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Chris Terrio revient (à son tour) sur le long feuilleton Zack Snyder's Justice League

Chris Terrio revient (à son tour) sur le long feuilleton Zack Snyder's Justice League

NewsCinéma

Dans la foulée de la sortie de la "Snyder Cut" de Justice League (ou Zack Snyder's Justice League, selon la nomenclature officielle), les rédactions spécialisées en cinéma des Etats-Unis se relaient pour donner la parole aux principaux acteurs du dossier. Ray Fisher, Walter Hamada, Zack Snyder lui-même se passent la main dans un audit en forme de grand déballage, où les cercueils de dossiers enterrés par la production sortent de terre les uns après les autres.

Dans ces conversations, ces portraits détaillés couvrant plusieurs années de travail au sein des bureaux de Warner Bros. et des plateaux de tournage, les langues se délient : sur le racisme supposé de Geoff Johns, le débat reste entier. D'autres choisissent d'incriminer plus ouvertement Joss Whedon, constat unanime du dossier, sans forcément chercher plus haut. Après l'enquête documentée sur la situation de Zack Snyder avant et après la mise en route du projet "Snyder Cut", Vanity Fair donne la parole au scénariste de Batman V Superman : Dawn of Justice et Justice League, Chris Terrio.

Chris Terrio's Justice League

L'auteur du film Argo revient en détails sur sa relation compliquée avec la production de ces deux long-métrages. Sont évoqués, le cas des montages prévus pour le cinéma, le relationnel entre scénariste et studio, quelques décisions incompréhensibles et un résumé global de ce qui avait déjà pu être dit ailleurs. En substance, le scénariste assume l'ensemble de ses choix et se serait simplement retrouvé grippé dans une mécanique foireuse de studio trop gourmand.
 
Après avoir manifesté son enthousiasme sur la sortie de la Zack Snyder's Justice League, pointé les ajouts de cette version plus authentique et évoqué la sincérité de la démarche du cinéaste dans cette entreprise, Terrio ouvre son sac.
 
  • A propos du tournage, il explique qu'il n'a pas assisté à l'ensemble des prises de vue, y compris avant que Joss Whedon ne prenne la main. Il aurait été surpris en découvrant le nombre de scènes du script original qui avaient bel et bien été tournées en découvrant la "Snyder Cut", et explique que certaines de ses scènes ont été obtenues au termes de négociations difficiles pour Zack Snyder.
  • Il revient également sur les raisons de son embauche initiale sur Batman V Superman. A l'époque, Ben Affleck ne se sentait pas forcément en confiance sur le projet, et avait proposé à Chris Terrio de lire le script et d'en écrire une nouvelle version. Le gros de ce travail devait se cantonner à des améliorations sur les personnages, et Bruce Wayne en particulier, pour formuler une itération du héros dans lequel le comédien serait en mesure se projeter. L'ensemble du squelette narratif était déjà défini avant son arrivée : Batman devait bien essayer de tuer Superman, le personnage devait marquer au fer rouge les malfrats de Gotham City, certains éléments n'étaient pas négociables et avaient déjà été intégrés à l'histoire originale.
  • Le scénariste évoque un climat de division dans l'opinion politique aux Etats-Unis que son script aurait apparemment tenté de retranscrire. L'opposition entre Batman et Superman serait la matérialisation d'une fracture dans l'inconscient américain suite à un traumatisme, Terrio explique que cette crainte se sera finalement manifestée avec la présidence de Donald Trump.
  • Il n'aurait pas décidé du titre Batman V Superman : Dawn of Justice. Cette extension, survenue en cours de production, aurait été décidée à l'insu du scénariste, qui découvrit cette nouvelle appellation en même temps que le public, via la communication de Warner Bros. sur le web. Terrio estime que ce choix n'est pas imputable à Zack Snyder, et qu'il s'agissait à l'époque d'une décision imposée par le studio. Selon lui, cette première incartade était le début d'une longue série d'ingérences nauséabondes de la part des financiers.
  • Forcément, Chris Terrio n'est pas très satisfait de la version sortie au cinéma, amputée de trente minutes de scènes utiles à la mise en place du conflit entre Batman et Superman. Le scénariste évoque l'image d'un château de cartes, incapable de tenir debout dès lors que certains éléments sont arrachés à l'ensemble. Relativement honnête avec les tenants et aboutissants de son écriture, il admet toutefois que les réactions sur la tonalité du projet sont compréhensibles, que certaines personnes n'avaient simplement pas envie de voir les personnages de DC Comics pris sous cet angle très pessimiste, mais que son script n'est pas en faute. La version sortie au cinéma n'avait simplement pas la cohérence nécessaire pour fonctionner sans ces trente minutes.
  • Après la sortie du film, Terrio explique que beaucoup de ses amis d'Hollywood avaient décidé de ne plus lui adresser la parole, en estimant qu'il était en quelque sorte complice d'un échec public sur un film de studio. De son côté, Zack Snyder et lui seraient restés proches, et n'auraient pas renoncé à leur envie de poursuivre leur relation de travail sur le film suivant, confiants dans cette vision censée guider l'univers DC vers Justice League.
Le cas de Batman V Superman : Dawn of Justice interpelle forcément Chris Terrio, compte tenu de l'accueil critique du film au moment de sa sortie. Accueilli tantôt chaleureusement, tantôt froidement par un public très divisé, le bonhomme explique que le long-métrage a surtout souffert d'un manque de clarté - dans ce genre de cas, le spectateur n'a pas pour habitude de laisser passer la moindre erreur. Selon lui, si le public est perdu sur un élément de scénario, il commence à douter de la cohérence générale et n'est plus en mesure d'accepter certaines approximations ou de se montrer bienveillant. Les coupes dans le scénario auraient donc miné l'appréciation de l'objet BvS au global, et la communication de Warner Bros. n'aurait pas préparé le terrain convenablement.
 

 
Terrio prend l'exemple d'une critique précise qui lui avait été adressée dans la presse : lorsque Lois Lane interroge le dictateur au Nairomi, qui lui explique qu'il ne pensait pas que "l'interview serait conduite par une femme", l'héroïne lui répond qu'elle n'est "pas une femme; mais une journaliste". Ce dialogue isolé aurait irrité certaines critiques accusant Terrio de faire preuve de sexisme en opposant le genre au corps de métier. Le scénariste explique que cette réplique était en fait un hommage à une grande journaliste du monde réel, Marie Colvin, qui avait répondu quelque chose d'approchant au moment de sa rencontre avec un chef de guerre tchétchène. Une sorte de renvoi à la réalité de la situation que Terrio et Snyder tentaient de convoquer, et qui aurait été mal interprété.
 
Dans l'ensemble, l'homme reste toutefois assez logique dans sa réflexion : il n'en veut à personne, le studio avait mal communiqué sur le film en promettant un bête divertissement de super-héros prêts à se taper dessus, et les critiques n'ont donc pas eu l'opportunité d'accueillir le projet pour que ce qu'il avait à défendre. Difficile de prêter des intentions honnêtes à un film vendu malhonnêtement, en résumé.
 
  • Il affirme au passage que les reproches sur la tonalité sombre du film ne sont en revanche pas justifiés le concernant. Lorsqu'il est arrivé sur le projet, la première ébauche de scénario devait se conclure par un Batman qui marque Lex Luthor au fer rouge dans sa cellule de prison. Chris Terrio se serait battu pour changer cet élément, en expliquant que le héros n'aurait rien retenu de sa rencontre avec Superman s'il avait continué à se comporter comme un tortionnaire après la mort de Clark Kent. Cette direction sombre avait été décidée avant son arrivée, et s'étendait sur d'autres points de scénarios plus difficiles, et apparemment acceptés par Warner Bros. au moment de la première lecture. Le film aurait pu être bien plus gravement orientée s'il n'avait pas cherché à y mettre un peu de cohérence.
  • Une autre scène aurait créé un conflit : lorsque Lois Lane était prise en otage par le mercenaire de Nairomi, l'héroïne était censée menacer ses assaillants, leur expliquer que l'enfer allait s'abattre sur eux s'ils ne la relâchaient pas. Une allusion au fait que Superman allait forcément se pointer pour s'en prendre à eux. Le méchant devait alors mettre une grosse patate à Lois, avant que Terrio ne réécrive la scène, estimant que cette situation était déplacée, et aurait eu tendance à justifier l'interventionnisme de Clark là où le but était justement de comparer son action à l'ingérence américaine dans les pays du Proche Orient, en le mettant sur le même plan que les drones militaires utilisés par l'armée.
  • Dans le script, le personnage de Kahina Ziri (Wunmi Mosaku), entendue par le conseil politique chargé d'enquêter sur l'intervention de Superman à Nairomi, devait mentionner les massacres causés après son passage dans la région. Le héros aurait déstabilisé l'équilibre des puissances locales, menant les milices armées du coin à commettre des bains de sangs dans les villages voisins. Cet échange n'a pas été gardé en entier, pour des raisons qui ne sont pas évoquées.
  • En cours de production, Chris Terrio aurait compris que le studio ne cherchait pas à produire ce "genre" d'histoire. Le scénariste explique que les scènes qui coûtaient le plus d'argent, à savoir les scènes d'action, ne seraient pas coupées, mais que la plupart des nuances ou des sous-textes politiques finiraient par sauter. Il estime que ce problème est lié à la mécanique des films de studio à cette hauteur de budget au global, qui refusent de se poser certaines questions.
  • Néanmoins, le bonhomme acceptera bien de revenir sur Justice League, par fidélité envers Zack Snyder et pour poursuivre le travail sur la rédemption de Bruce Wayne.
A ce moment de l'entrevue, Terrio évoque une donnée souvent passée sous silence au moment de comprendre le feuilleton de la Justice League de Zack Snyder. Suite à la débâcle Batman v Superman, le scénariste aurait rencontré quelques uns des gros décisionnaires de Warner Bros. à New York - il précise qu'il ne s'agissait pas de producteurs cette fois ci, mais plutôt d'actionnaires un peu plus haut placés, avec de nouvelles directives. Comprenant que le projet ne se ferait pas sans lâcher un peu de lest, Terrio acceptera d'écrire un script plus léger pour Justice League, en ajoutant un peu d'humour et un sentiment d'espoir plus général, tout en allant moins chercher dans le signifiant politique qui avait manifestement gêné le montage de Batman v Superman. Une autre "Snyder Cut" sans ces ingérences aurait donc probablement poussé plus loin certaines métaphores abandonnées pour Justice League.
 

 
Cette nuance importante permet de remettre en perspective l'intentionnel original de la production du long-métrage, alourdie par l'échec de l'expérience précédente et déjà orientée par les pressions de studio. Très précisément, Kevin Tsujihara aurait commandé un film plus comique, et imposé la durée de deux heures standardisées, selon Chris Terrio. Débouté suite à un scandale sexuel, le nom de cet ancien président des studios Warner Bros. n'est que rarement cité dans les enquêtes relatives à l'échec de la Justice League de Joss Whedon. Pour les autres détails intéressants :
  • Terrio ne savait pas dans quel ordre les films allaient sortir, et n'avait pas d'éléments sur lesquels se reposer pour bâtir Themyscira. A l'époque de la rédaction du script, le film Wonder Woman n'était pas encore préparé, posant des soucis d'organisation. De la même façon, le bonhomme ne savait pas si les Atlantes pouvaient parler sous l'eau ou non, ce qui apparaît dans la Zack Snyder's Justice League, incohérente avec le film Aquaman pour ce même motif..
  • A propos de Geoff Johns, le scénariste explique n'avoir aucun grief ou aucun reproche à adresser à l'ancien président de DC Films. Il explique que leur relation s'est cantonnée à quelques échanges cordiaux, et que le bonhomme était sympathique et pas forcément pénible au moment du tournage de la première version de Justice League par Zack Snyder. Johns avait toutefois bien reçu la consigne de superviser la production et d'insérer autant de légèreté que possible par les pontes de Warner Bros.. Terrio explique que ce cas particulier est forcément glissant, dans le cas d'un producteur qui se trouve aussi exercer le métier de scénariste, avec davantage de latitude et de légitimité pour intervenir dans la création proprement dite.
  • Terrio aurait été remercié après le départ du couple Snyder. Il ne reçut aucune information sur les reshoots par les canaux officiels et n'a jamais rencontré Joss Whedon malgré une tentative de contact. Il affirme toutefois que ce genre de situations n'est pas rare, et son interview chez Vanity Fair n'accable pas particulièrement cet acteur du dossier, avec qui il n'a simplement jamais interagi.  
  • Quelques semaines avant la sortie officielle, il aurait assisté à une projection de la version cinéma de Justice League. Après quoi, il aurait demandé à ce que son nom soit retiré de la production, pour ne pas être mêlé à ça. La production lui aurait adressé une fin de non recevoir, attendu qu'il était trop tard pour retravailler toutes les copies déjà prévues pour la distribution. En bon exécutant, Terrio a donc décidé de garder le silence au moment de la sortie et de prendre ses distances avec le projet. Il n'a pas été invité à la première et n'a pas revu cette version du film depuis.
En résumé, Chris Terrio estime que la sortie de la Zack Snyder's Justice League est une bonne chose, que l'on ait ou non aimé cette version plus authentique : il peut enfin discuter du projet et être jugé sur la base de ce qu'il avait bel et bien écrit. Paradoxalement, le scénariste n'évoque pas le cas particulier de Star Wars IX, autre énorme cas d'ingérence de studio survenu dans la foulée de son travail pour Warner Bros., en dehors d'une perspective d'ouverture qui en dit long sans trop en dire : dans l'avenir immédiat, l'homme explique ne plus vouloir travailler avec le cinéma des franchises. Son prochain projet sera une production Prime Video à plus petite échelle, une énième manifestation de la fuite des cerveaux à Hollywood et de l'effondrement de ce genre de projets de commande après plus de dix ans d'ingérence écrasante.
 
Il faudra manifestement attendre ce film là pour se faire une meilleure idée du travail de Chris Terrio, autre victime collatérale du dossier "Snyder Cut".
 
Corentin
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