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The Wanderer's Treasures #34, Hawaiian Dick : Byrd Of Paradise

The Wanderer's Treasures #34, Hawaiian Dick : Byrd Of Paradise

chronique

Bienvenue dans la nouvelle édition de The Wanderer’s Treasures. Au programme cette semaine des excuses pour le retard (le départ pour la Comic Con et une rage de dents ont eu raison de moi la semaine dernière), du polar noir en couleur, Hawaï, un zeste de magie et même des cocktails. Tout ça dans Hawaiian Dick : Byrd Of Paradise par B. Clay Moore et Steven Griffin, une mini publiée par Image en 2002.

On dit souvent qu’il ne faut pas juger un livre à sa couverture. Pour Hawaiian Dick, c’est au titre que cet axiome s’applique. En effet B. Clay Moore succombe à la facilité avec un jeu de mot graveleux (« dick » c’est un mot d’argot pour désigner à la fois un détective privé et une partie de l’anatomie exclusivement masculine). Facilité gratuite car le héros, s’il est bien détective, ne s’appelle pas Richard (dont Dick est le diminutif) et ne mérite pas d’être qualifié de « dick » (c’est aussi une insulte, quel mot polyvalent…). Heureusement c’est la seule fausse note dans cette remarquable mini.

Hawaiian Dick Comicsblog critiqueByrd, notre héros, est donc un détective privé. Ancien flic venu du continent américain, il a débarqué à Hawaï avec un lourd passé dans ses bagages. Il aime le jazz et il aurait bien besoin d’argent. Bref l’archétype du héros de polar noir. Alors quand son ami policier Mo Kalama lui fait part de l’existence d’une prime de 5000$ pour qui retrouvera une voiture volée, il saute sur l’occasion.

Enfin, en se méfiant un peu quand même, car il se demande pourquoi payer une telle somme pour une voiture qui vaut beaucoup moins. La réponse est simple : elle appartient à Bishop Mazaki, le parrain local de la drogue. Et ce qui compte ce n’est pas la voiture mais ce qu’il y a dans son coffre, que Graves et Grimes, deux gangsters à la petite semaine, ont dérobé à Mazaki avec l’aide d’un mystérieux allié.

Hawaiian Dick aurait donc pu être une classique enquête policière, sur fond de rivalités entre gangsters. Mais là où ça devient brillant c’est que dès la fin du premier numéro Byrd et Mo retrouvent la voiture et découvrent le cadavre de Leila Rose, l’amante de Boss Mazaki dans le coffre. Et c’est toute une nouvelle histoire qui commence pour les deux derniers tiers du récit, où se mêlent les règlements de comptes entre bandits qu’on attendait et une bonne dose de magie empruntant à la fois au folklore Hawaiien (les Night Marchers) et vaudou…

Ce mélange de pur polar et de fantastique  fait tout le charme d’Hawaiian Dick, notamment grâce à la façon dont les éléments fantastiques sont traités. Le scénariste ne laisse aucune place à l’ambiguïté (on est bien face à de la « vraie » magie, pas des trucs de prestidigitateur ou des coïncidences troublantes), mais nos deux héros, Byrd et Mo, sont complètement largués. Ils ne deviennent pas des exterminateurs de fantômes hors pair en deux pages. Au contraire ils ont impuissants face à cette magie, et ne peuvent qu’en constater les effets.

Ce parti pris était risqué et on aurait pu redouter que Moore ne se serve de la magie comme d’une béquille scénaristique, d’un deus ex machina, pour résoudre son intrigue. Il n’en est heureusement rien. Le scénario tient parfaitement la route, et dans la grande tradition de polars noirs, quand on découvre l’identité du véritable vilain, on réalise qu’on avait la réponse sous le nez depuis le début (littéralement, et il m’a fallu deux lecture pour le voir…).

Hawaiian Dick Comicsblog critique 

L’ambiance qui se dégage du récit est elle aussi incroyable. La saleté, la noirceur, d’un polar classique se mêle délicieusement avec le cadre exotique et paradisiaque d’Hawaï. Les lampadaires sont remplacés par des palmiers. Les rades crasseux où on boit du whisky frelaté par des bars à touristes où on sirote des cocktails. Et les femmes fatales au regard de glace et aux cheveux d’or par des beautés exotiques à la peau brune et aux yeux en amande. C’est bel et bien du noir, mais en couleur. La magie est la touche finale qui rend l’ensemble unique. Et il y a aussi juste la pointe d’humour qu’il faut, notamment grâce au duo Mo Kalawa / Byrd.

Les deux héros sont en effet on ne peut plus attachants. Byrd à un côté un peu branleur, un peu blasé, mais s’avère vite plus profond qu’il n’y parait. Mo est jovial mais aussi redoutable : un vrai dur à cuir (pensez Michael Clarke Duncan, mais version hawaiienne). Bishop Mazaki est flamboyant dans le genre criminel charismatique. La belle Kahami est plus qu’une simple serveuse, et ne manque pas de cran. Sa tante, Chan, est aussi bien plus que la gentille vieille dame et Kahuna amateur qu’elle parait être. Et bien évidemment les destinées de tout ce petit monde sont inextricablement liées, de manière parfois surprenante.

Au dessin Steven Griffin est au diapason de l’excellent scénario. Son trait est plutôt réaliste, mais a un petit je-ne-sais-quoi de cartoony, peut être à cause de sa rondeur. Ses designs de personnages sont parfaits. Byrd à un look soigneusement négligé qui lui sied à ravir. Mo est une montagne en costar et chapeau. Mazaki a tout le mauvais goût et l’exubérance du gangster qu’il est. Kahami est envoûtante. Chan désarmante. Et Grimes et Graves pourraient figurer dans une encyclopédie à côté du mot sordide.

Hawaiian Dick Comicsblog critiqueTout ce petit monde bénéficie d’expressions superbes, jamais exagérées mais toujours parfaitement rendues. Le story-telling est classique mais d’une efficacité redoutable. Le genre de génie discret auquel on ne fait pas attention tellement c’est sobre et juste. Mais surtout les couleurs (de Griffin elles aussi) sont à tomber par terre. Avec un rendu semblable à de l’aquarelle, elles achèvent de nous plonger dans l’ambiance hawaiienne. Des tons à la lumière, tout est remarquable et nous fait bien ressentir qu’on est sur une île paradisiaque et pas dans les bas fons d’une ville US.

Enfin sachez que le trade paperback regorge de bonus plus géniaux les uns que les autres. Il y a une sympathique histoire courte en prose qui raconte la première rencontre entre Mo et Byrd, pendant la seconde guerre mondiale. Il y a aussi les strips publiés en ligne pour promouvoir la série, qui s’avèrent souvent très drôles. On a aussi droit aux croquis préparatoires de Griffin, agrémentés des mails échangés avec Moore, qui nous laissent entrevoir le processus de création de la série. Et enfin (surtout), on nous offre une dizaine de recettes de cocktails avec une mini BD silencieuse pour les illustrer. Que demande le peuple ?

Hawaiian Dick est donc une mini brillante. Un excellent polar noir, extrêmement bien ficelé et bien écrit, qui tire son originalité à la fois de son cadre paradisiaque et de la façon dont il incorpore une dose de fantastique. Ses personnages sont attachants. Et en plus les dessins sont absolument magnifiques, notamment grâce aux couleurs enchanteresses. Alors n’hésitez pas, posez vous sur la plage et savourez ce petit bijou avec quelque chose de bien frais. Pour moi ce sera un Palm Breeze, on the rocks…

Merci à notre Katchoo nationale grâce à qui je suis tombé sur ce petit bijou. Si elle vous dit d’aller jeter un œil dans un bac à comics, écoutez-la.

Jeffzewanderer
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