Le secteur du divertissement, dans son ensemble, entre forcément dans la catégorie des premiers concernés par les mesures de confinement. Salles de cinéma, salles de concert, festivals ou parcs d'attractions ont fermé les uns après les autres, à mesure de l'avancée du Coronavirus en Occident. La situation s'est ensuite répliquée sur les plateaux de tournage, empêchant les principaux pourvoyeurs de distraction domestique ou de vidéo-à-la-demande (Netflix, Disney+) d'avancer sur certains de leurs projets pour cette année. Le cas des rencontres sportives, annulées à leur tour, n'aide pas non plus les entreprises du secteur télévisuel. Là-encore, les coûts de cette stagnation se chiffrent en dizaines de millions.
Dans le marasme actuel, l'ex président de
Disney,
Bob Iger, a repris les commandes du groupe, pour prendre les décisions difficiles et envoyer un signal rassurant aux actionnaires après l'effondrement de ces dernières semaines. Au pic de la crise du COVID-19, l'action
Disney perdait plus d'un tiers de sa valorisation boursière, avec un début d'amélioration tout récemment, dans la foulée
des différents lancements européens de la plateforme Disney+, et de l'annonce de cinquante millions de premiers abonnés en seulement quelques mois. De bonnes nouvelles, compte tenu de la part importante de la vidéo-à-la-demande pour la consommation culturelle aux heures de confinement.
Iger avait cédé son poste en février dernier à un autre
Bob,
Chapek, responsable de la division parcs d'attractions et croisières, en continuant d'assurer quelques fonctions (assurer la transition et superviser la branche créative) avant la fin de son contrat, prévue pour décembre 2021. Contacté par le journaliste
Ben Smith du
New York Times, l'ancien meneur de front explique n'avoir pas eu d'autres choix que de revenir pour aiguiller le groupe pendant la crise, sans renoncer à son projet original de quitter l'entreprise, à terme.
"Une crise de cette importance, et son impact sur Disney, était forcément amenée à me voir revenir, pour aider Bob [Chapek] et toute l'entreprise à gérer la situation. Surtout pour moi qui l'ai présidé pendant une quinzaine d'années !"
Dans son article, Smith interroge le départ précipité d'Iger en février dernier, et l'éventuel lien entre cette pré-retraite et la propagation fulgurante de l'épidémie dans la province de Hubei (Wuhan). A l'instar de nombreuses enseignes implantées en Chine, Disney avait été prompt à réagir en fermant, à la fin du mois de janvier, le parc d'attraction Shanghai Disneyland en accord avec les recommandations du gouvernement. Les collaborateurs de l'ex président assurent que ce-dernier n'a pas cherché à disparaître en coulisse pour s'épargner la gestion de cette crise sanitaire. Les sources contactées par le New York Times expliquent toutefois que l'urgence du lancement européen de Disney+ a pu mobiliser l'attention de Iger, au point de mettre ce problème, encore très localisé, au second plan. L'annonce abrupte de son départ avait toutefois semé le doute : en février, certains de ses collègues redoutaient qu'un problème de santé avait frappé le bonhomme, âgé de soixante-neuf ans, en cherchant l'explication de cet abandon de poste soudain.
Actuellement, Iger aurait commencé à établir une feuille de route pour guider le groupe à travers la crise du COVID-19, et préparer l'avenir. Envoyées aux principaux partenaires, ces directives laissent entrevoir un Disney avec moins d'employés, moins de bureaux, une part plus importante pour les mesures sanitaires, avec des pistes de réflexion sur les façons de rendre aux gens l'envie de sortir et de retrouver le chemin des parcs et cinémas. Selon l'analyste Hal Vogel, le groupe perdrait actuellement près de 30 millions par jour. A la fin du mois de mars, un emprunt de 6 milliards de dollars aurait été contracté pour pallier à cette hémorragie de capitaux.
Dans les premières mesures prévues par Iger, la réduction de personnel passera en priorité. Sur le plan humain, Disney additionne les cas de chômages (pour le moment) temporaires, avec des suppressions de salaires pour 30 000 employés en Californie, et 43 000 en Floride. L'ensemble des salariés devrait conserver les avantages non-financiers liés à leurs contrats (couvertures maladies, dentaires, etc), mais les payes ne seront plus assurées après le 19 avril. En France, 1300 intermittents, pour quatre spectacles prévus puis annulés, ont été placés en chômage partiel, après leur avoir proposé de mettre volontairement fin à leurs contrats. Le groupe devrait aussi réduire son investissement publicitaire et la part allouée à la production de nouveaux programmes dans les mois ou années qui suivront la crise actuelle.
Au pic de l'épidémie, la plupart des grandes entreprises commencent à se mettre en ordre de marche pour prévoir les deux prochaines années - une période qui ne devrait pas nécessairement imiter la solidarité observée pendant la période du confinement. En France comme aux Etats-Unis, les grands groupes devront se séparer d'une part importante de leur force de travail, faute de pouvoir faire les poches de ceux qui auront, pendant des années, profité de l'essor croissant de l'économie de marché. A voir qui de Mickey ou Picsou prendra la barre du navire Disney une fois la pandémie maîtrisée. Pour l'heure, la présidence de Bob Chapek ne semble pas se présager sous les meilleures augures, et, pour Bob Iger, la possibilité d'un départ en fanfare s'éteint doucement, à mesure que le Disney du futur pose ses nouvelles règles.