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Power Rangers & Tortues Ninja : des robots, des ninjas, du rap et des pizzas

Power Rangers & Tortues Ninja : des robots, des ninjas, du rap et des pizzas

ReviewIndé
On a aimé• Beaucoup de matinées chocapic rentabilisées
• Simone Di Meo aux dessins
• Inventif et ludique
• Le Shredder est toujours le boss de fin
On a moins aimé• Comment ça "smilodon" ?
• Et le mammouth c'est pas un dinosaure non plus
• Tommy, le Eric Cartman des Power Rangers
Notre note

Principe fondamental de la culture comics, le "crossover" peut accoucher de tout et rien. Pour les Tortues Ninja, les rencontres avec d'autres personnages issus d'univers lointain a souvent réussi aux héros de Kevin Eastman et Peter Laird, en particulier avec le lapin samouraï Usagi Yojimbo, né d'une même envie d'animaliser les codes de la fiction féodale japonaise, ou plus récemment avec Batman, lorsque deux sociétés d'édition se seront accordées sur un calcul tout bête pour faire les poches des grandes trentenaires nostalgiques de leurs matinées TF1.
 
Mais, plus intéressant, la rencontre des Power Rangers et des Tortues Ninja était à la fois évidente et inattendue. Evidente, parce que là-encore, le principe est le même : piocher dans les avatars de la culture japonaise pour forger deux produits pour enfants très américains, avec une même idée de codes couleurs et un même grand méchant maniganceur reclus dans une forteresse alien et bazardant à chaque épisode une menace à éliminer. 
 
Evidente aussi parce que ces deux sagas se seront, quelque part, mieux retrouvées dans la bande-dessinée que dans les supports d'adaptation grand public : pour les adultes, les Power Rangers ont tenu leur pari chez Boom! Studios avec une mythologie dense et plus développée que leurs nombreux équivalents télévisuels, parfois mature, et surtout bien tenue dans la durée. Quant aux Tortues Ninja, le volume d'IDW Publishing a souvent été cité comme la meilleure chose arrivée aux personnages depuis leurs premiers pas. Mais surtout inattendue parce que, bêtement et simplement, l'idée paraissait trop évidente, déjà tentée dans la case des séries télé', et quelque part trop gamine pour ne pas passer pour opportuniste. Fort heureusement, ces Tortues et ces Rangers ne sont pas qu'un énième décalque de logiques consuméristes appliquées pendant des décennies par les éditeurs de BDs (ou pas que), en héritant justement de cette aisance acquise sur les comics de l'une et l'autre marque, par d'authentiques passionnés.

 

Pour résumer, l'intrigue de la rencontre Power Rangers/Tortues Ninja se déroule comme un scénario très traditionnel de crossover paresseux : les héros vont se croiser, se battre, s'allier, avant que les méchants en fassent autant et que la bataille des univers croisés ne régale le lecteur attentif. Tommy, parce que c'est Tommy, décide de rejoindre le clan des Foot dans une sorte de monde cohérent où les deux équipes de personnages évoluent en parallèle. Sensiblement proche d'une Jennika, cette lecture du Ranger éternellement renégat accompagne le portrait général de Ryan Parrott sur cette mythologie, et qui tient lieu de fil rouge entre deux affrontements pensés pour le plaisir des fans. A la différence avec d'autres crossovers, celui-ci marche parce que le scénariste sait ce qu'il fait : pleinement conscient des limites de sa proposition, Parrott mise tout sur les plaisirs simples, les fusions de concept, et donne aux débats de gosse dans une cour d'école anonyme de 1995 une réponse largement attendue. "Non, c'est pas les Rangers les plus forts, et en plus ils trichent avec leur armure, file une armure à Leonardo et tu vas voir, elle va pas faire la maligne la Rita", si ça vous évoque un truc.
 
Peuplé de références méta' faciles mais bien fichues, Parrott se distance de la mythologie des Tortues Ninja de Tom Waltz - il est d'ailleurs assez intéressant d'avoir confié ce crossover au chef de file des Rangers de Boom! Studios, attendu que les Tortues restent supposément mieux établies et plus populaires en comics que leurs copains en armures - pour dresser une série d'échanges qui jouent sur les bonnes fibres. Nostalgiques, mais aussi tendrement parodiques, avec un Jason et un Leonardo qui s'échangent des conseils de kendo, ou l'éternellement geek Donatello est forcément au courant de chaque fait survenu dans chaque épisode des Power Rangers au mépris de la logique. Dès le premier numéro embarqué dans cette édition francophone, Parrott s'amuse de cette rencontre écrite comme une authentique fiction de fan à l'étagère peuplée de figurines : les Tortues crient "Turtle Power", les Rangers crient "GoGo Power Rangers", comme un cri de guerre fracassé contre le quatrième mur en assumant de s'autoriser ce plaisir simple, promettant de s'amuser.
 
Là-dessus, il sera difficile de ne pas tout de même flairer le contrôle créatif d'IDW Publishing : pleinement conscient des forces et faiblesses de la longue série Batman/Tortues Ninja, le projet ajoute un autre élément cher aux crossovers de franchise, le fameux échange de pouvoirs obligatoire. Le morpheur de Tommy échoue entre les mains du Shredder, infatigable boss de fin de toute une génération, et se déploie alors l'inventivité de ce type de projets pour profiter à fond de la suspension temporelle qui permet la naissance du grand jeu. Un Shredder Ranger Vert, des Tortues transformées, un Mégazord d'écailles - très vite, la série se métamorphose en espace de jeu pour croiser les reptiles avec l'arsenal de Zordon au point de se prendre les pieds dans le tapis. La conclusion de l'intrigue est expédiée au profit des effets de surprise, quoi que la porte reste ouverte pour une éventuelle suite. Dans la tradition des Batman Ninja, ou des bizarreries de fans à la Dragon Ball, l'adaptation de concepts propres à une série se répand vers l'autre pour la joie des marchands de figurine, et pour la pose, toujours pour la pose.

 

Cela étant, cet aller-retour rapide dans les tenants et aboutissants (simplistes) de Tortues Nina/Power Rangers passerait pour très largement incomplet sans évoquer le talent de son dessinateur. A l'image des différents travaux de Mateus Santolouco sur les chevaliers d'écaille, Simone Di Meo renverse l'enclin (naturel) du lecteur vers le scénario pour canaliser l'attention première du plaisir esthétique : artiste très doué, acrobatique, élégant, qui charge les Tortues d'expressions faciales nouvelles et s'amuse à mettre en images les Shredder Ranger ou Turtle Megazord dans une forme dynamique, inventive, et magnifiquement colorée, le bonhomme capte tout l'intérêt de cette rencontre en magnifiant ce qui serait, en d'autres mains, passé pour un projet bébête pour les fans, sans plus. A l'image d'un Promare, Di Meo transcende l'apparente banalité de son intrigue (derrière de bons dialogues et un esprit méta' généralement bien mené) pour former une bande-dessinée agréable à l'oeil et peuplée de belles idées dans l'action et les designs de ses personnages.
 
Le trait du dessinateur met sur plan d'équivalence du cool ses Tortues, carafées, musculeuses, brutales, et ses Rangers plus filiformes mais impeccablement dépeints dans des armures semblant tout droit sorties d'une pochette de VHS ou d'une adaptation japanim' des personnages. Au-delà de sa superbe Karai (coeur avec les doigts), Di Meo s'installe comme l'une des forces vives du dessin de comics dans ce style au confluent des genres, héritant du comics le goût des couleurs et du muscle aérodynamique et du manga ces scènes de Rangers scolaires, ces ninjas vifs et aériens. Une franche réussite artistique, qui n'attend que les résines du Shredder Ranger pour être authentifié comme un point d'orgue marquant de la culture 1990 ravivée aujourd'hui (les autres ont eu le droit de se marrer avec Stranger Things, il est temps de passer la balle).


Quatre tortues d'enfer dans la ville, tous en place, surfons dans l'espace ("c'est pas les mêmes" ouais bah y avait pas de paroles dans le premier générique, commencez pas), une rencontre attendue, déjà tentée et enfin reproduite à la hauteur de ce que les fans devaient espérer. Rien qui marquera l'histoire, mais un crossover tout à fait honorable à l'échelle de ce type de propositions souvent assez farfelues, qui profite d'une bonne connaissance des deux équipes, d'un laisser-aller général vers l'envie de s'amuser sans se prendre le chou, et d'un savoir-faire artistique en bonne adéquation avec l'exigence de Boom ou IDW sur leurs deux équipes respectives. Attendu que l'expérience pourrait se produire à nouveau, on attend désormais la réponse de la maison d'en face, avec d'éventuelles fusions en sens inverse (exemple : passer au mutagène tous les Rangers pour leur faire prendre l'apparence de leurs animaux totems, et avoir enfin droit au mammouth ninja que le monde attendait depuis tant d'années).

- Vous pouvez commander Power Rangers & Tortues Ninja à ce lien

Corentin
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