Home Brèves News Reviews Previews Dossiers Podcasts Interviews WebTV chroniques
ConnexionInscription
Batman : City of Madness, Hack/Slash : Back to School, Dracula : critiques express côté comics VO

Batman : City of Madness, Hack/Slash : Back to School, Dracula : critiques express côté comics VO

chronique

Bienvenue dans un nouveau numéro de la chronique des "critiques express". A intervalles réguliers, la rédaction vous propose de courtes reviews sur des numéros de comics VO sortis récemment. L'idée est de pouvoir à la fois vous proposer une analyse des sorties attendues du côté des éditeurs mainstream et indé', parler également de runs sur la durée, et essayer de piquer votre curiosité sur quelques titres moins en vue. En somme, tout simplement de mettre en avant le médium comics dans nos colonnes autrement que par le prisme pur de l'article d'actualités.

L'automne ne fait pas exception sur les logiques de sorties de l'industrie américaine, et les lancements de séries (ou mini-séries) sont particulièrement nombreux. Qu'il s'agisse de propriétés grand public de retour en comics (Dracula), d'un titre pensé pour accompagner un futur film (Captain Marvel), ou de simple plaisir purement lié à la bande dessinée (Hack/Slash : Back to School), il y en a comme à chaque fois pour tous les goûts. Voici donc notre débrief sur quelques sorties récentes - et de votre côté, n'hésitez pas à nous faire vos retours sur vos propres lectures du moment !

Dracula #1 - James Tynion IV et Martin Simmonds

L'étrange paradoxe que représentent les éditions Skybound Entertainment dans l'armature des compagnies qui forment la maison Image Comics se déploie sur un nouveau champ d'expériences. Pour un objet d'étude inattendu. Si Robert Kirkman a décidé d'installer son usine à licences au sein d'un empire éditorial fondé sur la création originale et la recherche de la nouveauté, ça le regarde. Mais, en s'associant avec les studios Universal Pictures, le scénariste, à l'origine du film Renfield, aura débloqué une sorte de nouvelle strate dans cette relation bizarre qu'il entretient avec Hollywood depuis maintenant un long moment. A savoir, des comics, basés sur de vieux films de monstres. De très vieux films de monstres. Pour tout dire : les premiers du genre, ou presque, ceux de l'âge d'or du cinéma d'horreur sous pavillon Universal Pictures. A commencer par Dracula.

Cette étonnante association aura suffi à motiver James Tynion IV, qui avait pourtant promis de ne plus jamais travailler sur les personnages des autres, à réinventer le premier film Dracula de Tod Browning (1931) en compagnie de son camarade Martin Simmonds. Bilan ? Contrasté. D'un côté, le travail de l'artiste virtuose séduit, avec un résultat impressionniste et macabre qui cherche encore une fois dans l'héritage de Dave McKean et de cette esthétique surnaturelle, de la déformation, du débordement, des nappes de couleurs pour suggérer les formes, et surtout, de l'épouvante par le point de vue. Dans ce premier numéro, il est surtout question de Renfield. Les personnages principaux ne voient pas cette première victime du Comte Dracula comme un monstre. Ils ne le voient pas comme le dessinateur le représente. Avec ce visage beaucoup trop blanc, en tâches de peinture floues, avec ce regard livide. Le lecteur, lui, le voit tel que l'artiste a choisi de le présenter. Ce qui aura tendance à créer cette horreur dans le décalage, emblématique de l'épouvante des comics : la perspective du regard artistique en décalage avec la sensation de réalité qui habite les planches.

Et tout ceci est très bien, très beau, mais James Tynion IV doit composer avec les limites du format. Même si le film de Browning est une adaptation partielle de l'oeuvre de Bram Stoker (ou de la pièce de Hamilton Deane), le scénariste doit composer au sein d'un environnement conditionné à la consigne d'une adaptation. Aussi, le scénariste fait ses choix, avec la place qui lui est donné. Par exemple, le comics ne va probablement pas explorer le paysage de la Transylvanie, dans la mesure où il commence après l'incarcération de Renfield (le personnage est le seul à visiter le pays légendaire dans le film de Browning). De la même façon, l'esthétique devra se borner à reproduire le style de ce premier Dracula d'époque, avec une structure très humaine, des cheveux plaqués en arrière, une cape sur les épaules et pas mal de scènes d'intérieur. En résumé, le champ des possibles est passablement restreint, et dès ce premier numéro, même si James Tynion IV assure avoir quelque chose qui le démangeait vis-à-vis de ce projet, de cette envie de réinterpréter un personnage qui l'obsède depuis si longtemps, on a surtout l'impression d'opérer dans une commande... sans possibilité de surprendre.

Bien sûr, ce n'est pas forcément un problème en soi - la commande peut-être réussie, et l'apport visuel de Simmonds est un bonus conséquent et immédiat pour les fans du dessinateur. Mais, de la part d'un "maître de l'horreur", comme aiment à le répéter les différents départements marketing qui collaborent avec le créateur de Something is Killing the Children et The Nice House on the Lake à la moindre occasion, quitte à s'attaquer au mythe du vampire ou à ce personnage en particulier, connu pour pousser à l'interprétation personnelle, le résultat au sortir de ce premier numéro est peut-être un peu trop scolaire, ou un peu trop prévisible. Bien exécuté. Bien rythmé. Mais prévisible, et sans marge de manœuvre pour naviguer au détour des différentes possibilités de renouveler la figure de Dracula, l'écriture propre à James Tynion IV, ses qualités, son inventivité, ne transparaissent pas encore dans ces quelques pages. Comme si le piège du salariat s'était refermé sur un créateur trop habitué à inventer ses propres des univers sans avoir jamais besoin de se reposer sur une nouvelle consigne.

Notez que cette critique ne s'applique qu'au premier numéro. Au global, le rythme est bien tenu, le propos sur le retour du mystique (vampire) dans un monde où la science commence peu à peu à chasser la religion (psychiatrie) est intéressant, de même que l'envie de JTIV de faire commencer l'intrigue en Angleterre, pour induire l'idée d'une présence qui viendrait envahir l'urbanisme rassurant et confortable de la modernité. En somme, le lecteur aura des os à ronger dans cette adaptation, mais pour l'heure, celle-ci ne va pas plus loin que cette détermination essentielle : il s'agit bel et bien d'une adaptation. Est-ce que les fans de cette équipe créative attendent ce genre de produits de leur part, dans l'épicentre des éditions Image Comics ? Pas sûr. Mais pour cette nouvelle "collection" Skybound/Universal, l'éditeur aura au moins l'intelligence de nommer les bons éléments, à défaut de savoir exactement quoi leur demander.

- Vous pouvez commander Dracula #1 à ce lien !


Batman : City of Madness #1 - Christian Ward

L'enclave Black Label de DC Comics a beau être sur le principe ouverte à tous les personnages du catalogue de l'éditeur à deux lettres, force est de constater que ce sont les projets sur Batman qui sont les plus nombreux à voir le jour. On le comprendra : tout le monde à envie de bosser sur le Chevalier Noir, sans pour autant se contraindre à des règles d'univers partagé et de continuité. Aussi, l'exercice-type de la mini-série en trois numéros, format prestige, qui donnera ensuite lieu à un album tout beau tout propre qu'il est prêt pour la librairie, doit forcément faire l'envie de bon nombre d'auteurs - ou d'artistes, dans le cas qui nous concerne aujourd'hui. Après Rafael Grampa et son Batman : Gargoyle of Gotham, au tour du génial Christian Ward de se lancer dans sa propre vision du monde de Gotham City avec le premier numéro de City of Madness

Mélange d'influences très facilement repérables, ce premier numéro reprend la Cour des Hiboux pour en faire la gardienne d'une sorte de porte vers une dimension maudite et de type "horreur cosmique" cachée dans les fins fonds de Gotham City. De cette affreuse dimension, une version démente de Batman arrive, et prend pour mission de former son propre Robin dans la Gotham City de la "bonne" réalité. Comme bien souvent avec le Black Label, le premier numéro ne peut pas vraiment aller plus loin que le pitch vendu en quatrième de couverture, mais ces prémisses sont très bien exposés. Christian Ward se sert d'une idée assez simple pour s'amuser surtout avec sa reprise graphique de nombreux éléments de la Bat-mythologie installée au cours des dernières années. La Cour, bien entendu, qui reste sûrement un des ajouts les plus importants/appréciés de la décennie passée, mais on reconnaît aussi dans les pages des empreints à Frank Miller, ou - évidemment - à Dave McKean, puisque l'inspiration Arkham Asylum est elle aussi évidente. 

Batman : City of Madness #1 ne s'arrête néanmoins pas à son jeu d'influences, pour aller développer ses propres idées. Elles sont pour beaucoup visuelles, comme cette façon de peindre Two-Face, comme le design de la Bat-créature que l'on voit, ou de façon plus générale, avec la mise au profit des prouesses visuelles de Ward sur un environnement aussi fort que celui de Gotham City. C'est très simple : on s'émerveille à chaque page comme bien souvent avec le dessinateur, qui livre cette version lugubre de Gotham comme si on s'y perdait dans un rêve éveillé, où les bâtiments s'inscrivent comme des formes abstraites dans des rues étroites où le danger rode à chaque angle. Le travail sur l'ambiance est ravissant, et certaines séquences - celle d'une attaque de trois malfrats profite d'un découpage cinématographique qui donne cette impression d'être devant une autre forme de média. Tout le monde devrait être d'accord pour dire que le pitch est intéressant dans son idée - même si on se méfie des portes dimensionnelles menant à d'autres dimensions et de versions bizarres de Batman depuis que Metal est passé par là. Reste donc à voir sur l'exécution des péripéties passée l'introduction.

Il n'y avait pas grand doute sur le fait que Batman : City of Madness #1 serait une petite régalade sur le plan visuel - et Christian Ward ne déçoit pas. Sa vision artistique de l'univers de Batman vaut la peine qu'on s'y investisse, l'auteur mêlant ses propres idées à des valeurs sûres qui ont clairement participé à forger sa propre vision d'ensemble sur le monde du Chevalier Noir. La façon de réutiliser la Cour des Hiboux s'inscrit bien dans cette relecture a priori Lovecraftienne, et si on reste sur notre faim pour une histoire qui ne va pas au-delà de son pitch déjà connu, le rendez-vous pour le second numéro est évidemment déjà pris.

- Vous pouvez commander Batman : City of Madness #1 à ce lien !


Alan Scott : The Green Lantern #1 - Tim Sheridan & Cian Tormey

Etrange année pour DC Comics. Après avoir amorcé une refonte de plus dans la numérotation, il apparaît maintenant que Tim Sheridan commence à écrire correctement. Vous voyez, on a eu les témoignages sur la visite des aliens sur Terre cet été, mais des phénomènes plus paranormaux peuvent encore se manifester. Bon, maintenant que la blague a été dégagée du chemin (et ça valait le coup, en plus), saluons une belle entrée en matière pour cette entrée dans le New Golden Age, une initiative intéressante poussée par DC Comics pour se réintéresser à certains de ses vieux personnages. A commencer par Alan Scott, le premier porteur du nom Green Lantern, dans une série qui repart en arrière, dans les Etats-Unis des années quarante, à une période où l'homosexualité était encore criminalisée et considérée comme une maladie mentale déclarée. Le synopsis de la série prend ce sujet très au sérieux, et il est probable que le titre considérera son adversaire potentiel (ou déclaré, si vous avez suivi certains autres éléments à l'arrière-plan) comme une allégorie frontale liée à cette thématique.

Tim Sheridan propose donc de revenir à l'époque où Alan Scott est devenu le premier Green Lantern, en accord avec son apparition dans les comics de super-héros de l'âge d'or (en 1940, donc). Homme gay dans une société homophobe, le héros va rejoindre la Justice Society of America contre son gré, à la demande de John Edgar Hoover, dans un numéro qui alterne entre passé et présent, pour présenter la première grande histoire d'amour de Scott, la honte que le héros ressent vis-à-vis de son identité, son statut au sein de ses collègues, l'apparition d'une nouvelle menace... et son rôle en tant que mascotte. Le scénario présente une narration tirée du journal intime de Scott, en brossant un portrait très humain, très ancré dans le sol de cet ingénieur amené à devenir la bête noire des conservateurs. 

Paradoxalement, les premières réactions au numéro dégainent la rhétorique de haine habituelle - "diversité forcée", "les personnages gay sont un argument marketing", les arguments d'usage pour contrer tout effort proposé par DC Comics sur le sujet, alors que l'intrigue semble justement s'orienter vers une question centrale et très actuelle : pourquoi est-il si difficile de concilier l'imagerie virile des super-héros de l'âge d'or avec cette ouverture aux identités contraires aux normes hétérosexuelles et masculines de l'époque ? Loin de ressembler aux autres séries qui ont pu être formulées sur ce sujet de la part des Big Two au fil des dix dernières années, Tim Sheridan décide d'affronter le problème de front, et sa façon de faire aurait de quoi surprendre au vu de la dernière page de ce premier numéro. 

Dans l'ensemble, cette entrée en matière est réussie. Et bien documentée : on retrouve des extraits de cases ou de pages des premières aventures d'Alan Scott dans les numéros du Golden Age, une référence au fait que ses pouvoirs se sont inspirés, au départ, des lanternes vertes qui indiquaient le passage des trains dans l'esprit de Martin Nodell, et aux tristement célèbres "dossiers" du FBI, gouverné à l'époque par le tyrannique J. Edgar Hoover, sur les employés du gouvernement "suspectés de déviances sexuelles". Les dialogues sont clairs, humains, incarnés, le personnage de Scott profite de cette gravité et de ce sérieux, dans un atmosphère passéiste réussie et qui inscrit le numéro dans cette longue liste de projets comparables, ces comics qui ont cherché à déterrer les cadavres enfouis dans les placards de l'histoire des super-héros américains (comme les Minutemen de Cooke, par exemple). Cian Tormey s'en sort bien aux dessins, même si on aurait surtout envie de retenir les belles couleurs de Matt Herms.

En somme, après avoir longtemps tourné autour de la question, DC Comics a décidé de mettre un coup d'accélérateur sur cette thématique de la représentation LGBT+. Comment ? En ne se contentant pas, justement, d'un effort de façade. Si Alan Scott est aujourd'hui un héros gay dans le canon, l'éditeur a visiblement eu envie de réfléchir au sens profond que cette identité pouvait suggérer de la part d'un de ses personnages les plus anciens. D'interroger, au passage, la difficulté pour les lecteurs modernes, réfractaires sous l'argument  du "marketing", en revenant aux racines mêmes du problème comme pour signifier que ces évolutions n'avaient pas été commandées au hasard. Sheridan, Tormey et Herms ont visiblement décidé de prendre ces directives au sérieux, avec un numéro complet, intéressant, et qui a fait ses recherches pour ne pas sortir le propos du néant ou de revendications individuelles. Mieux : le titre marche avec le plan d'ensemble du New Golden Age, un projet qui s'annonce assez séduisant sur la durée.

- Vous pouvez commander Alan Scott : The Green Lantern #1 à ce lien !


Justice League vs Godzilla vs Kong #1 - Brian Buccellato & Christian Duce

Alors. Vous allez rire. En vérité ? C'est pas si mal. Pas extraordinaire, pas particulièrement bien gratté ni bien illustré, mais à l'échelle de ce que peuvent proposer ces crossovers de pousse-franchises, le résultat est en définitive plutôt agréable. Cette introduction à la série Justice League vs Godzilla vs Kong, qui a préféré mettre en avant le nom des deux gros monstres vedettes dans le titrage, plutôt que d'opter pour un "Justice League vs MonsterVerse", c'est dire si Legendary Pictures a conscience de l'échec de son propre projet, annonce clairement la couleur. L'objectif, pour Brian Buccellato, est de s'amuser avec une commande forcément absurde, et de surtout, surtout, ne pas essayer de fabriquer un conflit factice, sérieux ou dramatique entre les héros de la Terre et les monstres géants de Legendary. Et de ce point de vue, à partir du moment où on décide de considérer le projet comme une simple production dispensable, creuse, pour voir Superman mettre une pêche à Godzilla... alors, mettons que ce n'est pas si mal.

Pour résumer, l'intérêt du numéro réside dans deux zones stratégiques : l'envie de ne pas se précipiter vers la bagarre d'entré de jeu, en prenant le temps d'introduire le contexte du point de vue de la Justice League, et dans les dialogues, qui renouent avec cette économie thématique des vieux crossovers agréables d'autrefois. Tout ça sonne comme un épisode spécial de La Ligue des Justiciers, et ce n'est peut-être pas un hasard. Le numéro démarre sur une proposition amusante, en revenant en arrière dans le temps, à l'époque où Clark Kent s'apprêtait à demander la main de Lois Lane. Ses collègues de la Justice League, qui forment ici une sympathique bande de copains, presque une famille à part entière, l'encouragent dans son projet. Des pages de dialogue légères, chaleureuses, avec des portraits de frères et soeurs qui cochent toutes les cases des stéréotypes familiaux : la cousine bienveillante (Kara), la jumelle (Diana), le frangin célibataire endurci (Hal), et le grand frère qui se sent obligé d'anticiper les problèmes (Bruce).

Cette petite partie, qui n'a absolument rien à voir avec la proposition de la série au demeurant, a l'avantage de ne pas concentrer l'intrigue sur la simple promesse (stupide, évidemment, mais c'est le jeu) de la bagarre entre des super-héros et des grosses bestioles venues d'une autre réalité. On prend le temps de poser cette partie, les dialogues fonctionnent, et cette petite parenthèse temporelle, qui rappelle les cartoons de Paul Dini ou les bons moments du run de Geoff Johns est toujours bonne à prendre. Du côté des méchants de l'Injustice League, on va préférer miser sur le comique, la vanne, les interactions dégingandées, et une sorte de léger choc contre le quatrième mur occasionnel. Des vilains de dessin animé, là-encore, très heureux d'être méchants, pas forcément très doués, et qui vont aller jusqu'à parler des monstres de Legendary comme des "jouets". Une façon pour Buccelatto d'assumer, comme Freddie E. Williams II avant lui, l'aspect régressif de ce genre de crossovers nés dans l'esprit d'un enfant qui s'amuse à entrechoquer ses figurines les unes contre les autres. C'est honnête. Et c'est déjà ça.

Bien sûr, il est dangereux de tomber dans la facilité, de se dire que "ça aurait pu être bien plus mauvais, donc", ou de passer au-dessus d'un dessin sans grande fantaisie. Christian Duce laisse déjà apparaître quelques idées de composition sur le jeu des échelles et des différences de taille (qui fera probablement la différence sur le long terme), à défaut de proposer grand chose de plus. Mais. Mais : la promesse est résumée dans le titre. Le projet n'a pas vocation à renverser les conventions, et dans la mesure où ce genre de crossovers a pu donner de très bonnes choses lors de ces dernières années (avec Batman et les Tortues Ninja, ou les Tortues Ninja et les Power Rangers par exemple), la case à occuper a désormais été théorisée, avec ses règles et ses pièges à éviter. Buccelatto a compris comment se plier aux codes modernes du crossover réussi en essayant de en pas insulter son lecteur, de profiter de l'occasion pour retrouver des personnages qu'il aime bien, et de construire un petit projet amusant avec quelques éléments à croquer pour les fans de DC Comics. A voir maintenant pour la partie kaijus, dans la mesure où ceux-ci sont encore assez peu présents pour le moment.

- Vous pouvez commander Justice League vs Godzilla vs Kong #1 à ce lien !


Captain Marvel #1 - Alyssa Wong & Jan Bazaldua

C'est moche. C'est moche, quand un numéro avec Superman et Godzilla arrive à être plus agréable à lire qu'une nouvelle série consacrée à Carol Danvers sur l'espace d'une seule et même semaine. En particulier quand Marvel a généralement l'habitude de mettre les bons éléments aux bons endroits, dès lors qu'il s'agit de faire la publicité d'un film (ou d'accompagner la sortie d'un film, plutôt). Or, si la campagne de promotion de The Marvels avait déjà du mal à susciter l'enthousiasme, on en vient à se demander si les équipes à l'éditorial de la Maison des Idées n'ont pas elles-mêmes décidées de jeter l'éponge, en considérant que le film serait nul et non avenu sur le plan des retombées positives pour la lecture de BDs, et en ne fournissant pas le moindre effort sur cette nouvelle série Captain Marvel.

Alors. Dans l'ordre. L'héroïne sauve un gratte-ciel en chute libre, un nouveau personnage de super-méchante apparaît, ça se tape dessus sans la moindre espèce d'explication, de contexte ou de motivation, et puis, et puis... Alyssa Wong décide de faire du Kelly Thompson en introduisant une énième acolyte insupportable au panthéon de la Maison des Idées. Notez bien que le qualificatif n'est pas employé dans le vent. Par principe, et parce que l'appréciation des nouveaux personnages est toujours un exercice très injuste (on a vu des tonnes de héros et d'héroïnes passer pour pénibles auprès des anciens lecteurs, généralement méfiants, et qui se seront plus tard révélés plus intéressants que prévus - ça a été le cas pour pas mal de Robins, par exemple). Mais, la vérité oblige le chroniqueur mesuré à exprimer le ressenti fatal : Yuna est un échec conséquent. Une parodie de l'écriture Marvel, incapable de ne pas dégainer une blague, un commentaire méta', une réflexion automatique par bulle de dialogue. Incapable aussi de ne pas s'écouter parler, dans la mesure où Wong refuse d'employer des cases de narration pour tenter de tout faire passer par le prisme de l'oral. Comme si le numéro avait été généré par une IA qui aurait mâchouillé du Bendis en essayant de recracher quelque chose de comparable, mais dénué d'âme, d'envie ou de talent.

Il en ressort un résultat terrible - alourdi par des bulles de dialogues inutiles, dont le but est visiblement de garder l'intrigue sur un rail constant de déconne (même lorsque l'héroïne voit un gars se faire trancher les mains, avant d'enchaîner sur une nouvelle blague), sans aucune épaisseur. De forcer une relation de complicité entre deux personnages qui ne se connaissent pas mais qui doivent être amenées à devenir bonnes copines... dans la mesure où c'est à peu près la seule direction donnée à la série pour le moment. Direction qui répète (déjà) ce qui s'apprête à être fait entre Ms. Marvel et Captain Marvel au cinéma, avec l'exact même artefact, et dans des circonstances extrêmement similaires. Des bracelets qui lient deux héroïnes, une adolescente un peu paumée et une figure tutélaire qui s'appelle Carol Danvers ? Face à une super-méchante taciturne et sans personnalité, et qui va même s'offrir le luxe de rajouter quelques vannes à l'épuisante liste des autres moments d'esprit imposé au numéro. 

L'introduction va trop vite, sans laisser le temps au lecteur d'apprendre à connaître Yuna, pour précipiter cette relation de dualité. Cette tactique a même pour effet de ranger Captain Marvel au second plan, comme si le lectorat était déjà censé tout connaître et tout comprendre de ce personnage. Aucune gravité, aucun enjeu, aucune poussière de nouveauté ne transparaît dans ces premières pages, portées par une Jan Bazaldua en très, très petite forme. Le design de Yuna est un stéréotype qui nous rappellerait les mauvaises idées des personnages secondaires de Gotham pendant les New 52 ou la période James Tynion IV (le stéréotype de l'adolescente rebelle et forte en nouvelles technologies, à la Harper Row, avec un seul code couleur et un design d'extra' dans un jeu Ubisoft à tendance techno'). A se demander ce qui a valu à Bazaldua sa couronne de "Stormbreaker", tant le numéro manque de volume, d'idées de mise en scène, de détails ou d'expressivité sur les personnages. Même le nouveau costume de Captain Marvel se remarque à peine. De ce point de vue, le comparatif avec la superbe couverture de Stephen Segovia est simplement accablant. 

Bref. C'est triste, mais c'est mauvais, et si d'aucuns se déclaraient enthousiastes à l'idée de découvrir cette Carol Danvers dans sa nouvelle tenue de Terry Bogard, il sera sans doute plus rentable d'investir dans les originaux des (nombreux, nombreuses) artistes mandatés sur les huit (!) couvertures variantes. Tous les poncifs ont été réunis, du nouveau personnage de l'adolescente cool et blagueuse, de la méchante mystérieuse qui parle peu et dont les motifs ne sont pas très clairs, de l'héroïne dont c'est le premier numéro et qui n'a pas le droit au moindre élément individuel défendre en tant que personnage isolé, et des dialogues mitraillettes "à la Marvel" qui deviennent caricaturaux quand ils sont ainsi laissés en roue libre sans mise en contexte, sans introduction, sans rapport au réel. Dans ces critiques express, on a pu parler de pas mal de lancements de série dernièrement chez les Big two (Captain America, Immortal Hulk, Birds of Prey...). La plupart de ces introductions étaient réussies. Celle-là, non. C'est comme ça.

- Vous pouvez commander Captain Marvel #1 à ce lien !


Hack/Slash : Back to School #1 - Zoe Thorogood

Zoe Thorogood continue de faire son chemin dans l'industrie des comics, alternant entre quelques petites histoires courtes et couvertures en mainstream (Harley Quinn : Black+White+Redder), et jalonnant son travail en indé' de formidables récits (comme It's Lonely at the Centre of the Earth) et d'autres peut-être moins forts, mais tout aussi intéressants visuellement (à la Rain). Ici, on est dans une forme d'entre deux : si Zoe n'est pas dans son propre univers puisqu'elle reprend celui de Hack/Slash imaginé par Tim Seeley, ce dernier lui a laissé carte blanche pour être à la fois à l'écriture et au dessin de cette mini-série, qui revient aux premières années d'existence de son héroïne, Cassie Hack. Une façon de concilier un univers qui colle parfaitement avec l'imaginaire de son autrice et l'écriture si particulière de cette dernière, pour un coup de coeur immédiat. 

L'idée de base de Hack/Slash, c'est de s'intéresser à Cassie, une tueuse professionnelle de "slashers", ces tueurs en série rendus immortels ou en tout cas increvables - comme dans les fameux films d'horreur de ce registre - sans l'aide d'un professionnel. La maman de Cassie était elle-même une slasher, et Cassie a donc démarré sa carrière par la force des choses. Les éléments classiques de la licence sont présents : Cassie est déjà accompagnée de son acolyte géant, Vlad, il y a des tueurs en série et des mises à mort très graphique, et un côté sexy lié à l'héroïne et aux rencontres qu'elle va faire, en intégrant une école qui doit la former à devenir la meilleure tueuse qui soit. L'introduction possède un rythme rapide qui permet d'aller au-delà d'un simple dispositif de mise en place du sujet : des dynamiques s'inscrivent immédiatement entre les différents protagonistes, Zoe Thorogood fait les rappels essentiels pour comprendre Cassie même pour quelqu'un qui n'aurait jamais lu Hack/Slash auparavant, et on ressent la patte de l'artiste tant dans les dialogues et les touches d'humour que dans les variations de styles et les références.

C'est le parfait équilibre de la reprise d'une création originale par quelqu'un qui lui insuffle sa personnalité : Thorogood ne fait pas du Tim Seeley, elle fait du Thorogood, et il y a donc une forme de double effet kisscool. La licence est déjà un peu connue, et l'autrice y ajoute quelque chose qui donne à Back to School une réelle plus value. Les fans d'horreur et de bande dessinée décalée seront forcément aux anges ; d'une page à l'autre, on peut être terrifié par les séquences les plus graphiques (et certains passages sont assez corsés), puis on s'amusera des références pop-cultures glissées ça et là - jusqu'à certains personnages secondaires, comme Boo, pastiche de Juliet du jeu vidéo Lollipop Chainsaw. Forcément moins expérimental qu'un It's Lonely, ce numéro laisse parfaitement entrevoir ce que Zoe Thorogood pourrait faire sur un pur titre d'horreur en creator-owned - et quand on se rappelle qu'elle a un projet de ce type à venir (I Think I Migh be Evil), les attentes ne sont que décuplées.

Avec Hack/Slash : Back to School #1, Zoe Thorogood confirme une fois de plus son statut d'étoile montante des comics et continue de fasciner par sa versatilité. Tim Seeley a eu la riche idée de lui laisser carte blanche sur son univers, qui colle parfaitement avec les aspirations de l'autrice, qui se fait plaisir sur le plan visuel, mais aussi dans sa narration et ce qu'elle a à raconter avec Cassie. Un plaisir furieusement contagieux qui se ressent à chaque page lue. A priori, il y a très peu de chances que ce titre arrive en VF puisque la licence a à peine été exploitée par chez nous. Autrement dit, pour profiter de cette merveille, il faut décidément que vous vous mettiez à l'anglais si ce n'était pas encore fait.

- Vous pouvez commander Hack/Slash : Back to School #1 à ce lien !


Arno Kikoo
est sur twitter
à lire également
Commentaires (0)
Vous devez être connecté pour participer