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Un Regard sur les Indés #14 : Sunglasses After Dark de Nancy Collins

Un Regard sur les Indés #14 : Sunglasses After Dark de Nancy Collins

chronique

Le mythe du vampire existe depuis des siècles, mais quand Bram Stoker va le remettre au goût du jour dans les pages de Dracula, il va en faire l'allégorie d'un mal fait des ravages dans ce 19ème siècle : la syphilis. Cette maladie sexuellement transmissible, qui lie l'acte charnel à la mort, où quand l'expression "la petite mort" prend un sens bien moins poétique. Cette allégorie a refait surface à la fin des années 80 et dans les années 90, portée cette fois-ci par la psychose provoquée par le SIDA. Des romans d'Anne Rice à Buffy, le vampire est revenu sur le devant de la scène, incarnant à nouveau une peur enfouie. Dans le comics qui nous intéresse aujourd'hui aussi on retrouve une chasseuse de vampire, mais qui est beaucoup moins l'incarnation de la jeunesse américaine bien sous tous rapports comme pouvait l'être la création de Joss Whedon.

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• Sunglasses after Dark •

 

FICHE TECHNIQUE

Éditeur : Verotik Publications
Premier numéro : Janvier 1995
Nombre de numéros parus : 6
Genre : Horreur vampirique punk

La romancière Nancy Collins n'est pas, au milieu des années 90, encore très connue. Certes son premier roman, Sunglasses After Dark, a été récompensé d'un prix Bram Stoker, une sorte de consécration quand on écrit une histoire de vampires, mais elle reste tout de même une débutante dans le métier. Pourtant, elle s'est déjà fait remarquer en changeant de médium (ce qui n'est pas commun à l'époque), écrivant la série Swamp Thing pour Vertigo. Cela va donner l'idée à Glenn Danzig, leader du groupe bien connu The Misfists qui s'est lancé dans l'édition de comics avec Verotik Publications, de proposer à Collins, dont il adore le travail, d'adapter elle-même son roman en art séquentiel. Ce qu'elle acceptera avec joie. Ce n'est évidemment pas cette version que votre serviteur a eut entre les mains, puisque comme tout bon éditeur indépendant des nineties, il ne survivra pas à la crise qui va toucher l'industrie des comics. Il faudra donc attendre 2014 avant de redécouvrir cette histoire, grâce à une republication en recueil par IDW. Pour une sombre histoire de droits, toujours sous la possession de Danzig, il a fallu reprendre les planches originales pour en faire une nouvelle colorisation, numérique cette fois-ci. L'important reste au final que cette série n'est pas restée dans les limbes de l'édition.

L'histoire nous présente donc Sonja Blue, personnage qui sera réutilisé par Nancy Collins dans plusieurs de ses romans, une vampire qui a décidé de chasser ses congénères moins concernés par le fait de prendre la vie des humains pour se nourrir. Comme Blade oui, mais en beaucoup moins stricte sur le règlement moral, s'il faut se nourrir en ouvrant la gorge d'une petite frappe, Sonja n'hésitera pas beaucoup. Faut dire que cette dernière a connu des premiers jours vampiriques difficiles, violée (pas métaphoriquement) par celui qui va la transformer puis aussitôt abandonnée dans le caniveau, elle va faire la rencontre d'un maquereau qui va exploiter cette jeune fille (pas encore bien consciente de sa nature de vampire) dans les rues de Londres puis va devenir une dominatrice SM dans un bordel suisse. Cette origin-story permet de bien comprendre que Collins a saisi l'aspect sulfureux qu'imposait la figure du vampire, la réactualisant au goût du jour, bien loin des chastes tentations de Stoker (et encore plus de la rigueur morale mormone). Surtout que lorsque nous la découvrons, elle ne va pas tarder à être enfermée dans un asile psychiatrique en pleine phase schizophrénique.

Si Sonja Blue embrasse totalement sa nature vampirique, passant pas mal de temps à défoncer des gueules, de manière très graphique et très sanguinolente, quelles soient celles de créatures de la nuit ou d'humains, tout le propos de Nancy Collins est que justement la nature humaine peut-être bien plus monstrueuse. C'est une sacrée galerie de tarés que l'on croise au fil des pages, du garde médical pervers qui profite de la faiblesse de ses patientes au sus-mentionné mac qui a des problèmes de confiance en lui en passant par la grande vilaine de cette histoire : Catherine Wheele, une télévangéliste qui croit plus dans les dollars que dans Dieu et qui ne recule devant aucune perversité, aucune violence. Il y a un ton nihiliste qui traverse ce comics. L'auteure ne nie pas qu'il existe des gens biens, mais ils finissent généralement très mal une fois qu'ils sont entrés en contact avec le monde des ténèbres.

Sunglasses After Dark se démarque aussi pour son parti pris graphique. Le dessin de Stan Shaw est hautement expressionniste, en lignes franches et dynamiques, démesuré et violent. Il n'hésite jamais à montrer crûment la violence graphique, membres coupés, corps tordus et litres de sang remplissant ses cages. De même pour le sexe, où il ne prend que très peu de détours et montre clairement l'action (après tout, l'éditeur d'origine s'appelait Verotik pour une bonne raison). C'est important car le sexe est une donnée non négligeable de cette histoire, la sensualité, la violence et la mort étant étroitement liés dans une danse macabre. Il faut aussi évoquer ses couleurs, puisqu'elles ne sont pas d'origine. Elles étaient même impossible à réaliser à l'époque, puisque tout a été refait en numérique, d'une manière qui n'est pas sans rappeler Ben Templesmith et qui colle parfaitement avec l'ambiance du titre. Une réédition complète et de qualité donc, Thomas Mauer ayant entièrement refait le lettrage et Nancy Collins ayant modifié certains dialogues, qui permet aujourd'hui de redécouvrir une série au ton résolument punk et désabusé.

Alfro
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