A intervalles réguliers, les auteurs tuent pour combler l'ennui. Les grandes périodes, les grands volumes, se décident aussi dans ce genre de moments, où le scénariste choisit de se confronter à la thématique du deuil, se donne pour challenge de manœuvrer dans cette interjection de réel au sein de l'univers généralement statique des super-héros. Après Damian Wayne sous Grant Morrison et Peter J. Tomasi, un autre proche de Batman a eu droit aux honneurs d'une exécution éditoriale. Tom King explique que, cette fois ci, tout le monde était partant.
Dans les pages de la Chauve-Souris (Batman #77), Tom King s'est amusé à briser un tabou en ne tuant pas un Robin, pour changer, mais un majordome. Alfred est assassiné des mains de Bane face à un Damian Wayne déchiré, dans le cadre d'une énième guerre entre Batman et le dictateur au masque de luchador pour le contrôle de Gotham City. Invité dans le podcast Word Balloon, King détaille une réaction plutôt enthousiaste de ses éditeurs au moment de présenter l'idée (voire une insistance morbide pour se débarrasser du vieil Anglais).
"C'était tout l'inverse de la réaction à laquelle je m'attendais. J'avais prévu de conclure sur un suspense, où Alfred aurait pu, aurait du mourir. Et dans le script, j'avais précisé, bien sûr, on pourra trouver une solution plus tard et dire qu'il n'est pas vraiment mort. Et DC m'a répondu 'Non, pourquoi ? Pourquoi il n'est pas mort ?', j'ai répondu 'Ben, parce que c'est Alfred et qu'il doit rester en vie pour toujours et c'est un personnage formidable', ils m'ont dit 'non, non non non, il meurt!'"
Rien de follement surprenant dans l'absolu : en comics, la mort vend, en particulier dans le cas de trépas encore inédits où le public mord encore à l'hameçon. En ce début d'année, l'éditorial a prévu un numéro posthume sur le majordome (Batman : Pennyworth R.I.P.) pour capitaliser sur l'événement. De son côté, King reste réaliste, expliquant que rien ne dure jamais longtemps dans les comics à l'exception des bonnes idées.
"Ce qui imprime, ce qui reste dans la continuité, ce sont les bonnes histoires. Si la mort d'Alfred amène de bonnes histoires, ça durera le temps que ça durera jusqu'à ce qu'une meilleure idée apparaisse."