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« New\nGods est la réinvention de l’univers du Quatrième Monde de Jack Kirby par Ram V\net Evan Cagle ».

S’il s’agit là d’une petite phrase de présentation somme\ntoute classique au dos d’un album, ces quelques mots résonnent dans les faits\ncomme un pari audacieux, si ce n’est risqué. Un pari risqué non pas parce que\ndeux auteurs contemporains se penchent sur une œuvre culte d’un géant de la\nbande dessinée, mais parce qu’en se lançant dans une série sur les New Gods,\nRam V et Evan Cagle, c'est aussi à un paradoxe qu'ils vont se mesurer.

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De\nnouveaux Néo-Dieux : V, Cagle, Kirby et le paradoxe du Quatrième Monde

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Pour\ncomprendre le problème dont il est ici question, il faut revenir au créateur\ndes New Gods : l’immense Jack Kirby. Au début des années 1970, le\n« Roi des Comics » débarque chez DC en lançant Le Quatrième Monde,\nun ensemble de quatre séries interconnectées dessinant une grande mythologie\ncosmique. Plus d’un millier de planches et quatre ans plus tard, l’expérience\nprend finalement fin sans réelle conclusion suite à des ventes qui ne suivent\nplus suffisamment, laissant en place ce que Grant Morrison qualifiera de « symphonie\ninachevée ».

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Si\nKirby revint travailler des années plus tard sur sa création avec le roman\ngraphique The Hunger Dogs, celle-ci conserve toujours aujourd’hui l’aura\nd’une fresque incomplète. Le vide créé par un univers laissé en suspens\nalimente cependant logiquement les idées d’auteurs admiratifs. À ce sujet,\nWalter Simonson écrivait : « Avec une fin définitive, l’histoire\naurait été terminée. Et comme le récit n’est jamais arrivé à son terme, la\ngrande guerre entre Néo-Genesis et Apokolips ne prendra jamais fin, ses adversaires\nbloqués à jamais dans un affrontement mortel ».

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Se\npencher sur le Quatrième Monde de Kirby aujourd’hui, c’est donc contempler\nles fondations d’un édifice dont la structure finale ne sera jamais définie.\nParce que son auteur d’origine ne l’a pas achevé comme il le souhaitait certes,\nmais également parce que l’industrie des comics étant ainsi bâtie, quelqu’un\nd’autre aura toujours la possibilité d’y ajouter une nouvelle pierre. Puisqu’il\nest question d’une base sur laquelle construire, quel est donc alors le\nparadoxe sur lequel s’aventure l’équipe créative des New\nGods d'aujourd'hui ? La réponse tient en un nom : Jack Kirby.

$\"images/editeur/Arno/octobre$

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S’aventurer\nsur le Quatrième Monde, c’est marcher dans les pas de Kirby. Et marcher\ndans les pas de Kirby, c’est marcher sur des œufs. Pourquoi ? Il n’est pas\nici question de comparer les talents, mais de comprendre la logique d’un\ncréateur. Le Quatrième Monde est une expérimentation tant narrative que\nvisuelle. La volonté de cet ensemble était de proposer quelque chose de\nnouveau. Une idée qui se heurta d’ailleurs à l’équipe commerciale de DC, qui\nforça le « King » à reprendre à son arrivée une série pré-existante,\nlà où celui-ci voulait avant tout innover.

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Évoquant\ncette mentalité, Mark Evanier raconte que, du vivant de l’auteur, un\ndessinateur arrivant sur la série Captain America avait déclaré espérer\nréussir à restituer « la patte Kirby ». Le principal intéressé avait\nalors expliqué : « Ce gamin n’a rien compris, la patte Kirby consiste\nà créer de nouvelles BD ». Le Quatrième Monde se voulait proposer\nquelque chose de nouveau, une ambition qui a du composer avec l’existence de la\nsérie Superman’s Pal Jimmy Olsen, que Kirby avait accepté de reprendre\net d’inclure à son grand projet « à contrecœur » (toujours selon Mark Evanier).

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Voici\ndonc Ram V et Evan Cagle au cœur du paradoxe : celui de faire perdurer\nl’héritage d’une œuvre qui souhaitait intrinsèquement proposer de la nouveauté, et non reprendre ce qui avait pu être créé par un autre auparavant.\nFaçonner une nouvelle série se réclamant du Quatrième Monde semble donc\nrelever du casse-tête : s’inscrire dans une continuité artistique\nreviendrait à trahir cette dernière, et s’en éloigner viderait le titre New Gods de son sens. Que faire alors ? C’est ici que Ram V et Evan\nCagle ont compris leur matériau d’origine : ils expérimentent.

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New\nGods Tome 1, lE VERDICT

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Darkseid\nn’est plus. L’éternel ennemi est mort, l’omniprésente menace s’est éteinte. Ram\nV choisit de débuter son histoire en faisant disparaître la ligne d’horizon du Quatrième\nMonde de Kirby, le perpétuel affrontement avec le souverain d’Apokolips. Si\nce nouveau statu quo pourrait signifier le début d’une ère sereine pour\nNéo-Genesis, l’énigmatique Métron prophétise l’avènement sur Terre d’un nouveau\ndieu, un enfant qui pourrait bien causer la perte des deux mondes. Tandis que\nle chaos gagne du terrain, les Néo-Dieux se déchirent sur le sort à réserver à\ncet individu encore innocent.

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Alors\nque le Haut-Père de Néo-Genesis envoie son champion Orion éliminer cet être\npotentiellement destructeur, le maître de l’évasion Mister Miracle et la\nsurpuissante Big Barda se retrouvent malgré eux chargés de protéger ce jeune\ninconnu. Commence alors une course contre la montre pour localiser l’enfant et\nle mettre en sécurité là où le limier du Haut-Père ne pourra le retrouver. Mais\nsi Orion a reçu l’ordre d’éliminer le petit, d’autres protagonistes aux\ndesseins nébuleux tentent quant à eux de le capturer vivant.

$\"images/editeur/Arno/octobre$

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Mister\nMiracle, Big Barda, Orion… autant de figures classiques du Quatrième Monde\nprésentées ici dans une configuration qui rappellera peut-être davantage le\npassage de Tom King et Mitch Gerads sur ces personnages que les aventures\nsignées Kirby. Si Scott et Barda y sont toujours de jeunes parents et qu’Orion\ny est également devenu un danger, Ram V ne tombe cependant pas dans la redite\nde Tom King et livre ici sa propre vision des Néo-Dieux avec un récit plus axé\nsur l’aspect mythologique de son univers et moins sur la reconstruction de ses\npersonnages.

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Quand\nKirby dépeignait deux camps manichéens pour mettre en avant la nature transfuge\nde ses héros, offrant en filigrane un message sur la façon dont les individus\npeuvent se construire en accord ou en opposition à leur environnement, Ram V\nparle ici de la façon dont ces personnes peuvent rester intègres face au\nvascillement de ce même environnement ; un message ô combien actuel.\nMister Miracle et Big Barda feront tout pour sauver un enfant, quitte à\ns’opposer frontalement à une Néo-Genesis à la dérive.

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Cette\nvolonté de se placer dans le prolongement plutôt que dans la répétition se\nretrouve également dans le caractère graphique de l’oeuvre. Alors que le Quatrième\nMonde était le fruit d’un dessinateur unique, la série New Gods - bien\nqu’ayant Evan Cagle comme colonne vertébrale - voit défiler un artiste invité à\nchacun de ses numéros. Cette diversité des traits participe ainsi à la\n« réinvention » voulue de cet univers, tant sur un plan visuel que\ndans son esprit. L’ensemble, riche, reste toutefois cohérent puisque ces\nvariations tiennent habilement compte des différents lieux et époques du récit.

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On\nsera donc ravi de voir ou de revoir certains noms, avec notamment le retour aux\ncôté de Ram V d’un Filipe Andrade toujours au sommet dans le sixième et dernier\nchapitre de ce premier volume. Si les artistes invités mettent la barre haute,\nEvan Cagle n’a pas à rougir de son travail : bien qu’il ait moins\nl’occasion de placer des trouvailles visuelles à chaque page, l’homme sait\nprofiter des opportunités graphiques qui lui sont offertes. Quant au fait que\npasser du style de Riccardo Federici à celui d’Andrew MacLean d’un épisode à\nl’autre puisse dérouter, il faudra y voir ici de l’audace.

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Les\nNew Gods de Ram V et Evan Cagle sont effectivement une réinvention du Quatrième\nMonde de Kirby. Non pas par leur volonté de renverser brutalement la table,\nmais par leur souhait d’accompagner cette création vers une autre proposition\ntant narrative qu’artistique. Plutôt que de sombrer dans l’adage idiot du\n« plagiat comme plus beau des hommages », l’équipe créative démontre\nson profond respect de l’œuvre d’origine et de son créateur en se permettant\nd’y prendre des libertés plutôt que de faire le choix de la décalquer.

- Vous pouvez commander New Gods Tome 1 à ce lien !

Cette critique a été rédigée par Malo Martinez.

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C'est au printemps dernier que la dessinatrice italienne Sara Pichelli est passée en France pour une séance de dédicaces chez Album Comics à Paris. La co-créatrice de Miles Morales, l'un des personnages les plus populaires de Marvel, et encore aujourd'hui l'un des meilleurs exemples de création de nouveau personnage réussi, est toujours au travail pour la Maison des Idées. On note notamment parmi ses derniers travaux le titre Scarlet Witch de Steve Orlando. Et puisque Sara Pichelli nous a accordé un peu de son temps, nous en avons profité pour lui poser quelques questions, pour une discussion assez généraliste, que vous aurez nous l'espérons plaisir à suivre.

Une version à l'audio (et en anglais) de cette interview, mise en ligne plus tôt dans l'année, est à retrouver sur First Print.

Nous remercions chaleureusement Gauthier d'Album Comics qui a permis cette interview et Clément Boitrelle pour la traduction et retranscription de la discussion.

Bonjour Sara et bienvenue. Beaucoup de personnes vous connaissent vous et\nvotre travail mais pourriez-vous néanmoins vous présenter rapidement ?

Bien sûr ! Je suis Sara\nPichelli - d’ailleurs merci d’avoir prononcé mon nom de famille\ncorrectement !

C’est grâce à mes origines\nitaliennes !

Je travaille chez Marvel\ndepuis 2008. Je suis surtout connue pour avoir co-créé le personnage de Miles\nMorales mais j’ai également travaillé sur de nombreuses séries Marvel\ncomme X-Men, Guardians of the Galaxy, Scarlet Witch plus\nrécemment et bien d’autres.

Retournons aux origines :\nà quel moment avez-vous voulu devenir dessinatrice de comics et surtout,\npourquoi ?

C’est arrivé assez tard dans ma\nvie car jusqu’à l’âge de 20-25 ans, je travaillais dans l’animation après avoir\nétudié l’animation traditionnelle et 3D. J’ai travaillé pour un studio italien\nen tant que character designer, storyboarder, artiste de textures… J’ai porté\nbeaucoup de casquettes différentes ! Je me suis beaucoup amusé mais je\nvoulais travailler en dehors de l’Italie car j’adorais par exemple l’animation\nfrançaise. Malheureusement on m’a viré…

On a osé vous virer ?!

Disons qu’ils m’ont plutôt rendu\nservice ! A l’époque je ne pouvais\npas quitter l’Italie pour des raisons personnelles. Mon petit copain d’alors, David\nMessina, travaillait pour le marché américain sur Buffy je crois… Ou\nplutôt Angel… Enfin bref pour je ne-sais-quelle série ! D’autres\nconnaissances travaillaient pour IDW et Marvel je crois… Je ne me\nsouviens plus trop… Je suis vieille !

C’était il n’y a pas si\nlongtemps…

C’est une façon de voir les\nchoses… Bref, tout le monde m’a dit de m’essayer au comics mais je n’y\nconnaissais rien à l’époque car cela ne m’intéressait pas plus que ça. Vous\nsavez je viens d’une petite ville Italienne où il n’y avait pas de boutiques\nqui vendaient des comics. J’avais donc l’habitude de lire Mickey Mouse, Donald\nDuck… Toutes les histoires Disney destinées aux enfants. Pour\nautant, je me suis dit que je savais storyboarder, je connaissais le\nstory-telling. J’ai donc commencé à assister mon ex-copain en réalisant le\ndécoupage. Cela m’a semblé envisageable ! J’ai également commencé à lire\ndes comics et j’ai vite réalisé que j’adorais ça ! C’est également en 2008\nque le concours ChesterQuest de Marvel a eu lieu, concours que\nj’ai gagné ! J’ai gagné le droit d’avoir une série de publiée et depuis,\nje n’ai jamais arrêté !

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Vous évoquiez votre travail\ndans l’animation, j’imagine donc que vous étiez attirée dès le départ par les\ndessins et le story-telling ?

Du plus loin que je me souvienne,\nj’ai toujours été attirée par le dessin. L’aspect story-telling est arrivé un\npeu plus tard durant mes études d’animation. L’animation implique énormément de\nstory-telling : tout part du corps, il faut donc prendre en compte le\nlangage corporel qui finira sur la page ou bien l’écran. Mais raconter des\nhistoires est vite devenu quelque chose qui m’a plu. Et puis, les comics sont\npour moi le terrain de jeu idéal car je peux avoir plus de contrôle sur le\nrésultat final. Quand vous travaillez dans l’animation, vous n’êtes qu’un\nsimple rouage dans un énorme engrenage. On pourrait me répondre qu’en travaillant\nchez Marvel, je dois composer avec les éditeurs, les auteurs, les\ncoloristes… mais c’est beaucoup moins contraignant que dans l’animation.

A-t-il été différent\nd’apprendre les codes du comics que d’apprendre ceux de l’animation ?\nJ’imagine qu’il doit bien exister des similitudes mais également des\ndifférences.

Les deux semblent très similaires\net au début j’ai trouvé les comics plus simples, mais il y a énormément de\ndifférences notamment de par la présence des gouttières. Dans le storyboarding,\nil n’y a pas de ruptures spatiales ou temporelles. Vous devez dessiner un zoom,\nun dézoom… ce genre d’éléments qui se déroulent en temps réel. L’espace entre\nles cases change absolument tout ! Vous devez apprendre que le timing fait\ntout, mais c’est pour cette raison que c’est si amusant !

Vous avez dû vous rendre\ncompte à un moment que vous étiez faites pour les comics ?

Exactement, je ne voulais plus\ntravailler dans l’animation. Les comics étaient bien plus amusants !

Faites-nous une petite leçon\nd’histoire : à quoi correspondait le fameux concours que vous avez\nremporté ?

Avec plaisir ! Il était une\nfois… [rires]. A l’époque, je n’avais pas beaucoup de dessins à montrer car\nj’étais en train de me constituer un portfolio à envoyer aux maisons d’édition.\nJ’étais bien en discussion avec quelques éditeurs italiens mais il n’y avait\nencore rien de concret. Mes amis et mon petit copain m’ont alors parlé de ce\nfameux concours. Je leur ai répondu que je n’avais rien qui vaille la peine\nd’être envoyé… Je ne voulais pas envoyer de mauvais dessins en tout cas. Je\nn’ai donc rien envoyé. Je ne me souviens plus s’il s’agissait de mon copain ou d’une\nconnaissance qui m’a demandé si j’avais envoyé quoi que ce soit, car la date\nlimite venait d’être passée. Ils ont donc encore insisté et j’ai fini par\ncéder. Et j’ai remporté le concours ! Une semaine plus tard je recevais un\nmail de [Chester] Cebulski en personne m’informant que je faisais partie\ndes gagnants. Je n’y croyais pas !

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Comment avez-vous réagi lors\nde votre premier projet chez Marvel ?

J’étais terrifiée ! Déjà\ntout se faisait en anglais…

Vous ne parliez pas si bien\nanglais à l’époque ?

Je parlais beaucoup mieux\nfrançais qu’anglais ! J’ai donc dû travailler avec de vrais scripts,\nréalisés par des auteurs de métiers, ce qui est très différent ! Ce n’était\npas forcément évident. Par exemple, le script de Brian M. Bendis\ncomportait beaucoup d’argot américain ! Béni soit Urban Dictionnary !\nLes premiers mois ont été assez traumatisants car il a fallu gérer\nbeaucoup de choses d’un seul coup. Mais de fil en aiguille, j’ai fait des\nerreurs, j’ai appris des choses notamment la façon de communiquer avec les\néditeurs. Les Américains sont différents des Européens, eux-mêmes très\ndifférents des Italiens ! Il faut donc reconnaître leur langage, leur\nmanière de dire « oui » ou « non ». Ils ne vous répondront\njamais un « non » franc, ils vont plutôt vous répondre « oui,\nmais… » ! [rires] J’ai donc beaucoup appris durant ces années, mais\nc’était amusant.

Quelle a été votre relation\nprofessionnelle avec Brian M. Bendis ? Vous avez travaillé ensemble sur\nd’autres projets qu’Ultimate Spiderman. Avez-vous discuté avec lui sur sa\nmanière de rédiger des scripts ? Comment\ns’est passée votre collaboration ?

Je n’ai jamais voulu critiquer\nles scripts de Brian car j’adorais travailler à partir de ces derniers. Ses\ndescriptions de personnages, des décors, sa façon de raconter une histoire via\nun script est vraiment parfaite. En ce qui me concerne, je pouvais visualiser\nce qu’il décrivait dans ses scripts. Rien qu’en lisant ses descriptions, j’arrivais\nà m’imaginer et me représenter ce que j’allais pouvoir dessiner. Je pense qu’il\ns’agit d’une rencontre parfaite, ce qui n’est pas toujours le cas. La seule\nvraie difficulté c’est qu’il y avait tellement de dialogues ! Vous devez\ngarder en tête le nombre de phylactères quand vous dessinez une case !\nMais c’est vraiment la seule difficulté qui me vient à l’esprit.

Vous devez réfléchir au\nplacement des personnages tout en prenant en compte la présence des bulles de\ndialogues ?

Exactement, surtout quand vous\ndevez dessiner plusieurs personnages. Je me souviens durant mon passage sur Guardians\nof the Galaxy, le rythme de travail était tellement intense ! Il\nfallait gérer tellement de personnages et leurs dialogues ! J’ai une scène\nparticulière en tête où vous avez tous les gardiens et d’autres personnages qui\ndiscutent, avec un hologramme au milieu. Dans la version publiée, la bulle de\ndialogue recouvre l’hologramme et ce malgré tous mes efforts. Je l’ai ressenti\ncomme un échec ! C’était tellement difficile… Heureusement ce n’est pas\ntoujours comme ça ! Quoi qu’il en soit, j’adore les dialogues de Brian, je\nlui pardonne donc tous ces phylactères !

Vous souvenez-vous du jour où\nvous avez dû créer Miles Morales ? Il est de notoriété publique que Brian\nBendis voulait un personnage que ses filles pourraient lire, quelle est votre\nversion de l’histoire ?

J’ai été contactée par la même\néquipe éditoriale avec laquelle je travaillais sur Ultimate Spiderman,\nen plus d’autres noms prestigieux comme Joe Quesada. Ils m’ont expliqué avoir\nune nouvelle idée et voulaient savoir si j’étais intéressée pour travailler\ndessus. « Et si on tuait Peter Parker ? » ! Ça sonnait comme une tâche plutôt\ningrate, mais pourquoi pas ! Mais j’étais intriguée à l’idée de travailler\nsur un nouveau personnage, une nouvelle histoire. Cela me rappelait mon travail\ndans l’animation. Quand vous travaillez sur un personnage comme Spider-Man, vous\navez tout un passif de récits à prendre en compte. Comme je n’étais pas\nspécialement plus fan de Spider-Man que ça, je me sentais plus détachée. Ça a\ndonc été très amusant car je pouvais imaginer toute une nouvelle histoire,\ntoute une galerie de nouveaux personnages, un nouveau décor… Brian m’envoyait\nde la documentation, des images, des chansons et me suggérait pleins d’idées. Nous\navons travaillé ensemble pendant six mois : quatre pour réfléchir aux\npersonnages et deux pour réfléchir au costume et aux éléments super héroïques.

Vous avez effectivement fait\nle choix de ne pas reprendre le costume classique de Peter Parker et avez opté\npour le costume noir et rouge. Cela vient de vous ?

Oui et tout le monde a approuvé\ncette décision. Ce fut donc un choix collectif. Pour les premiers numéros,\nBrian m’a demandé de dessiner Miles à l’opposé de Peter Parker, en termes de\nlangage corporel, de style de combat etc. Ce qui fut difficile, surtout quand\nles deux Spider-Man se rencontrent.

Ce fut sans doute un moyen de\ntester toutes vos compétences : après les avoir dessinés différemment, il\nfallait les dessiner ensemble pour pouvoir repérer les différences !

[rires] En tout cas c’est mon run\npréféré à ce jour. Je me suis tellement amusé.

Comment vivez-vous le fait que\nMiles ait eu autant d’aventures et d’histoires par d’autres équipes\ncréatives ? Vous êtes encore sa maman en quelque sorte. Jetez-vous un œil\nde temps à autres sur les séries Miles Morales ?

Ce fut le cas oui, pas récemment\nmais il m’a beaucoup manqué l’année qui a suivi mon travail sur Miles.

A-t-il été difficile de le\nconfier à d’autres équipes ?

Un peu oui mais ce fut très\nintéressant de le voir dessiné dans d’autres styles. Parfois c’était bien,\nparfois un peu moins… Jusqu’au moment où je l’ai vu sur grand écran… Là je me\nsuis dit que c’était absolument énorme ! J’étais très fière, même si\nc’était déjà le cas avant.

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Avez-vous travaillé sur le\npremier film Spider-Man : into the Spider-verse ?

J’ai réalisé une illustration\npour le film.

Une des couvertures que l’on\npeut voir, oui.

C’est ça. Ils ont fait appel à\nmoi et à Robbie Rodriguez pour Spider-Gwen. Ils travaillaient\nencore sur le film mais je me souviens qu’ils m’ont envoyé une scène : la\nmoitié de la séquence correspondait au résultat final et la seconde moitié\nétait encore en travail. Je vais être honnête avec vous : quand Marvel\nm’a annoncé qu’ils allaient réaliser un film sur Miles, j’étais un peu\nsceptique. Malgré mon amour pour l’animation, j’avais envie de le voir en\nimages réelles !

Vraiment ?!

Oui ! Je n’avais rien vu de\ntrès impressionnant en animation à l’époque. Mais j’ai été soufflée quand j’ai\nvu la séquence animée qu’ils m’avaient envoyé. Quand j’ai découvert le film à\nsa sortie, je me suis rendu compte que l’animation était bien plus\nimpressionnante que ce que l’on aurait vu en images réelles ! Mais je n’ai\npas été impliquée plus que ça dans le film.

C’était néanmoins appréciable\nde voir la reconnaissance du studio à votre égards et à votre contribution au\npersonnage.

Complètement ! Ils ont été super !\nL’équipe m’a personnellement remerciée lors de la remise de leur Oscar, ce qui a\nété très gentil de leur part.

Vous n’avez pas forcément à\nnous dire combien, mais avez-vous été rémunéré pour ce travail ?

Oui j’ai été payé pour mon\nillustration, mais je n’ai pas de royalties… sinon je serais riche !

C’est un débat qui revient\nsouvent sur la table chez les différents créateurs.rices de personnages qui\nfont gagner des millions de dollars aux studios…

Vous touchez des royalties en\nfonction des pages et des numéros que vous vendez cependant, mais pas sur les\ndesigns des personnages.

Je ne sais pas si vous suivez\nl’actualité sur les réseaux mais récemment Dustin Nguyen a publié un messageplutôt long dénonçant l’absence de royalties concernant les albums Marvel\nvendus à l’étranger, comme en France par exemple.

Je suppose que nous signons tous\nle même contrat chez Marvel car c’est la même chose pour moi. La\nsituation n’est vraiment pas idéale, d’autant que vous savez, chez DC…

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Ce qui m’amène à une autre\nquestion : vous travaillez encore pour Marvel aujourd’hui, vous avez\nréalisé plusieurs numéros sur Scarlet Witch avec Steve Orlando…

J’ai effectivement l’exclusivité\nchez Marvel car j’ai signé un contrat pour plusieurs années…

Pour combien de temps\nexactement ?

Je ne sais pas si c’est le cas\npour tout le monde, mais en ce qui me concerne le contrat n’est pas basé sur le\nnombre d’années mais sur le nombre de numéros. D’autant que depuis le Covid, ma\ncharge de travail s’est un peu réduite, surtout depuis que je suis maman !\nCe qui veut dire que j’ai encore quelques années devant moi car moins vous\ntravaillez, plus l’échéance recule… Comme vous voyez, il y a de bons et de\nmauvais côtés à travailler en exclusivité avec une maison d’édition. Mais je ne\nme plains pas.

Vous êtes encore une grande\nartiste et je suppose que Marvel vous considère en tant que tel étant donné\nvos travaux précédents. Choisissez-vous les projets sur lesquels vous voulez\ntravailler ?

La plupart du temps oui. On me\ndemande souvent ce que j’aimerais faire. Avant Scarlet Witch, à chaque\nfois qu’un éditeur me posait cette question, je répondais « Par\npitié, laissez-moi dessiner des personnages féminins ! ». [rires] Ce\nqui est enfin le cas.

Ils ne vous ont jamais proposé\nde super-héroïnes ?

Jamais ! En tout cas jamais\nen tant que personnage principal.

C’est d’autant plus étrange car\nil y a déjà des dessinatrices italiennes comme Laura Braga qui se spécialisent\ndans les personnages féminins.

C’est vrai oui mais Marvel\nme voulait absolument sur Spidey ! Ce qui m’allait très bien.

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Vous avez d’ailleurs travaillé\navec J.J. Abrams et son fils sur un album Spider-Man en 2019. Comment cela s’est\npassé ?

Oui c’est vrai ! Si vous\nsaviez, c’était quelque chose ! J’ai donc travaillé avec J.J. et son fils\nHenry. Henry était le plus nerd des deux mais ils ont été tous les deux\ntrès sympas. J.J. est quelqu’un de très occupé, la communication a donc été\nplutôt compliquée. Le script ressemblait davantage à un script de film qu’à\ncelui d’un comics mais travailler avec eux a été à la fois très différent\nmais aussi très amusant. Je ne sais pas pourquoi ils m’ont choisi… sans doute\nparce que je suis très patiente !

Soyons lucides, vos albums se\nvendent quand votre nom est sur la couverture !

Sans doute oui. Je me souviens\napprécier cette collaboration jusqu’à un certain moment. Le Covid était là et\nla période était plutôt compliquée. Et vous savez, c’est un métier que d’écrire\ndes comics !

Pensez-vous que votre expérience\ndans l’animation a été une raison pour lesquelles ils vous ont choisi ?\nIls vous pensaient peut-être plus à l’aise pour lire un script de film…

Oh je n’y avais jamais pensé…\nPeut-être oui… J.J. et Henry parlaient souvent de « séquences », comme\ndans les films ! Ils me demandaient par exemple « Est-ce que l’on\npourrait avoir plus de séquences comiques dans cette scène etc. ». Je leur\nrépondais oui, mais ils devaient me faire confiance !

Cela fait plus de quinze ans\nque vous travaillez dans l’industrie du comics et chez Marvel, n’êtes vous pas\ntrop fatiguée des deadlines pour les titres mensuels ?

Complètement oui ! Je suis\ntrès fatiguée car je travaille beaucoup pour respecter les deadlines, souvent\nau détriment de ma vie privée. J’ai dû ralentir le rythme récemment mais si\nvous travaillez plus lentement, vous n’êtes plus assignée sur des projets\nimportants… Mais cela me convient : je veux simplement dessiner, explorer\nmon art et m’amuser dans ce que je fais. Quand je serais prête, si je le suis\nde nouveau jour, vous me retrouverez sur des albums un peu plus importants.

Vous avez mentionné votre\ncontrat d’exclusivité avec Marvel, et je me demandais justement pourquoi vous\nne travailliez pas sur autre chose... je ne parle pas de DC mais bien de\ncreator-owned.

Je peux travailler en\ncreator-owned, ce n’est pas un problème pour Marvel. Quand vous signez\nun contrat chez une des grandes maisons, vous ne pouvez pas travailler avec l'autre. Je peux en revanche travailler chez Image qui publie des œuvres en\ncreator-owned. Il faudrait que je sois plus organisée car cela demande du temps\net j’ai déjà beaucoup à faire en ce moment ! J’adorerais par exemple faire\nquelque chose pour le marché européen comme un roman graphique… Quelque chose à\nl’opposé des super-héros !

Mirka Andolfo travaille\nbeaucoup avec Glénat par exemple et je pourrais tout à fait vous voir\ntravailler avec eux.

Ce serait très chouette en effet car\nj’adore le lectorat français ! Un jour peut-être…

Nous en reparlerons peut-être\nà l’avenir et nous continuerons à suivre votre travail. Merci beaucoup de votre temps Sara.

Merci à vous !

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Dans les allées du récent Lake Como Comic Art Festival où nous avons eu le plaisir de pouvoir nous rendre le mois dernier, ce n'est pas seulement John Romita Jr. avec qui nous avons réussi à obtenir une interview. Un autre dessinateur célébrissime était présent, et parmi lesquels il est difficile généralement de l'avoir lors de ses venues rapides en France : ni plus ni moins que l'immense Bill Sienkiewicz. En clotûre du festival, alors que l'artiste commençait à ranger ses affaires après deux journées très occupées, et qu'il avait déjà une coupe de champagne pour savourer un peu de repos, il a eu l'extrême bonté de nous accorder une vingtaine de minutes pour une interview improvisée. L'occasion de revenir dans le temps imparti sur la façon de travailler du bonhomme, ses envies actuelles, mais aussi ses propos récents tenus publiquement au sujet de l'IA générative.

Une interview rare dans le paysage francophone et si vous avez à coeur de soutenir le travail que nous fournissons, vous pouvez le faire savoir en soutenant le média, en partageant l'article et en en parlant autour de vous. Si vous préférez l'audio et n'avez pas peur de l'anglais, l'interview peut aussi être écoutée au format podcast via First Print - attention toutefois aux bruits alentours, les conditions d'enregistrement ayant été particulières.

AK : Bonjour Bill Sienkiewicz ! C'est un plaisir de vous avoir avec nous.

BS : Merci, bonjour.

AK : Pour ouvrir cette (courte) conversation : je sais que l'on a souvent tendance à dire que vous avez révolutionné le dessin de comics en incorporant toute une variété de techniques qui n'étaient pas forcément répandues à l'époque. Etait-ce un choix conscient de votre part pour vous démarquer de ce qui se faisait à ce moment là ?

BS : Non, je ne m'intéressais pas vraiment à ce que faisaient les autres à cette période. Enfin, quand je dis ça : oui, bien sûr, je remarquais bien que certaines méthodes, certains matériaux, certaines approches n'étaient pas encore développées. Mais ce n'était pas pour dire que, dans ce cas, moi, j'allais essayer. Mon style s'est plutôt développé sur la base de mes études et des choses qui m'intéressaient, de ce que je voulais proposer moi. Dans cette envie de proposer de nouvelles façons d'aborder la narration par le dessin, ou d'imaginer des solutions picturales pour certains problèmes. Toutes les méthodes que je pouvais utiliser pour convier ce sentiment, ça s'est fait comme ça.

C'est un peu cette poule qui a accouché de cet oeuf : je ne voulais pas spécialement me démarquer en faisant ce que personne n'avait fait avant... mais plutôt, trouver la route sur laquelle j'allais m'orienter réellement. Et si j'étais capable de me faire confiance et de suivre mon instinct pour aller dans cette direction, c'était le plus important. Le boulot, l'histoire, c'est toujours de ça dont il s'agit, pas spécialement la technique.

AK : Avez-vous trouvé une façon d'expliquer comment votre cerveau appréhende ce genre de démarche artistique, lorsque vous avez prévu de travailler sur une planche, une couverture... ? Ou est-ce que c'est quelque chose qui arrive naturellement, sans y penser ?

BS : Non, en réalité j'y réfléchis constamment. Plus que je ne le devrais, d'ailleurs. Je ne l'exprime pas forcément comme un dialogue intérieur, mais je sais que je dois passer par cette période de réflexion émotionnelle lorsque je développe un projet. L'excitation, puis le doute, puis l'anxiété. Et lorsque ces émotions arrivent, par vagues de différentes intensités, je me rends compte que j'ai besoin d'opter pour un angle plus analytique. J'essaye de faire plus attention à ce que je ressens. Parce que... mon objectif principal reste de ne pas rester en travers de ma propre route. Je ne veux pas faire partie de cette équation, ne pas me retrouver moi-même dans la création proprement dite. Enfin, c'est bien moi qui dessine, mais j'ai envie d'être un passager au sein de ce voyage autant qu'un conducteur.

Ce qui veut dire que je dois être capable de diminuer... l'évidence, la preuve tangible de ma propre participation. J'ai besoin de devenir le véhicule qui va transporter cette idée qui existe en dehors de ma tête depuis le début. Cette idée qui m'est juste tombée dessus, et qui va devenir ma responsabilité, comme si c'était mon rôle de colporter la nouvelle jusqu'aux yeux du public. Je ne veux pas enjamber le concept en présentant le projet comme... \"le truc de Bill Sienkiewicz\". Comme si Bill Sienkiewicz était une sorte d'entité. Dans ces moments là, je veux juste être le gars qui tient le pinceau. Le véhicule au service de l'idée. Et c'est pour ça que c'est ma responsabilité de produire le meilleur travail possible. Parce que si l'idée est bonne, je ne veux pas la gâcher, la gaspiller, et donc ça me met une certaine pression sur les épaules.

$\"images/editeur/Arno/Juin$

AK : Mais vous avez tout de même conscience d'avoir laissé un héritage tangible, et plutôt conséquent, au sein de l'industrie ? Souvent, on remarque des artistes qui \"font\" du Bill Sienkiwicz, qui s'inspirent de vos méthodes. Est-ce que c'est quelque chose qui provoque une certaine fierté chez vous ?

BS : Et bien, je dirais que je suis généralement assez fier, ou plutôt assez touché, lorsque je vois que certaines personnes ressentent cette envie. Mais pour moi, ça n'a jamais été l'objectif moteur.

AK : C'est juste arrivé comme ça.

BS : C'est juste arrivé comme ça. Et en partie à cause de ma propre impatience, de ma propre frustration, ou de ma propre envie de pousser l'art visuel sur un plan purement créatif. Mais je n'ai jamais recherché... ce genre de gloire, ce genre de statut. Même si c'est quelque chose d'agréable, l'important reste, encore une fois, le travail en lui-même. Et même si je suis touché et honoré de ça, c'est plutôt le travail des gens qui reproduisent le fait de pousser de nouvelles techniques, de s'appliquer dans leur travail, qui m'intéresse personnellement. C'est ça qui me parle davantage. Voir d'autres dessinateurs vouloir aller plus loin dans leur propre petite enclave, chercher à produire leur propre petite secousse sismique au sein de leurs propres méthodes de travail. Parce que je pense que ce que l'on fait tourne souvent autour de cette idée de l'évolution. En tant qu'artistes et en tant qu'êtres humains.

Donc quand je vois des gens qui réalisent de véritables bonds en avant au sein de ce médium, sans avoir besoin de savoir que leur travail ressemble au mien, j'ai l'impression que ça fait du bien à toute la discipline en règle générale.

AK : On vous a aussi vu dans d'autres domaines : des posters, des couvertures d'albums, comme avec Kid Cudi. Pourtant, vous revenez toujours vers les comics. Pourquoi avoir toujours cherché cet éternel retour à la maison ?

BS : Pour moi, les comics sont un support parfait pour raconter des histoires. Même si j'ai effectivement travaillé pour le cinéma, ou ailleurs... Les comics font partie de moi. Je me sens bien plus à ma place dans cette industrie : une seule personne, moi en l'occurrence, capable de sortir le crayon et des encres, et raconter une histoire. Ca me semble beaucoup plus simple, plus basique. Pas de commité décisionnel, de gens qui se hurlent dessus pour imposer des directives, pas de hiérarchie compliquée. Oui, il existe les éditeurs, il existe une hiérarchie, une chaîne de commandement. Mais beaucoup moins que dans le cas du cinéma, par exemple. Ce monde là est un univers peuplé de commités qui décident à la place des artistes. J'ai eu ma propre expérience dans ce secteur, et je peux vous dire que ça n'a trouvé aucun intérêt à mes yeux.

AK : Vous parlez de cinéma, et récemment, justement, le réalisateur David Lynch nous a quittés cette année. On sait que vous étiez un grand fan de son travail, est-ce que vous pourriez nous expliquer comment cette filmographie particulière a eu une influence sur vous ?

BS : Mh. J'adorais David. Ce qu'il faisait dans ses films... c'était de l'ordre de l'indescriptible. Il parvenait à insérer des éléments que l'on ne pouvait pas expliquer avec de simples mots. Son travail était capable de provoquer une réponse émotionnelle et psychologique qui sonnait vraie, sans avoir besoin d'être formulée comme un message que l'on cherche absolument à faire rentrer de force dans la tête du spectateur. C'était un artiste abstrait, qui travaillant sur le subconscient. Dans l'émotionnel, mais jamais réellement prévisible. Et j'adorais ça chez lui. Pour tout un tas de raisons, c'était un réalisateur extrêmement honnête. Il ne manipulait le public que lorsqu'il faisait instiller l'idée... de confusion par endroits, d'excitation par d'autres. La façon dont il était capable de juxtaposer les dialogues et les images... le relationnel entre ces deux éléments accouchait d'une sorte de troisième entité autonome.

C'est aussi quelque chose que j'essaye de faire dans le monde des comics. Le scénario, le dessin... une fois que ces deux choses se combinent, vont parfois être capables de créer... le \"comics\". Ou l'histoire narrée en elle-même. Cette relation de collaboration est assez magnifique.

AK : On a pu voir récemment sur les réseaux, particulièrement agressif sur le sujet de l'utilisation de l'IA générative dans le milieu du dessin. D'autres en parlent plutôt comme d'un outil, mais...

BS : Je pense que c'est un outil en effet. Et c'est aussi ma responsabilté personnelle de... déjà, de rester curieux et ouvert en général. J'ai toujours envie d'utiliser les nouveaux outils qui apparaissent, s'ils permettent de produire une gamme artistique plus ample dans ce que l'on peut exprimer. J'ai donc mené mon enquête sur l'intelligence artificielle générative. Comme Dall-E ou Midjourney. Comme pour m'infiltrer dans le camp de l'ennemi et étudier son arsenal, en quelque sorte. Mais je dois aussi accepter l'idée que l'IA va rester pour s'installer, qu'on ne va pas pouvoir s'en débarrasser. Et dans un sens, je ne pense pas avoir de problème fondamental avec cette technologie sur le papier... sinon le fait que ses industriels se comportent comme des rapaces, en allant voler le travail des artistes sans aucune rétribution.

Ce qui m'évoque surtout l'idée d'une nouvelle strate d'inégalité du côté des corporatistes. Le genre de choses qui ont tendance à m'écoeurer, dans cette longue listes des comportements mis en place par les corporations depuis que... depuis que les corporations existent, en réalité. J'aurais donc envie de comprendre les possibilités de l'outil. Par exemple, il existe des IAs qui vont servir pour la recherche ou les traitements médicaux...

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— Bill Sienkiewicz (@sinKEVitch) February 3, 2023

AK : Mais ces disciplines ne comprennent pas de processus artistique.

BS : Non, effectivement. Et je n'ai toujours pas l'impression que l'art généré par \"prompt\" soit encore particulièrement artistique. Au contraire, j'aurais plutôt l'impression que la technologie se cannibalise elle-même, plus qu'autre chose. Parce que l'IA est, au départ, entraînée sur des bases de données que l'on vole aux artistes. Mais aujourd'hui ? Il existe suffisamment d'images générées artificiellement pour que la technologie s'entraîne toute seule au point de tourner à vide. Comme un serpent qui se mange la queue. Qui se dévorerait vivant. Je crois même que Dave McKean s'était documenté sur le sujet récemment, à l'occasion d'un ouvrage (ndlr : avec l'ouvrage Prompt, informations ici). Et il a mis le doigt sur certaines choses plutôt intéressantes, des idées que je pourrais envisager d'utiliser personnellement. Pour explorer les possibilités alternatives de directions potentielles.

Je pense que la responsabilité actuelle de l'artiste serait justement de prendre ces outils, de considérer qu'il existe une production autour de cette technologie, et de pouvoir en faire quelque chose qui serait plus intéressant que ce l'on en fait actuellement. Utiliser cet outil - parce que si c'est effectivement un outil, on ne doit pas considérer que cet outil se suffit à lui-même. Il faut pouvoir ramener l'élément humain dans l'équation. Si je travaille sur un dessin qui a été généré, je dois être capable de refuser le résultat final. De le transformer, de me pencher dessus et de me dire... comment voir plus loin que la simple réponse algorithmique, comment transformer ceci en une oeuvre destinée aux êtres humains ? En somme, ramener l'artistique, le créatif, dans le résultat final. Parce que c'est là que toute la différence se joue selon moi. Personnellement, je pense avoir la chance de l'expérience, de l'émotivité, et de la conscience individuelle, et ce sont ces éléments que l'on peut apporter dans l'élément IA. Parce que l'IA elle-même ne sera jamais consciente. Elle ne sera jamais douée de raison.

Son processus repose sur les mathématiques, pour ce qui existe actuellement. Les connexions synaptiques et émotionnelles sont exclues du processus de l'outil, le souvenir, le traumatisme, la plénitude, la sensation du mystère ou l'agglomération d'une expérience de vie, tous ces éléments ne peuvent pas être quantifiés et traduits dans le sens du numérique. L'abstraction, en définitive. Voilà ce que l'humain doit pouvoir ramener dans cette expérience.

AK : Concernant votre carrière actuelle, on vous a surtout retrouvé sur des couvertures ces dernières années. Est-ce que vous auriez tout de même encore envie de dessiner sur des intérieurs pour des projets personnels ? Sans forcément la pression des délais ou des contraintes de commités.

BS : C'est un peu là où je me trouve actuellement. Le gros des commandes que j'accepte me permet aussi de faire la publicité de mon style, mettons, surtout pour les nouveaux lecteurs qui seraient arrivés entre temps. Parce que vous savez, les choses évoluent tellement vite. Les gens peuvent vous oublier rapidement, vous pouvez vite disparaître de la conscience collective.

AK : Vous pensez réellement que ce serait le cas pour vous ?

BS : Plus rien ne me surprendrait aujourd'hui. Et ce n'est pas qu'une question d'ego, je pense réellement que le principe de longévité n'existe plus, que tout se joue sur les derniers projets que vous venez de faire. Mais ce n'est même pas tellement mon problème - je n'ai pas besoin de rentrer dans les livres d'histoire. En revanche, j'ai effectivement besoin d'être assez connu pour qu'on me laisse raconter de nouvelles histoires. Compter suffisamment pour être sûr de pouvoir faire le projet suivant. Le fait d'écrire et de dessiner un nouvel album complet... c'est quelque chose qui m'intrigue actuellement.

En réalité, pendant un long moment, je n'y pensais plus vraiment. Parce que, lorsque j'en viens à monter mon propre comics en solitaire, il m'arrive de tomber dans un abyme assez profond, le genre d'expérience qui peut me prendre une certaine quantité de resources et d'énergie. Si je dessine pour le script de quelqu'un d'autre, je peux rester à distance, en quelque sorte. Mais lorsque je dois raconter toute une histoire en solitaire, je suis obligée de la vivre à 100%.

AK : Toujours en solitaire.

BS : Voilà, et c'est à la fois un sentiment merveilleux, l'une des meilleures choses que l'on peut ressentir, mais aussi une expérience qui peut s'avérer effrayante. Parce que beaucoup des émotions que l'on ressent fonctionnent comme un terrain inexploré. C'est aussi pour ça que je pense que ce sont mes projets les plus honnêtes. Parce que c'est dans ces moments que j'affronte certains de mes démons personnels, si vous voyez ce que je veux dire. Donc je me concentre sur d'autres projets en ce moment. Par exemple, l'adaptation d'un roman que j'aime beaucoup, de la part d'un écrivain que j'adore. Je ne peux pas encore en parler pour le moment évidemment. Mais pour l'heure, les choses ont plutôt l'air de bien se présenter sur ce front, donc je vais sans doute pouvoir adapter... le roman d'un auteur très connu. Et je suis assez enthousiaste à cette idée. L'auteur en question n'est plus des nôtres au passage, mais sa bibliographie a déjà été adaptée au cinéma par le passé. Et sur d'autres supports.

La possibilité d'avancer vers cette aventure m'enthousiasme, me motive. Et d'une manière générale, les projets qui m'intéressent le plus actuellement se situent sur le marché indépendant. Travailler avec Kelly Sue DeConnick sur Parisian White par exemple, un comics que l'on espère pouvoir monter...

$\"images/editeur/Arno/Juin$

AK : Oui, c'est vrai. L'annonce était tombée en 2022.

BS : Oui, et le fait est que nous sommes tous les deux très occupés avec nos projets individuels, donc... On s'en est reparlé il y a quelques semaines d'ailleurs, et je lui ai bien fait comprendre que j'avais très envie d'avancer là-dessus. Je lui ai dit que c'était ok pour moi si elle voulait revoir le script, mais que de mon côté, j'allais me mettre au travail sur ce qu'on s'était dit au départ. Pour que l'idée reste en vive, que ça ne devienne pas un hiatus, que le comics se fasse réellement. Donc voilà.

AK : Et reste-t-il des choses que vous n'auriez pas encore envisagées et que vous aimeriez faire ?

BS : Mh, oui, certainement. J'aurais du mal à vous citer un exemple de tête. Parce que, peu importe ce que je vais faire ensuite... en fait, le problème, c'est que je n'ai pas de liste dans le style \"hey, je n'ai pas encore dessiné tel personnage, j'aimerais bien dessiner tel personnage.\" Je sais que je n'ai jamais encore produit de western, par exemple. Et j'aimerais bien faire un western. A l'époque de Stray Toasters, je m'étais amusé à tenter plusieurs approches différentes. Et aujourd'hui, avec Parisian White, j'en viens plutôt à me demander comment l'histoire aimerait qu'on la raconte. Pour moi, c'est là que l'aspect le plus intrigant du travail commence. (ndlr : quelqu'un interrompt Bill Sienkiewicz pour récupérer des affaires sur son stand). Où en étais-je ? Je me suis perdu.

AK : Vous parliez de ce que vous n'aviez pas encore fait jusqu'ici, comme un western..

BS : Ah oui. Et donc dans l'idée d'étudier le rapport de l'histoire au style, je pensais partir sur quelque chose de plus réaliste, plus ancrée dans le réel. Mais dans le même temps, pour cette histoire, j'ai comme l'impression que le script m'orienterait plutôt vers quelque chose de plus proche d'un dessin animé. Donc finalement, ce que j'aimerais vraiment faire, c'est de ne pas me mettre en travers de la route. J'aimerais que le dessin lui-même me dise ce dont il a envie. Une façon pour moi d'être plus... \"utile\" à l'expérience graphique, en décidant de me retirer complètement, moi, Bill Sienkiewicz, l'être humain, pour que mon travail se résume simplement à cette envie de n'être que le peintre armé du pinceau. Et rien d'autre. Je veux déconnecter ma présence, mon identité personnelle, de l'approche créative. Je ne sais pas si ce que je dis est compréhensible.

AK : Vous voulez vous mettre au service de l'art.

BS : Exactement, au service de l'art. Parce que j'ai le sentiment que c'est ça, le vrai travail. De m'extraire de cette équation.

AK : Merci beaucoup Bill Sienkiewicz !

BS : Merci à vous !

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C'était déjà il y a un mois que se tenait l'édition 2025 du prestigieux Lake Como Comic Art Festival, que nous vous avions présenté avec l'interview de l'un de ses fondateurs, Arno Lapeyre. Nous avons eu la chance de nous y rendre (et un compte-rendu plus long est en préparation), et notamment de réaliser quelques courtes interviews, réalisables grâce aux conditions exceptionnelles de disponibilité des artistes - et le cadre plus détendu du festival. Exemple concret avec John Romita Jr. La venue du dessinateur en France (comme au dernier FIBD) est toujours exceptionnelle et source de multiples sollicitations, si bien que même demander une interview peut relever du parcours du combattant.

Au LCCAF, John Romita Jr. était assis à sa table dans un rare moment de disponibilité où ses fans n'étaient pas en train de se faire dédicacer quoique ce soit. C'est donc en toute simplicité que nous avons pu lui demander s'il avait un peu de temps pour répondre à quelques questions, dans un format d'interview court, mais qui n'en reste pas (à notre humble avis) inintéressant, d'autant plus que l'artiste a visiblement apprécié ce que nous avons fait du peu de temps qui nous était imparti. Nous avons donc le plaisir de vous retranscrire cette interview, que vous pouvez aussi écouter à l'audio via le podcast First Print.

Remerciements spéciaux à Arno Lapeyre et Steven Morger.

AK : C'est un plaisir de vous avoir avec nous John Romita Jr. ! Pour entamer cette conversation, j'aurais envie de vous demandez : vous dessiniez déjà dans les années quatre-vingt, vous dessinez encore dans les années deux mille vingt. Qu'est-ce qui vous motive encore, qu'est-ce qui vous permet de garder cette énergie, cette envie de poursuivre le travail dans les comics de super-héros ?

JR : C'est une question simple mais la réponse est un peu plus compliquée. J'adore ce que je fais. J'aime le fait d'être devenu dessinateur. Le personnage de Spider-Man, par exemple, m'est devenu extrêmement familier. J'ai l'impression de pouvoir contrôler ce que je fais avec lui. Mais c'est aussi un héros qui me tient à coeur... à cause de mon père. C'est un peu ça qui compte. Le personnage m'a toujours évoqué la présence de mon père. Je sais que je le connais suffisamment bien maintenant, à tel point que... ce n'est pas que c'est devenu \"facile\", mais j'ai suffisamment d'aisance avec lui pour contrôler davantage ce que je produis dessus. C'est un peu la même chose avec Daredevil. Je l'adore. D'ailleurs, je pense que je préfère dessiner Daredevil plutôt que Spider-Man. C'est ça qui me plaît. Je pense que Man Without Fear, notre comics avec Frank Miller, reste mon meilleur travail.

Ceci étant, le numéro sur lequel j'avais travaillé pour le 11 septembre [Amazing Spider-Man (1999) #36], je peux aussi dire que c'est peut-être ce dont je suis le plus fier. Compte tenu de toute la souffrance et des événements qui avaient entouré cette sortie... mais Spider-Man, c'est comme un frère pour moi. Comme un membre de ma famille. Il me fait penser à mon père, c'est pour ça qu'il est important pour moi.

AK : Est-ce que ça a été le même sentiment à chaque fois que vous avez repris le personnage ? Est-ce que c'était comme retrouver un ami à chaque fois, ou est-ce que c'était différent en fonction des scénaristes avec qui vous étiez pour chaque volume ?

JR : C'est encore une excellente question ! Les histoires, le style, c'est quelque chose qui change avec chaque nouveau scénariste. Et c'est un challenge à chaque fois, parce que tous les auteurs veulent trouver une nouvelle approche originale. C'est aussi mon cas d'ailleurs. Mais le fait d'avoir quitté Marvel et d'être revenu ensuite... moi ce que je voulais, c'était retrouver Spider-Man. Encore une fois, parce qu'on est de la même famille.

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AK : Comment pensez-vous que l'industrie a évolué depuis le début de votre carrière ? Même si vous êtes restés un dessinateur vedette de votre côté, vous avez peut-être remarqué que certaines choses ont évolué depuis votre retour ?

JR : Je pense que mon style a un peu changé, déjà. Je me suis amélioré, à force de pratique et d'entraînement. Je pense que mon dessin s'est amélioré. Et du côté de l'industrie, ce qui a changé, c'est surtout que tout est question de \"contenu\" aujourd'hui plutôt que d'imagerie ou de dessin. Je disais ça l'autre jour : tous les comics ont l'air d'avoir été pensés comme des storyboards de cinéma aujourd'hui. On a même l'impression que c'est quelque chose qui trotte dans la tête du scénariste et du dessinateur. Je pense que le lecteur a peut-être besoin de plus de \"contenu\" finalement, plutôt qu'une simple pin-up en gros sur la page. A mon sens c'est une amélioration... mais ça rend le travail plus difficile parce que c'est une approche plus complexe.

AK : Ce n'est jamais quelque chose que vous avez à l'esprit ? Une scène de film que vous voudriez reproduire ?

JR : C'est toujours présent dans mon esprit au contraire. Je pense que si j'étais beaucoup plus jeune (ou simplement : plus jeune), j'aurais envie d'essayer de réaliser un film. Parce que je pense que tous les dessinateurs sont des réalisateurs, en quelque sorte. C'est ce que l'on fait tous les jours : de l'action en image par image, comme du cinéma.

AK : J'ai aussi l'impression que vous avez conservé cette approche plus traditionnelle du découpage des cases. On ne vous voit pas souvent casser les structures classiques. Est-ce simplement parce que vous êtes encore satisfaits de cette méthode ?

JR : Encore une excellente question ! La vérité, c'est que je n'ai pas envie que la forme des cases importe pour le lecteur. Je veux surtout qu'il remarque le contenu de mes cases. C'est pour ça que je ne pense pas qu'un design \"agressif\" sur l'emplacement des cases soit réellement si important. Ce qui compte, c'est le dessin dans les cases. Mais c'est un bon point que soulevez, merci. Excellente question.

AK : C'est le boulot haha.

JR : Mais j'apprécie que vous remarquiez ce genre de choses. Parce que c'est important pour moi : la narration, je pense, c'est la part la plus importante de chaque projet.

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AK : Et vous n'êtes jamais entré en conflit avec un scénariste sur ce sujet ? Est-ce qu'on a déjà essayé de vous imposer des choses de ce point de vue, une cadence, une façon de faire qui ne vous correspondait pas ? Ou est-ce que c'est à eux de s'adapter ?

JR : Oui, c'est exact. Lorsque quelqu'un veut travailler avec moi, souvent, il va me dire : \"je sais que tu sais composer une histoire. Alors, n'hésite pas à improviser, à mettre ce que tu veux, tu n'as pas besoin de te sentir limité par le script.\" Généralement, je préfère quand on me donne le moins d'indications possible. Qu'on me laisse dessiner, composer l'histoire comme je l'entends, et qu'ensuite, le scénariste ajoute les dialogues, en accord avec les dessins. Et aussi, je suis beaucoup plus vieux que la plupart des scénaristes avec qui je travaille. Donc j'ai davantage d'expérience dans la narration. Et ils me laissent souvent cette lattitude de pouvoir rythmer les histoires de la façon qui me plaît. Du moment que je n'enlève rien dans les qualités de l'histoire... moi, j'aime bien ajouter au contraire, pour que le rythme soit plus confortable. Et je leur en parle. Comme ça, ils peuvent ajouter du dialogue au besoin. Et je n'enlève rien, jamais. Je change des choses, mais rien qui ne risquerait d'énerver un scénariste. D'un point de vue éditorial, ça reste toujours \"leur\" histoire.

AK : Vous avez beaucoup d'expérience, en effet, et pourtant, vous continuez à travailler sur des séries régulières. Or, on connaît les délais, le rythme imposé sur ce genre de formats, l'énergie que ça demande. Pourquoi avez-vous fait ce choix de poursuivre sur une cadence mensuelle après toutes ces années ?

JR : Oh. Et bien, encore une fois, j'aime être dessinateur. Et c'est un peu comme ce rapport au cinéma : j'aime l'industrie qui va avec, malgré le poids du temps. Mais je ne saurais pas quoi faire d'autre. Je ne sais pas chanter, je ne sais pas danser... mais je suis fier d'être un artiste, et j'aime toujours ce travail.

AK : Laissez moi reformuler la question : vous pourriez simplement vivre en tant qu'artiste de couverture. Marvel continuerait à vous acheter des couvertures, et vous n'auriez pas la même quantité de travail. Mais vous faites le choix de continuer à dessiner sur les intérieurs.

JR : Je ne suis plus très loin de la fin de ma carrière. Ou sous cette forme. Les dates butoir... comment ça se dit ? Les délais de publication, oui, c'est devenu difficile pour moi. Et un jour je vais arrêter, oui. Au moins de dessiner en mensuel. Mais j'aime toujours dessiner. Peut-être que je ferai des projets un peu plus rares, un peu plus spéciaux ou des couvertures... vous avez discuté avec ma femme ? C'est fou, nous parlions exactement de ça. Elle me dit \"fais des couvertures, fais des conventions.\" Mais j'aime encore l'art de la narration... Pour l'avenir, je pense aussi aux créations originales. Mais pour ce qui concerne les séries régulières... vous savez, d'ici l'année prochaine, j'aurai 70 ans. Je n'en reviens toujours pas. Ca fait cinquante ans que je suis dans cette industrie. Et peut-être qu'il est temps de tourner cette page du format mensuel et de migrer vers des projets plus occasionnels.

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AK : Et en parlant de ça, on sait que l'année 2025 sera importante de votre point de vue. Vous avez un projet avec Mark Millar (ndlr : l'entrevue a été enregistrée avant l'annonce officielle du comics Psychic Sam, actuellement en cours de financement sur la plateforme Kickstarter). Qu'est-ce que vous pouvez nous dire sur ce sujet ?

JR : Travailler avec Mark est toujours un plaisir. C'est quelqu'un de très honnête par rapport à ce qu'il propose... et quelqu'un de brillant quand il écrit. Il a de superbes idées. Et un peu comme Frank Miller (même si leurs noms de famille ne s'écrivent pas pareil), ce sont des scénaristes qui me donnent très peu d'indications, mais qui attendent beaucoup de ma part. Et c'est ça que j'adore ! Mark m'a proposé cette idée et nous l'avons développée ensemble. Designs de personnages, décors... et le truc génial avec ce nouveau projet c'est que... attendez, je ne devrais peut-être pas vous parler de ça. Disons qu'il m'a laissé une grande latitude au moment de créer le personnage principal. Et sur la narration, c'est un peu la même chose. Il m'a laissé faire ce que je voulais du point de vue du design et du rythme. En fait c'est exactment comme Frank Miller. L'idée de Mark est tellement géniale que c'est déjà comme un film. Et c'est comme ça que je l'ai traitée. J'ai terminé le premier numéro, il durera 52 pages. J'aurais pu en produire 500 tant l'expérience était agréable. Il me reste encore deux numéros, donc j'ai un peu de travail. Mais les idées de Mark sont faites pour le cinéma. Ce n'est pas un artiste, évidemment, mais il a un regard exceptionnel pour les visuels.

Frank Miller est similaire. Neil Gaiman est similaire. Lorsque l'on travaille ensemble, ils peuvent tout de suite visualiser le résultat. Et lorsqu'ils attendent quelque chose de moi, ils ne me posent aucune exigence, ils se contentent de me suggérer des idées.

AK : Et il y a aussi cet autre projet avec Curt Pires chez DSTLRY. Encore une fois, est-ce que vous pouvez nous en parler ?

JR : Je ne peux pas vraiment vous en parler malheureusement ! Et j'ai encore énormément de travail qui m'attend sur ce projet en réalité. C'est une idée géniale, une histoire sur un personnage sino-américain. Mais je dois faire très attention, il ne faut pas que j'en dise trop... l'intrigue se déroule à New York encore une fois, et c'est aussi quelque chose que j'aime beaucoup. Je connais la ville, je peux représenter les décors sur un plan très réaliste, parce que New York, ça reste chez moi. C'est là que je suis né, c'est là que j'ai grandi. Et c'est un peu le point commun de mes projets du moment : des personnages basés dans une certaine réalité, et dans lesquels on insère de petits éléments de fantastique. J'aime ça !

AK : Et en parlant de ces deux projets, est-ce que ce sont les scénaristes qui vous ont approché, ou bien avez-vous envisagé vous-même de migrer vers le marché indépendant ? Comme vous l'avez dit vous même, vous n'êtes plus très loin de la retraite. Comment est-ce que l'on choisit ces projets dans ce genre de période temporelle ?

JR : Haha. C'est surtout que la quantité de choses que je peux faire en une année est forcément limitée. Et c'est pour ça qu'il faudra bien que j'arrête Amazing Spider-Man au bout d'un moment. Probablement dans un an. Parce que j'apprécie ces projets plus originaux, et qui ont aussi une chance d'être adaptés pour le cinéma. C'est probablement la première fois que j'en parle à quelqu'un mais : le fait de voir l'un de mes projets développés pour le cinéma, c'est ça qui m'intéresse actuellement, parce que j'ai envie de faire partie de ce processus. Alors que pour Spider-Man... je pense en avoir fait suffisamment. Donc d'ici un an, un an et demi... et encore, je pourrai toujours faire un projet occasionnel par ci par là.

AK : C'était ma dernière question : en dehors de la série régulière, peut-être que vous auriez envie de faire... enfin, pas un Spider-Man en creator-owned évidemment mais...

JR : Je vois ce que vous voulez dire. Mais ça ne fonctionnerait pas malheureusement, parce que Marvel ne m'autoriserait jamais un Spider-Man en creator-owned. En revanche, peut-être qu'ils accepteraient de publier l'une de mes créations originales (en creator-owned). Ce serait sans doute difficile mais... quand je parle de projets spéciaux, je pense plutôt à de petites histoires de trois numéros. Une par an, par exemple. Ca dépend de ce qu'ils seraient prêts à accepter. Le fait est que les créations originales font partie des choses qui m'importent particulièrement en ce moment, et c'est donc vers là que j'ai envie de me diriger.

AK : Et s'ils vous laissent carte blanche ? S'ils vous laissent choisir le personnage que vous voulez, qu'ils vous laissent écrire l'histoire, sans délais particuliers, comme une sorte de dernier baroud d'honneur de la part de John Romita Jr. chez Marvel, c'est quelque chose qui vous intéresserait ?

JR (qui réfléchit) : Oui. Ca m'intéresserait. Et pour ce qui concerne le choix du personnage... ce serait un héros que j'ai déjà pratiqué ou un autre que je n'ai pas encore eu entre les mains ?

AK : Comme vous voulez.

JR : Alors j'aimerais faire une dernière histoire de Daredevil avec Frank Miller. J'aimerais vraiment. Et sinon, j'aimerais aussi travailler sur le Silver Surfer pour utiliser une idée que j'ai en tête depuis longtemps. Mais je ne sais pas avec qui je pourrais faire ça. Neil Gaiman [ndlr : on sait pas s'il est au courant...], Frank Miller ou Mark Millar. Parce que j'ai cette idée pour le Silver Surfer (et je pense que c'est l'un des meilleurs personnages de toute l'histoire des comics). Et réponse alternative : retrouver Reginald Hudlin pour du Black Panther. [ndlr : excellente idée] Parce que j'ai adoré travailler avec lui sur ce personnage, l'expérience était formidable. Donc voilà. Et ce ne serait pas forcément \"un dernier baroud d'honneur\". Mais plutôt, encore une fois, un nouveau projet spécial avec Marvel.

AK : Merci beaucoup pour vos réponses John !

JR : Excellentes questions ! Excellentes questions ! Formidable.

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Comme une forme de redite, ou d'ajustement. Il y a environ une bonne année, lorsqu'il était interrogé sur la diffusion de la prochaine série Lanterns sur HBO, James Gunn estimait qu'il faudrait s'attendre à une sortie aux alentours de celle du film Supergirl, prévu lui pour l'été 2026. Par la suite, pour le compte de Deadline, Gunn et Safran s'étaient déclarés sûr de pouvoir tabler sur une sortie \"tôt dans 2026\". Mais comme bien des choses dans le monde des adaptations de comics, il faudra a priori se montrer plus patient pour découvrir cette nouvelle itération en live action des Green Lanterns. Avec un nouvel horizon de sortie finalement plus ou moins proche de celui établi initialement.

Pour quelques mois de plus ou de moins

C'est en effet via le Hollywood Reporter que l'on apprend, via leurs propres sources, que la série Lanterns devrait désormer arriver sur HBO après la sortie de Supergirl. En tant que tel, il ne s'agit pas concrètement d'un décalage de diffusion puisqu'aucune date de sortie n'a été officiellement annoncée par quiconque chez Warner Bros. Mais les fans les plus attentifs ou impatients devront, justement, prendre leur mal en patience. Pour rappel, la série est menée par Tom King, Damon Lindelof et Chris Mundy, en mettant en scène Hal Jordan (Kyle Chandler) et John Stewart (Aaron Pierre).

Quant aux raisons d'un potentiel \"décalage\" de diffusion, tout le monde peut laisser libre cours à ses spéculations. D'aucun affirme que DC Studios préférerait profiter d'un regain d'exposition très grand public avec le cinéma et Supergirl avant d'aller chercher un public potentiellement plus restreint par la lecture (forcément moins familiale et plus adulte, avec HBO) des Green Lanterns sur le petit écran. Pour l'heure, on attendra surtout d'avoir de premières images en mouvement pour se faire une idée de l'orientation concrète du projet.

Source

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Les premiers grands chapitres de la saga DC Studios sont actuellement en train de s'écrire en temps réel. Récemment, le comédien Aaron Pierre, embauché pour le rôle de John Stewart dans la série Lanterns, avait confirmé la fin du tournage sur ce feuilleton développé par Damon Lindelof, Tom King et Chris Mundy. Quelques semaines plus tard, sur les réseaux sociaux, l'acteur principal du film Clayface, Tom Rhys Harries, suit le mouvement : celui-ci vient tout juste d'annoncer le clap de fin pour les prises de vue du long-métrage réalisé par James Watkins. En somme, DC Studios va désormais entrer dans une longue période de post-production sur l'ensemble de ses projets.

Le temps que l'argile sèche

Entamé au début du mois de septembre, le tournage de Clayface n'aura donc duré que deux mois. Une gestation plutôt naturelle pour une production de cette taille : le projet en question a été pensé comme un film d'horreur au sens strict, avec un budget relativement restreint (on parle de 40 millions de dollars, une toute petite somme en comparaison de l'enveloppe moyenne des films de super-héros, et qui reste même inférieure aux 55 millions du premier film Joker) et une logique d'assemblage relativement urgente.

Validé au début de cette année sur une proposition originale de Mike Flanagan, confié au réalisateur James Watkins en février, avec une seconde passe sur le script commandée au scénariste Hossein Amini en mai, et un casting entamé au mois de juin, Clayface a donc réussi le pari de se monter en moins d'un an. Sans compter le montage et les effets spéciaux, bien entendu.

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Ce qui veut donc dire que le premier film d'horreur de DC Studios sera parfaitement capable de tenir son horizon de sortie, prévu pour le début de l'automne prochain. Du côté de James Gunn et de Peter Safran, cette folle cadence passe pour une bonne nouvelle : les deux présidents prouvent ainsi qu'ils peuvent avancer rapidement (pour peu que le script convienne) et tenir un horizon de production extrêmement serré, avec suffisamment d'avance pour attaquer sereinement la campagne de promo' prévue pour l'an prochain. En cas de succès, Clayface pourrait donc devenir un premier exemple de cette nouvelle méthode de travail, avec d'autres films d'horreur (ou d'autres productions petit budget en général) d'ici les prochaines années.

Pour l'heure, le film de James Watkins est attendu pour le 11 septembre 2026.

Source

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Lancée à l'été dernier avec un numéro #0, la publication française du titre Sinstress d'Homero Rios et Alex Lowens se poursuit chez Swiney & Terris, le studio dirigé par Thomas Rivière à qui l'on doit également la création Le Panthéon. Un titre de fantastique urbain dans la lignée d'un The Darkness et Witchblade, qui ne dénote pas des affinités de l'éditeur - qui avait ramené en France Lady Mechanika. Alors que le numéro #0 était, comme son numéro l'indique, très indtroductif, la suite est à commander via Ulule, pendant encore quelques heures au moment où cet article est publié.

Ce qui se cache derrière le mur

La série en VF est issue d'un partenariat entre Swiney & Terris et la structure britannique Impressia Comics, dont Sinstress ne devrait être que la première proposition parmi d'autres à venir dans le futur. Pour l'heure, on reste concentrés sur le devenir de la journaliste Skye Earle, dans un monde où une météorite s'étant écrasée sur Terre a poussé l'humanité se réfugier derrière les murs d'une vaste cité, à l'extérieur de laquelle vivent désormais des créatures cauchemardesques appelées Parias. Recherchée pour avoir récemment mis à mal l'ordre établi, Skye est jetée à l'extérieur de la ville, et découvrir qui sont réellement les Parias et ce qu'ils veulent.

Comme pour le précédent numéro, deux versions seront proposées, avec une couverture d'Alex Owens et une variante de Kevin Tolibao. Le prix d'entrée se veut accessible (6€), ce qui ne sera pas de trop avec des frais de port du même accabit - ce qui poussera plutôt à prendre les deux versions pour avoir le sentiment de s'y retrouver. Le numéro #0 est également disponible en contrepartie pour les personnes souhaitant rattraper leur retard.

- Pour soutenir Sinstress #1 et découvrir la série, ça se passe par là !

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La suite directe de Peacemaker se dessine déjà dans l'horizon des productions DC Studios. Ou une piste de réflexion, tout du moins. Récemment, James Gunn, le grand patron de l'enseigne, avait effectivement expliqué que les personnages de la série n'allaient pas revenir réapparaître par la voie traditionnelle - dans le sens où la série ne sera pas renouvellée pour une troisième saison. En revanche, les prochaines aventures de ce petit groupe de gueules cassées trotine déjà dans l'esprit malade du réalisateur. Et peut-être plus tôt que prévu, peut-être sous un autre titre, et pour introduire toute une variété de nouveaux visages par la même occasion.

Salvation Run : film, série, animation ?

Pour celles et ceux qui n'auraient pas eu le temps de terminer la série, filez vite combler ce retard avant de poursuivre la lecture de cet article. Pour les autres, la suite n'est pas forcément étonnante. Voire même, si vous êtes lecteurs de comics (et en particulier des productions antérieures aux New 52), celle-ci pourra même vous sembler évidente. Puisque, dans la dernier épisode de la série Peacemaker, le personnage de Rick Flag prenait la décision inattendue de balancer Christopher Smith sur une planète lointaine, hostile, dans une dimension parallèle baptisée \"Salvation\". Le choix de ce nom étant évidemment délibéré, en référence aux événements décrits dans le comics Salvation Run de Bill Willingham et Lilah Sturges (2007).

En l'occurrence, DC Studios aurait manifesté déposé la marque \"Salvation Run\" pour le cinéma et les produits dérivés tout récemment. On attendra tout de même une confirmation (ou une infirmation) de James Gunn sur le sujet, dans la mesure où ce genre d'opérations, qui rentrent dans le domaine de la formalité administrative, ne se conjugue pas forcément avec une validation de production officielle. Peut-être que plusieurs pistes sont actuellement considérées en interne. Néanmoins, tout se recoupe, si l'on regarde les éléments venus du comics et certaines des déclarations du cinéaste sur les réseaux sociaux.

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A savoir ? C'est tout simple : en BD, la série Salvation Run, née d'une proposition originale de l'auteur George R. R. Martin (\"celui des dragons ?\" celui-là même, vous pouvez même retrouver une note de blog de sa part sur le sujet en scrutant les internets, ça vous fera toujours une lecture originale de sa part en attendant la non-sortie de son prochain bouquin), sert d'inspiration directe aux événements présentés dans le dernier épisode de Peacemaker. L'intrigue nous expliquait alors qu'Amanda Waller et Rick Flag (\"Jr.\") s'étaient mis en tête de déporter les métahumains de la Terre vers une nouvelle planète, pour se débarrasser d'eux.

Fatigués de devoir cohabiter avec les surhommes, cet échantillon sécuritariste de l'espèce humaine avait pour projet de déplacer le problème. Et en l'occurrence, l'idée allait même un peu plus loin, puisque le scénario ne partait pas forcément d'une logique carcérale : Waller et Flag choisissaient volontairement un monde viable, pour permettre aux super-puissants de bâtir leur propre société, loin de la Terre, dans le cadre d'une série qui prenait donc pour point de départ une étude sociale des comportements individuels au sein de ce nouvel environnement vierge. Une sorte de Lost, en quelque sorte... voire de Problemos, dans la mesure où les personnages concernés (Lex Luthor et le Joker, en l'occurrence) étaient profondément incompatibles avec le principe d'une nouvelle société harmonieuse.

Au passage, dans le comics, la \"Salvation\" en question était plus un monde extraterrestre qu'une vraie dimension parallèle (avec des Para-Démons d'Apokolips comme faune locale). On se doute bien que James Gunn n'a pas prévu d'adapter au sens strict les éléments de la BD, et que la planète-prison lui permettra surtout de filmer des gros monstres et des dinosaures, mais l'idée tient debout. Avec un film, ou avec une série consacrée, le réalisateur aurait l'opportunité de placer tout un tas de nouveaux personnages (des super-héros ou des super-vilains raflés par Flag et les forces d'A.R.G.U.S.) autour de Peacemaker dans une production du genre \"survie en milieu hostile\". Les exemples ne manquent pas, au cinéma comme en télévision, pour cette catégorie d'histoires. Bref, avant de spéculer, il faudra surtout s'entendre sur la forme, la faisabilité, et l'agenda de production éventuel.

Pour l'heure, on peut aussi parier sur une réédition éventuelle de Salvation Run (l'intrigue étant perméable telle quelle, sans nécessité de contextualiser les événements de l'univers DC de cette époque) chez Urban Comics d'ici les prochaines années ?

Source

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Après Wonder Woman, Captain Marvel, et le récent film Birds of Prey, mais aussi avec la venue proche de Black Widow, Wonder Woman 1984 et un casting très diversifié pour The Eternals, les super-héroïnes se font de plus en plus présentes sur grand écran. Une jolie mise en avant qui soulève quantité de discussions et débats dans les sphères pop-culturelles, avec notamment les messages féministes que peuvent porter avec eux ces films, et la façon dont les personnages féminins y sont traités.

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Ces questions, nous avions déjà pu les aborder au cours des podcasts enregistrés pour les films nommés, mais il faut aussi savoir se remettre en question, et se demander si deux mecs (ou plus) sont forcément les personnes les mieux placées pour parler de féminisme ou du traitement des héroïnes sur grand écran, voire de l'importance que peuvent avoir certains films au delà de toute considération artistique ou marketing.

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Et puisque nous trouvons également que dans le milieu comics, il n'est pas toujours facile d'avoir des voix féminines à ce sujet, est venue l'idée de vous proposer un podcast composées uniquement d'intervenantes, afin d'avoir une discussion et des points de vues différents, et aborder des sujets sous un autre angle. Océane (du podcast Lemon Adaptation Club) nous a fait l'honneur d'animer cette émission, en compagnie de Phobos (des podcasts Outrider et Actioner) et Maud (qui joue le rôle de la spectatrice "non experte), pour une discussion qui, on l'espère, saura vous intéresser et éclairer avec un autre regard ces sujets d'actualité.

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Comme toujours, les retours seront les bienvenus, tant sur le sujet que sur l'émission, avec l'espace commentaire fait spécialement pour cela. Une fois encore également, les partages sur les réseaux sociaux, les commentaires et bonne notes sur nos plateformes d'hébergement sont autant d'outils (gratuits) pour soutenir nos émissions, celle-ci en particulier. Merci d'avance, et bonne écoute à vous !

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Au cours du weekend passé se tenait le DC Fandome, premier évènement intégralement en ligne et 100% consacré aux univers de DC, avec un angle définitivement axé sur les adaptations filmiques et les jeux vidéo. Quelques comics s'y cachaient malgré tout.

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Dans une année de disette importante en ce qui concerne les conventions, le programme se montrait particulièrement alléchant avec quelques oeuvres très attendues - et il fallait donc en faire un bilan en podcast histoire de débriefer tout ce qu'on nous a présentés. C'est donc chose faite !

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Comme toujours, les commentaires et retours seront les bienvenus, et on vous demandera comme toujours de partager nos émissions si notre travail vous plaît et vous importe. Bonne écoute !

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A l'occasion de la récente édition de Comic Con Paris, les équipes d'organisation ramenaient avec elles l'illustre Roy Thomas, scénariste vétéran de l'industrie, ancien éditeur en chef de Marvel, créateur de Conan en comics, et ainsi de suite.

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Il était donc impossible pour nous de passer à côté de Roy Thomas, histoire d'avoir un regard actuel sur les comics de son point de vue, de parler d'engagement dans les histoires et de l'évolution du paysage à l'heure des nombreuses adaptations Marvel sur tous les écrans. Une petite entrevue que nous sommes ravis de vous présenter, et qu'on vous invite à partager sans modération !

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Paradoxalement, au cinéma, les bonnes histoires peuvent naître sur la base des films ratés autant que des films réussis. Et c'est vrai : séries B aux profils chaotiques, montées dans un bordel constant, sur des budgets parfois grotesques, en devant composer avec l'ego des uns et des autres... certains se passionnent pour l'excavation de ces plantades (parfois charmantes) du cinéma des blockbusters en mousse molle.

Or, quel meilleur exemple que La Ligue des Gentlemen Extraordinaires pour cette catégorie précise ? Un produit plutôt intéressant, composé sur la base du chef d'oeuvre d'Alan Moore et Kevin O'Neil, que l'on peut finalement comprendre comme le chaînon manquant d'une certaine période, pour les productions tombées entre la fin des années quatre-vingt et le milieu des années deux mille. Quelque part entre Wild Wild West et Pirates des Caraïbes, en somme. Pour les détails, la vidéaste Meeea est repassée sur cette impressionnante source d'anecdotes curieuses.

Jamais Plus Jamais

Réalisé par Stephen Norrington, déjà responsable du premier film Blade pour le cinéma, l'adaptation de la Ligue des Gentlemen Extraordinaires représente un cas particulier dans la liste des films basés sur le travail d'Alan Moore. Dans le sens où, si tous les autres auront tenté d'emmagasiner un peu du génie sarcastique et métatextuel de l'auteur britannique... de son côté, Norrington et sa bande ont préféré prendre le produit au premier degré. Or, adapter la Ligue au premier degré, c'est un peu l'équivalent de produire les Avengers de la période victorienne. Sur le papier, pourquoi pas, mais on risque forcément de louper une ou deux nuances de lecture au passage.

Meeea recompose avec adresse, humour, et une impressionnante dose de recherches (mais aussi de mise en perspectives : en retraçant bien toute l'histoire éditoriale du film, on comprend globalement que celui-ci marche comme le troisième volet d'une tétralogie entamée avec Wild Wild West, pousuivie avec From Hell et terminée avec Van Hellsing) le parcours de ce produit finalement assez intelligible, si l'on veut bien le prendre sous le bon angle.

Entre certains ajouts que Moore n'aurait sans doute pas désavoué (un Dorian Gray du plus bel effet, notamment), un profond respect sur d'autres points précis (le fait d'avoir voulu conserver un Capitaine Némo indien, donnée qui aura posé problème sur certaines autres adaptations du chef d'oeuvre de Verne) et une bonne dose de blockbuster débile (Shane West, ma poule, on t'oubliera jamais), La Ligue des Gentlemen Extraordinaires passe plutôt pour son propre objet, déconnecté des idées fondamentales du comics, et comme le dernier baroud d'honneur d'un Sean Connery en pleine exploration méta' de son passé de super-espion. Bref, si vous voulez vous documenter, on n'a pas vu plus complet sur ce film pour le moment :

Et au passage, Meeea évoque toute une variété d'autres produits amusants sur sa chaîne (surtout si vous détestez Indiana Jones 4 sans avoir jamais su dire pourquoi), on vous recommande donc son travail en général, dans la foulée de cette première vidéo. Si Hollywood a toujours envie de produire une nouvelle adaptation de la Ligue, au passage... boah. Non ? Hein ? Allez. C'est non.

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Dans la foulée de Torso, les équipes de la collection Contrebande (Delcourt) ont prévu de poursuivre le travail engagé sur les premiers comics de Brian Michael Bendis. Cette fois, avec une réédition de Jinx prévue pour l'an prochain. L'annonce tombe presque comme un genre d'anniversaire (exclusif au marché français, étonnamment) dans la mesure où cet album avait déjà été publié une première fois vingt ans plus tôt (en 2006). Ce qui avait aussi été le cas aux Etats-Unis, d'ailleurs : l'album de Delcourt devrait théoriquement reprendre la composition de la réimpression publiée chez Dark Horse (2022) pour les vingt-cinq ans de Jinx en version originale (1997). En somme, Contrebande suit le mouvement, avec le décalage inhérent à l'édition de titres venus d'outre-Atlantique.

Jinx, Goldfish et Columbia

D'abord publiée chez Caliber Comics, la série Jinx s'inscrit dans le premier grand chapitre de la carrière du grand Brian Michael Bendis, lorsque celui-ci n'était encore qu'un jeune scénariste, obsessionnel du polar soucieux de faire ses preuves. Mais aussi, un dessinateur de plein exercice. Comme dans le cas de Torso et de Goldfish (ou \"A.KA. Goldfish\"), le bonhomme assure en effet les deux positions essentielles, en se chargerant de l'écriture et des planches, dans un style en noir et blanc truffé d'idées de découpage et de larges nappes noires pour accompagner cette atmosphère de roman policier. Au passage, techniquement, Jinx fonctionne comme une préquelle au roman graphique Goldfish (et on doit probablement attendre une réédition de cette troisième pierre angulaire chez Delcourt dans la foulée des deux premiers) dont elle introduit le personnage principal.

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Du reste, contrairement aux événements décrits dans Torso, l'intrigue se présente cette fois comme une pure fiction, avec l'association de trois personnages lancés sur la piste d'un magot prometteur. Les légendaires dialogues de Bendis sont déjà au rendez-vous dans cette première version de l'écriture du bonhomme, et par bien des aspects, on reconnaît aussi des éléments de son Daredevil ou de sa Jessica Jones dans les interstices.

\"Jinx est chasseur de primes. Et elle trimballe la poisse jusque dans son nom. Goldfish et Columbia sont deux escrocs à la petite semaine. Tous trois se lancent dans une chasse au trésor qui leur permettra de s'extirper de leurs vies de zonards. C'est du moins ce qu'ils croient encore, alors qu'ils s'enfoncent dans les bas-fonds de Cleveland. Mais ce qu'ils vont trouver à l'arrivée risque de ne pas ressembler à une nouvelle vie. Loin de là.\"

La réédition a été annoncée pour le 19 février 2026 (en reprenant le design de couvertures en noir, blanc et rouge de Torso, déjà utilisée chez Dark Horse aux Etats-Unis) au prix de 29 euros 95. Si vous voulez découvrir les origines du géant... c'est par ici que ça se passe.

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Parmi les autres nouveautés à venir en début d'année 2026 chez Delcourt dans la collection Contrebande dédiée aux comics, l'arrivée de Minor Arcana n'est une surprise pour quiconque suit régulièrement les articles de ce site. Pour cause, c'est dès ce début d'année que le directeur de collection Thierry Mornet avait fait savoir que Minor Arcana, nouvelle série indépendante de Jeff Lemire, arriverait au sein de son catalogue. Cependant, une piqûre de rappel ne fait jamais de mal. Et surtout, on connait désormais précisément la date d'arrivée du premier tome de Minor Arcana en librairie.

Arcanes mineures ou majeures ?

Alors qu'il continue d'écrire en nombre importants des comics en compagnie d'autres artistes, Minor Arcana a marqué cette année le retour de Jeff Lemire sur une série régulière pensée \"longue durée\" sur laquelle l'auteur assure presque seul la charge du dessin en plus de celle du scénario. Dans les faits, l'intention initiale était d'avoir un titre 100% Lemire, puis la réalité de la charge de travail s'est heurtée aux délais de planning, et l'on a commencé à retrouver la dessinatrice italienne Letizia Cadonici sur la série à partir du 7e numéro. Ces changements ne seront pour le moment pas visible avec le premier tome à venir chez Delcourt, qui comprend un premier arc de cinq numéros sur lequel Lemire assure toute la partie artistique.

Une histoire à l'ambiance mêlant le maussade et - curieusement - le feel good en suivant Theresa, jeune femme quelque peu misanthtrope, forcée de retourner dans sa ville natale à l'appel de sa maman. Cette ancienne liseuse de cartes de tarot est, selon sa propre fille, une escroc qui a exploité la crédulité des habitants de la ville pour en faire son commerce. Mais quand Theresa se rend compte que la magie existe bel et bien, et qu'elle est capable de l'utiliser pour venir en aide à ses concitoyens, c'est un tout nouvel univers qui s'ouvre à elle. Une aventure ésotérique qui va l'aider à se réconcilier avec sa famille, avec elle-même, mais aussi à découvrir quelques secrets jusqu'alors bien gardés.

Bien des thématiques de Jeff Lemire se retrouvent dans ce récit, et les fans du trait du dessinateur seront certainement ravis de le retrouver chez Delcourt, après ses derniers passages sur des récits plus courts chez Futuropolis, alors qu'on peut aussi continuer de le suivre sur des titres super-héroïques via Urban Comics. Minor Arcana Tome 1 est attendu pour le 29 janvier 2026 - 17,50€ pour un album de 144 pages - et la couverture (provisoire) est à retrouver ci-dessous, avec quelques planches intérieures lettrées en français.

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C'était un moment attendu en cette fin d'année : au mois de novembre, l'Association des Critiques et Journalistes de Bande Dessinée (ACBD) se réunit pour désigner un ensemble de quinze albums figurant parmi, selon ses critères, parmi les meilleures bandes dessinée publiées, méritant de remporter un Grand Prix de la Critique. Si l'on peut déplorer que les sélections laissent généralement de côté la jeunesse et le manga, il se trouve que des comics parviennent à s'y frayer un chemin. C'est le cas pour cette édition 2025 du Grand Prix, avec deux bandes dessinées anglophones qui figurent dans la première sélection. Oh, et évidemment, il y a aussi le nouvel album de Mathieu Bablet au Label 619.

Qui donc arrivera en finale ?

Après une année 2024 marquée sous le signe de l'introspection et de la dépression avec Au-Dedans et It's Lonely..., 2025 se montre plus aventureuse avec les deux propositions de BD anglophone au sein des 15 albums nommés dans la première phase du Grand Prix de la Critique de l'ACBD. On y retrouve en effet le Drome de Jesse Lonergan, fabuleuse mise en abîme du travail de la création d'une bande dessinée par le prisme d'une grande fresque mythologique, au cours de laquelle chacune des trois-cent-et-quelques pages sont une leçon de découpage et de dessin ; mais aussi le tout aussi bon, dans un autre registre, Les Carnets de Stamford Hawksmoor, préquelle par Bryan Talbot de sa série Grandville, déjà largement remarquée par sa qualité. Mais \"Les Carnets\" brillent encore plus par l'approche artistique de son auteur, et sa volonté de mettre en couleurs ses illustrations à l'aquarelle, dans des tons sépias, plutôt que sa mise en couleur numérique. Nous avions d'ailleurs discuté avec Bryan Talbot il n'y a pas si longtemps à propos de cet album.

Et même s'il ne s'agit pas de comics, nous avons l'habitude de couvrir dans nos colonnes l'actualité du Label 619, et nous ne sommes pas surpris de voir que le nouvel album de Mathieu Bablet, Silent Jenny, figure également dans cette première sélection, aux côtés d'autres récits dont on ne peut vous parler mais qui méritent tout autant votre attention - tels que Sangliers de Lisa Blumen, Sage de Quentin Zuttion ou Sibylline de Sixtine Dano. La liste complète est à retrouver ci-dessous, sachant que les cinq finalistes seront dévoilés le 22 novembre prochain par l'ACBD.

Ballades, de Camille Potte (Atrabile)

Les Carnets de Stamford Hawksmoor, de Bryan Talbot (Delirium)

Ces lignes qui tracent mon corps, de Mansoureh Kamari (Casterman)

Drome, de Jessie Lonergan (404 Editions)

Krimi, d’Alex W. Inker et Thibault Vermot (Sarbacane)

Une obsession, de Nine Antico (Dargaud)

Rébétissa, de David Prudhomme (Futuropolis)

Rouge Signal, de Laurie Agusti (2042 Edition)

Sage, de Quentin Zuttion (le Lombard)

Sangliers, de Lisa Blumen (L’employé.e du Moi)

Les Sentiers d’Anahuac, de Romain Bertrand et Jean Dytar (Delcourt)

Sibylline, chroniques d’une escort girl, de Sixtine Dano (Glénat)

Silent Jenny, de Mathieu Bablet (Rue de Sèvres)

Soli Deo Gloria, de Jean-Christophe Deveney et Edouard Cour (Dupuis)

La Terre verte, d’Alain Ayroles, Hervé Tanquerelle et Isabelle Merlet (Delcourt)

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Les éditions Vestron poursuivent (tranquillement) le travail sur l'édition française des comics Archie Horror. Et en théorie, l'enseigne a plutôt eu le nez creux, dans la mesure où le projet qui tient lieu de point d'origine aux BDs publiées chez Archie Comics pour exploiter ce filon de l'épouvante, Afterlife with Archie, a été annoncé récemment pour une adaptation prévue sur la plateforme Disney+. Ceci étant, Vestron ne peut pas publier cette histoire précise. Une autre enseigne s'en est déjà chargée, et trop récemment pour permettre un passage de flambeau dans l'immédiat. Alors, que reste-t-il ? Tout le reste, ou presque, soit beaucoup de one-shots.

Démons et Merveilles

Sorti d'Afterlife with Archie, Chilling Adventures of Sabrina, Vamprionica et Jughead the Hunger, les éditions Archie Comics ont effectivement produit une longue série de numéros spéciaux dans différents registres de l'horreur en comics. A chaque fois, la mécanique est sensiblement identique : une histoire, dans un format court de 48 pages, avec les personnages classiques de la petite communauté fictive de Riverdale installés dans un sous-genre précis. Qu'il s'agisse de démons, de vampires, d'assassins... l'offre a le mérite de brasser large. Vestron Comics avait déjà attaqué la publication de deux de ces numéros sous la forme d'albums rigides (en 29 par 19 centimètres) en juin dernier. Et deux autres sont actuellement en chemin.

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D'abord, avec l'album Baby-Sitters en Sueur. A priori, il s'agirait du numéro Chilling Adventures Presents : Betty the Final Girl, de Micol Ostow, Laura Braga, Casey Gilly, Carola Borelli, Sam Maggs et Natalie Nardozza. Un album collaboratif, donc, avec plusieurs histoires courtes sur le motif de la garde d'enfant.

\"Ce soir, c'est Baby-sitting ! La jeune Betty Cooper doit garder le neveu de son amie Veronica Lodge dans un luxueux chalet au sommet des montagnes. Mais au cours de la soirée, l'esprit de Betty s'emballe et elle n'arrive pas à distinguer la réalité de la fiction lorsqu'elle réalise soudain qu'elle n'est peut-être pas toute seule avec l'enfant... Pendant ce temps, à Riverdale, Jinx, une autre adolescente, doit garder deux garnements qu'elle occupe en leur racontant des histoires... peut-être pas totalement adaptées à leur âge ! Vous pensez encore à Betty, Veronica, Archie et Jughead comme à des ados sages de BD rétro perdus dans leurs triangles amoureux ? Oubliez tout ça !\"

Et dans la foulée, l'enseigne compte également publier un comics Madame Satan d'Eliot Rahal et Julius Ohta, titre qui reprend l'un des personnages de Chilling Adventures of Sabrina, pour une aventure en solitaire.

\"Après avoir éliminé son époux, Lucifer, Madame Satan règne sur les cercles infernaux... mais cherche à s'en évader pour prendre sa revanche sur son ancienne vie de mortelle en revenant parmi les vivants. Seulement, en Enfer, rien ne se fait sans sacrifices... et sa traversée du Styx sera l'occasion de faire des rencontres dérangeantes : les âmes damnées d'ados morts à Riverdale ! Les ténèbres habitent cette BD à l'image de son héroïne : sombre et élégante. Ici, chaque histoire a un prix. Et le vôtre sera de tourner les pages. Un album qui devrait plaire aux fans de Beetlejuice pour son humour noir, ses morts bavards et son goût du macabre coloré.\"

Les deux albums ont été annoncés pour le 28 novembre 2025 au prix de 13 euros 95 dans les deux cas. Le grand format BD permet de faire vivre ces numéros dans un écrin qui leur permet aussi de sortir du rayon comics, et ce n'est pas plus mal.

Source

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Lazarus est un futur chef-d’œuvre. Dernière production de Greg Rucka (Punsher, Queen And\r\nCountry), qui retrouve pour l’occasion son compère de Gotham Central, Michael Lark\r\n(Winter Soldier, Daredevil), cette série est publiée chez Image, qui vient encore de réussir un coup de maître. Et elle est\r\nbrillante. Je l’avais déjà dit ? Je vais le répéter encore et encore d’ici\r\nla fin de cette review.

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$\"Lazarus$

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All right, what\r\nhappened next ?

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Lazarus s’ouvre sur la mort de l’héroïne, Forever Carlyle (qui s’inscrit dans la tradition\r\n« Ruckaesque » des personnages à nom bizarres, succédant à Dexedrine Parios de Stumptown). Trois balles tirées par des\r\nvoleurs et un catalogue détaillé de blessures (un autre « truc »\r\nd’écriture que l’auteur semble apprécier, voir son Wolverine) dont on ne se relève pas.

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Sauf que Forever s’en relève\r\njustement. En seulement quelques minutes. Parce qu’elle est un Lazarus. Le Lazarus, c’est le membre\r\nd’une famille choisi pour recevoir toute une série de modification génétiques\r\net technologique qui en font un combattant d’élite, et surtout le protecteur de\r\ncette famille. Son bouclier et son épée.

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Trois cadavres plus tard, on\r\ncommence à découvrir le monde dans lequel vit Forever. Un monde de\r\nscience-fiction, mais pas le genre avec des vaisseaux spatiaux et des aliens.\r\nPlutôt de le SF d’anticipation. Dans ce futur indéterminé, l’écart entre les\r\nriches et les pauvres s’est encore accru, et c’est une société quasi-féodale\r\nqui s’est mise en place, où dominium\r\net imperium sont plus que jamais\r\nconfondus.

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Le pouvoir appartient\r\nlittéralement à ceux qui possèdent les richesses matérielles, et surtout les\r\nmatières premières, les graines. Les états sont des coquilles vides. Les Familles comme les Carlyles dirigent le\r\nmonde. Les Serfs les servent. Les\r\n« Waste » sont les parias,\r\net meurent de faim dans l’indifférence des puissants.

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$\"Lazarus$

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Fine, James… I feel\r\nfine…

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Le coup du monde au bord du\r\nchaos, avec des riches toujours plus riches dirigeant tout depuis leur tour\r\nd’ivoire, et des pauvres opprimés, mis plus bas que terre, on l’a déjà vu\r\n(notamment dans Blackacre, aussi\r\nchez Image). Mais ici Greg Rucka est\r\nnéanmoins arrivé à attiser ma curiosité.

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Si le pitch est en effet\r\nrelativement classique, le traitement est d’une efficacité imparable. C’est\r\nsubtil, intelligent, à la fois lié à l’actualité (politique, économique…) mais\r\nsans devenir du préchi-précha bas de gamme ou de l’analyse pseudo\r\nrévolutionnaire pour débile léger. C’est un monde imaginaire avec des échos\r\ndérangeant de la réalité.

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Le travail remarquable de Michael Lark, qui use de son style\r\nsobre et élégant afin de créer une véritable identité visuelle pour ce\r\nmonde. Et comme toujours son story-telling est absolument impeccable.\r\nIl n’est sûrement pas l’artiste le plus flashy\r\ndu monde, mais qu’est-ce qu’il est bon !

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Mais le meilleur dans cette\r\nsérie, ce qui la fait à mes yeux basculer dans le cercle très restreint des\r\nvrais chef-d’œuvres, et peut-être un jour des classiques, c’est bien sûr son\r\nhéroïne. Forever est une « Rucka woman ». Un personnage fort,\r\nà la psychologie complexe. On découvre ainsi ses doutes et fragilités dès ce\r\npremier numéro, son déchirement entre sa loyauté envers sa Famille, et\r\nl’immoralité actes qu’elle doit commettre.

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Là encore, le dilemme n’est pas\r\ninédit, ni nouveau, mais il est mis en scène avec toute la finesse et la\r\njustesse auxquelles Greg Rucka nous a habitué. Chaque mot est savamment pesé,\r\nchaque émotion mise en lumière. Et la toile de manipulations et de mensonges\r\nautour de l’héroïne devrait garantir leur lot de rebondissements.

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J’attendais beaucoup de Lazarus, simplement à cause de ses auteurs.\r\nC’est d’ordinaire la manière la plus sûre pour moi d’être déçu. Mais pas ici.\r\nEn écrivant cette review, je réalise que je crois au final encore plus aux\r\npromesses de cette série qu’au contenu réel de ce premier numéro (tout de même\r\nexcellent hein !). C’est le potentiel dévoilé par ces 22 pages, et la\r\ncertitude aussi irrationnelle qu’inébranlable qu’il sera exploité qui me\r\nrendent si béat. La dernière fois que j’ai ressenti ça c’était en lisant Punisher\r\n#1. Je n’avais pas été déçu non plus...

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