Le marché de la bande-dessinée a drastiquement changé
depuis quelques années aux États-Unis. Si bien que le monde des comics
commence peu à peu à muter sous l'influence de plusieurs données.
L'arrivée d'Axel Alonso à la tête de Marvel n'est d'ailleurs pas
étrangère à cette modification du marché. Il a d'ailleurs commencé sa
politique de changement dont on voit désormais les véritables effets.
Quand ce dernier pris la place de Joe Quesada, laissant celui-ci
s'occuper de la seule partie créative, c'est qu'il apportait sa
connaissance du marché en pleine mutation et qui s'éloigne peu à peu du
monde restreint des seuls comics. Dans un premier temps, c'est surtout
ses errements que l'on a pu voir à travers Avengers Vs. X-Men, ce
qui a coïncidé avec le retour en grâce de Joe Q qui était
définitivement plus à même de gérer le côté "artistique" de
l'éditeur-en-chef. Si bien qu'on obtient une maison d'édition à deux
têtes. Mais alors, quel était le rôle d'Alonso ? De faire rentrer Marvel
dans une modernité de l'édition, d'anticiper et d'accompagner un
changement de lectorat.
Car il y a une donnée qu'il faut bien prendre en compte actuellement, c'est que la vente de singles est en train de perdre énormément de terrain par rapport à celle des reliés. Image Comics furent les premiers à s'en rendre compte (grâce à Walking Dead
principalement, qui est constamment en tête des ventes de TPB) et ils
ont répondu par une politique qui favorise la vente de ces volumes
reliés en faisant des opérations qui met les premiers tomes à 10$. Cette
perte de vitesse des singles est la résultante de deux
influences. Premièrement, la bande dessinée franco-belge et les mangas
envahissent de plus en plus le marché américain, conquérant un public
qui était alors étranger aux comics et apportant le goût pour des
volumes plus conséquents et de meilleure qualité. Deuxièmement, ces
volumes reliés sont disponibles dans toutes les librairies alors que les
singles sont disponibles seulement dans les comic shops. Ainsi, avec
les reliés, un plus grand public est touché, notamment celui qui ne
s'intéresse pas aux comics.
Premier effet de ce constat, les séries Marvel NOW! sont désormais reliées dans un format proche de celui du franco-belge. D'ailleurs, Panini Comics
a eu la bonne idée de reprendre ce format (et comme on est sympa, on
vous propose même d'en gagner sur la page facebook de 9emeArt.fr). Peu
chers et d'une qualité largement supérieure à ceux qui étaient proposés
auparavant, ils profitèrent d'une véritable palanquée d'éloges, qui ne
venaient pas toutes de sites spécialisés dans les comics, montrant bien
que la politique d'ouverture de la Maison des Idées commençait à porter
ses fruits. Pour autant, les ventes furent correctes, d'autant plus que
le marketing fut intense autour de cette collection, mais pas non plus
incroyables. Ce n'était par contre que la première étape de la mutation
qu'Axel Alonso allait imprimer à Marvel.
En effet, il fit un constat simple, celui que les lecteurs d'Art
Spiegelman ou Craig Thompson n'allaient pas forcément s'intéresser à Uncanny Avengers ou Superior Spider-Man. Par contre, les ventes d'un
autre titre attirèrent forcément son attention. Ici, on parle évidemment
d'Hawkeye (on pourrait aussi citer Daredevil mais qui bénéficiait aussi
du nom d'un personnage plus iconique) qui attirait (et attire toujours
d'ailleurs) un public plus large que les seuls lecteurs de Marvel et
était récompensé dans des festivals qui dédaignaient jusqu'alors les
productions de la Maison des Idées. Son approche plus "arty" et surtout
l'influence du franco-belge dans l'art de David Aja mais aussi dans la
narration de Matt Fraction firent de ce titre un cheval de bataille
d'Axel Alonso, qui fut certes opportuniste mais à raison. Si bien que la
seconde vague des titres estampillés Marvel NOW! eut un petit air
familier.
Si les séries à l'atmosphère particulière a toujours été une marotte
de Marvel, les comics à consonance franco-belge sont en train
d'exploser largement les proportions qu'elles connaissaient auparavant.
Ainsi, Black Widow, Ms. Marvel, She-Hulk, Winter Soldier : A Bittersweet March, Silver Surfer,Ghost Rider ou encore Doop sont autant de tentatives d'explorer un
nouveau lectorat, avec une approche bien éloignée du super-héros
habituel et un dessin affirmé qui s'éloigne des codes des comics
mainstream. Là où l'on peut louer la politique d'Alonso, c'est qu'il
fait ces séries avec les personnages de Marvel, là où DC Comics va faire
cela avec sa ligne Vertigo. Là encore, c'est sans doute calculé,
puisque les lecteurs peuvent ensuite migrer sur les autres titres de la Maison des idées . Maintenant, l'avenir nous dira si cette politique a les
résultats escomptés (l'accueil favorable des néophytes est un signe encourageant) et s'ils vont continuer dans cette voie-là qui risquerait de
s'épuiser sous le nombre croissant de manière exponentielle de ces titres ô combien particuliers.