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Édito #82 : Batman et Catwoman, je t'aime moi non plus ?

Édito #82 : Batman et Catwoman, je t'aime moi non plus ?

chronique

Entre deux arcs qui continuent de faire couler de l'encre, Tom King nous offrait la semaine dernière un Batman #14 en forme de pause, lui qui était exclusivement consacré à la relation unissant le chevalier noir à Catwoman, personnage récurrent de la série depuis quelques semaines déjà. L'occasion pour le scénariste d'ajouter une nouvelle pierre à leur édifice fait de flirt, de déceptions et de romances aux côtés de son partenaire sur The Sheriff of Babylon, l'excellent Mitch Gerads. L'occasion pour nous de revenir sur cette relation à peu près légendaire.

Attention aux (tout) petits spoilers sur Batman #14 si vous lisez en VF

Et pour ne rien vous cacher, il se trouve que ce quatorzième numéro m'a laissé de marbre. Non pas qu'il soit mauvais, bien au contraire, je suis un grand fan des compositions de Mitch Gerads (qui ne m'a jamais déçu sur Punisher) mais globalement, l'exécution faite par King de la relation unissant Batman à Catwoman me semble particulièrement froide. Une promesse de meurtres (en masse) à résoudre, puis un team-up où chaque personnage endosse le rôle de son voisin et enfin une tendre nuit sur les toits de Gotham. Une scène simple, efficace, mais quelque part, démystifiée. 

Je vous laisse apprécier la beauté de cette planche signée Mitch Gerads !

C'est sans doute mon côté littéraire qui parle, mais j'ai toujours trouvé que seules deux dynamiques permettaient de rendre justice à la relation entre nos personnages. La première est assez évidente, c'est l'archétype du chat, en l'occurrence Catwoman (faut-il le rappeler) et de la souris. Ici, elle est chauve et elle s'appelle Batman, mais le jeu de mot fonctionne. Il est d'ailleurs utilisé par Tom King dans le numéro, et s'il n'y avait pas pensé, un passionné de sémantique comme Scott Snyder l'aurait dégainé tôt ou tard. Bien évidemment, dans le cas du Batverse, c'est le chat qui est chassé, inversant ainsi les rapports de force et créant de fait une situation extrêmement plaisante à suivre.

Comme un chat qui laisserait croire à la souris qu'elle a sa chance, Catwoman se prend en effet au jeu, quelque soit l'époque ou le format choisi par les auteurs s'étant emparés du personnage. Mais je crois que la course en elle-même est plus importante que son arrivée. En l'occurrence, dans les comics, cette arrivée, c'est une conséquence ou une résolution. Catwoman et Batman finissent-ils par s'embrasser ? Par révéler leurs secrets ? Par faire l'amour ? Les choix sont nombreux mais ne se valent pas tous. Gardez en tête que toute cette analyse est très personnelle, mais effectivement, je considère qu'une Catwoman inaccessible est une bien meilleure option que toutes les autres. Et quand Batman et Catwoman finissent par coucher ensemble sous le regard des chats de Selina Kyle ou des étoiles de Gotham, je repense aux mots de Baudelaire :

"Il y a quelques jours, tu étais une divinité, ce qui est si commode, ce qui est si beau, si inviolable. Te voilà femme maintenant..."

Une punchline lancée à Apollonie Sabatier, qui avait résisté des années entières aux avances du poète, qui perdit tout intérêt pour la jeune femme après voir saisi l’insaisissable. Premier conseil, destiné à tous : ne vous comportez jamais comme ça. Second conseil, pour tous mes amis auteurs d'œuvres Batman, cette phrase peut vous aider à (re)penser la relation entre Catwoman et Batman. Je ne veux jurer de rien sur le run de Tom King, qui a semble-t-il une vraie idée derrière la tête depuis qu'il a propulsé Selina Kyle dans son histoire, mais à mon sens, une Catwoman inatteignable, pour reprendre le champ lexical de l'ami Charles, plus divine, est un bien meilleur personnage au sein de l'univers où les dieux marchent parmi nous.

Mais après tout, Catwoman n'a pas de super-pouvoirs. Elle n'a pas d'origin story fantasque, ou du moins pas toujours - je pense notamment à sa résurrection dans le Batman Returns de Tim Burton - elle est donc un personnage des plus humains. A ce titre, ne peut-elle pas avoir des envies, des pulsions et des projets qui ne sont pas nécessairement ceux d'une héroïne de fiction, mais bien d'un être humain ? C'est là qu'entre en scène la deuxième dynamique que j'apprécie tout particulièrement dans les comics et autres œuvres consacrées au Batverse : la présence d'une vraie relation, au sens amoureuse, entre les deux personnages.

Vous l'aurez compris : si je voue un respect sans failles à Un Long Halloween et Amère Victoire, ce n'est pas uniquement pour leurs enquêtes bien ficelées, mais aussi et peut-être surtout pour la relation que les deux histoires de Jeph Loeb et Tim Sale élaborent entre Catwoman et Batman. La perspective d'une vie plus calme, d'aucuns diraient rangée, que Christopher Nolan mettait en scène dans les toutes dernières minutes de The Dark Knight Rises. Ou en tous cas, la promesse d'un secret partagé, qui allège le fardeau de notre voleuse au grand cœur et de notre héros ténébreux. En devinant ou en révélant leurs identités secrètes respectives, les deux personnages gagnent en effet souvent en intensité, et la dynamique qui les unit n'en devient que meilleure. On le voyait bien dans le Silence (Hush), une nouvelle signée Jeph Loeb (il n'y a pas de hasard), alors accompagné de Jim Lee au dessin.

Dans ce classique peut-être un poil plus moderne que les précédents, la relation entre les deux personnages est l'un des moteurs de l'intrigue et se répercute même sur Nightwing, qui doit trancher entre le chat et la (chauve) souris. C'est sans doute idiot, mais c'est pour moi l'un des rares exemples d'une vraie dynamique familiale au sein de titres qu'on qualifie souvent de bat-family. Peut-être à la légère d'ailleurs, parce que cette famille manque souvent d'une mère, figure que Catwoman endosse, de la manière la plus badass et éphémère possible, au sein de l'histoire de Jeph Loeb. Le scénariste est d'ailleurs étroitement lié à l'héroïne, puisqu'il lui inventait une jolie backstory et une aventure européenne rafraîchissante dans When in Rome.

Je crois d'ailleurs que c'est la Catwoman de Loeb et Sale qui a définitivement forgé mon image du personnage, d'abord modelée d'après ses actes dans les séries animées Batman. Lorsque ces deux auteurs sont derrière le personnage, Selina Kyle ne semble pas subir sa destinée, malgré un côté femme fatale plus prononcé que jamais et des aventures parfois très loufoques, comme un voyage en Italie aux côtés d'Edward Nigma

Pour toute la malice qu'elle représente, l'imaginaire assez dingue qu'elle convoque, qui commence par les félins et se termine sur le bondage qui intéressait tant Pitoff dans l'abominable film de 2003, mais surtout pour les dynamiques narratives passionnantes qu'elle est capable d'imposer à la dysfonctionnelle bat-famille, Catwoman est un personnage qui m'intrigue et m'intriguera toujours, et qui vaut plus que des scènes de sexe dans des appartements vides ou sur les toits d'une métropole, aussi romantiques ou excitantes ces séquences puissent-elles être, comme nous le rappelait Telltale l'année dernière. Après tout, n'est-elle pas l'Irene Adler d'un Sherlock Holmes qui aurait évolué en richissime orphelin ? Une femme insaisissable capable de battre notre Batman à son propre jeu ? Je me ferai un plaisir d'en débattre ci-dessous avec vous !

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