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The Wanderer's Treasures #43, El Cazador

The Wanderer's Treasures #43, El Cazador

chronique

J’ai besoin d’une nouvelle catchphrase pour lancer cette rubrique… Hein ? Comment ça c’est commencé ? Désolé…

Bon ben en attendant l’inspiration, bienvenue dans la nouvelle édition de The Wanderer’s Treasures. Au programme cette semaine un autre chef d’œuvre interrompu, des pirates des corsaires, des îles mystérieuses, des batailles navales mais pas de perroquet parlant. Tout ça dans El Cazador, série lancée en 2003 par Crossgen, écrite par Chuck Dixon (Robin, Nightwing) et Steve Epting (Captain America). Seuls 6 numéros ont été publiés, mais la bonne nouvelle c’est que l’éditeur Hyperion a eu par la suite l’excellente idée de tous les regrouper en un trade paperback assez facile à se procurer.

 

El Cazador, ça aurait dû être l’histoire de la Donessa Cinzia Elena Maria Esperanza Diego-Luis Hidalgo, ou plutôt de Lady Sin comme on la surnommera. Superbe jeune femme issue de la noblesse espagnole, elle vogue avec son jeune frère et sa mère à bord de La Misericordia sur les eaux de l’Atlantique. Hélas, les pirates du redoutable Blackjack Tom vont prendre le navire d’assaut et le capturer. L’équipage est massacré, la mère et le frère de Cinzia sont pris en otage, et le commandement est confié à Billio Dane, second de Blackjack Tom.

Cinzia, elle, a réussi à se cacher. Elle finit cependant par être découverte. Mais la jeune femme n’est pas une fragile demoiselle en détresse, et en deux temps trois mouvements elle réussit non seulement à se débarrasser de Mr Dane, mais aussi à reprendre le contrôle du navire. Cela grâce à la promesse d’un trésor caché dans un port espagnol (et quelques menaces judicieuses). La seule condition : avant de se lancer dans cette quête elle veut retrouver Blackjack Tom et libérer sa mère et son frère.

Cette quête de vengeance aurait donc dû être le fil rouge de la série. Hélas, en six numéros (de ce qui aurait de surcroît dû être une ongoing), vous devez vous en douter, la belle Lady Sin ne risque pas de remplir ses objectifs. Mais si ce tpb vaut la peine c’est notamment parce que lesdits six numéros recèlent quand même de nombre de péripéties passionnantes.

On a ainsi droit à une mutinerie menée par le français Jean Gillon à bord de La Misericordia, (rebaptisé El Cazador, d’où le nom de la série). Mais aussi à l’évasion de Redhand Harry, corsaire Anglais sur le point d’être pendu, puis une poursuite navale trépidante entre le navire de ce dernier, La Réponse Barbelée, et El Cazador. Et enfin un recrutement d’équipage musclé par Lady Sin sur une île remplie de pirates, et une superbe bataille navale entre El Cazador et La Réponse Barbelée, avec une fin inattendue. Ouf !

Bref vous l’aurez compris, on ne s’ennuie pas une seconde tout au long de ce volume, et Chuck Dixon maintient un rythme élevé tout le long. Mais il sait faire en sorte que rien ne paraisse jamais précipité. Et, mis à part le fait que Lady Sin semble vraiment très bien connaître la mer pour une dame de cour, il n’y a pas non plus de raccourci saisissant. Même la prise de contrôle d’El Cazador, certes expéditive, ne choque pas et est provoquée assez logiquement (surtout en tenant compte de la mutinerie ultérieure).

Les personnages sont quant à eux très réussis et attachants, Lady Sin en tête. Femme forte et déterminée, rusée, elle donne envie d’être suivie. La recette est connue, mais efficace. Redhand Harry déborde lui aussi de charisme. Certes on est encore une fois face à un archétype (le sympathique vaurien cachant un secret tragique dans son passé) mais ça marche toujours aussi bien.

Les vilains ont moins de place pour s’exprimer mais Blackjack Tom est établi en quelques pages comme une terreur des mers à faire pâlir Barbe Noire, et sa présence menaçante plane sur tout le récit pour un effet très réussi. Gillon n’est pas mal en traître. Enfin mention spéciale à Abdallah et Mr Godshall, seconds de Lady Sin qui rappelleront respectivement aux amateurs de BD franco-belge Baba et Triple Patte dans la géniale série de Jean-Michel Charlier : Barbe Rouge (aussi connu comme Le Démon Des Caraïbes). Mais mon chouchou restera le hollandais déjanté Van Wessel.

Mais ce qui rend El Cazador si brillant, et qui ne pâtit en rien de sa fin prématurée, c’est que la série est une magnifique ballade à l’époque de la fin de l’âge d’or de la piraterie. En effet Chuck Dixon opte pour une écriture très réaliste, tout en jouant intelligemment avec les codes du genre. Il évite ainsi les pires clichés du style perroquet parlant, supplice de la planche et autres exclamations de « landlubber » (déformation de « land lover », insulte récurrente dans les histoires de pirate, nous on dirait « marin d’eau douce »). Mais il nous offre quand même l’aventure et l’exotisme qu’on est en droit d’attendre. Et il sait aussi jouer avec les figures imposées (le charpentier affligé par les mauvais traitements infligés à « son » navire par exemple).

A cela s’ajoute un travail de documentation intéressant, qui va de l’évident (la différence entre un corsaire et un pirate) au plus subtil (la conduite d’une bataille navale ou d’une poursuite en mer). On appréciera aussi les dialogues, écrits dans des registres allant du soutenu au familier qui correspondent bien à chaque personnage, et surtout émaillés de mot issus de la langue natale de chacun. C’est tout bête, et classique comme procédé, mais particulièrement réussi. En plus il n’y a presque pas de faute en ce qui concerne le français (pour une fois).

Mais ce qui fait que le tout fonctionne si bien, et qu’on se laisse embarquer dans ce voyage, c’est incontestablement le travail magnifique de Steve Epting au dessin. Allez, disons le, c’est peut être ce qu’il a fait de plus beau de toute sa carrière. L’ensemble est d’un réalisme, et d’une précision dans les détails, à faire baver d’envie le Brian Hitch (Ultimates) des grands jours. Navires, décors, personnages, tout est absolument sublime, et rehaussé par les couleurs chatoyante de Frank d’Armata. Les designs sont impeccables, les ombres remarquables. Bref je pourrais multiplier les épithètes, mais parfois il suffit de laisser parler le travail de lui-même.

El Cazador mérite donc bien l’appellation de chef d’œuvre interrompu. Histoire intéressante, personnages charismatiques, univers fascinant (et trop rare dans les comics) exploité avec brio et dessin beau à pleurer, cette série avait tout pour être un classique. Sauf un éditeur et des lecteurs. Mais comme pour Kiss Kiss Bang Bang, la frustration de ne jamais savoir comment les aventures de Lady Sin se seraient terminées ne devrait pas vous dissuader d’en lire le début vu sa qualité. Alors tous à bord, on lève l’ancre !

 

Jeffzewanderer
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