L'été est là, et avec les beaux jours, vous aurez certainement envie de vous poser dehors avec quelques comics à lire. Oui : mais lesquels ? Il faut dire que l'activité reprend désormais pleinement, tant du côté de la VO que de la VF (avec un mois de juin particulièrement fourni, c'est peu de le dire). Fort heureusement, même quand elle arrive en fin de semaine, la Checklist Comics est là pour mettre le doigt sur les sorties qui font l'actualité, par leur "poids" ou par leur qualité.
Evidemment, malgré notre expertise du feu de dieu (et notre humilité, vous en conviendrez), nous ne saurions être exhaustifs avec une Checklist qui ne représente qu'une sélection tout à fait subjective de votre rédacteur. Aussi, on vous recommande comme à chaque fois de nous faire part dans les commentaires des propres lectures que vous aurez sélectionné, afin d'en faire profiter tout le monde ! Bonnes lectures !
Bon, on va se regarder droit dans les yeux, le qualificatif d'immanquable tient plus de l'importance du projet aux yeux de DC Comics plutôt que de l'intérêt réel que l'on porte au projet. Il faut dire que le maelstrom qu'a été Metal premier du nom, que la lourdeur infernale de l'arc Doom War qui a conclu le Justice League de Scott Snyder et un parcours sur le Batman Who Laughs pas franchement enthousiasmant, l'avantage n'est pas dans le camp du duo. On imagine bien en revanche que ceux qui adorent le fun par dessus tout répondront présents, et parmi tous les concepts farfelus déjà aperçus, on espère que Greg Capullo pourra également se faire plaisir. Le pitch est simple : le Dark Multiverse et Perpetua ont grosso modo gagné, l'univers DC est complètement repensé, permettant tout un tas de concepts plus ou moins tarés, et une résistance menée par Wonder Woman va se former. Du bruit, de la fureur, des couleurs, et peut-être une bonne surprise ? On vous en reparle bientôt, promis.
On vous bassine en long en large avec le titre Black Label le plus intéressant du moment (et pourtant ils sont nombreux à être de qualité). Le fantastique Daniel Warren Johnson (Extremity, Murder Falcon) poursuit son voyage avec Wonder Woman : Dead Earth #3, qui devra composer avec les terribles révélations du second numéro. On découvrait en effet quelle était la vraie nature des kaijus qui peuplent le monde post-apocalyptique dans lequel Diana évolue. Une découverte qui a poussé l'héroïne a se couper du reste du monde, et il reste alors difficile de voir quel tournant le récit va pouvoir prendre. Une chose est assurée en revanche : d'être estomaqué par le trait tonitruant (oui) et généreux de Warren Johnson d'avoir des scènes d'action explosives, et un récit qui reste haletant de bout en bout même dans ses quelques moments de calme. Un indispensable, tout simplement.
Second numéro, enfin, pour le très attendu Strange Adventures de Tom King. Bien qu'il ait subi les affres du confinement, le titre se montre toujours très prometteur après ce premier numéro, qui exposait un Adam Strange à la fois vu comme un héros, mais potentiellement coupables d'innommables crimes de guerre lorsqu'il était sur Rann. Il faudra encore voir comment le scénariste compte développer ses idées, mais au-delà du seul argument scénaristique, Strange Adventures se veut déjà incontournable pour ses deux artistes, Mitch Gerads et Evan Shaner, qui alternent les séquences pour se répondre dans un style soit propre dans une certaine veine naïve du Golden Age, ou dans un ton plus sombre et raccord aux troubles de notre ère moderne. Bien sûr, mieux vaut ne pas trop s'avancer. Mais si on vous dit qu'on ne sera pas surpris de retrouver le titre aux Eisner l'an prochain, vous nous suivez ?
Chaque numéro de la mini-série The Question de Jeff Lemire, Denys Cowan et Bill Sienkiewicz est une nouvelle pièce dans un grand labyrinthe à plusieurs niveaux. En passant à travers les époques, le scénariste évoque l'origine éditoriale du super-héros - les histoires de cowboys masqués, puis les détectives privés, deux registres responsables de l'apparition des surhommes pendant l'ère pulp. Avec le voyage mystique de Vic Sage, Jeff Lemire évoque aussi les différentes manifestations de l'Amérique d'extrême-droite, depuis le racisme et les pendaisons de noir à l'époque du Far West jusqu'aux manifestations d'ouvriers en quête de meilleurs salaires dans les années 1940. A se demander si le titre n'évoque pas le cycle, l'éternel recommencement, à travers un héros qui ne cesse de mourir et de revenir à la vie pour trouver, chaque fois, un paysage culturel et politique similaire. Quel est le propos, dans ce grand fatras d'interprétations, à la fois méta-textuel sur les super-héros, hommage maillé aux différents volumes de la Question, propos sur l'homme blanc au pouvoir depuis toujours aux Etats-Unis, ou bien réflexion à propos de l'impuissance de l'art contre la persistance des mentalités d'autrefois ? Une chose est sûre, chaque numéro de The Question : The Deaths of Vic Sage est une nouvelle manifestation du talent de Jeff Lemire, et de la combinaison superbement réussie des crayonnés de Cowan à l'encrage de Sienkiewicz. Un ensemble sombre, dense, tortueux et à plusieurs étages, qui cherche les références à Steve Ditko et Dennis O'Neil, voire parfois même à Rorschach, compagnon de route symbolique pour cette grande enquête plus symbolique que concrète. Lorsque l'auteur canadien s'éloigne de sa thématique routinière de la parentalité, il est encore capable de surprendre un lectorat exigeant, en condensant un feuilleton fleuve et toute une série de sensibilités en l'espace de quelques numéros. Reste à attendre le dernier chapitre, pour attester du statut de chef d'oeuvre potentiel de cette mini-série, ou bien pour la ranger dans la longue liste des très bons travaux d'un auteur indéniablement installé au panthéon des tous grands. L'un ou l'autre, mais il n'y aura pas d'ex aecquo.
Après le très long volume de Dan Slott, Marvel a cru bon de confier Spider-Man aux bons soins de Nick Spencer et Ryan Ottley. Les premières aventures de cette nouvelle ère, déjà publiées en souple par Panini, écopent d'une édition hardcover. Le nouveau scénariste s'amuse à démonter brique par brique l'ensemble des idées posées par Slott, depuis le rôle de Parker Industries à sa carrière de scientifique brillant, acquise sous l'identité d'Otto Octavius - le héros va même retourner avec Mary Jane, et retrouver les bancs de la fac, au cas où le cercueil du volume précédent n'aurait pas été enterré assez profondément. L'ensemble reste drôle, divertissant, on est assez fans du duo Taskmaster et Black Ant, et beaucoup seront agréablement surpris de retrouver l'esprit "Brand New Day" de la grande époque, avec des aventures auto-suffisantes où le but est surtout de s'amuser avec pas grand chose. Pour le premier arc publié dans cette édition VF, Peter Parker se retrouve séparé de Spider-Man, et l'un et l'autre vont pouvoir vivre leurs vies, en comprenant toutefois qu'ils sont trop inséparables pour fonctionner individuellement. Quelques seconds couteaux se baladent ici ou là, la densité de vilains à New York est toujours aussi importante, les dessins de Ramos restent fidèle à l'école de style Spider-Man avec des postures acrobatique et un ensemble facile d'accès. En résumé, un Tisseur clés en mains qui ne cherche pas à se compliquer la vie. Un regret ? Le risque de tomber dans l'aventure automatique et de voir les pages étouffer sous le poids des dialogues et des blagues. L'avantage ? Tous les allergiques de la période Slott ont enfin eu gain de cause, et quelque part, pour ce peuple qui beaucoup souffert, on est contents.
Les lecteurs et lectrices n'auront peut-être pas eu le plaisir de découvrir The Weatherman (le tome 1 est toujours à 10€ en offre de lancement, jusqu'à la fin de l'année, des suites du confinement). Et vous auriez bien tort ! Le titre de Jody LeHeup est une excellente trouvaille Image Comics de l'an passé, dans laquelle un présentateur météo exubérant sur une Mars terraformée se retrouve accusé d'avoir mené le plus grand attentat terroriste sur Terre. Bientôt, tout le monde, gouvernement, milices, et groupuscules extrémistes se retrouvent à sa poursuite. Entre faux semblants, course-poursuites déchaînées et scènes d'action hyper dynamiques, The Weatherman est prêt à aborder une seconde partie toujours illustrée par un Nathan Fox on ne peut plus solide. Stylisé, fin, dynamique, avec un sens du cadrage qui confère à l'action une immersion détonante : en somme, on ne manque pas de superlatifs pour vous inviter à découvrir cette série, vous l'aurez compris !
Autre sortie intéressante chez Urban Comics cette semaine, du côté des super-héros, et du côté jeunesse. C'est dans la gamme Urban Kids que sort un nouveau récit dédié à Shazam!, dans une version au trait joyeusement enfantin, du fait de son artiste Mike Kunkel. On met Billy Batson à l'école, en toute normalité, mais également un certain Theo Adam de 14 ans qui essaie de retrouver le mot magique lui permettant de se transformer en Black Adam, évidemment. C'est donc l'originalité de transposer également le super-vilain dans une forme enfantine qui donne une certaine saveur à un ouvrage qui devrait plaire aux plus jeunes mais aussi aux lecteurs et lectrices plus âgés. Le dessin vaut vraiment le coup d'oeil, surtout si vous aimez ce genre d'approche que les fans de Skottie Young connaissent bien. En outre, le prix d'entrée de la collection est toujours aussi attractif et pourra sûrement vous convaincre de passer à l'achat !
- Commander chez Comics Zone (note : sortie le 4 juillet)
Suite et fin en VF pour la saga Leviathan de Brian M. Bendis - ou du moins, du premier volet. Après l'excellente introduction constituée par l'arc Leviathan Rising dans le premier tome, on passe ici aux choses sérieuses. Toutes les organisations secrètes de l'univers DC ont été attaquées par la même entité, et Superman ne sait plus où donner de la tête pour découvrir qui se cache derrière l'identité de Leviathan. Aussi, l'enquête va être menée par une nouvelle équipe de détectives, avec Lois Lane, forcément en recherche de la vérité, à leurs côtés. Comparé au premier tome, la tension est toujours bien présente mais Bendis prend un peu trop son temps, et si l'on appréciera encore une fois sa science du dialogue, il faut reconnaître que les fausses pistes et les coups de bluff donnent un peu l'impression d'une intrigue étirée artificiellement. Reste un bon discours sur le super-héros et le masque, qui prend le contrepied de ce que l'on pense généralement sur leur utilité, et surtout la partie graphique assurée par Alex Maleev, qui constitue forcément une plus-value indéniable. La saga se relève dans son ensemble satisfaisante, alors que la suite se profile en VO.
Panini Comics poursuit son grand travail de rattrapage sur les différents volumes de La Ligue des Gentlemen Extraordinaires, saga fleuve du grand Alan Moore éparpillée sur plus de vingt ans et toute une batterie de formats expérimentaux. Dans la liste, Le Dossier Noir est peut-être plus complexe à aborder. Pas nécessairement dans la forme même de l'histoire, assez conventionnelle : on retrouve Mina et Alan en 1958 pour un hommage aux séries d'espionnages des débuts de la Guerre Froide. Les deux héros vont se balader en Angleterre, croiser un certain agent secret britannique amateur de cocktail et de sexe non consenti, et croiser la tonne habituelle de personnages issus de la fiction populaire de cette époque. Chapeau Melon et Bottes de Cuir sont au rendez-vous, Le Troisième Homme est là pour la caution de film noir, un peu poussiéreuse, et le volume interroge comme d'habitude la relation entretenue entre l'art et le réel dans le contexte d'une époque précise. La difficulté provient surtout des variations de formes dans cet immense volume-bible où se bousculent toute une série de textes, images et expériences. Le Dossier Noir est, à l'échelle de la Ligue, l'équivalent d'un guide de lecture contenant tous les détails de l'univers. De longs chapitres en prose, des pages de rapports, de vieilles lithographies, des poèmes, Moore applique sa logique de condensation des formes d'art à un ensemble qui devient vite très chargé. Pour les amateurs du chef d'oeuvre, un tome qui reste donc indispensable pour comprendre l'ensemble de cette saga atypique. On espère cette fois que Panini ne s'est pas trompé dans le choix des couleurs pour les lunettes 3D, et on applaudit cette ressortie qui continue de célébrer la fin de carrière du plus grand auteur de l'histoire des comics (t'entends ?).
Dans la catégorie des volumes de transition, le dixième volume de la série Tortues Ninja opère au niveau de qualité habituel. Mickey explore l'indépendance des rues aux côtés des Mutanimals du vieux Hob, les Street Phantoms foutent le zbeul et une certaine kunoichi à tête blonde du nom de Jennika fait, enfin, son entrée dans la saga. De son côté, Kitsune complote et son pouvoir sur les renards risque bien de devenir un problème dans les numéros à venir. Toujours une bonne lecture, la série Tortues Ninja de HiComics n'a jamais eu l'habitude de se reposer sur ses lauriers, avec une évolution constante du statu quo et des personnages toujours aussi forts dans leurs aspects les plus humains (ce qui n'est pas courant quand on cause de tortues, de chats ou de rats, même en robe de chambre). Comme souvent, Tom Waltz manie sa barque dans les remous d'un calme relatif entre deux tempêtes, pour mesurer la progressions de ces héros. Le cas de Splinter en particulier, qui a abandonné l'écriture de chroniques hip hop rigolottes pour devenir le meneur du Foot Clan, reste le principal sujet d'étude de ces arcs de transition après la mort du Shredder, où le pouvoir a changé de mains et où la menace de fond paraît moins évidente, plus diffuse, plus chaotique et plus terne. Ken Garing et Michael Dialynas se relaient sur les planches pour un résultat inégal, en dépit d'une ligne graphique toujours claire et bien tenue. Et puis, surtout, il y a aussi des pizzas.