Cet article a été proposé et rédigé par un lecteur, Fabien, qui offre un parallèle pertinent entre Daredevil: End of Days de Brian M. Bendis et David Mack et Watchmen d'Alan Moore.
Watchmen, page 3, le Comédien chute impuissant vers le sol.
Daredevil: End of days,
page 3, même pose, même chute, une icône se précipite vers un
destin brutal.
Deux
époques, 1986 et 2012, une même situation économique, une crise
qui précipite la chute de l'Amérique. Dans les deux cas, un homme
seul cherche à comprendre le pourquoi de cette situation. Comme pour
mieux marquer la filiation avec cette époque les deux scénaristes
que sont Brian Michael Bendis et David Mack ont été chercher deux
artistes stars des années 80, Klaus Janson, encreur historique de Daredevil, et Bill Sienkiewicz qui livrent ici quelques cases
fulgurantes. Ce n'est pas un hasard si Before Watchmen a fait surface
il y a peu longtemps. La crise est là et les super héros vont mal.
Watchmen
marque pour beaucoup l'avènement des comics postmodernes. Un concept
creux qui ne veut dire qu'une seule chose, que l'époque dorée est
révolue, la fin de l'innocence pour les héros.
Comme Brian Michael Bendis et David Mack le font dire à Ben Urich dans ses
premières paroles "Print media died five years ago" (la presse papier est morte il y a 5 ans). C'est
en effet un chant du cygne du comics imprimé que nous livrent les
deux auteurs. Ils savent que la chute a commencé depuis bien
longtemps. Ils se font d'ailleurs ironiquement représenter en
couverture du numéro trois, en train de contempler mi étonnés, mi
impuissants la mort de leurs créations. Dans les deux cas les
journalistes représentent paradoxalement une menace, qu'ils accusent
le Dr Manhattan ou harcèlent Matt Murdock dont l'identité secrète
a été révélée. Jamais une série n'aura eu des couvertures aussi
pessimistes, toutes représentant la mort ou le suicide de ses héros.Alex Maleev, l'un des grands partenaires de Brian Bendis nous offre là un
travail superbe tout en retenue. Les variant covers de David Mack,
véritables œuvres d'art ne déméritent pas.
Cette série revisite aussi le Daredevil de Frank Miller, le même bar crasseux dans le numéro six. Turk qui a ironiquement réussi là où les héros se sont abîmés. Les mêmes façades lépreuses d'immeuble et une fascination pour les héros qui traversent les vitres, qui passent de l'autre côté du miroir.
En temps de crise, certains se réfugient dans leur tour d'ivoire tels Typhoid Mary ou Ozymandias, tandis que la société enferme ses éléments les plus dangereux comme Rorschach ou le Punisher. La figure du hibou qui traverse les deux œuvres renforce l'hommage. Les super héros sont devenus de purs objets de consommation, à l'image des action figure d'Ozymandias ou de la superbe double page qui ouvre le numéro deux de Daredevil: End of days où les super héros servent de support à des assurances ou des hôtels miteux. La face noire des super héroïnes comme substitut d'objet sexuel est présente dans les deux oeuvres, que ce soit avec l'agression de Silk Spectre dans Watchmen, celle de la pseudo Elektra dans le numéro quatre de Daredevil: End of days ou la Black Widow attachée de la couverture du numéro six.
Certains pousseront des cris d'orfraie à l'idée de comparer une quelconque œuvre au Watchmen d'Alan Moore. Mais Brian Bendis nous livre ici une copie impeccable, une tragédie en huit actes sur la chute de l'Amérique et de ses héros, retirés en Soccer mom de banlieue ou patrons d'ateliers de confection de seconde zone, après avoir connu la gloire et les projecteurs
Ce Daredevil: End of days se présente à la fois comme la fin des héros et des vilains, la fin des comics comme le faisait Watchmen en son temps.
L'Amérique va mal, et c'est Brian Michael Bendis qui nous raconte sa chute. Jetez vous sur Daredevil: End of days tant que les comics existent.