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Marvel Then : le bilan des Architects

Marvel Then : le bilan des Architects

DossierMarvel

Ça y est, Avengers Versus X-Men est terminé et une nouvelle page se tourne dans l’histoire de la Maison des Idées. Le dernier statu quo en date se nomme Marvel Now et a été symboliquement lancé avec Uncanny Avengers, en attendant des nouveaux numéros 1 pour Avengers,Captain America, Thor, Iron Man ou encore les Fantastic Four (et Spider-Man, et Wolverine et sûrement Uncanny X-Men, oui bon ils ont vu ce qui s’était fait chez DC).

Mais le vrai évènement ce n’est pas ça. Soyons justes, des changements de paradigme on en a vu un paquet ces dernières années, avec à chaque fois un joli bandeau pour bien nous montrer que rien ne serait jamais plus comme avant (pêle-mêle citons The Initiative, Dark Reign ou Heroic Age…) Non, là où ça change vraiment avec Marvel Now, c’est du côté des auteurs. Les Architects pour être plus précis : Brian Michael Bendis, Ed Brubaker, Matt Fraction, Jonathan Hickman et Jason Aaron. Ces cinq scénaristes qui ont façonné l’univers Marvel depuis des années.

Marvel Then : Le bilan des Architects 

C’est en effet à un véritable jeu de chaises musicales que ceux-ci vont se livrer dans les prochaines semaines, entre les départs et les changements de série. Et vu que la plupart de ces auteurs officient sur leurs titres respectifs depuis des années, ce n’est pas un euphémisme d’affirmer qu’ils les ont marqués de leur empreinte.

C’est pour cette raison que Comicsblog a décidé de vous proposer ce dossier, afin de dresser un bilan du travail des Architects, en analysant leur patte, en mettant en lumière leur héritage, et en vous offrant des pistes quant à leur avenir.
1. Brian Michael Bendis, new Avenger
Chapitre 1

Brian Michael Bendis, new Avenger

A tout seigneur tout honneur, commençons par le premier des Architects : Brian Michael Bendis. Premier chronologiquement, mais surtout par son importance. C’est lui qui a offert à Marvel son plus beau succès critique et commercial de ces douze dernières années avecUltimate Spider-Man. Il a réussi à ce que le nom de Frank Miller ne soit plus le seul auquel on pense dès qu’il est question de Daredevil. Il a créé un titre culte par excellence avec Alias. Il a rendu Spider Woman cool. Il a voulu inventer le futur des comics avec le motion comic. Il s’est planté lamentablement avec Moon Knight. Et c’est lui qui a écrit le plus des mega events de ces dernières années (House of M, Secret Invasion, Siege). Bref, son nom est presque synonyme de Marvel depuis près de 12 ans.

Mais à l’heure du bilan, c’est vers la franchise qu’il quitte que nos regards vont se tourner : lesVengeurs.

Some (dis)assembly required

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La patte Bendis en matière d’écriture est assez facile à identifier. Elle peut se résumer en trois atouts et une faiblesse. Les premiers ce sont des dialogues très présents et ciselés à la perfection, des intrigues character driven (où ce sont les personnages et leur motivations/caractères qui sont le moteur), et un penchant pour les histoires de complots avec de multiples tiroirs et des silhouettes dans l’ombre. La faiblesse c’est une tendance à terminer certaines histoires avec l’arrivée d’un personnage surpuissant qui résout tout en un coup façon deus ex machina.

On a retrouvé tous ces éléments au fil des huit années passées par le scénariste sur ses divers titresAvengers. Mais ce que Brian Bendis a surtout accompli, c’est de redéfinir ce qu’est un comic Avengers. Il l’a fait dès son premier numéro de New Avengers, juste après avoir détruit l’équipe dans l’arc « Disassembled » (où on voyait déjà des silhouettes comploter dans l’ombre). Son acte fondateur fut d’ajouter à l’équipe des personnages qu’on aurait jamais cru y voir : l’éternel solitaire Spider-Man, l’omniprésent X-Man Wolverine et Luke Cage. Oui, Luke Cage, personnage de seconde zone parodie de la blacksploitation pour le grand public, à qui Azzarello puis Bendis avaient commencé à donner ses lettres de noblesse dans la mini-série Marvel Max Cage (Azzarello/Corben) et Alias. Et un personnage typiquement urbain, bien loin des intrigues cosmiques auxquelles les Vengeurs sont habitués.

Cette « politique de recrutement » pour le moins surprenante a été une constante tout au long des années Bendis, et à la fin on ne s’étonnait plus de voir Daredevil, Iron Fist ou Docteur Strange recevoir leur carte de membre. Mais si ces nouveaux membres se sont si bien intégrés, c’est sûrement parce que Bendis n’a pas non plus écrit lesdites histoires cosmiques typiques de Vengeurs, du moins au début. En effet dans les premiers arcs de New Avengers point de menaces galactiques ou de combat épique pour nos héros. Plutôt la formation de l’équipe (les fameuses histoires character driven), et du mystère (le complot au sein duSHIELD en terre sauvage, dont on n’aura le fin mot qu’avec Secret Invasion).

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Niveau vilains, c’est la même chose. Bendis se spécialise dans la récupération de personnages qui n’ont rien à voir avec les Vengeurs et leur univers. Ses deux plus grandes réussites en la matière seront The Hood (repris de la mini série Max de Brian Vaughan et Kyle Hotz) et Norman Osborn. Du premier il fait le caïd des supers vilains (en reprenant au passage une kyrielle d’obscurs seconds couteaux genre Griffin). Du second, jusque là un ennemi de Spider-Man, reconverti en directeur desThunderbolts par Mark Milar puis Warren Ellis, il fait le leader de sa propre équipe de Dark Avengers. Bref là encore des personnages inattendus pour des histoires qui le sont tout autant (les confrontations entre Avengers, Dark Avengers et la bande de The Hood n’étaient souvent que la partie émergée de l’iceberg, la vraie intrigue se situant dans les luttes de pouvoir au sein des groupes, que ce soit pour Osborn ou The Hood, avec la « cabale »).

Earth’s mightiest heroes

Mais Brian Bendis sait aussi faire du grand spectacle, et a vite compris que ça serait indispensable sur une franchise telle qu’Avengers. C’est ainsi qu’est né Mighty Avengers, post-Civil War, qui devait fournir un pendant 100% adrénaline aux intrigues plus subtiles de New Avengers. Une dichotomie qu’on retrouvera post-Siege avec Avengers d’un côté et un nouveau volume de New Avengers. Avengers Assemble, tentative aussi éhontée commercialement qu’efficace artistiquement de capitaliser sur le succès du film Avengers, s’inscrit dans cette même lignée de pop-corn comics.

Des histoires plus classiques, avec quand même toujours la touche Bendis, que ce soit en terme de technique d’écriture (sa tentative de réhabilitation du « ballon de pensée » au début de Mighty Avengers, ses tie-ins à Fear Itself en forme d’interviews) ou d’intrigues (la Venom Bomb de Doom, les gemmes de l’infinité cachées par les Illuminati). C’est d’ailleurs à ces occasions qu’on aura quelques beaux cas de « Bendis ending-itis » comme disait le défunt magazine Wizard (récemment voyez le final de son premier arc d’Avengers : Red Hulk choppe une gemme et tabasse The Hood très fort. Fin.).

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Mais ce qui fut peut être le plus grand apport de Brian Bendis aux Avengers, ça a été d’en refaire les cadors de l’univers Marvel, ses personnages les plus centraux. Dans les trois events qu’il a scénarisés (House Of M, Secret Invasion, Siege), ce sont eux qui avaient la vedette (en duo avec les X-Men pour House Of M). Ils (re)devenaient le visage de la Maison des Idées quand il était question d’organiser un méga-crossover. D’autres auteurs ont d’ailleurs fait de même (Mark Millar pour Civil War, Matt Fraction pour Fear Itself), mais Bendis fut le premier de l’ère actuelle de Marvel. Et surtout les grands changements de paradigme post-events étaient liés à la situation des Avengers (sauf après House Of M), que l’event en question soit de Bendis (Dark Reign après Secret Invasion, Heroic Age après Siege) ou pas (The Initiative après Civil War).

Bendis Now !

Mais tout a une fin, et en novembre Brian Bendis aura quitté les Vengeurs pour s’occuper des mutants avecAll New X-Men. Et la NYCC vient de nous apprendre qu’il écrira aussi une nouvelle série Guardians Of The Galaxy.

Gageons que vu le pitch (les cinq premiers X-Men voyagent à notre époque et rencontrent l’équipe actuelle, y compris leur moi futur), X-Men sera une série très character driven, l’intérêt se situant a priori dans la rencontre entre ces personnages de deux époques. D’ailleurs vous noterez qu’on n’a pas encore parlé d’un éventuel vilain.

Guardians Of The Galaxy devrait plutôt être du pop-corn comic. On peut déjà s’en douter en voyant la façon dont l’équipe est écrite dans les pages d’Avengers Assemble actuellement plutôt pas mal, même si on ne retrouve pas le charme du duo Abnett-Lanning). Mais surtout on devine aisément que la série est là pour préparer le public au futur film sur ces personnages.

Et bien sûr, a priori pas question pour Bendis de lâcher Ultimate Spider-Man, et son héros Miles Morales qui semble décidément l’inspirer.

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2. Ed Brubaker, bye bye Mr American pie
Chapitre 2

Ed Brubaker, bye bye Mr American pie

Passons maintenant au deuxième grand ancien des Architects, j’ai nommé Ed Brubaker. Transfuge de DC (et avant cela de Wildstorm et d’un paquet d’éditeurs indépendants) où il écrivit notamment Batman, Catwoman et Gotham Central (avec Greg Rucka), Ed Brubaker entra dans la Maison des Idées en 2004 pour lancer un nouveau numéro un de Captain America. Une histoire qui aura duré jusqu’à cette année.

La machine fut ainsi lancée, et le scénariste signa dès l’année suivante un contrat d’exclusivité. Il écrivit par la suite de nombreux titres on ne peut plus disparates, (enfin si, Bendis peut, mais à part lui…). Ainsi Brubaker eut la lourde tâche de succéder à Brian Bendis sur Daredevil justement. Il se frotta aussi aux X-Men, à l’occasion d’une des nombreuses tentatives de Marvel de refaire des mutants les poids lourds de l’industrie qu’ils étaient jusqu’au début des années 2000 (en gros jusqu’au départ de Grant Morrison et l’enlisement d’Astonishing X-Men dans ses retards de sortie). Il remit aussi Iron Fist au goût du jour (avec Matt Fraction) et se plongea dans l’âge d’or avec The Marvels Project. Bref un CV moins imposant que celui de Bendis mais loin d’être risible.

The secret ingredient is…

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La « méthode Brubaker » en matière d’écriture est assez difficile à identifier. Le scénariste vient du polar, tendance thriller/noir, comme en atteste ses productions pré-Marvel (Point Blank, Sleeper, Gotham Central). Ses séries creator owned suivantes (les divers volumes de Criminal) sont autant de confirmations. Du coup on comprend très bien pourquoi la Distinguée Concurrence lui a confié la destinée de Batman ou Catwoman, ces personnages collant parfaitement à ce type d’univers. Par contre pour Captain America c’était moins évident.

Pourtant ce fut un coup de génie. Mais pour bien comprendre pourquoi ça a si bien marché, il faut se rappeler ce que Cap était devenu à l’époque. La série précédente de la Sentinelle de la Liberté était publiée dans la ligne Marvel Knight, et surtout elle n’était plus du tout une série de super-héros. Relancée en 2002 par John Ney Rieber et John Cassaday, puis Chuck Austen, elle traitait de terrorisme, de politique, de complots, et insistait plus sur la partie soldat que super de ce cher Steve Rogers. Bon et elle s’enlisait surtout sur la fin.

Quand Brubaker est arrivé, c’était avec la mission de ramener Captain America dans le giron des titres Marvel classiques. Mais le virage réaliste de Cap avait été un succès, alors il aurait sans doute été une erreur de tout occulter pour revenir directement à du super-héros classique à la Mark Waid ou Dan Jurgens. Ainsi le scénariste a brillamment non pas coupé la poire en deux, mais fait la synthèse des deux genres (il a ajouté du chocolat, si vous voulez filer la métaphore culinaire).

Le Red Skull, Arnim Zola et autres Crossbones, des super vilains traditionnels de Cap, ont donc fait leur grand retour. Mais l’histoire est devenu un thriller digne de Jason Bourne où espionnage et suspens se mêlaient à une action bien présente. En fait, Ed Brubaker a pris les éléments des histoires de super-héros (costumes, personnages), et les a réinterprétés de manière sobre et surtout réaliste. Comme il l’avait fait sur Sleeper, en créant un véritable « milieu » pour la super criminalité, et comme il le refit sur sa série creator ownedIncognito. C’est cette approche qui constitue sans doute sa marque la plus évidente.

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On la retrouvera au cours de sonrun sur Daredevil, où il réintroduira aussi quelques super vilains en costumes, élément largement boudé par Bendis. Il rajoutera aussi de l’action par rapport à son prédécesseur. Action qui sera aussi bien présente dans Iron Fist, une autre relecture plus réaliste d’un personnage désespérément kitch. Là encore Brubaker n’a rien modifié de l’essence du personnage, il a gardé tout ce qui aurait pu paraître ridicule (un super-héros américain new-yorkais milliardaire qui fait du kung-fu et est le guerrier sacré d’une cité mystique… ‘nuff said), et l’a brillamment remis au goût du jour. On retrouva encore cete approche, qu’on pourrait qualifier de « super-héros réaliste », sur la mini-sérieThe Marvels Project (pour moderniser le Golden Age) puis sur Secret Avengers.

No taboo

L’autre point marquant du passage d’Ed Brubaker chez Marvel fut sa propension à briser les tabous de l’éditeur. Il ne s’agit pas là à proprement parler d’une technique d’écriture (il ne systématise pas le procédé en cherchant quelle vache sacrée balancer à l’abattoir dès qu’il arrive sur un titre), mais difficile d’ignorer ses deux legs à l’univers Marvel : le retour de Bucky et la révélation du troisième frère Summers.

On croyait en effet que Bucky faisait partie des morts intouchables, comme Oncle Ben, Gwen Stacy et Jason Todd (bon deux sur quatre c’est encore pas mal non ?). Que nenni ! Non seulement Brubaker nous l’a ressuscité, mais il lui a lavé le cerveau pour en faire le Winter Soldier, lui a fait remplacer Cap (d’abord en héros de sa série après la mort de Steve Rogers, puis dans le rôle), l’a re-ressuscité aprèsFear Itself, et lui a donné sa propre série. Et il a même poussé le vice jusqu’à en faire un personnage d’une richesse exceptionnelle.

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Quant au troisième frère Summers, (Gabriel Summers aka Vulcan), dont on pensait qu’il n’était plus qu’un subplot oublié des années 90, il en a fait un vilain tout puissant qui a fini par nous déclencher une guerre galactique.

Ceci nous amène au passage à nous pencher sur le run de Brubaker sur Uncanny X-Men, dans la foulée de la mini-série Deadly Genesis. Si le scénariste n’est pas resté une éternité sur ce titre (trente numéros) il y a quand même laissé sa marque. Là encore pas tant par son écriture (qui gardait son côté « kitch rendu réaliste » notamment pour le premier arc, entièrement dans l’espace). Plutôt par son héritage, étant donné qu’en plus de créer Vulcan, il a contribué à Messiah Complex, premier X-crossover  depuis Zero Tolerance, qui vit la naissance de Hope (vous savez la rouquine qui finit par sauver le monde dans AvsX). Et il a fait déménager les mutants de Westchester à San Francisco. Pas mal non ?

Brubaker Now !

Et bien ce sera « no more Marvel » pour le scénariste à l’avenir. Il n’écrivait déjà plus queCaptain America et Winter Soldier depuis quelques mois. Il abandonnera finalement le premier en Octobre (pour un relaunch par Rick Remender) et le second en janvier.

Il continuera donc sa (brillante) série creator owned Fatale chez Image, et gageons qu’il lancera bien quelques autres projets de ce style (un autreCriminal peut être ? Le dernier lui avait valu un Eisner Award) entre deux séances de travail sur les futures séries TV auxquelles son nom est associé (Rising Suns pour Fox et une autre dont on ignore tout pour NBC Universal).

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3. Matt Fraction, to Hel and back
Chapitre 3

Matt Fraction, to Hel and back

Soyons honnête, pour ce chapitre j’ai hésité entre « le mal aimé » et « Fail Itself ». Autant d’indications qui vous auront fait comprendre que pour beaucoup Matt Fraction est le maillon faible parmi les Architects. Un label pas forcément usurpé. Mais pas forcément mérité non plus. En fait Matt Fraction est un auteur difficile à cerner, ne serait-ce que par son travail chez Marvel.

Au début on aurait pu croire qu’il serait l’acolyte/continuateur de Brubaker, avec qui il a coécrit le début d’Immortal Iron Fist puis Uncanny X-Men (en reprenant ensuite ce dernier titre en solo). Mais Matt Fraction avait plus d’une corde à son arc. Rapidement il lança Punisher War Journal à l’occasion de Civil War, tentative de Marvel de ramener Frank Castle dans l’univers 616 (en parallèle à la série Marvel Max). Mais surtout en 2008 il lança Invincible Iron Man avec Salvador Larroca, série que les deux auteurs n’ont plus quitté jusqu’à Marvel Now (soit plus de soixante numéros consécutifs, belle performance). Quelques années plus tard (en 2010), après quelques flirts avec le Dieu du tonnerre (Thor Ages Of Thunder, la miniThor Secret Invasion), Fraction reprend la série régulière Thor, et lance l’année suivante The Mighty Thor avec Olivier Coipel, série qu’il écrira elle aussi jusqu’à Marvel Now.

A cette liste il faut ajouter The Order (une série post Civil War), l’event Fear Itself (le seul écrit par un Architect autre que Brian Bendis) et ses suites The Fearless et Battle Scars,Defenders avec Terry Dodson (son compère sur Uncanny X-Men) et le tout récentHawkeye avec David Aja (autre ancien collaborateur, sur Iron Fist).

Inclassable

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Contrairement à Brian Bendis ou même Ed Brubaker, Matt Fraction n’a pas réellement de style bien défini, de marque de fabrique permettant d’identifier son travail. Il n’y a même pas vraiment de constante dans son œuvre. Tout au plus peut-on souligner un détail dans son écriture : une sorte de second degré discret (voire subtil), une propension à juxtaposer le solennel et l’ironie, presque du second degré.

Ce trait est particulièrement visible sur son travail sur Thor. Il peut s’agir de quelques répliques (l’utilisation du mot Hel au lieu de Hell pour les jurons, « truc » repris par Kieron Gillen) ou carrément de quasi-gags burlesques au milieu d’une intrigue sérieuse (le Silver Surfer qui finit cuistot et le révérend héraut deGalactus dans le premier arc de Mighty Thor). On pourrait aussi évoquer le nain alcoolique Spitlip dans Iron Man (après Fear Itself) et ses jurons en runes.

Sur le premier arc d’Invincible Iron Man il a su, en créant une histoire alors plus ou moins hors continuité (Tony Stark était directeur du SHIELD dans l’autre série Iron Man à l’époque), capturer l’esprit du Tony qu’on avait découvert au cinéma sous les traits deRobert Downey Jr. Le tout sans oublier que c’était le personnage du comic qu’il écrivait.

Mais ça ne suffit pas à définir un style, et d’ailleurs ces éléments ne sont même pas présents dans toute l’œuvre du scénariste. Pas plus que sa propension à relooker ses personnages (les Worthy et les Mighty dans Fear Itself, et on peut se demander s’il n’est pas derrière l’idée des Phoenix Five d’AvsX, même si là ce n’est qu’une supposition). Il n’y a pas non plus de constante dans ses échecs. Fear Itself souffrait d’un rythme trop lent, ses arcs ratés de Thor étaient décousus ou kitch, et Tony Stark chougnait trop aux pires heures d’Iron Man…

Asgard, hi-tech et Utopia

En fait, pour bien cerner l’héritage de Matt Fraction en tant qu’Architect, le plus simple est peut être de regarder les éléments qui lui ont le plus réussi sur ses trois titres majeurs.

Invincible Iron Man tout d’abord, où il n’a jamais été aussi bon que quand ses intrigues tournaient autour de la haute technologie. C’était le cas se son premier arc (The Five Nightmares, avec en vilain un Ezekiel Stane qui était une version maléfique de Stark, mais aussi génial que son ennemi). Et c’est aussi le cas de son grand final Long Way Down/The Future avec Le Mandarin qui se fait construire des robots géants et qui upgrade les adversaires de tête de fer.

Il faut aussi reconnaître que Fraction a su intelligemment jouer avec le concept de l’extremis (le virus qui avait donné des pouvoirs à Tony, inventé par Warren Ellis dans l’arc su même nom). Dans l’arc précité, mais aussi dans la longue histoire America’s Most Wanted (pendant Dark Reign) où le héros se lobotomisait peu à peu pour effacer des infos cachés dans son cerveau comme on nettoie un disque dur.

Sur Thor, Matt Fraction a souvent su jouer avec brio tant avec la mythologie Asgardienne, surtout les éléments propres à la version Marvel du personnage. On peut notamment penser à son dernier arc là encore, Everything Burns (coécrit avec Kieron Gillen) où Surtur se déchaîne. Bon dans Fear Itself ça a moins bien marché, mais l’utilisation du Serpent (le dieu de la peur Asgardien oublié made in Marvel) comme réinterprétation de Jormungand, le serpent qui enserre le monde dans ses anneaux, était intéressante. Notamment pour le final qui faisait référence à un vrai passage de l’Edda poétique. Et l’arc avec Tanarus (mystérieux personnage qui avait remplacé Thor, en fait Ulik déguisé par magie) était bien trouvé.

Marvel Then : Le bilan des Architects 

Enfin sur Uncanny X-Men, Matt Fraction a changé la nature de la série. Pas seulement en accentuant le viragebad ass puis limite dictateur de Cyclope (virage amorcé par Brubaker et conclu par Kieron Gillen). Mais surtout en faisant du titre mutant historique non plus un comic de super-héros traditionnel mais une véritable fresque, la chronique de la destinée du peuple mutant plus que des aventures d’une équipe. C’était déjà la tendance dès le début de son run avec Manifest Destiny narrant le déménagement des X-Men à San Francisco, proclamée ville refuge pour tous les mutants. Mais ça le devint surtout après lecrossover avec les Dark Avengers de Norman Osborn qui déboucha sur la fondation d’Utopia, la nation insulaire appartenant aux mutants.

Fraction Now !

Adieu Tony Stark et Thor, bonjourReed Richard et sa petite famille. Difficile de savoir le genre d’histoire que Matt Fraction va écrire pour les Fantastic Four et la FF. On parle déjà de sortie de l’espace temps pour le quatuor avec Mark Bagley, et on a vu l’équipe plutôt barrée pour la Future Foundation(Ant Man, She-Hulk, Medusa et Ms Thing ? WTF ?) avec Mike Allred. Au-delà on en est réduit à jouer aux devinettes.

Defenders s’arrête au numéro 12 suite à des ventes désastreuses. Par contre Hawkeye devrait continuer son petit bonhomme de chemin nous narrant toujours les aventures de Clint Barton quand il ne sauve pas le monde avec les Vengeurs. Mais là encore on ne sait pas trop à quoi s’attendre.

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4. Jason Aaron, crazy bad ass
Chapitre 4

Jason Aaron, crazy bad ass

Rien qu’à voir une photo de Jason Aaron, on se dit qu’il n’a pas la tête à écrire « Mon Petit Poney ». Et soyons juste, un coup d’œil sommaire à sa bibliographie ne peut que confirmer cette impression. Jugez plutôt.

Le bonhomme a fait ses débuts avec une histoire courte de Wolverine (publiée en back up dans Wolverine #175en 2001) après avoir gagné un concours. Il a ensuite fait un petit saut chezVertigo le temps de réaliser The Other Side (une histoire sur le Vietnam), de lancer Scalped (un polar noir sur une réserve indienne) et de faire deux numéros d’Hellblazer. Un autre chez Top Cow pour un numéro « Pilot Season » de Ripclaw (vous commencez à voir un schéma se dessiner ?).

Puis retour à la Maison des Idées où il devient une sorte de pigiste spécialisé dans les personnages bad ass :Ghost Rider (repris à Daniel Way), Black Panther (le temps de Secret Invasion) et surtout Wolverine encore une fois (un stand-alone). Puis deux fois (l’arcGet Mystique). Trois fois (la mini Manifest Destiny)… Jusqu’à ce qu’on lui confie SA série mettant en scène le mutant à l’adamantium (Wolverine Weapon X), puis le relaunch de la série principale en 2010.

A cela viendront s’ajouter par la suite diverses mini-séries (Astonishing Spider-Man/Wolverine, Ghost Rider Heaven’s On Fire pour clôturer son run sur le personnage avant ça), mais surtout ses premiers gros projets pour l’univers Marvel dans son ensemble : Schism et sa conséquence Wolverine & The X-Men. Ajoutons à cela Ultimate Captain America, un Punisher Max en demi-teinte et un court passage sur Hulk, et ça donne une bonne idée du travail de l’auteur.

The best there is at what he does

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Et ce qu’il fait, vous avez dû vous en rendre compte (ne serait-ce que vu le nombre de fois que j’ai écrit bad ass en si peu de lignes), c’est d’écrire des personnages durs à cuire dans des histoires violentes. Tous les héros dont on lui a confié la destinée avaient des profils correspondant à ce genre de récit, et le scénariste s’en est donné à cœur joie. Pour Wolverine ça s’imposait de soi même, comme pour Ghost Rider. Mais là où ça mérite peut être le plus d’être souligné c’est sur Black Panther.Car oui, T'Challa est connu pour sa prestance, son intelligence et ses talents guerriers Mais en lui faisant défendre le Wakanda contre l’invasion Skrull, Aaron nous a montré un Black Panther impitoyable qui n’hésitait pas à faire planter les têtes de ses ennemis vaincus sur des piques pour faire passer un message.Hardcore.

Mais il ne faut pas résumer le travail de Jason Aaron à cela. Car ce qui fait son talent, et qui explique aussi que ses histoires fonctionnent si bien, c’est qu’il arrive à instiller une véritable dose d’humanité sous la carapace de ses personnages. Les lecteurs de Scalped le savent, son écriture peut être d’une rare finesse et ses héros très travaillés, avec leur lot de doutes, d’espoirs et de sentiments.

Chez Marvel, il n’a jamais autant montré cela que sur Woverine. Car entre deux séances d’éviscération intensive, le scénariste a mis un point d’honneur à explorer la psyché du griffu : ses peurs, sa haine de lui-même (Wolverine #15-16) ses motivations (dans le diptyque avec Adam Kubert A Mile In My Moccasins), ses amours (Wolverine Weapon X #10 Love & The Wolverine). A ce titre Aaron a aussi essayé de créer pour Logan une amante qui soit plus qu’un amour perdu à idéaliser de plus, avec le personnage de Melita Garner. Bon au final ça a donné un résultat en demi-teinte, mais on ne peut que louer la tentative d’ajouter un vrai personnage féminin fort dans la vie du griffu.

On retrouve ce souci d’humaniser ses brutes dans la plupart des titres où Jason Aaron a eu le temps de poser sa marque. Johnny Blaze et surtout Danny Ketch dans Ghost Rider y ont eu droit. Et sur la fin Punisher Max était plus une étude psychologique de l’homme brisé qu’était Frank Castle qu’autre chose.

Insane in the brain

Non, il ne s’agit pas d’une référence à Cypress Hill ni au médiocre arc du même nom de Wolverine, mais plutôt de la seconde caractéristique principale du travail de Jason Aaron chez Marvel. En effet, le scénariste y multiplie les idées tant ambitieuses que complètement barrées. Et il a même développé un goût certain pour le WTF, si vous me passez l’expression.

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On a pu se rendre compte de cela dès son passage sur Ghost Rider. Niveau idée brillante il y a eu la relecture du concept même du Rider. De démon, il devenait une créature chargée de faire le sale boulot du paradis. Et surtout on découvrait que sa légende se déclinait partout dans le monde, sous la forme d’avatars liés à la culture locale. Pour la partie WTF, déjà le concept de l’ange renégat qui voulait faire un putsch au royaume des cieux n’était pas mal, mais si on y ajoute des bonnes sœurs surarmées et des infirmières cannibales, imaginez le tableau.

On retrouva ce genre de petits détails à bien des occasions tout au long du run du scénariste sur Wolverine. Citons pêle-mêle le flingue enfoncé dans le fondement d’un braqueur (Wolverine Weapon X), Wolvie en mode John Woo avec une paire de flingues dans un restaurant à Chinatown (Manifest Destiny) ou encore les dragons utilisés comme bêtes de trait encore à Chinatown (Wolverine). Et on passera pudiquement sur la joyeuse pagaille que fut le dernier arc de Wolverine Back To Japan (avec la petite fête d’anniversaire de Sabertooth en épilogue). Hulk n’y échappa pas non plus, que ce soit pour l’idée ambitieuse de base (séparer Hulk et Banner, déjà vu mais intéressant) ou le WTF. De même que la mini Astonishing Spider-Man/Wolverine (on ne va même pas parler de l’histoire de voyage dans le temps et plutôt se contenter de deux mots : Phoenix Gun. ‘nuff said.).

Marvel Then : Le bilan des Architects 

Mais le plus bel exemple de cette « touche Aaron » réservée à Marvel, c’est sans doute la doublette Schism/Wolverine & The X-Men. Schism à priori c’était l’évènement d’envergure, sérieux voire tragique, le Civil War mutant débouchant sur le divorce Wolverine/Cyclops. Bon, seulement Jason Aaron a cru bon d’y mêler les sociopathes pré-pubères composant le nouveau Hellfire Club. Et je ne sais pas vous, mais moi des psychopathes de 12 ans qui fabriquent des Sentinelles, je mets clairement ça dans la catégorie WTF (et aussi à la poubelle, mais ça c’est juste mon avis). Et la série qui suivit, Wolverine & The X-Men, n’est pas avare de trouvailles barrées (les bamfs, récupérer Broo le brood pacifiste, Krakoa, Wolvie qui va jouer au casino dans l’espace pour renflouer ses comptes…). On peut même dire que c’est la marque de fabrique de la série, au point que le numéro spécial Doop par Mike Allred s’y insère sans problème.

Aaron Now !

Plus de Wolverine en solo pour le barbu de l’Alabama, mais il devrait rester aux commandes de sa série Wolverine & The X-Men alors qu’elle reprend son cours normal post-AvsX. Et soyons juste on ne voit pas qui d’autre pourrait l’écrire tant il l’a marquée de son empreinte. Adieu Hulk par contre, la place étant cédée à Mark Waid, qui a le vent en poupe avec son Daredevil.

Mais surtout Aaron s’occupera de Thor God Of Thunder avec un nouveau numéro un. Un personnage au potentiel bad ass indiscutable (difficile de faire mieux qu’un Dieu viking en la matière) qui fait que le scénariste devrait vite être à l’aise. Espérons qu’Asgard ne lui fournira par contre pas trop de prétexte pour péter les plombs, Thor s’accommodant à priori assez mal d’humour.

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5. Jonathan Hickman, renaissance man
Chapitre 5

Jonathan Hickman, renaissance man

Et enfin, pour finir ce tour d’horizon, passons au petit dernier de la bande, Jonathan Hickman. C’est logiquement lui qui a la bibliographie la moins prolixe. Il commence aux côtés de Brian Bendis avec Secret Warriors (qu’il poursuivra seul), un groupe secret mis en place par Nick Fury, composé d’individus liés à des super-héros existant tels que le fils d’Ares, celui de Dr Druid, la fille de Griffin ou Daisy Johnson, fille de Mr Hyde apparue dans Secret War (la mini de Bendis) . Il réalisera aussi deux mini séries SHIELD, qui mettront en scène ce qu’on pourrait appeler l’ancêtre de la célèbre organisation d’espionnage.

Mais c’est surtout sur les Fantastic Four que Jonathan Hickman va se faire un nom. D’abord avec la mini-série Dark Reign, pendant que Mark Millar finissait son run sur la série régulière. Puis avec cette dernière, qu’il écrira jusqu’à Marvel Now (en y ajoutant une seconde série : FF).

Enfin il convient de citer le bref passage du scénariste au sein de l’univers Ultimate,  d’abord avec la mini Ultimate Thor, puis à l’occasion de son dernier relaunch en date pour lequel il réalisa Ultimates (laissé ensuite à Sam Humphries) et la mini Ultimate Hawkeye qui lui servait de compagnon.

High concept science fiction

Marvel Then : Le bilan des Architects 

C’est probablement ainsi qu’un américain qualifierait le passage d’Hickman sur Fantastic Four et FF. Car la première chose qui interpelle dans le travail de l’auteur c’est son imagination débordante et son talent pour créer des concepts ambitieux et innovants. En effet il a commencé par imaginer The Bridge, un appareil permettant à Reed Richards d’étudier une infinité de dimensions parallèles pour résoudre tous les problèmes. Mais surtout Mr Fantastic rencontra ainsi ses alter egos d’autres mondes qui avaient formé un « conseil de Reeds » pour protéger toute la réalité. Et ce n’était que le début…

On découvrit par la suite diverses cités cachées peuplés par des races d’Inhumains, ces êtres créés par les Krees dont les représentants les plus connus sont ceux d’Attilan :Black Bolt et sa famille (Medusa, Crystal, Gorgon…). Ajoutez à cela un petit périple en Zone Négative, une guerre interstellaire avec notre planète transformée en champ de bataille, Franklin qui récupère ses pouvoirs d’agir sur la réalité, des voyages dans le temps à gogo, et vous aurez un aperçu de ce que le scénariste a apporté à l’univers des FF.

Mais cette imagination débordante est perceptible à travers toute son œuvre. Les deux mini-séries SHIELD en furent des exemples tout aussi flagrants, avec la lutte de pouvoir entreLeonardo Da Vinci et Isaac Newton, et des machines renaissance/SF (et les pères de Reed Richards et Tony Stark au milieu, oui, il faut prévoir de l’aspirine pour lire tout ça…). De même que certains projets creator owned du bonhomme. Citons à ce titre The Red Wing avec son intrigue de voyage dans le temps et sesdogfights à travers les époques (même si pour le coup on ne peut que se dire que tout le potentiel de cette histoire n’a pas été exploité, d’où un résultat final décevant).

Enfin lors de ses incursions dans l’univers Ultimate, Hickman s’en est donné à cœur joie. Si bien que son mélange de magie Asgardienne et de recherches occultes nazies dans sa mini Ultimate Thor parut bien ordinaire. Par contre ses deux créations pour Ultimates, The People (des victimes de recherches de la République d’Asie du Sud Est pour créer une nouvelle race de méta-humains) et The Children (une race d’êtres surévolués dirigés par un Reed Richards passé du côté obscur), furent plus représentatives de son  travail habituel. A noter au passage un détail amusant : les deux peuples susmentionnés ont chacun leur cité futuriste, un thème récurrent chez l’auteur (comme dans Fantastic Four).

Des secrets et un supplément d’âme

Car il ne faut pas non plus réduire le talent de Jonathan Hickman à ses concepts ahurissants. Le scénariste a deux autres sacrées cordes à son arc. La première c’est son talent, largement égal à celui de Bendis en la matière, pour créer des intrigues complexes mettant en scène des organisations secrètes et des complots.

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Secret Warriors fut une référence en la matière. C’est toute l’histoire de l’espionnage de l’univers Marvel qui y fut à la fois dévoilée et réinventée. SHIELD, Leviathan, Hydra… Autant de noms familiers d’organisations plus ou moins secrètes dont les histoires furent brillamment entremêlées. Les révélations allèrent bon train tout au long de la série, et chaque mois il fallait s’attendre à découvrir un nouveau tiroir dans le tiroir du tiroir secret qu’on avait à peine découvert quelques mois plus tôt (mention spéciale à la conclusion de la série au passage, sublime retournement de situation). Et le tout en restant remarquablement clair et accessible (bon il fallait parfois jeter un œil au numéro précédent, mais jamais plus). Les deux mini-séries SHIELD essayèrent de donner dans le même registre, avec moins de clarté et donc de succès.

Et l’autre grande force d’Hickman, c’est d’écrire des personnages qui ont une véritable âme. De ce côté son travail sur Fantastic Four est particulièrement exemplaire. Car à l’instar des meilleurs auteurs à être passés sur la série (Stan Lee, Mark Waid, John Byrne), il n’oublia jamais que les personnages formaient avant tout une famille. Il prit donc grand soin de tisser des liens solides entre eux, tout en insistant sur leurs caractères propres.

Reed fut plus humain que jamais, malgré son génie qui le met habituellement à l’écart. Franklin comme Valeria (les enfants du couple Richards) furent enfin dotés d’une réelle personnalité (Hickman reprenant et développant intelligemment l’idée de Mark Millar de faire de Val un génie presque à l’égal de son père malgré son jeune âge). Et si son idée de tuer Johnny Storm aka La Torche pour le ramener un an plus tard en a fait hurler plus d’un, force est de constater que le personnage en a profité pour acquérir une toute nouvelle dimension en termes de charisme. Même Spidey, pourtant clairement surexposé, finit par bien s’intégrer dans le paysage dans un rôle secondaire. Seul Dr Doom, sans doute un peu trop édulcoré, eut du mal à convaincre. Idem sur FF, où le casting barré (Dragon Man, des moloids, un clone enfant du Wizard…) fut sans doute le principal intérêt du titre après le retour de Fantastic Four sur les étals.

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Hickman Now !

Ayant quitté l’univers Ultimate depuis déjà quelques temps, Hickman va abandonner les Fantastic Four et la FF pour se consacrer auxAvengers. Un titre bimensuel au casting pléthorique (en gros si vous avez eu un jour une carte des Vengeurs vous êtes éligible), auquel viendra s’ajouter New Avengers.

Gageons en tous cas que sous la plume de ce scénariste, les Avengers renoueront avec les aventures cosmiques de grande ampleur, leur univers se prêtant bien aux thèmes de prédilection de Jonathan Hickman (Krees, Skrulls, vilains surpuissants…). Mais ne soyons pas étonnés non plus si l’une ou l’autre organisation secrète pointait le bout de son nez (Hydra, AIM,…), nous rapprochant peut être ainsi des intrigues de la période Bendis.

Bref vous l’aurez compris, Avengers devrait aller comme un gant à son nouvel auteur. Et ce qui est sûr c’est que les divers personnages seront tous bien écrits, un plus appréciable vu leur nombre.

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6. Et les autres...
Chapitre 6

Et les autres...

Parce que Marvel Now c’est aussi l’occasion d’assister à la montée en grade de certains auteurs, pour renouveler un peu le parc de créateurs. Et de voir le retour de vétérans au premier plan.

Rick Remender, le nouveau Jason Aaron

Rick Remender est à n’en pas douter la nouvelle valeur montante de Marvel, leur réponse à Scott Snyder (Batman) et Jeff Lemire (Justice League Dark) chez DC. C’est sûrement pour ça qu’ils lui ont confié le titre phare de ce relauch qui n’en est pas un, Uncanny Avengers (dont le premier numéro a peiné à convaincre). Il écrira aussi Captain America.

La patte Remender c’est un penchant pour les bad ass (Wolverine et sa petite bande de tueurs dans Uncanny X-Force, le Punisher, Venom en mode soldat, et même les Secret Avengers). Mais c’est aussi un goût pour les idées barrées (Franken-Castle anyone ? Ou la dernière mouture de la confrérie des mutants avec le Skinless Man ou la Omega Family aux côtés de Daken et Sabertooth), les réalités alternatives (Age Of Apocalypse, Final Execution… Uncanny X-Force s’y spécialise).

Enfin c’est surtout un réel talent pour écrire des histoires prenantes (souvent longues, voyez The Dark Angel Saga sur Uncanny X-Force) avec des personnages touchants (Psylocke,Fantomex…). Et si vous voulez voir toute l’étendue de son talent jetez un œil à son ancienne série chez Image, Strange Girl, un chef d’œuvre.

Des bad ass, un grain de folie, une subtilité inattendue, un petit bijou creator owned… Vous comprenez mieux le titre maintenant ?

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Kieron Gillen, le nouveau Jonathan Hickman

En fait la tentation initiale quand on pense à Kieron Gillen c’est d’en faire le nouveau Matt Fraction. Les chemins des deux auteurs n’ont en effet eu de cesse de se croiser. Fraction lui a succédé sur Thor, puis Gillen a repris Journey Into Mystery (qui récupérait la numérotation de Thor, tandis que Fraction lançait Mighty Thor). Et l’arc final de Thor, Everything Burns, est un crossover avec Journey Into Mystery écrit à quatre mains.

Sur Uncanny X-Men c’est Gillen qui a succédé à Fraction, et le moins qu’on puisse dire c’est que la transition s’est faite en douceur. En fait il fallait vraiment regarder les crédits pour savoir que l’auteur avait changé. Et, ironie du destin, Gillen va à nouveau succéder à Matt Fraction sur Iron Man avec le relaunch de la série.

Mais si on regarde son travail d’un peu plus près, notamment les derniers numéros d’Uncanny X-Men, on s’aperçoit que Kieron Gillen a des idées inventives à revendre, dignes d’Hickman. On pense à Tabula Rasa (récupéré d’Uncanny X-Force) et ses habitants surévolués. Ou encore au Londres version Mr Sinister, peuplée de versions du vilain, avec ses clones des X-Men et maraudeurs transformés en arme (ah, lesGambits explosifs). Et sa série SWORD (de la pure SF avec l’agent Brand en héroïne) n’était déjà pas mal dans le genre (ah, Lockheed…). Bref autant de concepts surprenants et originaux, qui font qu’on se demande ce qu’il va faire dans l’univers high tech d’Iron Man.

Il devrait sans doute plus se retenir sur Young Avengers, mais n’oublions pas qu’on parle de l’auteur deGeneration Hope (le début), qui connaît donc bien les angoisses des jeunes super héros.

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Jeph Loeb, le nouveau Jeph Loeb

Véritable machine à succès chezDC (Batman The Long Halloween et Dark Victory, Hush, Superman/Batman…), Jeph Loeb peine à convaincre depuis son retour chez Marvel. Déjà à cause de ses projets qui jouent les arlésiennes (Spider-Man avec Jeff Scott Campbell, Captain America : White avec Tim Sale).

Et quand il sort quelque chose, en général ça consiste à mettre la pagaille et partir comme un voleur.Ultimatum pour dévaster l’univers Ultimate, ses deux passages sur Wolverine pour rajouter de la confusion dans le passé du griffu et tuer puis ressusciterSabertooth, X-Sanction pour ramener Cable de nulle part et nous sortir un faux prologue à AvsX…

En fait sa plus belle réussite c’est sa création du Hulk rouge, qui a au moins débouché sur un nouveau personnage durable. Bon après je vous laisse juge pour la qualité de l’ensemble.

Avec Marvel Now, lui et Ed McGuinness (Hulk, X-Sanction) remettent le couvert pour lancer une nouvelle série Nova. Exit Richard Rider à priori (ou alors il a bien changé), et beaucoup de questions pour un personnage qu’on a juste vu faire un cameo très gratuit dans AvsX #12 histoire d’assurer sa promo (et avant ça dans Point One). A voir.

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Cullen Bunn, le pigiste ultime

On aurait aussi pu parler de Mark Waid, qui livre peut être le meilleur travail de sa longue et prestigieuse carrière sur Daredevil en ce moment, et qui va relancer Hulk au numéro un. Ou de Dan Slott, Mr Spider-Man (même s’il est difficile de livrer un bilan définitif de son travail sur la série, vu qu’il va le poursuivre). Mais j’ai décidé de me mouiller un peu et de vous parler de celui qui pourrait être une vraie valeur montante pour Marvel : Cullen Bunn.

Bon, force est de constater que pour le moment la maison des Idées l’utilise comme un bouche trou de luxe. Un synopsis à transformer en script (The Fearless, Captain America & Bucky, Captain America) ? C’est pour lui. Une série qui va se terminer à faire durer quelques mois de plus (la suite de Captain America &…, Wolverine) ? Cullen, où tu es ? Un auteur à remplacer au pied levé (Remender surVenom), une mini-série tie-in à caser (Fear Itself The Deep, et les one shotsFF et Black Widow) ? Cullen !

Bon vous l’aurez compris, mon chouchou n’a pas le prestige des autres auteurs cités dans ce dossier. Mais il croule sous le boulot, et ça c’est la preuve que Marvel voit quelque chose en lui.

Car du talent il en a à revendre, comme le savent les lecteurs de sa géniale série creator owned chez Oni, The Sixth Gun (deux TPB dispos). Et même chez Marvel il a montré quelques belles choses, notamment sur Captain America & Iron Man puis & Black Widow. Débarrassé de son réflexe pavlovien d’aller en premier vers un récit d’horreur (Wolverine avec Dr Rot, et même Captain America & Hawkeye qui précéda les deux autres team-ups), il a montré une belle versatilité, une parfaite maîtrise de ses héros, et a su faire de Kashmir Venema une vilaine à la fois fascinante et basée sur un concept remarquablement bien trouvé (une histoire de réalité alternative utilisée de façon très originale, mais pas de spoiler, c’est en cours).

Bref l’homme a du potentiel, et ne demande qu’à confirmer. S’il trouve la série qui lui convient, et surtout si on la lui laisse un moment, il pourrait en surprendre plus d’un. Marvel, now, Cullen Bunn soon !

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Chapitre 1

Brian Michael Bendis, new Avenger

A tout seigneur tout honneur, commençons par le premier des Architects : Brian Michael Bendis. Premier chronologiquement, mais surtout par son importance. C’est lui qui a offert à Marvel son plus beau succès critique et commercial de ces douze dernières années avecUltimate Spider-Man. Il a réussi à ce que le nom de Frank Miller ne soit plus le seul auquel on pense dès qu’il est question de Daredevil. Il a créé un titre culte par excellence avec Alias. Il a rendu Spider Woman cool. Il a voulu inventer le futur des comics avec le motion comic. Il s’est planté lamentablement avec Moon Knight. Et c’est lui qui a écrit le plus des mega events de ces dernières années (House of M, Secret Invasion, Siege). Bref, son nom est presque synonyme de Marvel depuis près de 12 ans.

Mais à l’heure du bilan, c’est vers la franchise qu’il quitte que nos regards vont se tourner : lesVengeurs.

Some (dis)assembly required

Marvel Then : Le bilan des Architects 

La patte Bendis en matière d’écriture est assez facile à identifier. Elle peut se résumer en trois atouts et une faiblesse. Les premiers ce sont des dialogues très présents et ciselés à la perfection, des intrigues character driven (où ce sont les personnages et leur motivations/caractères qui sont le moteur), et un penchant pour les histoires de complots avec de multiples tiroirs et des silhouettes dans l’ombre. La faiblesse c’est une tendance à terminer certaines histoires avec l’arrivée d’un personnage surpuissant qui résout tout en un coup façon deus ex machina.

On a retrouvé tous ces éléments au fil des huit années passées par le scénariste sur ses divers titresAvengers. Mais ce que Brian Bendis a surtout accompli, c’est de redéfinir ce qu’est un comic Avengers. Il l’a fait dès son premier numéro de New Avengers, juste après avoir détruit l’équipe dans l’arc « Disassembled » (où on voyait déjà des silhouettes comploter dans l’ombre). Son acte fondateur fut d’ajouter à l’équipe des personnages qu’on aurait jamais cru y voir : l’éternel solitaire Spider-Man, l’omniprésent X-Man Wolverine et Luke Cage. Oui, Luke Cage, personnage de seconde zone parodie de la blacksploitation pour le grand public, à qui Azzarello puis Bendis avaient commencé à donner ses lettres de noblesse dans la mini-série Marvel Max Cage (Azzarello/Corben) et Alias. Et un personnage typiquement urbain, bien loin des intrigues cosmiques auxquelles les Vengeurs sont habitués.

Cette « politique de recrutement » pour le moins surprenante a été une constante tout au long des années Bendis, et à la fin on ne s’étonnait plus de voir Daredevil, Iron Fist ou Docteur Strange recevoir leur carte de membre. Mais si ces nouveaux membres se sont si bien intégrés, c’est sûrement parce que Bendis n’a pas non plus écrit lesdites histoires cosmiques typiques de Vengeurs, du moins au début. En effet dans les premiers arcs de New Avengers point de menaces galactiques ou de combat épique pour nos héros. Plutôt la formation de l’équipe (les fameuses histoires character driven), et du mystère (le complot au sein duSHIELD en terre sauvage, dont on n’aura le fin mot qu’avec Secret Invasion).

Marvel Then : Le bilan des Architects 

Niveau vilains, c’est la même chose. Bendis se spécialise dans la récupération de personnages qui n’ont rien à voir avec les Vengeurs et leur univers. Ses deux plus grandes réussites en la matière seront The Hood (repris de la mini série Max de Brian Vaughan et Kyle Hotz) et Norman Osborn. Du premier il fait le caïd des supers vilains (en reprenant au passage une kyrielle d’obscurs seconds couteaux genre Griffin). Du second, jusque là un ennemi de Spider-Man, reconverti en directeur desThunderbolts par Mark Milar puis Warren Ellis, il fait le leader de sa propre équipe de Dark Avengers. Bref là encore des personnages inattendus pour des histoires qui le sont tout autant (les confrontations entre Avengers, Dark Avengers et la bande de The Hood n’étaient souvent que la partie émergée de l’iceberg, la vraie intrigue se situant dans les luttes de pouvoir au sein des groupes, que ce soit pour Osborn ou The Hood, avec la « cabale »).

Earth’s mightiest heroes

Mais Brian Bendis sait aussi faire du grand spectacle, et a vite compris que ça serait indispensable sur une franchise telle qu’Avengers. C’est ainsi qu’est né Mighty Avengers, post-Civil War, qui devait fournir un pendant 100% adrénaline aux intrigues plus subtiles de New Avengers. Une dichotomie qu’on retrouvera post-Siege avec Avengers d’un côté et un nouveau volume de New Avengers. Avengers Assemble, tentative aussi éhontée commercialement qu’efficace artistiquement de capitaliser sur le succès du film Avengers, s’inscrit dans cette même lignée de pop-corn comics.

Des histoires plus classiques, avec quand même toujours la touche Bendis, que ce soit en terme de technique d’écriture (sa tentative de réhabilitation du « ballon de pensée » au début de Mighty Avengers, ses tie-ins à Fear Itself en forme d’interviews) ou d’intrigues (la Venom Bomb de Doom, les gemmes de l’infinité cachées par les Illuminati). C’est d’ailleurs à ces occasions qu’on aura quelques beaux cas de « Bendis ending-itis » comme disait le défunt magazine Wizard (récemment voyez le final de son premier arc d’Avengers : Red Hulk choppe une gemme et tabasse The Hood très fort. Fin.).

Marvel Then : Le bilan des Architects

Mais ce qui fut peut être le plus grand apport de Brian Bendis aux Avengers, ça a été d’en refaire les cadors de l’univers Marvel, ses personnages les plus centraux. Dans les trois events qu’il a scénarisés (House Of M, Secret Invasion, Siege), ce sont eux qui avaient la vedette (en duo avec les X-Men pour House Of M). Ils (re)devenaient le visage de la Maison des Idées quand il était question d’organiser un méga-crossover. D’autres auteurs ont d’ailleurs fait de même (Mark Millar pour Civil War, Matt Fraction pour Fear Itself), mais Bendis fut le premier de l’ère actuelle de Marvel. Et surtout les grands changements de paradigme post-events étaient liés à la situation des Avengers (sauf après House Of M), que l’event en question soit de Bendis (Dark Reign après Secret Invasion, Heroic Age après Siege) ou pas (The Initiative après Civil War).

Bendis Now !

Mais tout a une fin, et en novembre Brian Bendis aura quitté les Vengeurs pour s’occuper des mutants avecAll New X-Men. Et la NYCC vient de nous apprendre qu’il écrira aussi une nouvelle série Guardians Of The Galaxy.

Gageons que vu le pitch (les cinq premiers X-Men voyagent à notre époque et rencontrent l’équipe actuelle, y compris leur moi futur), X-Men sera une série très character driven, l’intérêt se situant a priori dans la rencontre entre ces personnages de deux époques. D’ailleurs vous noterez qu’on n’a pas encore parlé d’un éventuel vilain.

Guardians Of The Galaxy devrait plutôt être du pop-corn comic. On peut déjà s’en douter en voyant la façon dont l’équipe est écrite dans les pages d’Avengers Assemble actuellement plutôt pas mal, même si on ne retrouve pas le charme du duo Abnett-Lanning). Mais surtout on devine aisément que la série est là pour préparer le public au futur film sur ces personnages.

Et bien sûr, a priori pas question pour Bendis de lâcher Ultimate Spider-Man, et son héros Miles Morales qui semble décidément l’inspirer.

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Jeffzewanderer
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