Second passage devant les tribunaux en moins d'un an pour Frank Miller, du côté des accusés cette fois ci. Le producteur Stephen L'Heureux intente un procès à l'artiste, lui réclamant 25 millions de dollars de dommages et intérêts pour la gestion des droits d'exploitation sur les adaptations de Sin City et Hard Boiled. Slenn Thomas, responsable de la micro-entreprise Frank Miller Inc., structure chargée de la vente ou location des droits d'auteurs pour la bibliographie du géant, est aussi concerné par cette action en justice.
Les avocats de
L'Heureux accusent
Frank Miller et ses équipes de s'être "engagés dans une campagne de dénigrement systémique à l'égard de
L'Heureux, en dépit d'accords signés et d'une compensation accordée à
Frank Miller et
Geof Darrow pour les droits d'exploitation de
Sin City et
Hard Boiled, d'avoir attenté à sa réputation et d'avoir volontairement interféré dans la production" de ces projets de films ou de séries. Ou plus simplement, quoi que les détails ne soient pas particulièrement explicites, l'équipe de
L'Heureux reproche à
Miller d'avoir tenté, avec succès, d'empêcher
la production du film Hard Boiled. La somme exigée de 25 millions correspond à une estimation des profits supposés pour ce projet et
la série télévisée Sin City, en développement pendant un temps.
En 2009, L'Heureux avait suffisamment avancé sur l'adaptation de Hard Boiled pour commencer à rencontrer différents metteurs en scène potentiels, parmi lesquels le réalisateur français Louis Leterrier. Miller serait intervenu (d'une façon ou d'une autre) dans le processus créatif pour freiner la production de ce long-métrage, alors que lui et Darrow avaient alors reçu 250 000 dollars pour l'achat des droits. Une fois le film mort et enterré, l'ensemble de cette somme fut, bien entendu, restituée.
Les avocats de L'Heureux affirment que les ingérences de Miller seront prouvées pendant le procès, sans avancer de preuves particulières ou de témoignages précis pour le moment. Cela étant, comme le rapporte Deadline, le cas Hard Boiled serait manifestement le seul cas concret dans lequel L'Heureux aurait éventuellement pu être floué : l'annulation du projet de série télévisée Sin City serait en effet à mettre sur le compte de la banqueroute (historique) de la Weinstein Company après l'affaire Harvey Weinstein. Pour rappel, Miramax et Troublemaker, filiales de l'empire Weinstein, s'étaient chargés de la production des deux films Sin City, et la Weinstein Company avait assuré la distribution aux Etats-Unis.
Pour peu que l'action en justice repose sur des faits concrets, on comprendrait mieux pourquoi l'adaptation de Hard Boiled n'a pas été en mesure de se monter - la découverte serait toutefois surprenante, attendu que Miller et Darrow eux-mêmes ont perdu de l'argent en renonçant à ce projet. Au-delà même des 250 000 dollars, les adaptations de comics ont aussi la capacité de pousser des bouquins sortis il y a longtemps, motiver des réimpressions tardives et promouvoir les artistes responsables, de la même manière que le premier film Sin City. Pour rappel, Miller et Darrow avaient accepté de signer avec Fox Kids pour proposer un dessin animé basé sur leur autre projet commun, Big Guy & Rusty the Boy Robot, les deux compères ne sont donc pas opposés à la récupération de leurs oeuvres par le cinéma ou la télévision, sur le principe.
Cela étant, si
Frank Miller a bien fait barrage à une adaptation de
Hard Boiled par
Louis Leterrier, en acceptant de renoncer aux brouzoufs promis en échange, on a envie de dire "merci papy", et qu'on ira racheter
l'édition Futuropolis de l'an prochain. Sans manquer de respect au metteur en scène de
L'Incroyable Hulk, à l'image de ces affreux projets de film
Akira à Hollywood, il y a simplement des choses auxquelles seuls les grands ont le droit de toucher. Pour l'heure, à la justice de trancher entre le producteur et l'auteur, en comprenant que ce procès pourrait bien foutre un
Miller de soixante-trois ans sur la paille en cas de défaite. Reste à espérer que le juge préfère le premier
Sin City au second.