Coup sur coup, Marvel et DC Comics ont annoncé des events qui se ressemblaient presque trait pour trait. Deux histoires d'univers alternatifs qui rentrent en collision, chacun représentant une ligne éditoriale différente et qui vont aplanir tout ça en livrant un soft reboot aussi artificiel que salutaire pour des majors qui peinent à rester concises avec des décennies de continuité à se trainer dans les pattes. Si le plan de DC avec Convergence reste pour le moment assez flou, même si on observe dans la vingtaine de nouveaux titres un nouveau parti-pris éditorial, Marvel pose des jalons évidents avec Secret Wars.
Cela fait des années qu'une rumeur de reboot total traîne dans les locaux de Marvel. En cause, une continuité qui s'est tellement complexifiée qu'elle rebute beaucoup de nouveaux lecteurs. Le meilleur conseil que l'on pourrait donner à ceux-ci est de se lancer la tête la première et de se raccrocher aux branches pour comprendre où on en est. Dent-de-Sabre est devenu gentil ? Soit. Spider-Man a créé une armée de versions alternatives de lui-même ? Soit. Le Crâne Rouge a obtenu les pouvoirs télépathiques d'un Charles Xavier tué par un Cyclope gone bad ? Errr... Soit. Mais pour qui n'a que le canon développé dans les séries animées, les films et autres jeux vidéo, les comics dont devenus un sacré panier de crabe.
Alors Marvel est venu avec la bonne idée de Secret Wars. Après un relaunch de Marvel NOW! qui aura tenu le temps qu'il fallait, ils l'auront peut-être même trop fait durer en longueur en annonçant un All-New Marvel NOW!, ils ont choisi l'option : "On va faire tabula rasa mais mettez-moi les restes dans une boîte." L'univers Ultimate est devenu embarrassant, on garde le meilleur et on vire le reste. Des univers alternatifs sont passionnants mais on ne peut pas vraiment les utiliser ? Problème réglé avec le Battleworld ! L'histoire de Marvel en morceaux choisis, du best of de lignes temporelles.
Si on peut encore se demander à quoi cela va ressembler une fois que les cendres de la terrible bataille mitonnée par Jonathan Hickman seront retombées, on peut déjà remarquer les effets de cette direction prise par la Maison des Idées sur l'event en lui-même. Surtout sur toutes les séries qui accompagneront l'intrigue principale que va développer le scénariste d'Avengers et New Avengers. Une multitude tie-ins qui sous différentes bannières, Battleworld, Last Days ou carrément une série anthologique, vont permettre aux créateurs de s'amuser avec un univers entièrement malléable.
C'est un peu le cadeau offert par la maison d'édition à ses artistes. Comme tout ce qui aura lieu durant cet event sera amené à être refondu en une toute nouvelle continuité, rien n'a vraiment d'importance et c'est avec une liberté de mouvements rarement disponible que les créatifs ont pu imaginer tout un tas de concepts de séries. Ainsi, on va voir un Steve Rogers gladiateur affronter une cohorte de Hulks, un M.O.D.O.K. qui va réunir tous ses congénères pour former une armée de tueurs implacables ou Garth Ennis qui revient pour s'amuser un peu avec des biplans et des dinosaures. On va même voir une Course à la Mort sans Sylvester Stallone mais avec une flopée de Ghost Riders venus d'univers différents.
Ce Secret Wars, débarrassé du poids de la continuité et de la contrainte de s'inscrire dans un univers cohérent puisque périssable, est devenu un symbole de ce que pouvaient faire les artistes quand ils s'amusent avec des personnages iconiques mais bien trop souvent engoncés dans leur propre histoires et dans des tropes de super-héros vus et revus. Cet event force une tendance observée depuis quelques années, les comics se portent mieux quand ils ne doivent rien à leur univers, qu'ils n'ont aucune contrainte imposée par le cinéma et qu'ils ne répondent pas à des besoins éditoriaux qui ont plus souvent à voir avec des exigences de marché que des exigences créatives. Secret Wars pourrait donc permettre à Iron Man, Captain America et tous les autres, ainsi qu'à leurs artistes, de retrouver un bon bol d'air le temps de quelques mois où tous n'auront qu'à se soucier de la qualité de leurs propres histoires.
