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En 2020, l'industrie des comics fait front à la pandémie par les graphic novels et en dehors des comicshops

En 2020, l'industrie des comics fait front à la pandémie par les graphic novels et en dehors des comicshops

chronique

Comme à son habitude, l'excellent site Comichron, en association avec Icv2, a livré son rapport annuel des chiffres du marché des comics aux Etats-Unis. Depuis deux bonnes années, quelques grandes tendances commençaient à se dégager, attestant d'un profond changement de cette industrie outre-Atlantique.

  • D'une part, c'est en 2019 que pour la première fois les book channels, soit les librairies et circuits de vente qui se trouvent en dehors du direct market constitué par les comicshops, devenaient le premier point de vente de bande dessinées par rapport aux boutiques spécialisées. 
  • D'autre part, si les chiffres au global restent cadencés autour d'un milliard de dollars de chiffre d'affaires annuel, la part attribuée aux graphic novels (soit les albums, qui se vendent aussi bien en comic shops qu'en dehors) par rapport aux comics en single issues (qui ne se trouvent que dans les comic shops) se fait chaque année de plus en plus importante.

Autrement dit, le secteur des comics connaît un changement structurel majeur, qui fait que le format traditionnel des single issues et le secteur des boutiques spécialisées ne sont plus le premier vecteur financier de l'industrie. En 2020, avec la pandémie de coronavirus qui s'est abattue sur tout le secteur, les données qui nous parviennent montre que ledit changement n'a fait qu'accélérer.


Dans un premier temps, les chiffres au global montrent que l'industrie des comics, tout formats de ventes confondus, a connu une légère progression, presque inattendue au vue du contexte pandémique. Avec 1,28 milliard de dollars engrangés, soit 70 M$ de plus qu'en 2019, il apparaît que la pandémie et le confinement aux Etats-Unis qui en a découlé a (comme en France, cela dit) motivé une partie de la population à se tourner vers la bande dessinée. 

De quoi contredire une fois de plus les petites voix qui clament que "les comics sont en train de mourir", même si le détail des chiffres et leur répartition permet d'y voir plus clair sur la façon dont le marché a su rebondir face à la crise du coronavirus.


Sur la répartition des chiffes par canal de vente, le constat est immédiat : une fois de plus, les librairies non spécialisées sont devant les comicshops. Alors que 2019 montrait les deux secteurs encore au coude à coude (570 M$ pour les premiers, 525 M$ pour les seconds), l'année 2020 montre une accélération importante pour le premier canal. Il sera assez facile de l'expliquer : avec l'arrêt de la distribution de Diamond Comics et la fermeture des comicshops, les boutiques spécialisées ont connu pendant de nombreuses semaines l'impossibilité de vendre quoique ce soit (et tous les comicshops ne font pas forcément de livraison pour compenser, le click & collect ayant mis du temps à se faire). En outre, on retrouve de nombreux témoignages de revendeurs qui n'ont pas pu retrouver leur affluence "du monde d'avant" une fois que leurs librairies ont pu rouvrir, malgré les efforts déployés ça et là par l'industrie, ou la tenue d'un Free Comic Book Summer (en lieu et place du traditionnel du FCBD). 

On se retrouve désormais avec des comicshops qui comptent pour 34% du total du chiffre d'affaires du marché, et des book channels qui passent cette année à 50%. Mais ces baisses apparentes sont à relativiser. En effet, il est estimé qu'au sortir de la pandémie, la production même de comics pour les comicshops a baissé d'environ 30% pour le secteur ; or, malgré la pause de sept semaines de Diamond Comics et le contexte que l'on connaît sur le reste de l'année, le direct market ne connaît une chute "que" de 16% de son activité sur l'année. Sur Comichron, on atteste en effet d'une demande très forte et d'un soutien du lectorat sur la seconde moitié de l'année qui est à prendre en compte : elle laisse en effet espérer que les chiffres pour les comicshops seront bien meilleurs en 2021, d'autant plus qu'avant le mois de mars 2020, les chiffres du direct market étaient supérieurs à ceux de la même période pour 2019. Ceci étant dit, l'attrait pour les autres circuits de distribution du livre (et notamment la livraison en ligne, qui est comprise dans ces book channels) est indéniable. 

On notera également une forte poussée du secteur numérique, là aussi facilement imputable aux conséquences de la pandémie (avec le confinement, puis la multiplication des offres de lecture en numérique), avec un chiffre d'affaires qui passe de 90 à 160 M$ sur l'année (une augmentation de 78%), et un secteur qui représente désormais 12% du total annuel. Une performance impressionnante d'autant plus que ces chiffres ne prennent pas en compte les offres d'abonnement à la Marvel Unlimited ou DC Universe : Infinite. Par ailleurs, le secteur "autres" qui prend en compte les quelques kiosques qui vendent des comics et les crowdfundings s'est montré lui aussi en bonne santé, passant de 25 à 35 M$ sur l'année, la plateforme Kickstarter représentant 60% des chiffres générés sur le secteur du crowdfunding


Enfin, la répartition par formats de vente (graphic novels, single issues et numérique) est dans la même tendance que pour les années précédentes, avec une année 2020 qui a là aussi accéléré les tendances. Déjà bien dominantes depuis quelques années, les ventes d'albums se rapprochent des 900M$ et représentent pour l'année passée près de deux tiers (65%) des ventes de comics, tandis que les comics périodiques se cantonnent à un léger 22%. Une fois de plus, une donnée à relativiser puisque cette baise de 19,7% du chiffre d'affaires aurait pu être bien plus importante compte tenu du contexte pandémique. John Jackson Miller du site Comichron explique que cette baisse montre que "les revendeurs s'en sont bien tirés avec ce qu'ils avaient entre leurs mains". 

Une donnée absente sur les ventes des albums est également à garder en tête : la répartition par types d'albums. Car une bonne partie des ventes d'albums est tirée vers le haut d'une part par les albums jeunesse, et d'autre part par le manga qui connaît lui aussi un nouvel essor fulgurant avec la popularité de plus en plus forte des animés. Mais dans l'ensemble, avec un chiffre total à la hausse, les conclusions semblent malgré tout positives. Si les tendances déjà vues les années passées se sont renforcées, l'industrie entière a a priori réussi à faire front aux conséquences douloureuses de la pandémie (ce qui ne veut pas dire que des shops n'ont pas dû, hélas, fermer). Milton Griepp, du site Icv2, affirme que les pratiques des comicshops indépendants et l'attrait d'un lectorat qui a découvert la lecture de bande dessinée en 2020 devrait permettre à l'industrie de se montrer robuste pour l'année en cours. Bien entendu, on a assez hâte d'être à l'année prochaine pour voir si 2021 confirmera ces suppositions. En attendant, n'hésitez surtout pas à montrer ces chiffres à quiconque vous attesterait que "l'industrie des comics est mourante" : par les faits, il n'y a rien de plus faux.

Source

Arno Kikoo
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