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Édito #44 : Tournages au vinaigre pour les productions super-héroïques ?

Édito #44 : Tournages au vinaigre pour les productions super-héroïques ?

chronique

Vous l'avez sans aucun doute remarqué, l'actualité super-héroïque de la semaine dernière a été trustée par des images en provenance du tournage de Suicide Squad. Plus que jamais médiatisé, le film de David Ayer vient de quitter la ville de Toronto en laissant derrière lui des milliers de clichés et de vidéos, toutes qualités confondues. Et malheureusement, le film à base de super-vilain de Warner Bros n'est pas l'exception qui confirme la règle, mais bien l'un des représentants d'une potentielle tendance, aux côtés de Captain America : Civil War pour Marvel Studios ou Deadpool pour la Fox, histoire de désamorcer les ambigüités d'emblée.

"Bien, nous avons survécu à la rue. Il est temps de se cacher. Dites-vous que ce n'était qu'un aperçu. Nos surprises sont intactes" - David Ayer (Suicide Squad). 

Que les choses soient claires, ce n'est pas la première fois que des grosses productions se retrouvent dans l'œil des objectifs de fans et des paparazzis. Le phénomène n'est pas récent, et malheureusement, il est à peu près inévitable. En effet, si vous n'êtes pas familier avec le processus de production de films, sachez que tourner dans le centre-ville d'une métropole est sans doute l'une des tâches les plus ardues qui soit. Il faut séduire la ville en question, puis prévenir ses habitants, fermer des rues et placer des checkpoints aux quatre coins de la zone de tournage. Et si plusieurs villes cherchent à attirer les grosses machines hollywoodiennes pour créer de l'emploi ou du chiffre, privatiser des rues est tout bonnement aussi cher que difficile. C'est d'ailleurs pourquoi des productions comme Deadpool ou Suicide Squad optent pour des tournages dans des villes canadiennes, où les négociations sont a priori moins ardues. Pour revenir quelques années en arrière donc, un film comme The Dark Knight Rises avait été victime d'un tel phénomène, qui avait révélé plusieurs éléments-clés du film, dont sa bataille finale ou le rôle de Marion Cotillard.

Mais nous atteignons, près de quatre ans plus tard, des niveaux bien plus impressionnants. Alors certes, les films de super-héros ont pris du grade, et on peut imaginer que l'intérêt du public, et sa taille, ont grandi. Résultat, les paparazzis en herbe sont devenus légion. Et face à cette foule, les studios n'adoptent malheureusement pas les démarches les plus saines, laissant filer les images. A mon sens, une telle décision ne peut être liée qu'à deux motivations. La première : les studios ont bien révisé leurs cours en communication. Ils savent que, conformément à l'Effet Streisand, plus ils interdiront les images, plus elles feront surface sur le net. La seconde (qui n'est pas incompatible avec la précédente) : les studios ont trouvé de l'intérêt dans ce laisser-faire, qui leur rapporte finalement plus qu'il ne leur fait perdre. 

L'appât du gain

Rapporter quoi ? Perdre quoi ? Bonnes questions. Pour ce qui est des pertes, les studios qui laissent couler ces fuites privent leurs productions d'une partie de leur magie, de leurs effets de surprise. L'invité de marque aperçu sur le tournage de Suicide Squad en est le parfait exemple. Même si on ne doutait pas de son implication, la voir si développée était inattendu. Et pour le coup, la Warner a grillé une grosse cartouche avec un leak pareil. Malheureusement, à l'heure où la promotion des films se fait toujours plus pauvre, quand elle ne nous révèle tout simplement pas les rebondissements de l'intrigue, les studios n'ont plus de bon exemple à suivre, quand il s'agit de préserver leur contenu.

 

Surtout quand celui-ci à de quoi faire parler de lui. Et nous en arrivons au gain. Après la levée de boucliers concernant ses costumes, Suicide Squad avait sans doute tout intérêt à occuper l'espace médiatique, pour reprendre le film d'Ayer en exemple. En faisant parler d'elle tous les jours, une grosse production comme celle de Warner rentre dans la tête des gens, et finit par être assez couverte par les réseaux spécialisés pour toquer aux portes des médias généralistes, qui tous, se sont emparés du sujet. Et sans tomber dans la paranoïa de bas-étage, on peut estimer que de tels phénomènes médiatiques servent autant l'impact d'un film qu'ils desservent son contenu. Pourquoi s'embêter avec quelques photoshoots, featurettes et autres teasers quand on peut, gratuitement s'offrir des milliers de clichés, de partages et de clics ?

Un marketing offert par le public ?

Car c'est bien là tout le problème : il semblerait que le gain surpasse largement les pertes. Ce ne sont pas quelques fans mécontents et une volée de cinéphiles pointus qui pousseront des grosses machines comme Civil War ou Suicide Squad à être prudentes. D'autant plus que nous leur donnons, hélas, raison à chaque nouvel article. On ne peut donc pas sciemment reprocher aux studios leur neutralité, surtout quand on sait que les tournages en ville sont un véritable casse-tête. Mais en revanche, on peut se demander si ces mêmes entreprises n'encourageraient pas, à défaut de les interdire, la fuite d'images et de vidéos. 

"J'ai vu des voiliers échoués sur la plage avec moins de fuites que le tournage de Suicide Squad. Ils auraient plus vite fait de nous donner les DVD du film." - Dan Murrell (Honest Trailers). 

A ce titre, l'exemple de Suicide Squad est un véritable cas d'école. Plusieurs témoignages sont disponibles ça et là sur le web, et tous sont d'accord sur un point : il est très facile d'assister au tournage du film de David Ayer. Les habitants de Toronto vous le diraient mieux que nous, il suffit de se balader dans les rues pour tomber sur un morceau d'avion ou une Lamborghini tape-à-l'œil. Et l'information se vérifie à la qualité et à la quantité d'images disponibles. Les fuites ne se limitent pas à quelques clichés Instagram capturés sur un smartphone, certaines sont couvertes par des photographies et des vidéos en HD, à des points de vues bien différents. Pourtant, et toujours d'après les habitants de Toronto, des forces de l'ordre et des équipes de sécurité encadrent bel et bien les zones de tournages. Mais elles ne prennent assurément pas les précautions nécessaires en termes de discrétion. Car s'il est impossible de fliquer le John Doe qui filme depuis le 27ème étage de son building, on peut au moins demander aux curieux d'éteindre leurs appareils, voir placer quelques bâches. Ce que Deadpool semble avoir réussi à faire, même si ces protections font, sans doute, également office de fonds verts :

De la même manière qu'ils ont développé - si ce n'est inventé - un "après-film" avec leurs scènes post-génériques, les films super-héroïques semblent inventer, au fil des années, un "avant-film" en transformant leurs tournages en une campagne de promotion gratuite et pourtant terriblement efficace, car dopée à la curiosité et à la passion des fans. Une spirale infernale qui nous implique tous - des équipes de tournage aux journalistes en passant par les simples spectateurs - et qui hélas, risque d'appauvrir un genre déjà très contesté. 

Republ33k
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