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Marvel Studios et l'univers partagé : souvent imité, jamais égalé ?

Marvel Studios et l'univers partagé : souvent imité, jamais égalé ?

chronique

A quelques jours de la sortie d'Avengers : Infinity War, nous célébrons désormais les 10 ans de Marvel Studios. Un anniversaire historique pour cet univers et sa fameuse formule - qu'on a eu l'occasion d'analyser à moult reprises lors de notre compte-à-rebours - mais surtout le couronnement d'un modèle devenu dominant à Hollywood.

Ce modèle, c'est celui de l'univers partagé, qu'on qualifie souvent outre-atlantique de "cinematic universe" un terme beaucoup plus générique, puisqu'il ne contient pas l'idée de base derrière cette approche, à savoir : un même bac à sable pour des personnages, voire des franchises bien différentes.

Une histoire de comics

Bien décidés à tous jouer dans leur propre bac à sable, les studios hollywoodiens se sont vite emparés de ce modèle, espérant le mélanger à leur sauce. Il faut dire que Marvel Studios n'a pas et n'a jamais eu le monopole de l'univers partagé, qui est un concept finalement assez proche de ce qu'on retrouve depuis (presque) toujours dans le monde des comics, à savoir : la continuité. En effet, si vous mélangez les deux approches, vous vous retrouvez dans une narration typique des comic books : les histoires d'un personnage s'additionnent entre-elles, et celle de son voisin peuvent avoir un impact sur les premières. 
 

 
Quelque part, l'univers partagé tire donc ses racines non pas du cinéma - ce qui rend le terme de cinematic universe encore plus réducteur - mais des comics. On pourrait même faire un bond plus radical dans le temps en remontant aux légendes arthuriennes ou même aux mythologies grecque, romaine ou égyptienne, où plusieurs personnages vont s'allier, s'affronter ou simplement se réunir le temps d'histoires très différentes, se déroulant à des époques elles aussi variées.
 
En utilisant l'univers partagé comme le moteur de sa stratégie, Marvel Studios n'a peut-être rien inventé, donc, et on pourrait même se dire que Kevin Feige n'a fait que rendre plus grand public une forme de narration aussi vieille que les comics, ou encore qu'il a ramené sur le devant de la scène un modèle aussi vieux que les premières formes de fiction. Et en disant cela, on est sans doute dans le vrai. 

Mythologie(s)

Après tout, Kevin Feige avait commencé sa carrière en tant que consultant pour les films adaptés des comics de Marvel, comme les Spider-Man de Raimi : son boulot était alors d'annoter les écrits des scénaristes impliqués sur ces différents projets, pour leur donner une forme de proximité avec les comic books. Avant d'être le patron du studio le plus influent de ces dernières années, le bon Kevin se contenait donc de jouer au fanboy ou au patron de comic shops à Hollywood.
 
 
 
Beaucoup de chemin à été parcouru depuis, mais les américains considèrent toujours leurs jeunes super-héros comme une mythologie à part entière, ce qui peut expliquer pourquoi on en revient toujours aux comics comme aux mythes antiques quand on discute de l'univers partagé imposé par Marvel Studios au tout Hollywood. 
 
Mais cette suprématie ne s'est pas faite du jour au lendemain. En prenant son temps, et en profitant de sa position d'outsider pendant ses premières années de règne, Feige a réussi à croiser l'ADN du comics avec celui du cinéma. D'abord par touches, avec des petites expérimentations comme les scènes post-générique, puis avec deux films extrêmement importants, à savoir Captain America : First Avengerpuis Avengers.

Copié collé 

On ne présente plus l'influence du second, mais le premier est pour moi tout à fait indispensable, puisqu'il connecte le passé d'un personnage avec le présent des futurs Avengers en quelques minutes de pellicule, explicitant ainsi tout le potentiel d'un univers partagé au cinéma. Passé, présent, futur, autre planètes et peut-être un jour, dimensions alternatives peuvent désormais se cotoyer, car le bac à sable est immense et ne se limite pas au simple crossover, même si c'est surtout pour avoir leur propre Avengers que les autres studios ont tenté d'imiter l'écurie de Kevin Feige.
 
 
Une première erreur de leur part, ma foi. On pourrait en citer d'autres, comme la précipitation avec laquelle Warner Bros s'est lancé dans la construction d'un univers partagé DC, l'obsession d'Universal pour ses monstres classiques (de Dracula Untold à La Momie) ou toutes les franchises réinventés à la sauce univers partagé avant même l'arrivée d'un premier vrai bon film, comme le projet de Spider-Verse ou le Ghostbusters de Sony
 
Sans doute vexés de s'être fait doublés par un petit jeune d'à peine dix ans, tous les studios ont un jour tenté ou tenteront un jour d'avoir leur univers partagé, souvent en jetant leur plan au visage du spectateur avant de pouvoir compter sur un succès. De Frankenstein à Bumblebee en passant par les X-Men, tout le monde veut jouer dans un gros bac à sable, mais tout le monde n'a pas la décence de prendre son temps, ou la chance d'être basé sur un matériau adapté. 

Le prix à payer

C'est certain, la réussite d'un univers partagé dépend énormément de l'œuvre d'origine, et c'est sans doute pour ça que Marvel Studios réussit sans trop forcer - malgré quelques problèmes de temporalité - là où tous ses concurrents semblent s'arracher devant un tableau blanchi à la craie.
 
Il est d'ailleurs amusant, ou plutôt désolant, de noter l'obssession de ces différents studios. Si dix ans de Marvel Cinematic Universe nous ont apporté leur lot de grands moments et de personnages forts, cette même décénnie met aussi en avant les nombreux défauts de l'écurie dirigée par Kevin Feige. Car l'univers partagé à un prix. Certains auteurs, comme Edgar Wright par exemple, ont ainsi dû renoncer à leur vision. On pourrait également citer l'uniformité des photographies du studio, qui jusqu'à récemment, nivelait la qualité de l'image par le bas. Ou même à la pléthore de références que cache chaque film du Marvel Cinematic Universe, films qui gagneraient sans doute en dramaturgie s'il n'y avait pas un clin d'œil adressé aux spectateurs toutes les deux scènes.
 

 
A ce titre, si l'univers partagé à la Marvel Studios est devenu le modèle dominant à Hollywood, il n'en reste pas moins un modèle perfectible. Aussi les différents studios ne devraient-ils pas se contenter de vouloir voler sa recette à Kevin Feige, mais plutôt essayer de la réinventer. C'est pourquoi les premières promesses de Warner Bros et DC, qui s'étaient un temps engagés sur un univers dirigé par des auteurs, étaient si alléchantes. La distinguée concurrence tenait là une superbe idée, en plus d'un matériau de base forcément pré-destiné à l'univers partagé, contrairement aux Transformers de Paramount ou aux monstres d'Universal.

Se réinventer

Seulement, à première vue, la relève ne viendra pas de l'extérieur. Heureusement pour nous, malgré ses défauts, Marvel Studios est une entrepise qui apprend visiblement des ses erreurs, et qui met en branle des projets avant même que nous en mesurions l'importance. Cette capacité à se réinventer soi-même, et à sa projeter dans le futur de l'entertainment, on la doit sans doute à Kevin Feige, son bras droit Louis d'EspositoAlan Horn (le président de Walt Disney Studios) ou d'autres noms encore dans l'ombre, mais qu'on finira, j'en suis certain, par reconnaître.
 
Récemment, un film comme Thor : Ragnarok nous a par exemple montré que Marvel Studios savait faire de ses plus grosses faiblesses (ici, la franchise Thor) de véritables forces. Le film de Taika Waititi est un métrage cosmique, dans tous les sens du terme, que nous n'aurions jamais imaginé au sortir de The Dark World en 2014, mais que Kevin Feige et ses troupes ont pourtant échaffaudé dès lors. Et c'est sans doute en cela qu'on pourrait qualifier l'univers partagé de Marvel Studios de visionnaire.
 

 
Mais comme nous le disions, une vision, aussi influente et populaire soit-elle, a toujours un prix. Et si je reste persuadé que Marvel Studios réinventera son modèle avant que ses concurrents ne fassent le leur - à mon sens, les mystères autour d'Avengers 4 ou de la quatrième phase ont quelque chose à voir avec tout ça - il est fort possible que l'entreprise continue de banquer sur ce qu'elle sait faire de mieux, sans trop prendre de risques.
 
En attendant, des univers alternatifs, des scénarios plus originaux ou simplement des idées plus radicales sommeillent. Heureusement pour nous, elles se réveillent de temps à autre, et je crois que des exemples comme Deadpool, ou dans un autre registre, Logan, montrent qu'il est possible de faire un carton en occupant les terrains que Marvel Studios n'a pas encore conquis. Donc si tu nous lis, Kevin, merci de nous surprendre.
 
Republ33k
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