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Édito #48 : les films de super-héros doivent ils être fidèles aux comics ?

Édito #48 : les films de super-héros doivent ils être fidèles aux comics ?

chronique

Comme toute adaptation d'un média à l'autre, les films inspirés de comic books n'échappent pas à la sacro-sainte question de la fidélité. Et encore plus depuis que les super-héros représentent la tendance dominante à Hollywood. Nous en avons eu de nouvelles preuves durant ce week-end de San Diego Comic Con : beaucoup ont évoqué la fidélité de Batman v Superman aux comics, pendant que d'autres me demandaient si Ant-Man était loyal aux comics qui l'inspirent. L'occasion pour nous de revenir sur sujet épineux.

Pour ne pas vous cacher mon propre avis plus longtemps (et ce n'est peut-être pas l'opinion de tous les membres de la rédaction, je tiens à la préciser), j'ai toujours considéré cette question secondaire, estimant que la transition d'un média à un autre nécessite toujours quelques écarts et autres réinventions. Cela dit, nous ne parlons pas de l'adaptation de romans, : les comic books - plus que tout autre variante de la bande-dessinée, à mon sens - sont des œuvres particulièrement visuelles, quand elles ne sont pas tout simplement Hollywoodiennes dans leurs thématiques ou leurs découpages. Et puisque les médias sont intimement liés, et encore plus depuis quelques années, il est normal de voir la question de la fidélité revenir sur le devant de la scène, avec une force tout simplement décuplée par la popularité des comic books dans la culture populaire.

San Diego comme éprouvette 

Comme je le disais, nous avons pu le (re)voir ce week-end à l'occasion du trailer de Batman v Superman, notamment. Une bande-annonce dans laquelle tout le monde semble avoir trouvé son compte. À en croire mon propre compte Facebook, les fans de Frank Miller, les nostalgiques biberonnés à Batman : The Animated Series et les gamers convaincus par le Chevalier Noir selon Rocksteady ont vu dans le film de Zack Snyder quelque chose de profondément fidèle au matériau de base, ce qui est plutôt surprenant quand on sait que le métrage fait à la fois office de suite (à Man of Steel), de stand-alone (pour Batman) et de préquelle (à Justice League). Pour passer du côté de la concurrence, la violence et l'humour méta du trailer de Deadpool ont totalement rassuré le public, dorénavant convaincu par la sincérité de Ryan Reynolds et la fidélité de la 20th Century Fox au personnage.

 

Deux exemples radicalement différents qui nous prouvent une chose : la fidélité peut prendre bien des formes. Récemment, on peut l'apercevoir dans les costumes du Clown Mercenaire ou du Chevalier Noir, qui pour leurs nouvelles apparitions au cinéma, s'offrent des tenues tout droit sorties des planches de nos comics préférés. Et assurément, l'arrivée de costumes directement repris du matériau de base (notons la surprise du costume très Gotham By Gaslight de Batfleck) a tendance à nous rassurer, si ce n'est à nous faire plaisir. Il y a sans doute une stratégie commerciale derrière ce geste de bienveillance, mais qu'importe, les fans, et moi le premier, sont ravis de retrouver une chauve-souris obèse sur le torse d'un Batfleck colossal. 

Une fausse question

L'effet de la fidélité est évident, parfois immédiat, même, mais le sujet est il pour autant intéressant ? Rien n'est moins sûr. Tout d'abord, car on ne saurait définir clairement ce qu'est la fidélité aux comic books. Il suffit de voir la variété des adaptations proposées pour se convaincre de la multiplicité des fidélités. Qui est le plus loyal aux comics ? Un Zack Snyder qui transforme les cases de Watchmen en plans ralentis ? Un Nolan qui pioche allègrement chez Miller ou Jeph Loeb pour sa trilogie Batman ? Marvel Studios et les multiples armures de Tony Stark ? Chacun voit la fidélité là où il peut, ou veut, la voir.

Difficile, donc, de conclure sur la fidélité des films adaptés de comic books à leur matériau de base. Surtout quand ils sont aussi nombreux et populaires qu'en 2015, où Rocket Raccoon, les écrits de Frank Miller ou l'identité du vrai Mandarin n'appartiennent plus aux lecteurs de comics, mais bien à une masse de spectateurs enjoués à l'idée de retrouver leurs héros d'une année à l'autre. En l'absence d'une vraie définition pour la fidélité aux comics, et au beau milieu d'une époque où ils se sont démocratisés, je crois que cette question devient profondément secondaire. 

La fidélité peut-elle nuire à qualité ?

Si nous comptons distinguer les bons films (adaptés de comics) des mauvais dans les années à venir, il nous faudra plus que la fidélité comme critère de jugement. Juger un film à ses qualités intrinsèques reste primordial dans des temps de forte concurrence, et ce sont les temps qui nous attendent. Mais après tout, le retour en force de cette idée de fidélité n'est pas anodin : le modèle d'univers cinématographique partagé brouille notre attention, en enchaînant les références au passé comme au futur, et on finit parfois par en oublier le métrage en lui-même. On le voit en sortant d'une salle de cinéma lorsque tout le monde évoque les scènes post-générique, et on retrouve la même forme d'oubli avant la sortie d'un film, où les débats sur la fidélité (Deadpool par exemple) ou non (Fantastic Four) d'un métrage à ses comics font toujours mouche ! 

En somme, comme beaucoup d'autres sujets entourant les films super-héroïques, la fidélité fait office de vraie-fausse question. Parce qu'on ne saurait la définir clairement, parce que la matériau de base appartient à tous,  et parce qu'elle diffère d'un film à l'autre : comme me le disait Sullivan, on aurait par exemple du mal à parler de fidélité chez Suicide Squad, puisque chaque nouveau de l'escouade aligne des personnages différents, à l'image de Guardians of the Galaxy en face. Et d'ailleurs, la question devient caduque à chaque nouvelle adaptation osée : peut-on parler de fidélité chez Ant-Man quand on sait qu'il n'existe pas d'idée définie, dans l'inconscient collectif,  sur ce qu'est un comic-book consacré à l'Homme-Fourmi ? 

Ne nous restent alors que nos propres émotions par rapport à un film, des réactions finalement bien plus saines pour juger un métrage que des questions à moitié caduques comme la fidélité. Ça ne nous empêchera pas de nous montrer hostiles ou favorables à l'image que renvoient ces films aux comics qui les ont inspiré. Pour revenir sur la trilogie The Dark Knight, par exemple, j'ai toujours trouvé ces trois films très proches des comics Batman dans le sens où les émotions qu'ils provoquent chez moi sont comparables à celles que m'offre la lecture d'un bon titre consacré au Chevalier Noir. Et pourtant, Christopher Nolan est toujours resté très éloigné de l'univers gothique et des vilains fantasques inhérents au personnage, à l'exception de quelques références piochées ça et là. La fidélité est un sujet passionnant et complexe, mais il ne doit pas nous faire oublier la ligne qui sépare le bon du mauvais film.

Republ33k
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