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The Violent #1, la review

The Violent #1, la review

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On a aimé• Un vrai drame quotidien
• Ne triche pas
• Superbe dans son âpreté
On a moins aimé• Cette histoire raconte malheureusement le réel
Notre note

Profitant de sa renaissance, Image Comics a étoffé son catalogue d'un grand nombre de comics différents qui brassent un nombre impressionnant de genre. Pourtant, difficile de nier qu'ils lorgnent tous du côté de la littérature de l'imaginaire, et si on ne retrouve pas d'éléments de SF, fantasy ou fantastique, c'est que l'on est face à un polar. Pourtant, Ed Brisson, lettreur de génie qui a parfaitement réussi sa reconversion en scénariste avec des comics comme The Mantle, dévoile aujourd'hui une série qui est clairement un drame, dur et réaliste au possible.

"We cleaned up our shit."

Mason et Becky sont deux jeunes parents, d'une petite fille de 3 ans, qui habitent la banlieue de Vancouver. Pas la banlieue glamour avec monospaces et pelouses tondues au centimètre près. En fait, si, mais eux vivent dans une petite maison délabrée et font face à la gentrification de leur quartier qui fait exploser les loyers qu'ils ne parviennent pas à suivre. Faut dire qu'ils ne sont pas partis du meilleur pied dans la vie. Anciens cocaïnomanes, ils s'en tirent avec des petits boulots, Becky nettoyant des bureaux en open-space la nuit, Mason ayant décroché un job de déménageur grâce à un pote. Il ne pouvait espérer mieux, avec cette année passée derrière les barreaux qui fait grandement tâche sur son CV. Happés par l'engrenage de la paupérisation, ils ont bien du mal à s'en sorti, les nerfs à vif et l'abattement devant ce système vicieux les poussant à s'engueuler souvent, malgré l'amour évident qu'il y a entre eux.


Clairement, cette histoire aurait aussi bien pu être un film des frères Dardenne, mais le dessinateur Adam Gorham nous épargne cette esthétique froide et impersonnelle. Il illustre avec un grand sens de la beauté ce quotidien misérable. Dans un style qui n'est pas sans nous rappeler celui de Charlie Adlard, il suit ce couple au plus près de leur lutte pour la survie. Il créé un paysage de cette Amérique (le Canada et les States, même combat) qui ne brille pas de mille feux, cet envers du décor décrépit et pourtant si réel. Aucune envolée lyrique, que ce soit dans le dessin ou dans le scénario, l'histoire reste les pieds sur terre, pour être d'autant plus puissante dans ce qu'elle a raconter. Cette série cherche clairement à donner un temps de parole à tous les délaissés par le système, ceux qui essaient de lutter de leur côté, en silence. Pour autant, pas de logique misérabiliste ici, juste un œil froid mais qui ne détourne pas le regard sur cette réalité.

"We can't break the rules, right ?"

Ed Brisson tisse un piège terrible pour ses protagonistes. Il démontre comment une fois que l'on a quitté le chemin chaud et rassurant, tout autant que mensonger, du rêve américain, il n'y a aucun moyen d'y revenir. La misère engendre la misère et c'est tout un système qui semble vouloir vous mettre encore plus la tête sous l'eau. Un ancien dealer qui s'amuse à tenter ses anciens clients, sachant pertinemment qu'un échappatoire à leur situation, aussi futile soit-il, semble si attirant. Becky qui doit composer avec un salaire de misère, et pourtant ses patrons font tout pour ne lui donner qu'une partie de sa paye, promettant l'autre plus tard, après que le loyer soit passé bien sûr, la perspective de l'expulsion devenant jour après jour d'autant plus concrète. Ces potes qui ne s'en sortent pas et qui noient leur désespoir dans l'alcool. Devoir faire face aux besoins de la petite Kaitlyn, ne laissant d'autre choix que voler du lait à l'épicerie, alors que la justice vous surveille déjà.

Cette spirale infernale, Brisson l'enserre peu à peu autour de ces protagonistes. Froidement, sans jamais en faire des caisses. Les murs se rapprochent, asphyxiant peu à peu Mason, qui sent en lui monter quelque chose de sombre, de violent. Car on se doute de là où veut aller le scénariste. Mettant au pied du mur son personnage, il veut que ce dernier n'est plus aucun choix que celui de la révolte. Surtout avec une dernière page qui viendra achever chez lui tout espoir, lui laissant juste le sentiment que quoi qu'il fasse, ce sera de toute façon une mauvaise décision. Le récit suit une pente irrémédiable, et interroge sur un système qui creuse toujours plus les clivages, qui enfonce toujours plus dans la misère. Que vous reste-t-il quand on vous a tout prit alors que vous n'aspiriez qu'à vivre votre vie tranquillement ? La réponse sera dans la révolte ou l'abandon.

The Violent est brillant, tout autant qu'il est inhabituel dans le paysage des comics. Portant un regard franc et honnête sur la situation de notre système, il raconte sans fard ni pathos une histoire comme il en existe tant dans nos villes. Pour autant, s'il n'embellit pas son récit, cela ne va pour autant pas dire qu'il ne fait pas preuve d'une grande maîtrise narrative. Cette histoire est celle d'un grand nombre, mais elle restait encore à être racontée.

Alfro
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