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Punisher : Kill Krew - Frank Castle au-delà du mur

Punisher : Kill Krew - Frank Castle au-delà du mur

ReviewPanini
On a aimé• Pour les dessins de Juan Ferreyra, au moins
• Une promesse ludique qui fonctionne
• Foggy et le Juggernaut
• Pour varier un peu du Punisher des rues
On a moins aimé• Le défouloir sert de cache-misère à l'écriture
• Trop sérieux aux mauvais moments
• Frank Castle sort de l'asile
• Peu mémorable
Notre note

Issue des dérivés (tardifs) de l'événement War of the Realms, la mini-série Punisher Kill Krew aura été considérée, à tort ou à raison, comme l'une des quelques bonnes choses sorties de cette grande rencontre de concepts l'an dernier. Pour rappel, le crossover piloté par Jason Aaron et Russell Dauterman avait été pensé comme l'apothéose de plusieurs années à préparer l'affrontement entre Asgard et les forces de Malekith, avec une grosse bagarre prenant la Terre comme terrain de jeu.

Marvel se sera servi de cette stratégie pour justifier différentes parutions séparées et dispensables, pour montrer, grosso modo, comment différents héros ou équipes de héros s'amusaient à combattre l'ennemi en toile de fond de cette invasion. Parmi celles-ci, la mini Punisher Kill Krew a surtout l'avantage d'être l'une des rares à ne pas se prendre au sérieux, et à avoir su mobiliser le bon dessinateur au bon moment. Juan Ferreyra récupère les intérieurs de ce projet en cinq numéros, compilé par Panini Comics pour les amateurs d'un Frank Castle sur d'autres territoires que ses habituelles rues ombrageuses de l'urbanisme chaotique, ou forêts boisées d'Amérique du Sud propice aux cartels et autres narco-trafiquants. Le Punisher part cette fois à la chasse aux monstres des légendes nordiques, botter les fesses de trolls, orcs et autres bestioles mythiques. Gerry Duggan se charge du scénario, pour un ensemble pas très compliqué, où le but est surtout de s'amuser en comptant les cadavres.
 
 
Après avoir chassé de New York les forces de Malekith, Castle découvre qu'une poignée d'enfants ont perdu leurs parents pendant l'invasion. Là-dessus, le Punisher comprend, face à cette inversion de perspective, qu'il a lui-même participé à la conquête de plusieurs pays au fil de sa formation militaire (le Vietnam, notamment) et que certains des hommes qu'il a tués sur les champs de bataille avaient sans doute des enfants eux aussi. Comprenant que la guerre et la violence font partie d'un même cycle sans fin où de pauvres familles innocentes sont les premières à payer pour le caprice des puissants et le mensonge patriote, Castle s'aperçoit qu'il était dans le camp du mal depuis le début. Le héros raccroche son fusil, et décide de consacrer sa vie à aider les autres en se lançant dans le bénévolat et l'aide humanitaire, refusant de toucher une arme autrement que pour découper le poulet rôti du samedi avec femme et enfants. Il mourra enfin à 85 ans peu de temps après la naissance de son petit-fils, dans l’hôpital construit par sa famille en Irak pour venir en aide aux victimes de la guerre. Avouez, l'image est chouette. En vérité, ce bon vieux Big Pun va surtout cavaler après les monstres qui ont tué les parents des petits, et les défourailler un par un dans une violence particulièrement brusque.
 
Le scénario ne s'embarrasse pas de nuances : sous la plume de Gerry Duggan, Frank Castle tue. Il tue vite, il tue bien, et il aime ça. Passant de paysages en paysages dans une mini-série en forme de grand film de vengeance mâtiné d'un imaginaire coloré et foutraque entre science-fiction et fantasy à la Rick & Morty, l'histoire n'a pas d'autre vocation que de s'amuser à remplacer les habituels gangsters ou super-vilains du quotidien de Castle par de grosses bêtes bleues, ou de varier les ustensiles du prédateur avec quelques épées en surplus de son fidèle M16. Là-dessus, à l'exception des extrémités de la série (autrement dit le début et la fin), Marvel justifie le projet pour la démonstration de bravoure livrée par Juan Ferreyra, en très grande forme et particulièrement à l'aise sur ces décalages. Les personnages sont expressifs, les contours sont superbes, le bestiaire est varié, et la fourgonnette de Castle transformée en char cosmique a une certaine allure, parodique et géniale à la fois. 
 
Des dialogues expéditifs sous-tendent l'intrigue, avec un Juggernaut en forme de sidekick rigolo, et un Foggy Nelson en forme de sidekick rigolo lui-aussi. Pris au second degré, le titre se laisse apprécier dans sa qualité de défouloir neuneu, conscient de ce qu'il raconte la plupart du temps, en laissant surtout à l'artiste les moyens de s'amuser. Gerry Duggan ne parvient pourtant pas à trouver l'équilibre entre sérieux et comique - avec une introduction besogneuse, et une fin qui donne l'impression que toute la série avait une sorte de finalité sérieuse. Des scènes assez noires évoquant le destin de ces enfants de guerre où le statut d'ancien combattant du Punisher viennent se heurter contre l'euphorie destructrice des passages dans l'espace, où le décalage absurde entre Frank Castle et Asgard se métamorphose en cartoon parodique avec sang, blagues et vomi. Le monologue final termine sur une très mauvaise note, beaucoup trop sérieuse, comme si Duggan était tombé à court d'idées pour achever la série.
 
 
Ce laisser aller, qui laisse un arrière-goût d'automatisme ou d'inachevé, ne concerne pas que Punisher : Kill Krew : l'impression de retrouver des séries articulées autour de gimmicks, commandées dans l'urgence pour capitaliser sur l'événement War of the Realms, est un énorme problème des publications Marvel depuis quelques années. En l'occurrence, l'idée était bonne - déplacer le Punisher dans les Dix Royaumes et rire ensemble de cette rencontre improbable, avec un dessinateur talentueux, la série aurait pu être plus importante ou plus marquante en tenant cette promesse de base (c'est d'ailleurs à peu près comme ça que Marvel ou Panini ont tenté de la vendre pour l'édition reliée). Mais on ne retient au final pas grand chose en dehors des dessins. Castle n'est pas réellement incarné, simple machine à tuer ou à beugler des ordres, on se fout à peu près du suspens dès lors que l'on comprend que les héros vont gagner à la fin, et les facilités dans l'écriture trahissent un manque de motivation général du côté de Gerry Duggan, en particulier dans l'usage de la violence.
 
Sans chercher à analyser trop loin un titre qui n'a pas d'autre vocation que le divertissement clés-en-mains, le scénario ne fait aucun effort pour contextualiser la cruauté générale de cette aventure. Sur le papier, Castle massacre, torture, achève des soldats désarmés et mène sa croisade vengeresse avec la ténacité et plaisir d'un sociopathe, avide de sang. Le dessin de Ferreyra, professionnel des séries d'horreur, souligne ce caractère plus cruel que d'habitude. Un héros qui sourit en recevant les gerbes de sang de ses adversaires au visage, ou exulte à l'idée de défoncer une porte pour massacrer, sans retenue. Le problème se pose régulièrement avec le Punisher, John Rambo ou Walter Kurtz au gré des envies et des scénaristes, tantôt abîmé par la guerre, tantôt heureux de ce champ de bataille permanent. 
 
Certains auteurs font le choix de contextualiser cette violence (en présentant le personnage comme un monstre solitaire chez Rosenberg, par exemple, ou en insistant sur ses principes et sa noblesse de vétéran chez Garth Ennis). En l'occurrence, Duggan exécute une commande de la Maison des Idées, qui a probablement du se résumer à quelques mots clés, "Punisher", "Asgard", "violence", "Ferreyra", et sape donc la moindre envie de s'appliquer à respecter le genre de fiction dans lequel il s'inscrit. La série est un défouloir qui se prend trop au sérieux, et pour peu qu'on remplace les grands types bleus de Jotunheim par des Coréens, des Russes ou des Iraniens qui auraient cherché à envahir New York et se retrouvaient poursuivis, torturés et massacrés par un Castle au sourire sadique, en sortant tout l'attirail cosmique de bouquetins et d'épées bâtardes de l'équation, la série serait assez problématique dans ses idées, ou le fait de ne jamais remettre en question la violence de son héros. Qui, à la fin de la journée, reste un énorme taré. Pour cette raison, pour peu que vous n'accrochiez pas au style de Ferreyra, on vous conseillera plutôt le premier volume de Cosmic Ghost Rider pour caler votre envie de Punisher spatial.
 
 
Sur le plan du dessin, à partir du moment où le héros quitte la Terre pour les Dix Royaumes, Juan Ferreyra livre une prestation impeccable et qui mérite à elle-seule de feuilleter la série. Pour une partie du bestiaire, l'artiste s'est appuyé sur des dessins de monstres réalisés par ses propres enfants (l'arbre ou le requin à jambes, notamment), un petit effort de créativité qui colle au propos et fera sourire les amateurs de cet immense dessinateur, curieusement très humble en dépit de son talent. Mais, s'il est évident que les fans de Ferreyra doivent se procurer Punisher : Kill Krew, on aimerait aussi entendre parler du bonhomme sur des projets plus ambitieux - au hasard, un Hellblazer, un Swamp Thing ou un Spectre, faute d'espérer une suite à Gotham by Midnight plus intéressante qu'un Frank Castle jouant les criminels de guerre dans un coin enneigé du cosmos Marvel. Restons optimistes.
 
Punisher : Kill Krew se décline comme un divertissement agréable, pour peu que l'on ne soit pas trop regardant. Superbe, coloré, peuplé de personnages expressifs et de scènes de combat agréables à l'oeil, le projet bute toutefois contre sa propre promesse de simple défouloir. Considérant qu'un ou deux dialogues marrants et quelques bagarres suffiraient, Gerry Duggan ne se foule pas, en livrant un ensemble très creux où la blague de sale gosse se métamorphose vite en délire cruel devant l'absence de nuances ou de densité comique. On passe de cadavres en cadavres en se contentant de regarder les images, sans trouver énormément d'idées neuves passé le second numéro. En résumé, un énième surplus des usines Marvel qui ne transcende pas son gimmick, heureusement marrant la plupart du temps, et surtout très bien dessiné. Kill Krew aurait mérité un peu plus de travail pour ne pas devenir une énième lecture jetable, qui s'oubliera vite passé le génie de ses planches. Il y a mieux sur les étals si vous avez un libraire à soutenir, y compris pour les fans de Big Pun.
Corentin
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