Les mutants sont entrés dans une nouvelle ère. Wolverine and the X-Men #1 est le premier titre estampillé Regenesis, et le bal n'aurait pas pu mieux s'ouvrir. Dans deux jours l'autre titre phare du renouveau mutant verra le jour sous la forme du premier numéro de la deuxième mouture de la série légendaire Uncanny X-Men. Avant de célébrer le premier volet des nouvelles aventures de Cyclope et sa bande, nous vous proposons de revenir sur le grand final que Kieron Gillen et Greg Land nous ont offert il y a un peu moins de deux semaines sous la forme de Uncanny X-Men #544. Une conclusion historique.
Indéniablement Kieron Gillen a été mis face à
un défi d'envergure. Comment justifier en l'espace de 22 pages le relaunch d'une série si longue et emblématique que celle-ci ?
Comment faire avaler la pilule d'une renumérotation à priori
inutile ? En un numéro Gillen prouve à ceux qui pourraient
encore en douter qu'il est bien l'homme qu'il fallait pour succéder
à Brubaker et Fraction. L'ouverture elle-même manifeste du génie
de l'auteur. Sur une page tirée du tout premier X-Men, le
Britan
nique résume en l'espace de quatre répliques posées sur une
image d'un autre temps la situation sinistre dans laquelle se
retrouvent maintenant ceux qui formaient il n'y a pas si longtemps une
si belle famille. De là, la nostalgie se mêle à l'annonce
prophétique de l'avenir qui s'esquisse progressivement sans aucune
mauvaise note. L'action se déroule ainsi sur trois fronts. Le départ
d'Iceberg marquant définitivement la fin des beaux jours. Le retour
de Beast venu en découdre avec Cyclope une dernière fois. Enfin,
une scène courant à travers tout l'épisode suivant un Sinistre des
plus déroutants qui s'annonce comme la prochaine grande menace à
laquelle Scott et ses troupes devront faire face. Humour, rancune,
chaire de poule. Le lecteur fait le plein d'émotions avant
d'attaquer la dernière scène. Cette dernière scène, symbolique au
possible, achève de signer ce qui était déjà une évidence. Uncanny X-Men conte l'histoire de Cyclope au même titre que X-Men :
Legacy le fait avec Malicia. Cette série est la sienne et le restera
pour les années à venir.
Parlons maintenant des choses qui
fâchent. Alors voilà, Kieron Gillen est bon. Peu sont ceux qui
sauront se justifier d'avancer le contraire. Seulement, pour faire du comic-book, il faut des dessins, et ce sont ceux de Greg Land que la
Maison des Idées se propose de nous offrir. Sur la toile tout a déjà
été dit au sujet de son goût pour le photo-referencing. A partir
de là, chacun en pensera ce qu'il veut. Son Sinistre est beau mais a
les mêmes traits que son Wolverine. Sa double-page pleine de
nostalgie est belle mais aurait bien plus de mal à passer si Jean
Grey et Emma Frost n'avaient pas la chance d'avoir des couleurs et
des fringues différentes... Greg Land restera à priori toujours
fidèle à lui-même. Heureusement, il a ici la chance d'avoir à
dessiner des personnages aux caractéristiques physiques manifestes et
dissociables. Ceci permettra à qui n'a jamais lu du Land de ne pas
remarquer les problèmes inhérents à son style.
Une époque vient de prendre fin. Une longue, passionnante et admirable époque. Uncanny X-Men #544 est la conclusion dont elle avait besoin. Les lecteurs étaient en droit d'avoir des doutes. Une fois ces doutes évaporés, mes yeux écarquillés et mes lèvres prises d'un sourire incontrôlable, une remarque d'Alan Moore n'a pas manqué de me revenir. « Le job de l'artiste n'est pas de donner à son audience ce qu'elle attend de lui. Si le public savait ce dont il avait besoin, il ne serait pas simple spectateur. Il serait l'artiste. » Kieron Gillen offre ici aux fans la conclusion dont ils avaient besoin pour pouvoir tourner la page alors qu'ils ne le savaient pas eux-mêmes.
