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Au coeur de Kaijumax : une longue discussion avec Zander Cannon

Au coeur de Kaijumax : une longue discussion avec Zander Cannon

InterviewIndé

Au cours de l'été dernier, nous avions pu vous vanter les mérites de l'excellent titre Kaijumax de Zander Cannon, véritable OVNI dans le paysage des comics, et formidable adaptation d'un récit carcéral on ne peut plus mature dans un contexte brassant pelle-mêle Kaijus et autres montres de la pop culture mondiale. Aux abords de la Comic Con Paris 2019, nous avions pu enregistrer un podcast SuperFriends avec Zander Cannon pendant près d'une heure, et pour en faire profiter nos lecteurs non anglophones, nous vous en proposons aujourd'hui la version retranscrite. De quoi vous permettre d'aller à la rencontre de ce passionnant auteur et illustrateur, et de plonger dans les coulisses de son oeuvre.

Remerciements particuliers à Jo Ker pour la retranscription.
Remerciements : Bliss Éditions.


Bonjour Zander Cannon, comment vas-tu ?

Bonjour, ça va merci. J’apprécie que nous fassions cette interview en Anglais.

Je voulais le faire en Français au départ, vu que tu as eu 3 semaines pour apprendre le Français, mais c’était visiblement trop court.

Oui ça va être difficile (rires).

Je vais commencer par une question simple. Peux-tu te présenter ? Qui est-tu, Zander Cannon ?

Je suis Zander Canon, je me définis d’abord comme cartoonist et artiste de comicbook, même si je suis également scénariste. Je travaille dans l’industrie des comics nord-américains depuis 25 ans environ, j’ai écrit et dessiné pour d’autres personnes, j’ai également scénarisé et dessiné en même temps. J’ai travaillé avec Alan Moore et Gene Hasur Top 10, c’est grâce à ça que beaucoup de lecteurs nord-américains connaissent mon nom. Et j’ai trouvé une niche pour faire des comics absurdes et tristes, je pense.

Peux-tu me dire comment tu as commencé à travailler dans le comicbook ? Était-ce un rêve d’enfant de travailler dans cette industrie ?

Les comics sont arrivés sur mon radar vers le tard, j’étais plus attiré par l’animation, car j’aime dessiner des cartoons en général. Ensuite j’ai commencé à lire des comics dans les années 1980, c’est là que The Dark Knight Returns et Watchmen sont arrivés, mais j’étais un peu jeune pour ceux-là. Un des comics que j’ai le plus apprécié s‘appelait Cynical Man, il était drôle et on pouvait voir comment il était fait. J’ai commencé donc à faire mes propres photocopies de comics vers la sixième, je devais avoir 11/12 ans. A partir de ce moment, je voulais faire du comic book. J’ai commencé à faire des comics à l’université dans des strips, c’était pour le journal de l’école. J’ai ensuite commencé à postuler pour des boulots dans l’industrie du comic book vers l’âge de 20 ans, et chose incroyable pour moi encore aujourd’hui, j’ai été rappelé par une compagnie qui s’appelle New England Comics Press, ce sont les éditeurs de The Tick, et ils ont publié un comic que j’ai fait qui s’appelle The Chainsaw Vigilante qui est un spinoff de The Tick. C’était le début des années 1990, et c’était le bon moment pour découvrir de jeunes talents et parier sur eux, comme Jim Lee.


Tu as été témoin de la création et de l’explosion d’Image Comics ?

Oui, j’ai été très chanceux, et cette compagnie doit peut-être le regretter un peu, car ils ont annulé ma série, et j’ai créé une série en creator owned nommée The Replacement God. Petit à petit, j’ai fait de plus en plus de creator owned en tant que scénariste et artiste depuis les années 1990 jusqu’à aujourd’hui.

Comment vois-tu l’évolution du marché des comics depuis les années 1990 jusqu’à aujourd’hui ? Tu en as été témoin en tant qu’artiste, mais aussi en tant que lecteur je suppose ?

C’est devenu beaucoup plus diversifié, ce qui est le plus excitant de mon point de vue. Diversité en termes de créateurs, mais aussi en termes de contenu. Quand j’ai commencé, il était difficile de trouver autre chose que des super-héros, il y avait peut-être 3 ou 4 livres de fantasy. Ma série, The Replacement God, qui était de la fantasy, attirait l’attention, probablement parce que c’était un des rares à ne pas être du super-héros. Maintenant, il y a des milliers de comics différents, la distribution est différente avec Internet, même si ce n’est pas aussi différent que je m’y attendais.

Comment croyais-tu que ça allait être ?

Il y a 10 ans, on pensait que les comics imprimés, ou au moins les magazines mensuels imprimés allaient mourir.

A cause du numérique ?

Oui, mais c’est passé, et j’ignore si ça va vraiment disparaître finalement, il y a plein de raisons de les garder. Je pensais que ça allait changer beaucoup plus vite.

Es-tu encore attaché aux comics imprimés, ou peux-tu lire en numérique sans problème ?

Je lis en numérique sans problème. Il y a une différence entre ce que je veux collectionner, et ce que je veux juste lire. J’aime lire et voir de belles et grandes planches sur de beaux livres en Hardcover, c’est génial. Mais parfois, j’ai juste envie de lire quelques centaines de pages de comics et le format n’a pas vraiment d’importance.

Tu n’es pas un grand collectionneur de comics alors ?

Non, en vrai j’essaie de m’en débarrasser le plus possible, ma maison en est remplie.

Et si tu dois déménager, ça risque d’être sportif.

Oui, ils sont trop lourds. Ma maison en est remplie, et maintenant mon studio est plein aussi.

Tu as donc ton propre studio, tu ne travailles pas chez toi ?

Non, je ne peux pas travailler chez moi.

Trop de distractions ?

Oui, trop de distractions. Mais le vrai problème, est que je ne pourrai jamais arrêter de travailler, même s’il se fait tard, je me dis que je peux juste terminer ce truc et ainsi de suite. Alors qu’au studio, je me dis il me reste une heure, il faut que je termine. J’aime aussi partager l’espace avec d’autres personnes, j’ai 13 ou 14 potes de studio, Peter Wartman, John Bivens. Il y a plusieurs illustrateurs qui font leurs propres comics. Ça fait du bien de tenir quelque chose et de dire, ça a l’air pas mal, quelqu’un peut me dire si c’est trop rose ? C’est ce que j’aime avoir.


Tu as mentionné plus tôt avoir travaillé avec Alan Moore et Gene Ha sur Top 10. Comment en es-tu arrivé à travailler sur ce livre ?

La chance, et être sympa. Je connaissais Gene Ha depuis la période où il travaillait chez DC, on a dû se retrouver à une convention ou quelque chose comme ça. Ensuite, il est venu vivre dans la ville où j’habite, Minneapolis, il a commencé à travailler sur Top 10 et il avait besoin de quelqu’un pour l’aider sur la partie artistique et on s’est mis d’accord pour que je travaille avec lui. A la base, je devais être en background, mais tu sais comment Gene Ha dessine, personne ne peut reproduire ce qu’il fait. C’est très impressionnant, j’ai fini par faire les layouts, qui montre qui doit aller à quel endroit, et j’aidais aussi avec les crayonnés et l’encrage. C’était son esthétique, et ma structure de narration. Et ça m’a mené à faire des plans pour d’autres artistes par la suite. C’est ça l’histoire.

Quelle est la différence entre faire les layouts et dessiner toute une planche ? C’est gratifiant quand même de faire la structure sans voir ton propre dessin sur la page définitive ?

En quelque sorte oui. Il y a quelques années, je faisais beaucoup de layouts pour DC Comics, et j’ai fini par aimer ça. Je n’étais pas spécialement concerné par le produit fini, j’étais concerné par un lectorat composé d’une seule personne, qui était l’éditeur, c’était un bon exercice et un bel accomplissement, qui n’avait rien à voir avec le produit fini. Mais bien sûr, c’est toujours mieux de terminer le travail et d’avoir un produit fini à montrer.

Avais-tu des conversations avec Alan Moore à l’époque ?

Oh oui, on a eu beaucoup de conversations au téléphone. On a fait une autre série après, qui s’appelait Smax et on en a beaucoup parlé au téléphone avec lui.

Que peux-tu nous dire de ta relation avec lui ? Car on ne connait pas beaucoup de choses le concernant.

Le "sorcier mystérieux" ?

Oui.

Il a la réputation d’être taquin avec les journalistes et l’éditorial de DC Comics. Avec moi, il a toujours été aussi gentil qu’on peut l’être. Je pense qu’il veut juste faire son travail et qu’on le laisse tranquille, et je pense qu’il le mérite.

Veux-tu être laissé tranquille aussi ? Comment vois-tu l’évolution de la relation entre les artistes et les lecteurs, spécialement avec les réseaux sociaux ?

Je n’ai pas beaucoup de followers sur les réseaux sociaux, et je tends à changer ce que j’y mets. Avant, j’allais sur Facebook ou Twitter et mettais « Voilà mon opinion sur tel sujet ». Maintenant, j’y réfléchis à deux fois avant de publier quoi que ce soit car, primo, je ne veux pas me battre pendant 2 jours, et deuxio, je préfère revoir et mieux réfléchir mes opinions et prendre de meilleures décisions de ce que j’ai à dire. Parfois, je tombe sur des publications de mon passé et je me dis : « C’était stupide de publier ça ». Je pense qu’il y a une manière positive de partager ses opinions et d’échanger autour. Il y a des gens qui passent leur temps à déclarer tout ce qu’ils pensent, et ils adorent ça, ils adorent argumenter et se battre, et il y a des gens qui disent « Bon, allons bosser ».


En parlant de bosser, tu travailles sur Kaijumax depuis 2015. Tu disais plus tôt te considérer plus comme un "cartoonist" qu’un artiste de comic books. Quelle est la différence pour toi ? Est-ce à cause de ton style uniquement ?

Oui, c’est ça. En vrai, c’est pareil à plusieurs égards. Un cartoonist est scénariste et artiste de son histoire, c’est aussi une question de style. Beaucoup de personnes prennent ça pour une insulte, mais pas moi, je trouve ça très descriptif. Je vois ça comme un tout, j’aime aussi faire moi-même le lettrage et la colorisation.

Es-tu une sorte de control freak ?

Oui, c’est possible. J’aime l’intersection entre ces différents aspects, j’aime comment une bulle de texte va derrière la tête d’un personnage, ou touche le bord d’une case, j’aime cette manière dont le tout s’arrange sur une page. Je ne donne pas beaucoup d’importance au fait que les cheveux d’un personnage soient réalistes, mais plutôt au mouvement de l’œil sur la page. Je préfère laisser quelqu’un encrer mon travail plutôt qu’en faire le lettrage, ce qui est bizarre je sais.

Oui, ça paraît étrange. Est-ce que c’est parce que tu es un control freak que tu ne fais plus que du creator owned ? Car tu ne travailles plus avec les éditeurs mainstream. Ça ne t’intéressait pas de faire carrière chez les gros éditeurs du secteur ?

J’ai passé une décennie à essayer de travailler pour DC Comics. Je pouvais trouver du boulot par-ci par-là, mais c’est juste que mon style ne correspond pas.

Ou peut-être ne correspondait pas à l’époque. Il y a plusieurs comic books aujourd’hui avec un style plus cartoony ou visant un lectorat plus jeune, peut-être que ton style pourrait correspondre.

Ma réflexion est peut-être un peu vieux jeu, et j’ai à peine le temps de regarder ailleurs car je travaille sur mon propre livre. C’était très frustrant d’essayer de travailler sur des comics mainstream et de s’entendre dire « Hmm, c’est trop cartoony » ou tout simplement « Non merci ». Dans quelques années, lorsque Kaijumax sera terminé, j’aurais peut-être une attitude différente.


Parle-moi de Kaijumax, quelles sont les graines de ce projet ? Comment a-t-il germé dans ta tâte ?

Lorsque mon fils était très jeune, j’ai pris un DVD d’Ultraman et il l’a adoré. On le regardait tout le temps, et quand je le déposais à la garderie, il faisait ce geste d’Ultraman avec les mains, pour dire « Au revoir ». On a dû regarder chaque épisode des dizaines de fois, et ça m’a poussé à réfléchir aux films de monstres, et je me demandais ce qu’ils faisaient lorsqu’ils ne détruisaient pas des villes. J’y ai pensé pendant quelques années et me suis demandé quelle histoire je pouvais raconter autour de ça. J’ai pensé à eux traîner dans un bar par exemple, ensuite l’idée d’un drame autour d’une prison est arrivée, surtout les monstres que je voyais étaient tellement gros, fous et exagérés, surtout pour les enfants. Et l’autre genre auquel je pensais était le drame dans une prison, quelque chose de dur, de terrifiant et de terrible, et j’ai fini par fusionner les deux. Quelque chose de très absurde avec quelque chose de très noir.

Est-ce que la série TV Oz était une inspiration ?

Oui, ça l’était.

Mais tu ne l’as pas montré à ton fils ?

(Rires) Non je ne l’ai pas fait. C’est bien que tu demandes, histoire de savoir à qui tu t’adresses. Tu ne veux pas discuter avec quelqu’un qui montre Oz à son fils.

Oui bien sûr. Donc tu as eu l’idée, ensuite tu as créé l’univers et tu as dessiné les monstres, tu as regardé beaucoup de films. On le voit dans l’édition Bliss, à la fin avec les références des films que tu as vus. Combien de temps as-tu passé à regarder des films sur les Kaijus ?

Je déteste penser à ça, j’y ai passé des centaines d’heures. J’ai essayé de regarder principalement ceux des années 1960 et 1970, car ce sont les plus dingues. Je regarde aussi des plus récents mais les plus anciens sont également les plus épiques. Le plus marrant est que je n’étais pas censé dessiner Kaijumax au départ, c’était censé avoir un style beaucoup plus réaliste.

Qui devait s’en occuper ?

Un artiste nommé Ryan Brown, il travaille sur une série qui s’appelle Curse words.

Avec Charles Soule.

Oui, c’est sur le point de se terminer.

Et qui va peut-être être adaptée en série TV.

Oui, exactement. Nous sommes amis depuis plusieurs années, son style est très réaliste et très vif et je pense que j’aurais dû changer la manière dont l’histoire se déroulait. L’histoire est très sombre, et mon style cartoony adoucit un peu le trait, c’est moins dur. Et c’est bien que ça se soit terminé comme ça finalement.

Comment planifies-tu l’histoire ? Car c’est construit en saisons, comme une série TV. Ça t’offre la possibilité d’avoir plein de sous-intrigues qui ne sont pas terminées à la fin d’une saison et que tu peux développer plus tard. Donc, comment planifies-tu l’histoire globale ?

Tu vois dans une série TV, quand il y a un sérial killer, et qu’il y a un mur, avec tous les indices et les points qui les relies ?

Tu as le même dans ton studio ?

Oui, le mur du meurtrier. J’ai un grand tableau avec plein de notes sur des post-it concernant plusieurs scènes. Parfois, je l’utilise énormément et parfois pas du tout. J’essaie de ne pas trop l’utiliser, pas de manière très mathématique, et plutôt laisser aller pour laisser de la place au changement au fil de l’eau. L’histoire est plutôt complexe.

Tu ne t’es jamais perdu dedans ?

Parfois, je me focalise sur des choses pas très importantes, et je me rends compte que je n’ai pas laissé assez de place à la fin pour conclure correctement. C’est bien d’avoir une idée générale et de laisser de la place à l’improvisation.


Je voudrais aussi parler du design des personnages. Ils viennent de films de monstres et de culture populaire asiatique. Quel est ton lien avec la culture populaire asiatique ?

J’ai vécu avec mon épouse pendant 2 ans au Japon. Et bien sûr, j’ai grandi en lisant des mangas, en regardant des animés et regardant des films de monstres. Je ne parle pas bien Japonais mais je sais reconnaître quand c’est correct. Une des raisons pour lesquelles nous regardions Ultraman est que mon fils est Coréen, et on voulait regarder quelque chose avec un héro asiatique. Il y des millions d’options avec des héros blancs, alors je pensais que ça serait spécial pour lui. Non pas que les Japonais et les Coréens soient les mêmes bien sûr, mais je pensais que ça serait plus intéressant pour lui de voir un héros qui lui ressemblait.

Nous avons beaucoup aimé le temps que nous avons passé au Japon et en Corée. Je ne veux pas être obsédé par l’Asie non plus, j’ai d’autres obsessions.

Tu as juste regardé des films et essayé de créer des designs qui ressemblent à des personnages connus ? Peut-être avais-tu montré tes dessins à ton fils ou d’autres personnes ?

Oui, ou parfois je lui en fait dessiner quelques-uns et je les mets en fond.

Et l’as-tu crédité dans ce cas ?

Oh non, je ne l’ai pas fait, c’est dommage, c’est méchant je sais. Souvent, quand je dois créer un personnage, je parcours des photos sur Google Images, je prends un bout de chacune d’elles pour tout mixer à la fin.

C’est un melting-pot.

Le problème quand je fais ça, est que parfois mes monstres ont l’air stupide, et je n’ai aucun problème à avoir des monstres avec un air stupide, ça ne me dérange pas du tout.

Tu ne te focalises pas uniquement sur les monstres dans cette prison, tu as aussi des humains, des robots géants et des trucs comme ça. Y a-t-il un point où il y a trop de fantasie dans le livre, est-ce que tu t’imposes une limite ?

Je suis toujours inquiet à propos de ça. Je m’inquiète que ça soit trop film de monstres, ou trop drame sur une prison. Je veux que chaque point du scénario ait un peu de l’un, et un peu d’autre. Ce monstre est accro à la drogue, mais la drogue est de l’uranium. Cet autre monstre se fait poignarder, mais le poignard est fabriqué à partir d’un bout de vaisseau. Ce n’est jamais trop de quelque chose.

Tu as pris des aspects du genre carcéral, et tu les as adaptés au monde des Kaijus. Etait-ce difficile pour toi de faire ces transformations ? Avec le type de drogue prise, ou la mafia qui est sur la lune...

Une des choses les plus difficiles à définir était l’argent : est-ce que ça serait du papier par exemple ? Et Ted Anderson, qui est un de mes collègues au studio, m’a rappelé qu’il y avait un groupe de personnes en Micronésie, qui utilisent des disques de pierre géants de 6 pieds de haut comme argent, ils déterminent qui en détient chacun, et ensuite si je veux t’acheter cette vache, tu détiens le disque désormais. Les monstres bien sûr les utilisent juste comme des pièces, c’était une solution très élégante à ce problème. Je crois que je ne l’ai jamais expliqué dans le livre, c’est juste là et c’est comme ça.

Tu as mentionné plus tôt que Kaijumax était un mix de ton dessin très cartoony et d’une histoire très dure, qui parle de drogue ou d’exclusion par exemple. Est-ce que tu utilises les Kaijus comme des métaphores des groupes exclus de la société ? Comme de vrais prisonniers ?

Oui, c’était mon but. Je pense que les gens voient ça comme une métaphore raciale, et je ne veux pas que ce soit vu comme ça, c’est un peu délicat.


Mais c’est un peu ce qu’on voit tu as des Kaijus de différentes cultures, de la culture Japonaise, mais aussi de l’univers de Lovecraft, ou de la pop culture Anglaise. On peut voir que les robots représentent les Chinois, les Kaijus représentent les Japonais ou ce genre de choses.

La frontière n’est pas parfaite, et ce n’est pas mon but, car ça devient très délicat dès que tu dis ça. Tu te dis « Ah tiens ça me parle » « Je suis familier avec ce thème ». Je veux que ce soit une métaphore pour les gens exclus, les gens impuissants, et c’est marrant et ironique que ce soient des créatures puissantes. Il y a toujours des choses qui semblent familières, tu te dis « Ah cette situation me fait penser à tel contexte racial ou politique ». Je ne veux pas que ce soit explicite, car ce n’est pas un puzzle à résoudre, c’est une histoire qui doit tenir debout seule, même si tu ne comprends pas la métaphore derrière.

On parle de Kaijus et d’humains, mais les Kaijus ne sont pas obligatoirement méchants, et les humains gentils. On le voit avec le premier personnage principal, Electrogor, qui est juste quelqu’un qui a été séparé de sa famille et qui veut récupérer ses enfants. Et certains humains font des affaires avec les Kaijus, pour prendre le contrôle du trafic de drogues, et parce qu’ils agissent mal, ils vont causer la mort de quelqu’un. Tu ne traces pas une ligne simple entre le bien et le mal.

C’est l’opposé en fait, ce personnage a bien commis un crime, mais il ne mérite peut-être pas tout ce qu’il lui arrive. C’est un drame carcéral, c’est moralement gris. C’est intéressant de jouer avec ça.

Et il y a aussi du sexe et de la violence. Quand tu as a commencé à développer Kaijumax, pensais-tu déjà au lectorat que tu voulais cibler ?

Oui, mais je ne pense toujours pas que ce soit aussi mature que l’éditeur le pense, mais c’est cool. Peut-être parce que je pensais que mon style était cartoony.

A un certain moment, Electrogor est violé en quelque sorte, quand même...

Oui, et je me sens bizarre par rapport à cette scène maintenant. Si quelqu’un me dit qu’on doit la retirer pour une quelconque adaptation, je ne le refuserais pas. Ce que j’ai fait est arrivé dans un film « Gamera », où un monstre injecte un œuf dans le sang de Gamera, et des enfants doivent ensuite y aller, et un sous-marin en ressort, c’est un film débile. Alors, j’ai pris ce truc de film de monstres, et ce truc de film de prison, et j’ai pensé que ça serait marrant et ironique, comme ce qu’il y dans ce livre. Mais dès que je l’ai dessiné, je me suis dit : « Ça c’est bien plus dur que ce que je pensais », et j’ai changé ce qui se passait ensuite. J’ai passé beaucoup plus de temps sur la manière dont les gens gèrent les conséquences, comment il doit se sentir, et comment les gens allaient réagir. Et j’ai réalisé que ce livre était différent de ce que je pensais, ce n’est plus du tout un truc marrant avec des monstres, si ça ne l’a jamais été.

Comment fais-tu pour réfléchir comme autant de personnages, car il y en a beaucoup. N’est-ce pas difficile de suivre qui va réfléchir comme ça, et qui va réagir comme ça ? Tu as aussi un mur avec des post-it ?

Comme le mur du meurtrier ? (Rires) La majorité du temps, je dois réfléchir à qui connait qui, car ils apparaissent dans des endroits différents, j’écris la scène et je me dis, ces deux là devraient au moins se saluer. C’est dur de tous les traiter correctement. Chaque saison, j’essaie de limiter le périmètre que je traite, pour que les gens n’aient pas à se souvenir de tous ce qui se passe dans tous les livres.


On peut dire que tu tues des personnages car tu es trop fainéant pour les garder tous ?

Oh oui, absolument. Quand ils sont difficiles à dessiner, ils sont morts.

Oh non, tu ne peux pas dire ça !

Oh si, je le dis. J’ai déjà tué certains personnages car ils étaient difficiles à dessiner. L’une des exceptions est le personnage de la Mite avec tous ses tatouages sur le bras. Il est dur à dessiner, alors j’ai coupé son bras, et il est maintenant moitié moins difficile à dessiner.

Alors c’est ça l’astuce. C’est diabolique.

Oui ça l’est (rires).

Comment a été reçu le premier numéro, si tu t’en rappelles ? Ce n’était pas il y a très longtemps.

Oui, les gens ont plutôt aimé. Ils ont trouvé ça nouveau et intéressant.

Et bizarre.

Oui, bizarre. Je pense que les gens ont aimé que ce soit une histoire avec plusieurs choses à la fois. Ils s’attendaient à ce que ce soit un mélange drôle, mais c’est aussi sombre et triste, un peu dégoûtant. Il y a plein de lecteurs de comics, qui vont au comic shop toutes les semaines, qui disaient que c’était une série intéressante à suivre et surveiller, du moins c’est l’écho que j’en ai.

As-tu eu des problèmes pour publier Kaijumax ? Es-tu allé voir Oni Presse directement et ils ont accepté ?

C’était la première compagnie que je suis allé voir.

Pourquoi ça ? Pourquoi pas Image Comics par exemple ?

Je ne pensais pas qu’Image serait intéressé. Je suis allé voir Oni car on avait déjà discuté pour faire quelque chose ensemble. Charlie Chu, qui était l’éditeur original du livre, et James Lucas Jones, l’éditeur en chef sont des amis de longue date. Je n’avais pas de projet en particulier à ce moment, et mon livre précédent venait d’être nommé pour un Eisner Award, mon titre avait pris un peu de valeur. On s’était dit qu’on devrait faire un projet ensemble, et j’ai pensé à ce projet. C’était la période où j’en parlais avec Ryan, et j’y pensé car ça correspondait aux points forts de Ryan, dessiner de gros monstres bizarres. Nous avions pitché quelques idées préliminaires, Pacific Rim allait sortir, le nouveauGodzilla allait sortir...

Vous avez donc juste surfé sur la vague, rien de très original (rires).

Non, ce n’est pas original du tout (rires). On a mis les idées sur un mur et ils ont pensé que les Kaijus pouvaient être relancés, et que ça captiverait les gens.

Corrige-moi si je me trompe, mais il me semble que Kaijumax a été nommé aux Eisner Awards ?

Oui.

Et ça a remporté un prix ?

Non, juste nommé pour « Meilleure Nouvelle Série », je crois que Paper Girls avait gagné ce qui était mérité.

Je crois que c’est difficile d’être en compétition avec Paper Girls. Mais qu’est-ce que ça fait d’être nommé ? Ce n’était pas la première fois, tu as dit que ton travail précédent avait aussi été nommé.

C’était pas mal. Ce n’était pas arrivé deux années de suite, mais c’était plutôt proche. Top 10 a remporté des Eisners, mais je ne me considère pas comme la raison de cette victoire. C’était vraiment super de voir les livre sur lesquels j’ai travaillé, nommé aux Eisners. C’est un sentiment super, un cartoonist passe beaucoup de temps seul avec ses pensées à se demander si ce qu’il fait est bon, et ces nominations font du bien.

Quel est le plus gros challenge dans cette industrie, en tant que scénariste, et en tant qu’artiste ? en dehors du dessin du bras de la Mite.

(Rires). Je crois qu’il y a un point dans la carrière de chacun où tu apprends à dessiner l’anatomie, ensuite les buildings, ensuite les voitures…jusqu’à ce que tu saches dessiner n’importe quoi, tu n’as plus besoin de beaucoup t’améliorer, et là tu te demandes « qu’est-ce que j’ai à dire ? », et c’est quelque chose qui m’est arrivé par accident quand j’ai fait mon précédent livre Heck. Ce livre était une expérimentation, je l’ai fait très rapidement, je passais une heure par page sur les premiers numéros. Et parce que je travaillais si rapidement, j’ai pris un plot de pulp ordinaire, un homme achète une maison et trouve une porte vers l’enfer dans le sous-sol. Une histoire de pulp surnaturelle, et soudainement j’ai commencé à y mettre mes anxiétés, être un père, être quarantenaire et beaucoup d’autres choses, et j’ai réalisé que je faisais une histoire complètement différente de ce que je pensais faire. J’avais prévu une histoire linéaire assez basique et je me suis retrouvé avec une histoire triste et réfléchie. Et c’est ce qui m’a fait réaliser que j’aimais faire des histoires qui semblent juste marrantes et dingues, mais qui sont en réalité mélancoliques, tristes et qui racontent des choses à propos du monde et des expériences des gens.

Mais quand tu le fais, tu n’es pas toujours conscient que ce soit une histoire à propos du monde qui nous entoure et de toi-même ? Ou quand tu fais une histoire triste, tu sais que tu es triste et que tu mets un part de toi-même dans ton histoire ?

Peut-être (rires). Je deviens triste quand je l’écris et je sais que ça va être super.

Il t’arrive de pleurer en écrivant tes histoires ?

Oui, ça m’arrive. Parfois je promène mon chien, et je commence à devenir triste et à pleurer en y pensant. Ensuite je me dis non, c’est ridicule, mais il faut l’écrire, c’est bon.

C’est juste des comic books, ce n’est pas sérieux (rires).

Oui, c’est ça (rires), ce sont juste des comic books de monstres qui se sautent à la gorge, c’est assez dingue.


Comment te vois-tu ? Quel est ton but en tant qu’artiste ? Quel est le but d’un artiste ? Quel est l’intérêt de faire des comic books aujourd’hui ? Ce n’est pas juste du divertissement, si ?

J’aime l’idée que le but principal est de raconter une histoire que les gens aiment, que tu l’écrives et doives toujours trouver ce qui se passe sur la page suivante. Si tu n’atteins pas ce but, ça n’a pas beaucoup d’intérêt. J’aime bien quand quelqu’un vient me voir, disant que c’est une histoire qui compte pour lui, qu’il l’a lue à un moment difficile de sa vie, ou que c’était différent de ce qu’il pensait. Ça compte beaucoup pour moi, c’est pour cette raison que je fais des choses nouvelles et uniques. Tout ce que je trouvais important il y a quelques années, comme faire quelque chose de cool que tout le monde aime, me paraît moins important aujourd’hui. Je préfère faire quelque chose que peu de personnes vont aimer, qu'énormément aimer.

Penses-tu que les comic books soient toujours pertinents dans l’industrie du divertissement ? Car aujourd’hui nous avons les séries TV, le cinéma, les jeux vidéo. Comment faire pour que les comic books comptent ?

C’est intéressant, il y a 80 ou 90 ans, c’était le seul moyen de voir quelqu’un voler ou détruire un immeuble. Maintenant les films te disent, on peut faire ça, et c’est mieux fait ou plus réaliste. Et bien sûr, les jeux vidéo font ça très bien. Et là, tu te demandes, que font les comic books que ces autres formats ne font pas ? C’est assez difficile à trouver, mais je pense que l’une de ces choses est que c’est une expérience personnelle. Tu peux lire un livre pour quelqu’un d’autre, mais tu lis un comic book pour toi-même. 

Et ce qui est très intéressant à ce propos, est que ça peut complètement t’absorber, avec pleins de choses cachées en arrière-plan, ou des diagrammes. Quand tu y penses avec l’œil de quelqu’un parcourt une page, en opposition à comment rendre Superman plus cool. Quand tu penses au mouvement de l’œil sur la page, tu peux faire des choses que personne ne peut faire sur un film, une série TV, un livre ou un jeu video. Ça devient vraiment marrant d’en faire une expérience individuelle étrange et particulière qui est très différente de voir un film ou une série TV.

Tu veux en faire une expérience unique, mais tu ne fais pas un comic book pour une seule personne, tu vises une audience plus large.

Oui bien sûr, mais tu as au moins cette personne individuelle à la fois à qui tu dis « Je vais essayer de faire bouger ton regarde d’une certaine manière sur cette page et on va expérimenter ça ensemble ». Et ça nécessite de l’attention, contrairement aux TVs en fond sonore, ou jouer à un jeu vidéo et ne rien remarquer du background car on est très concentré sur ce qu’on fait. C’est un truc personnel, mais je pense que rentrer dans la vie d’un personnage et créer un lien avec le lecteur et quelque chose que les comics font très bien, et ça ne peut pas être enlevé par aucun autre format.

Que penses-tu de l’évolution du marché de l’indépendant ? Car dans les 5 dernières années, on a vu émerger plusieurs nouveaux éditeurs, quelques-uns ont fermé, et il y a un boom dans les propositions des éditeurs indépendants, comme Ahoy ou AWA. Comment te situes-tu avec Kaijumax et Oni Press ? Tu essaies de mettre du poison dans le verre d’autres artistes ?

Carrément oui (rires). Je pense que c’est une bonne chose.

C’est une bonne chose, mais c’est de la compétition pour toi.

Oui, mais il y a toujours de la compétition, le gâteau est tellement grand que tu le découpes de différentes manières. C’est mieux d’avoir de nouveaux éditeurs, que DC ou Marvel qui vont juste imprimer plus de comic books.

Chose qu’ils font déjà.

Oui, c’est ça. Il y a deux réponses en fait. Pour Kaijumax et Oni Press, c’est de la compétition. Mais je pense aussi pour moi, Zander Cannon, dessinateur en freelance, plus d’éditeurs veut dire plus d’options. Quand soudainement un éditeur propose de meilleures conditions de propriété intellectuelle, ou un meilleur taux de rémunération, c’est le bon côté du capitalisme - quand quelqu’un te propose de meilleures conditions de travail. Quand il y a peu d’éditeurs, tu n’as pas ce genre d’options.

Comme tu le disais, le gâteau est grand, mais il y a plus de monde pour le partager, mais pas plus pour le faire grossir. Il y a plus d’éditeurs et de séries, mais pas forcément plus de lecteurs, avec toutes les adaptations qui sont pourtant censées rapatrier de nouveaux lecteurs.

C’est vrai, mais je pense aussi que les comic books qui sont dans les comic shops ne sont plus seuls, ce qui bien. Aux Etats-Unis, le comic book le plus vendu est Guts de Raina Telgemeier.

Qui ne ressemble pas à un comic book.

Oui, qui ne ressemble pas à un comic book. Ce n’est pas quelqu’un qui a dessiné X-Men le mois dernier, c’est une expérience complètement différente, c’est un type de livre complètement différent. Comme je le disais avant, c’est une expérience très personnelle quand tu le lis. Je pense que le monde du comic book nord-américain est de plus en plus fractionné, mais différents mondes se développent et méritent qu’on les explore. Pour moi, qui encore une fois, ne suis pas sollicité par DC ou Marvel, je peux trouver une audience plus réceptive, alors que quelqu’un de chez DC ou Marvel peut trouver ça plus difficile. J’aime l’idée d’avoir des options en tant que créateur, et je ne pense pas que tout s’annule avec la compétition où quelqu’un réussit entraînant l’échec d’un autre, je ne pense pas que les gens fassent tout le temps ce choix, ils vont plutôt choisir les deux.

Penses-tu pouvoir changer la manière dont Kaijumax est publié ? Par exemple arrêter le single et sortir des TPB directement pour sortir des comic shops et aller dans les librairies ?

Oui, on essaie d’aller dans les librairies.

Peut-être piéger les gens dans les librairies en vendant Kaijumax pour les enfants ?

Oh, je n’ai pas assez de courrier de lecteurs en colère, ça serait sympa (rires).

Quand on a commencé la série, c’est ce que je pensais qu’il allait arriver, mais c’est bien qu’il y ait des singles car ça permet d’avoir des rentrées d’argent plus rapidement. Quand ils m’ont dit qu’ils allaient en faire un comic book, je l’ai spécialement formaté comme un comic book, avec un épisode auto contenu à chaque fois (je sais que j’utilise beaucoup de termes des séries TV), avec un fil conducteur. Je pense que c’est plus intéressant et que ça a plus de valeur de le lire en single, c’est comme ça que je l’ai prévu.

Séquentiellement, un par mois par exemple ?

Oui, ou juste prendre une minute à la fin de chaque numéro et se dire, ah c’est une histoire qui se termine, avant de se plonger dans le suivant. Il ne s’agit pas de chapitres de la même histoire.

Comme avec une série, tu dois composer avec des lecteurs réguliers qui sont familiers avec le contexte et les personnages, et de nouveaux lecteurs qui embarquent en cours de route. Comment trouves-tu l’équilibre, pour éviter d’introduire à chaque fois les mêmes personnages ?

J’essaie de faire ça en couverture intérieure, ou un petit « précedemment dans Kaijumax… », ou une petite scène où quelqu’un nous rappelle ce qu’on doit savoir. Et parfois il n’y a pas assez d’espace et je me dis, je vais les laisser découvrir tout seuls. Mais j’essaie vraiment de faire en sorte que chaque numéro soit auto-contenu.


As-tu vu ton lectorat grandir avec le temps ?

Oui, je pense que ça a un peu grandi.

Est-ce que les gens te reconnaissent dans la rue ?

Oui, ils me reconnaissent et me lancent des confettis et c’est cool (rires)

Tu es au Walmart et quelqu’un te dit « Hey vous êtes Zander Cannon ?» et toi « Oh oui, c’est moi ».

Oui (rires). Non, ça n’arrive pas bien sûr. Excepté quand je suis allé voir le dernier film Godzilla avec des amis et un gars me dit : « Hey, vous êtes Zander Cannon ? », et je lui réponds « Oui pourquoi ? » et il me demande « Vous allez voir le nouveau Godzilla maintenant ? » et je réponds « Je sais, ce n’est tellement pas mon truc ».

« J’ai besoin de nouveaux designs pour mon prochain numéro »

Oui, j’avais besoin de voler de nouveaux trucs (rires).

Je ne sais pas si tu peux en parler, mais y a-t-il un projet d’adaptation de Kaijumax sur grand écran ?

Il y a des discussions pour une adaptation en série animée comme Bojack Horseman ou  Rick and Morty, avec un style proche de celui du comic book.

Et qui serait destiné à un public adulte ?

Oui c’est ça . Une partie de moi trouverait ça cool de faire un live action avec des combinaisons en caoutchouc, mais ce n’est pas faisable. Je me suis dit, si ça ne ressemble pas au comic book, ça n’amènera pas les lecteurs au comic book, car tu veux que les gens voient ton film, mais tu veux aussi qu’ils achètent ton livre. Car une adaptation en film ou série TV est une dépense publicitaire immense pour ton livre, plus grande même que ce que tu peux récupérer, alors tu essaies quand même de vendre ton livre. Pour moi, c’est la seule manière de le faire.

Avais-tu cet objectif en tête quand tu as commencé à travailler sur le livre ? Car il semble que beaucoup de comic books indépendants qui sortent aujourd’hui soient juste des licences pour des adaptations potentielles.

Ça me semble assez cynique de vouloir faire ça tout le temps. J’ai cette sorte de besoin pervers quand je fais un comic book, de le faire aussi dur que possible à adapter, comme quelque chose de très difficile à faire en série TV. Kaijumax, je ne sais pas si c’est si difficile à faire.

C’est faisable en animation, mais en live action, pas vraiment.

Quand j’ai commencé, je ne pense pas qu’il y avait autant de séries d’animations pour adultes avec le ton qui correspondait bien à Kaijumax.

Où en es-tu maintenant ? Saison 4 ?

Saison 5. Je viens de terminer le premier numéro, et en rentrant aux Etats-Unis, je vais devoir travailler dur sur le second numéro.

Est-ce que ça sera la dernière saison ? Ou tu en prévois d’autres ?

J’ai prévu 6 saisons. L’édition Française contient deux saisons, il y aura en tout 3 livres comme ça. Le travail pour les saisons 3 et 4 est en cours, et les saisons 5 et 6 sont en cours de publications aux Etats-Unis.

Tu as déjà la fin en tête ?

Oui, certaines parties sont très claires, et d’autres sont encore vagues.

Donc tu travailles toujours sur ton mur.

Oui c’est ça, je suis encore sur mon mur du tueur (rires).

Tu as d’autres projets en tête en dehors de Kaijumax ?

J’ai toujours 3 ou 4 projets démarrés que je présente aux éditeurs, et celui qui est choisi est celui que je développe. J’ai un projet young adult super héroïque, je n’ai jamais vraiment fait de super héroïque avant et je voulais en faire un. J’ai aussi une histoire de science-fiction, beaucoup de gens me demandent aussi si je vais finir The replacement god publié il y un moment. Parfois je me dis que oui, et parfois non.

Pour le young adult super héroïque, c’est une licence connue ?

Non, ça sera ma propre création. C’est une compilation de toutes mes idées soumises à DC Comics en une décennie et toutes rejetées (rires), à raison d’ailleurs. Ils ne me laisseraient jamais faire du Batman, ou le ton serait trop jeune pour eux.

Mais il serait adapté pour du young adult ?

Oui c’est ça.

Ça ne sera pas un truc déguisé qui sera finalement très sombre et va traumatiser les lecteurs ?

Je ne vais probablement pas les traumatiser. Ça sera probablement plus triste ce qu’ils attendent, mais pas plus violent.

Tu veux juste faire pleurer les gens, en fait.

Oui, c’est ça (rires).

Espérons qu’ils vont pleurer alors. Merci pour ton temps Zander et nous attendons donc le second livre Kaijumax ici en France.

Je sais, je suis impatient aussi. Merci beaucoup !

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Arno Kikoo
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