En réponse à la fermeture du réseau de distribution traditionnel pendant la crise sanitaire, DC Comics décidait, il y a quelques semaines, de contourner Diamond Comics pour adopter un système concurrent. L'entreprise s'associait à Midtown et Discount Comic Book Services pour ses envois futurs de singles, et à Random House pour les romans graphiques - bafouant le devoir de neutralité implicite entre éditeurs de comics et libraires, en signant un partenariat avec deux sociétés implantées dans la vente au détail.
Depuis, cette décision n'a cessé de provoquer l'ire des commerçants de la bande-dessinée aux Etats-Unis, en plus de rompre l'élan de solidarité entre les différents acteurs de l'édition prêts pour la plupart à patienter et encaisser les pertes au vu de l'enjeu humain, dramatique, de la pandémie. Conséquence indirecte de ce planter de couteau : les sorties de DC Comics sortent désormais le mardi, et non plus le mercredi, à l'envers du fonctionnement habituel des parutions de comics.
Là-dessus, tandis qu'
Eric Stephenson (
Image Comics) prend la plume
pour fustiger l'attitude des propriétaires de Superman,
Marvel tente de se faire bien voir en imaginant une opération-moquerie à l'égard de leurs concurrents. En particulier sur ce point précis des sorties calées au mardi, qui semble agacer la Maison des Idées au-delà des autres problèmes suscités par ce changement de cap. L'entreprise met à disposition une dizaine de couvertures variantes censées troller
DC Comics, pour les séries
Amazing Spider-Man,
Avengers,
Captain Marvel,
Empyre,
Fantastic Four,
Giant-Size X-Men,
Guardians of the Galaxy,
The Immortal Hulk,
Spider-Woman et
Venom, floquées de la mention "
en vente le mercredi". Dans un communiqué de presse accompagnant l'annonce de ces variantes, le ton se veut incisif.
"Ces couvertures, fournies avec un code pour les versions numériques, sont une façon idéale pour rappeler aux consommateurs que, si les industries de la musique, du cinéma ou du jeu vidéo dominent les sorties du mardi ou du vendredi, le mercredi appartient aux comics."
En résumé, sur l'échelle du troll, on se trouverait à peu près au niveau du pins "A Bas Potter" de Drago Malefoy dans La Coupe de Feu - ce qui serait plutôt pas mal, si on parlait d'un collégien de quatorze ans avec un papa néonazi et pas d'une entreprise à quatre milliards de dollars de valeur boursière. Difficile de ne pas imaginer le regard plein de fierté du responsable marketing qui a eu la bonne idée de cette opération, en espérant reproduire les vannes de Sony à Microsoft au moment du célèbre E3 d'annonce des consoles de la génération actuelle (pour de jeunes étudiants en com' avec des rêves plein la tête, un fait historique équivalent à l’atterrissage de l'homme sur la Lune, tout le monde se souvient où ils étaient au moment de ces images).
Au-delà de ça, les couvertures en question ne présentent que peu d'intérêt. Pas de dessin, pas de motif particulier, un simple texte copié/collé sur fond coloré, pour des travaux qui seront tout de même proposés à la vente en physique. Il aurait pu être amusant d'imaginer une opération artistique (à l'image des mois thématiques) pour moquer l'attitude de
DC sous une forme plus créative. En l'occurrence, on s'explique mal pourquoi
Marvel a décidé
de bazarder une cinquantaine de variantes plus intéressantes, pour au final polluer des kiosques qui vont manquer de place après la crise sanitaire avec ces oeuvres dispensables, et qui auraient aussi bien pu inspirer un simple post marrant sur les réseaux sociaux, sans chercher à survendre (voire même à vendre tout court) ce petite tacle.
Au moment où le marché et les boutiques spécialisées risquent d'être les premières à souffrir de la situation post-pandémie dans les prochains mois, on espère tout de même que DC et Marvel auront mieux à proposer pour éviter de transformer l'industrie des comics en ruée vers l'or égoïste ou en cour de récré'. Pour l'heure, ces couvertures seront disponibles à l'achat le 15 juillet prochain aux Etats-Unis.