Bien que l'on connaisse le travail de Mike Mignola chez Dark Horse (et chez Delcourt en VF) principalement pour Hellboy et les travaux qui ont suivi autour de cet univers, le génial artiste et auteur a aussi proposé quelques courtes histoires en dehors de ce dernier, mais qui n'en sont pas si éloignées dans l'apparence ou dans l'esprit. L'Homme à la tête de vis et autres histoires déjantées s'est offert une réédition récemment chez l'éditeur français, la parfaite occasion pour vous en dire quelques mots.
Absurdement drôle, c'est ainsi qu'on pourra décrire l'histoire principale de L'Homme à la tête de vis. Le président Abraham Lincoln doit lutter contre les manigances du redoutable Empereur Zombie, et fait appel à son meilleur atout : un homme dont la tête est une véritable vis, capable de se fixer sur tout type de corps robotique. C'est ainsi que l'agent va pouvoir lutter contre l'ennemi, au cours d'une aventure rocambolesque et qui se montre absurdement très premier degré. Entre l'invraisemblance des évènements, des enjeux supposés immenses mais pris dans un sérieux presque ironique, il s'en dégage un contraste qui rend le tout assez drôle. Une aventure qui reste assez légère (et hélas courte), mais qui permet à Mike Mignola de développer un nouveau petit univers, aux inspirations victoriennes, steampunk, mais qui puisent également dans un imaginaire qui lui est bien connu. Les inspirations littéraires (Jules Verne viendra en premier) et le faux sérieux rappelleront les comics de l'âge d'or. Entre hommage et douce moquerie, le ton prend en tous les cas.
Le côté macabre et magique fait déjà partie de la majorité des histoires de Mignola, et en quelques pages, c'est un nouvel univers foisonnant qui s'ouvre à nous, où personnages atypiques se mêlent à d'anciennes divinités et des personnages qui flirtent avec la magie et les sciences occultes. Un cocktail nouveau mais familier à la fois, qui n'a seulement pas la place d'être étalé plus longtemps - un détail dont le scénariste s'amuse en perçant à quelques fois le 4e mur, comme pour répondre aux attentes (logiques) des lecteurs qui voudraient en connaître plus sur cet univers. Attentes récompensées dans la suite de l'ouvrage, avec plusieurs histoires courtes - dont certaines inédites - qui, pour quelques unes, reviennent sur des figures de ce premier récit.
On admirera une nouvelle fois l'imagination de Mignola pour raconter dans un format limité des histoires riches, qui font la part belle aux créatures, mythologies et grandes thématiques du fantastique (à la Lovecraft) ou de la science-fiction. Qu'il s'agisse d'une curieuse exploration de Mars par le Docteur Snap (sûrement l'histoire la plus plaisante du recueil), d'un retour sur l'un des personnages évoqués avec L'Homme à tête de vis ou d'une histoire imaginée par la fille de Mike Mignola, Katie, lorsqu'elle avait sept ans, chacun des récits est une petite curiosité, qui profite en outre du dessin du maestro, identifiable en tous points.
Les diablotins, démons et autres créatures extra-terrestres profitent du trait cassé de l'artiste, d'un encrage toujours aussi efficace pour le relief des personnages et les ambiances, le tout en justesse par la colorisation de Dave Stewart. En somme, si la seule déconvenue sera que le tout reste assez court, L'homme à la tête de vis se suffit largement pour (re)découvrir ces histoires de Mike Mignola, preuve s'il en fallait de la richesse de son oeuvre. A noter, la présence en fin d'ouvrage de recherches et anecdotes délivrées par l'auteur lui-même, qui permettent de saisir la création de ces histoires dans leur contexte - un petit bonus qui convient bien.
Ce n'est pas du Hellboy mais l'imaginaire que Mike Mignola déploie dans L'Homme à la tête de vis n'en est pas si éloigné. De fait, si vous appréciez l'oeuvre principale de l'artiste, ce recueil d'histoires courtes devrait vous séduire. Riches, amusantes, et reprenant des thématiques familières, il s'agit d'un ouvrage curieux, certes rapidement lu, mais qui offre un vrai plaisir de découverte. On ne s'étonnera donc pas que deux desdites histoires ont été primées d'un Eisner Award, un argument qui devrait vous encourager à la lecture si cette review n'a pas suffi.
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