Il y a quelques années, Margaret Atwood, écrivaine touche-à-tout passée par la fiction, l'écriture d'essais, de poèmes et de livres pour enfants, s'était intéressée au format comics le temps de deux projets. D'abord avec Angel Catbird, une série de romans graphiques éditée chez Dark Horse en hommage aux super-héros absurdes de l'ère pulp, puis avec War Bears, une autre série pensée pour explorer les origines de la bande-dessinée anglophone pendant l'ère des sériels et des comics de propagande. Ce second projet, également imprimé aux éditions Dark Horse aux Etats-Unis, s'apprête à être portée en série animée par les équipes de WOW! Unlimited Media, une société d'animation basée au Canada.
Wonder Bear et Pygmalion
D'ailleurs, tout ou presque autour de ce projet renifle le sirop d'érable : Atwood, elle-même originaire de Toronto, aura basé une partie de ses recherches sur l'ouvrage The Great Canadian Comic Book pour développer le concept de War Bears, exploration des couloirs embués de ces premières sociétés d'édition de comics consacrés aux super-héros (ou à d'autres figures essentielles des BDs de l'âge d'or) dans son pays natal. Le titre s'intéresse à un jeune dessinateur de comics qui, en s'inspirant de sa patronne, invente un personnage d'ourse-garou aventureuse, opposée aux nazis et participant aux opérations de routine menées par les héros costumés de cette période sur le front propagandiste.
Oursonette, accompagnée de ses deux ours de compagnie, Major et Minor, sert de parabole à Wonder Woman, à cette catégorie de comics mobilisés pour l'effort de guerre, à l'imaginaire fantastique ou insulaire des premiers pas de la bande-dessinée grand public en Amérique du Nord - et, surtout, d'hommage filé à la carrière de scénariste dans une époque où le comics n'est pas encore une industrie qui rémunère convenablement. Alain Zurakowski (ou "Al Zura" sous son nom de plume, là-encore une imitation des patronymes Jack Kirby ou Stan Lee utilisés pour gommer la descendance est-européenne des artistes de l'âge d'or) devra vite renoncer à sa vocation de cartooniste pour accepter des contrats d'illustration dans la publicité.
Evocation intelligente des coulisses de la BD des années 1940, War Bears profitait aussi du trait polymorphe de son dessinateur, Ken Steacy, à l'aise dans les scènes de réel comme dans la mise en abyme de la fausse série créée pour l'occasion. Le nom de Margaret Atwood, plus populaire que jamais grâce au succès de l'adaptation des romans The Handmaid's Tale (La Servante Ecarlate), a sans doute servi de facilitateur à la mise en route de ce projet de série animée - forcément intéressante pour qui s'intéresse à l'histoire des comics. Bonne nouvelle, le dessinateur fera bien partie du projet, de même que la romancière, essayiste et poétesse. Reste maintenant à attendre quelques années de gestation (l'animation prend du temps).
