissions depuis un bon moment, je connaissais toutes ses mimiques, ses regards… Tout ce qui pourrait me servir en tant que dessinateur pour pouvoir représenter toutes ses émotions.

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Vous dessiniez donc son visage de mémoire ?

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Non, j’utilisais des photos en guise de références. Cette méthode a plutôt bien fonctionné. Les lecteurs étaient en mesure de reconnaître des expressions qu’ils avaient par exemple vues chez leurs amis : l’agacement, l’angoisse, l’ivresse !

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Après ces deux décennies, quel est votre regard sur le personnage de Jessica Jones aujourd’hui ? Elle a débuté comme simple personnage de comics pour terminer star d’une série télé.

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J’ai du mal à m’en rendre compte ! D’autant qu’à l’époque, la série Alias n’a pas très bien marché. Le succès n’est venu que plusieurs années après. Nous étions cela dit très satisfait de notre travail : vingt-huit numéros c’est quand même quelque chose !

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Sans compter la série The Pulse.

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Tout à fait. Quand les lecteurs ont commencé à s’y intéresser et en parler, nous étions très surpris avec Brian. C’était très enthousiasmant ! Puis quand la série télé est sortie…

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Vous ne jouiez plus dans la même cour ?

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Exactement. On ne s’y attendait vraiment pas.

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J’imagine que cela a dû être très excitant pour vous de voir un de vos personnages porté à l’écran.

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Tout à fait.

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Estimez-vous-qu’en tant que créateur, on a suffisamment mis en lumière votre travail ? Est-ce que le plus grand public était conscient que derrière le personnage, il y avait un artiste ?

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Je pense oui. Nos noms sont cités au générique. La série Alias a visiblement servi de base principale pour l’adaptation. Je me souviens reconnaître le couloir qui mène au bureau de Jessica dans les deux premiers épisodes, c’était littéralement une retranscription à l’écran de mon dessin. Mais cela passait aussi par des petits détails : on retrouve le même tableau d’Egon Schiele que Jessica a dans sa chambre dans la série. Evidemment ils n’ont pas tout adapté à la page près, mais juste ce qu’il fallait pour retrouver la même ambiance que dans l’album.

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En préparant cet entretien, je me suis demandé s’il fallait vraiment mentionner Jessica Jones. Vous êtes à l’origine d’autres créations originales, avez-vous ressenti le besoin de vous distancier de cette héroïne pour ne pas être réduit au rôle de co-créateur de Jessica Jones ?

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Oh non pas du tout, j’en suis très fier ! Quand je me revois petit garçon, à dessiner et aimer profondément les comics, je n’aurais jamais imaginé devenir une fois adulte le co-créateur d’un personnage que beaucoup de personnes apprécient.

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J’aimerais aborder un autre titre avec vous : Pearl. Pouvez-vous nous parler des origines de cette série ? Il s’agit d’un des premiers projets de l’univers Jinxworld de Brian M. Bendis quand il est passé chez DC.

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Brian voulait créer en collaboration différents projets et m’a demandé si j’avais des idées à lui proposer. J’ai donc réfléchi à ce que je voulais dessiner. J’aime beaucoup la culture japonaise et les tatouages. J’ai donc imaginé cette histoire au sujet d’une japonaise albinos qui serait tatoueuse. Etant donné l’état de sa peau, elle réalise ses tatouages sans encre. Aussi, quand elle s’énerve ou ressent une vive émotion, ses tatouages se remplissent de sang et deviennent visibles. J’ai eu cette idée grâce à mon fils aîné. Il est né avec quelques tâches de naissance que nous n’avions pas remarquées à l’époque. Ce n’est que lorsqu’il devenait agacé ou surexcité qu’elles devenaient visibles car elles se remplissaient de sang ! Elles disparaissaient ensuite une fois calmé. Cette idée m’a beaucoup intrigué. Ensuite je n’ai eu qu’à mentionner la présence de Yakuzas pour convaincre Brian ! [rires] Il s’est ensuite occupé d’imaginer tout l’univers autour de ces éléments.

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Pour les tatouages de certains personnages, je crois me souvenir que vous aviez les conseils d’un vrai tatoueur ?

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C’est exact, je lui ai demandé de dessiner les designs des tatouages. Je lui expliquais ce que je souhaitais et il réfléchissait à un motif comme si j’allais vraiment me le faire tatouer. Je lui disais par exemple : « Imagine une femme, qui fait partie du clan de la Grue. Elle doit avoir un tatouage qui fait référence au foyer, avec une grue. Ses tatouages doivent lui courir tout le long des bras jusqu’à son dos etc. »

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Avez-vous également utilisé des références photographiques pour le personnage de Pearl ?

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Tout à fait. J’ai trouvé un modèle que j’utilisais comme référence pour dessiner Pearl.

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Est-ce un procédé que vous utilisez tout le temps ?

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Oui car pour moi, l’aspect expressif dans un album est très important. C’est comme si vous réalisiez un film sur le papier. Je n’utilise pas toujours ces références précisément, mais elles me servent de point de départ auquel j’apporte des modifications au niveau des mouvements par exemple.

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Entre les deux premiers volumes de Pearl et le troisième, il y a eu beaucoup de changements dans le paysage éditorial. A-t-il été compliqué de jongler entre les maisons d’éditions durant cette série ?

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Pas vraiment non. Je ne pense pas que les difficultés seraient venues d’un quelconque changement de rédaction : nous avions notre histoire en tête, il a simplement fallu la faire dans deux endroits différents.

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Je pensais par exemple au planning entre chaque numéro, si les droits étaient encore chez l’ancienne maison…

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Non, tout s’est plutôt bien passé. D’ailleurs Dark Horse a republié les deux premiers volumes. Pour être honnête, je préférais le papier qu’ils utilisaient ! [rires]

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Ce qui est plutôt bien car Dark Horse peut être connu pour produire des albums de moins bonne qualité.

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C’était un vrai plus car cela permettait de mieux mettre en avant le travail sur les couleurs et correspondait davantage à mes choix artistiques.

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J’ai pu voir les dessins originaux pour Pearl. Quand on les compare aux dessins terminés, on se rend compte qu’il y a eu beaucoup de changements. Utilisez-vous des outils numériques pour travailler ?

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C’est le cas oui.

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Selon vous quelle est la proportion dans votre travail entre le traditionnel et le numérique ?

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Les planches originales ont été réalisées à la main. Elles ont ensuite été scannées, pour que je puisse les coloriser sur ordinateur. Au fil de la série, et ce pour des raisons de temps, j’ai réussi à reproduire sur Photoshop mes différents outils traditionnels pour qu’au final, je puisse travailler exclusivement sur ordinateur et tablette graphique vers la fin de la série.

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Vous êtes donc passé au tout numérique ? Vous ne réalisez plus de travaux à la main ?

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En ce qui concerne Pearl, j’ai travaillé avec les deux formats. En revanche pour Beneath, j’ai exclusivement travaillé via le numérique.

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Est-ce que cela a été difficile de passer du dessin traditionnel au numérique ?

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Pas vraiment non. Je réalise également des illustrations pour des jeux de rôle, ce qui me permet d’expérimenter des styles différents. Aussi, je me suis inspiré d’une de ces approches pour Beneath. Pour ce type de projet, je scanne bien souvent un dessin fait à la main pour le coloriser sur ordinateur. Encore une fois, j’ai réussi via Photoshop à paramétrer différents outils qui réussissent à imiter mon style traditionnel sur ordinateur. Mes dessins numériques ressemblent ainsi à mes travaux plus traditionnels. Une fois à l’aise avec ce procédé, une fois que le logiciel parvenait à vraiment bien reproduire mon style, cela m’a permis de gagner en rapidité.

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L’inconvénient c’est que vous n’avez plus de planches originales !

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C’est vrai, mais vous savez j’ai déjà des tonnes de dossiers remplis de planches originales chez moi ! Ce sera l’héritage de mes enfants mais je ne sais pas s’ils sauront quoi en faire…

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Beneath est un projet que vous avez réalisé avec Steven S. DeKnight. Comment vous-êtes-vous rencontrés ?

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Nous sommes rentrés en contact via une éditrice chez Comixology qui m’a approché. Je ne travaillais sur aucun projet à l’époque et n’avais jamais réalisé un comics d’horreur. J’ai donc sauté sur l’opportunité de travailler avec Steven. Je le connaissais de nom avec son travail sur quelques épisodes de la série Daredevil. Je crois qu’il s’agissait pour lui de sa première incursion dans le monde des comics. L’intrigue de Beneath m’a tout de suite intrigué, d’autant que le récit est centré sur les personnages, ce que j’apprécie beaucoup. Vous devez travailler les interactions entre les personnages, leurs expressions… Tout ce que j’aime faire ! J’ai donc immédiatement sauté sur l’occasion.

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Vous évoquiez dans une récente interview le design de la créature. Vous n’aviez jamais réalisé de comics horrifique avant celui-ci.

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C’est bien ça.

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A-t-il été difficile de trouver le design du monstre ? Comment le rendre effrayant sur le papier ?

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Steven m’a donné plusieurs pistes très intéressantes pour m’aider à trouver le design du monstre. Certaines idées auraient très bien fonctionné pour un film, mais cela aurait très difficile pour moi de les dessiner. Je ne suis pas un grand amateur de films d’horreur…

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Honte sur vous !

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[rires] Je me suis pas mal inspiré d’Alien ou de Predator. Je n’ai pas cherché à piocher dans des œuvres qui m’étaient inconnues, j’ai préféré m’inspirer de ce que j’avais déjà vu.

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Corrigez-moi si je me trompe mais à l’heure actuelle il n’y a pas de version physique de prévue pour Beneath ?

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Une édition physique est prévue en juillet chez Mad Cave.

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Très bien. Vous mentionniez un peu plus tôt l’opportunité que vous avez eu de travailler avec Steven. Comment choisissez-vous vos projets ? Etes-vous libre à un moment donné et vous souhaitez travailler avec quelqu’un en particulier ? Demandez-vous à travailler sur des projets spécifiques ?

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Eh bien aujourd’hui ce sont plus les projets qui viennent à moi !

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J’imagine que beaucoup souhaitent travailler avec vous !

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Certains oui… [rires] Vous savez j’ai déjà travaillé chez Marvel et DC…

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Et cela ne vous intéresse plus ?

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Ce n’est plus ce que j’ai envie de faire non. J’apprécie le fait de ne plus avoir des deadlines horribles à respecter ! J’ai une vie maintenant à côté ! Dorénavant quand je me lance dans un nouveau projet, j’arrive à m’organiser pour pouvoir faire d’autres choses à côté. J’ai déjà investi tant d’heures dans mes anciens travaux… Et vous savez, les créateurs.trices sont au centre des projets de nos jours. Je peux être co-créateur aujourd’hui et si jamais un de mes projets devient un film ou quoi que ce soit, j’ai mon mot à dire.

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Pearl ne devait pas être adapté en série ?

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Pas encore non.

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J’ai cru comprendre que plusieurs séries de Brian M. Bendis avaient été optionnées.

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Rien n’a encore abouti je pense. Il faut que la bonne opportunité se présente.

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J’imagine que vous adoreriez voir l’un de vos albums adapté ?

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J’adorerais voir Pearl adapté en série ! L’ambiance de l’album a par ailleurs beaucoup été influencée par John Wick. D’autant que le personnage de Pearl est une jeune fille, il y a tout un public de jeunes adultes qui pourrait s’y intéresser.

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Ma dernière question sera plutôt large mais êtes-vous inquiet de l’intelligence artificielle ?

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Non car je ne pense que quelqu’un aille un jour taper mon nom dans une requête de type « Je veux un dessin qui ressemble au style de Michael Gaydos » ! En ce qui me concerne, je ne m’inquiète pas trop. Cela dit, je prend très au sérieux cette question car beaucoup de personnes risquent de perdre leur travail. Je pense aux artistes de couvertures par exemple, et plus généralement les illustrateurs risquent de perdre leur boulot.

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L’illustration est donc plus en péril que les comics ?

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L’art séquentiel est quelque chose de très difficile. Il faut avoir en tête l’agencement des cases, leur interaction, comment tout cela s’inscrit au sein des pages jusqu’à la fin de l’album. C’est quelque chose qu’un ordinateur ne peut pas faire, en tout cas pas encore. Mais je ne pense pas qu’un ordinateur puisse retranscrire le caractère profondément humain d’une expression que j’essaie de reproduire. Un ordinateur ne ressent rien. Quand je travaille sur un personnage, je réfléchis également aux dialogues qui l’accompagneront et comment moi je réagirais en délivrant ce dialogue : comment j’inclinerais la tête, comment je plisserais les yeux etc. Je me trompe peut-être mais je ne pense pas qu’un ordinateur soit capable de reproduire ça.

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D’autant que dans Alias, vous n’hésitez pas à par exemple utiliser 5 cases remplies de dialogues ! C’est le genre de rythme qu’un ordinateur ne pourrait pas reproduire.

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Tout à fait. Il y a tant de manières créatives de découper une page. L’IA ne pourra apprendre à faire ça qu’en analysant ce qui a déjà été fait. Et sur ce principe, je ne pense pas qu’il faille trop s’en inquiéter pour l’instant, mais qui sait !

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Nous en reparlerons dans cinq ans ?

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Je n’espère pas ! Je n’ai pas encore vu de dessin réalisé par IA qui soit capable de rivaliser avec des artistes que j’apprécie. J’aime Egon Schiele et des personnes ont essayé de reproduire ses travaux via IA mais les résultats ne ressemblent pas du tout à son travail. Je demande à voir une IA capable de réaliser un dessin, de tracer ses lignes et réaliser une illustration.

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Que peut-on attendre de votre part à l’avenir ?

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Je travaille sur un projet dont je ne peux pas encore parler ! Je devrais également travailler de nouveau avec Brian à l’avenir sur quelque chose de complètement différent. Mais dans les deux cas, chaque projet comporte une héroïne… Un peu comme tout mes projets en fait ! [rires]

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Merci beaucoup pour le temps que vous nous avez accordé Michael.

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Merci à vous.

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Pour tout un tas de raison, le métier de comédien se comprend souvent comme une activité à temps plein. C'est vrai : lorsqu'elles ne sont pas occupées sur les plateaux de tournage, les vedettes du cinéma sont en tournée publicitaire, rivés sur une chaise pliable, obligés de mitrailler les éléments de langage pour assurer la campagne de promo' de leur dernière production en date. Sans même parler des clauses de confidentialité qu'on vous placarde sur la bouche. Et ensuite ? Pendant la pause clope, quand un fan vient vous prendre le chou pour une photo', ous devez accepter, sourire. Assumer d'être dérangés constamment lors de chaque sortie en public. Alalah. C'est pas évident. Non je vais vous dire : en vérité, ça ne fait pas envie.

Captain America : Truth

Récemment, Chris Evans était de passage sur les ondes du site ScreenRant pour défendre les couleurs de son dernier projet, Materialists, le nouveau film de la réalisatrice Celine Song (lequel embarque, d'ailleurs, Dakota Johnson et Pedro Pascal au casting - c'est presque déjà une sorte de Secret Wars finalement). Bien sûr, les équipes en charge de cette petite entrevue n'ont pas pu s'en empêcher, et ont posé la question de la présence de Captain America dans les films Avengers : Doomsday et Avengers : Secret Wars. De fait, la présence du comédien avait été évoquée dans un article de TheWrap publiée en décembre dernier.

Et même en remontant plus loin en arrière, Deadline a toujours assuré que l'acteur finirait par faire son grand retour dans le rôle de Steve Rogers chez Marvel Studios, sous une forme encore à définir. Ceci étant, dans la mesure où Chris Evans s'était déjà autorisé une sorte de prestation (fugace) dans le film Deadpool & Wolverine de Shawn Levy, retrouvant pour l'occasion son costume de Johnny Storm des films Fantastic Four d'autrefois, beaucoup de gens s'étaient alors dit que la rédaction de Deadline s'était simplement trompée de production. Et que, en quelque sorte, cette ultime apparition dans un film Marvel Studios avait conjuré le sort.

Dans l'immédiat, c'est le discours officiel. Voici ce que Chris evans a répondu aux équipes de ScreenRant au sujet des prochains films Avengers et de son rapport aux frères Russo :

\"Oui, je leur parle constamment. D'ailleurs Pedro Pascal est sur les plateaux avec eux en ce moment. Bon, c'est vrai que c'est triste d'être loin de tout ça. C'est triste de ne pas être avec la bande, mais je suis sûr qu'ils sont en train de faire quelque chose de génial, et je peux vous dire que ce sera encore plus douloureux quand le film va sortir d'avoir l'impression d'être ce copain que personne n'a invité à la fête.\"

C'est à se demander si les contrats de chez Marvel Studios prévoient une sorte de salaire compensatoire pour les heures supplémentaires imposées à leurs salariés. Rendez-vous compte : le gars est en train de jouer la comédie, là. Sur son temps libre. Et au service de la boîte. Pour éviter de trahir un secret et garder la surprise intacte. Non, franchement, ça mérite un petit geste, surtout en dehors des heures de bureau.

Toute plaisanterie mise à part, il est tout de même peu probable que Chris Evans puisse échapper à l'effet de groupe implicite. De fait, Avengers : Secret Wars aura forcément besoin d'un Captain America, et plus précisément, du Captain America de la période dorée d'antant. Si la nostalgie sélective a sorti Robert Downey Jr. de sa retraite (pour un pont d'or, soit dit en passant), Marvel Studios ne pourra pas se passer de toute l'équipe originelle pour sonner les funérailles de cette version de l'univers partagé. Si le comédien s'était brouillé avec les réalisateurs ou avec le studio, on aurait probablement pu croire à cette version des faits... mais il s'agit des frères Russo et de Chris Evans. Trois personnes qui s'étaient déjà retrouvées pour le film The Gray Man, à peine trois ans après la sortie d'Avengers : Endgame. On doute ? On doute.

En définitive, Avengers : Secret Wars serait peut-être finalement plus surprenant si Steve Rogers n'était pas présent au casting. Et là, ce serait fort : imaginez, puisque tout le monde s'attend à le retrouver dans le costume, que Marvel Studios décide de prendre (réellement) le public à l'envers. On peut rêver.

Avengers : Doomsday est attendu pour le 16 décembre 2026. Il faudra sûrement attendre le film suivant pour obtenir une réponse définitive.

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