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Injustice, DCeased, Suicide Squad : Tom Taylor ou le plaisir de tuer

Injustice, DCeased, Suicide Squad : Tom Taylor ou le plaisir de tuer

InterviewDc Comics

L'année 2019 aura été belle pour Tom Taylor. Fort de ses succès continus chez DC Comics puis Marvel aux premières années de la décennie, c'est chez l'éditeur à deux lettres que le scénariste a créé l'un des gros titres des derniers mois, DCeased, avant de s'occuper d'une nouvelle relance de la Suicide Squad en compagnie de Bruno Redondo, l'un de ses compagnons de route d'Injustice. Vous voyez le point commun de ces trois titres ? On y tue des personnages DC à la truelle. Et puisque Tom Taylor était présent dans les allées de la Comic Con Paris au mois d'octobre passé, nous ne pouvions manquer l'occasion de lui poser quelques questions sur son parcours meurtrier ! Bonne lecture !

Remerciements : Comic Con Paris


Bonjour Tom. On a commencé à vraiment te connaître chez DC Comics avec ton travail sur le comicbook Injustice. Peux-tu nous rappeler comment tu en es arrivé à travailler là dessus ?

Mes travaux d'écriture ont commencé quelques années plus tôt, en Australie. J'avais écrit une pièce de théâtre qui s'appelle The Example, qui nous parle d'une affaire de valise abandonnée à une gare. On l'a adapté en comics avec le dessinateur Colin Wilson, qui est très connu en France - il a notamment fait du Blueberry. C'est un comicbook de 20 pages, qui m'a permis d'avoir un job chez Dark Horse avec Wilson. On a fait du Star Wars pendant trois ans, et c'est ce qui a attiré l'attention de DC Comics. Ils m'ont fait commencer sur du The Authority avant que Wildstorm ne ferme, et je m'entendais bien avec les éditeurs, qui sont les mêmes que pour Injustice - et c'est comme ça qu'on s'est lancé sur ce projet.

Tu n'avais pas peur de faire des comics adaptés de jeux vidéo ? Ils n'ont pas très bonne réputation d'habitude.

Bien sûr, mais là, il s'agit de mes personnages, que j'adore. Je me fichais de savoir ce que d'autres allaient penser, j'avais envie de me donner au meilleur de moi-même, de montrer ce que je suis capable de faire avec ces personnages, parce que je les aime. Je me fichais du stéréotype.

Qu'est-ce qui te plaît tant chez les héros et héroïnes de DC Comics ?

C'est avec eux que j'ai grandi étant enfant. Superman, en particulier, m'a marqué dès le départ, notamment avec le premier film. C'était un peu mon Star Wars (rires). Je croyais vraiment qu'un homme pouvait voler [nda : il reprend la tagline originale du film]. Il y a quelque chose de fascinant avec Superman, ce réfugié qui a traversé les étoiles pour arriver chez nous, et qui décide d'aimer les autres, de les aider. Il veut juste faire le bien pour de bonnes raisons. Et c'est quelque chose qui m'interpelle particulièrement dans notre monde actuel, avec la montée du fascisme, la domination des énormes compagnies sur les pays, qu'il y ait tant d'idiots et d'incompétents au pouvoir qui font énormément de mal... Un personnage, comme Superman, qui veut agir en bien, ça me parle autant en tant que personne qu'en tant qu'auteur.


Et pourtant avec Injustice tu as mis le bordel dans l'univers DC, avec un premier numéro qui était horrible ! Lois Lane, enceinte de Superman, est tuée, puis Superman tue le Joker...

Je vais être honnête, je ne voulais pas faire ça, et ça a été douloureux (rires). Mais je pense que les lecteurs ont ressenti cette douleur dans mon écriture, et que ça y a ajouté quelque chose de sincère. Si tu te rappelles bien, il y a un numéro - le #30 je crois - où on voit un jeune garçon qui a une blessure au dos, et Superman (avant qu'il ne devienne méchant) l'aide. Il essaie de le soigner, mais le garçon lui ment et ne lui dit pas où il habite, pour qu'il puisse voler plus longtemps dans ses bras. Ce garçon, grosso modo, c'était moi. 

On a en effet vu plusieurs courtes histoires, sorte d'interludes de la trame principale, comme dans Injustice 2 avec Flash qui aide un garçon handicapé. Ce sont des passages prévus dès le départ ou tu rajoutes ces à côté parce qu'on te commande plus de numéros ?

On planifie toujours d'avoir l'un ou l'autre de ces one-shots, et je veux qu'ils aient l'air sincère. Je ne veux pas qu'on ait une impression de remplissage, et je veux donc que ce soit de bonnes histoires. On avait fait la même chose avec Billy Batson et Shazam (le sorcier) qui ne se sentait pas à l'aise avec les actions de Superman. Ce sont des histoires qu'on ne planifie pas forcément au départ, mais on trouve le moyen de les inclure. Et ça permet de faire avancer des personnages là où on a besoin qu'ils soient. 

Est-ce que tu prends un certain plaisir à tuer des personnages ? C'est devenu une marque de fabrique pour Injustice.

(Il rit). Hé bien, je ne sais pas si je dirais que j'aime tuer des personnages, mais j'aime avoir une vraie émotion. Et c'est ce qu'il y a dans ces moments. Je reçois des messages de personnes qui lisent ces comics et qui me disent qu'elles ont pleuré. C'est la différence avec d'autres comics qui ne te font rien ressentir quand quelqu'un meurt. C'est juste là pour vendre des comics, pas pour faire ressentir quelque chose. Si la mort fait vendre, soit, mais ce que je veux avant tout, c'est une bonne histoire pour la mettre dedans.

Qu'est-ce qui a provoqué ton départ chez Marvel par la suite ?

Ce n'était pas vraiment un départ. En fait, ils m'ont proposé de faire Iron Man alors que j'écrivais Injustice, et que j'avais aussi ma série TV, The Deep, en préparation. Injustice avait un rythme hebdomadaire, et ça m'a tué, j'étais en burnout. Il fallait donc que je lâche un travail, et c'est donc sur Injustice que c'est tombé. Je ne voulais donc pas quitter Injustice, j'adore cet univers, et je n'ai pas préféré Marvel à DC Comics. Mais physiquement j'étais incapable d'assurer autant de travail. A présent ma série est sortie, elle est regardée par des millions de personnes, disponible en plus de cents langues différentes, c'est énorme. Mais mon premier amour reste les comics et je reviendrai toujours à eux.

Quelle différence vois-tu dans l'écriture d'un comicbook et d'une série TV ?

Hé bien, quand il s'agit de comics, je suis dans le contrôle. A partir du moment où j'ai de bons éditeurs qui croient en ce que je fais, je peux faire ce que je veux. Pour une série TV, l'équipe est bien plus grande. Il y a énormément de personnes impliquées, des producteurs aux quatre coins du monde, et même si j'ai créé la série, il y a des gens qui te disent "non" à tout bout de champ. Ca peut être difficile, parce que je suis un conteur d'histoires, et c'est compliqué d'entendre qu'il y a des histoires que tu ne peux pas raconter.


Tu as eu la même liberté de création quand tu es revenu chez DC Comics pour Injustice 2 ?

Oui, j'ai eu toute la liberté que j'avais déjà pour le premier Injustice. Ca a été la même chose pour les deux titres, vraiment. 

Ce que je veux dire, c'est que tu avais tué beaucoup de personnages, il y avait les conséquences du premier jeu à prendre en compte, ça t'as mené à avoir des réunions avec les scénaristes du second jeu, ou des membres de l'équipe ?

Non, pas du tout. On s'est beaucoup parlé avec les scénaristes du jeu pour savoir qui faisait quoi à ce moment dans le jeu, des choses comme ça. Mais grosso modo, on m'a simplement autorisé à faire ce que je voulais, car ils ont fini par me faire confiance. Au premier jour, bien sûr, ce n'était pas encore le cas. Ils ont ensuite aimé ce que je faisais, et l'ont surtout respecté, ce qui est le plus important.

Tu as lancé chez Marvel X-Men Red, qui a une tournure politique affirmée. Pourtant, certains ont eu à coeur d'affirmer que les comics ne devaient pas être politiques...

Hé bien ces personnes là n'ont jamais lu les X-Men (rires). Tu sais, ces personnes font des vidéos sur moi toutes les semaines, où ils me traitent de SJW et disent des choses contre moi à cause de leurs biais... et c'est juste tragique. Il y a toute une forme de racisme, d'homophobie et de misogynie derrière tout ça. C'est l'anti-thèse complète de ce que sont les super-héros. Ces comics nous parlent d'inclusion, de sauver l'autre, quel qu'il soit. Tout le monde a besoin de héros, et tout le monde a le droit de se voir représenté dans les héros qu'ils recherchent.


Malheureusement, ces gens du Comicsgate n'y croient pas. Je ne sais pas en quoi ils croient en fait. Peut-être en vues sur Youtube, en poignarder des comics, tout en continuant de les lire chaque semaine, et en harcelant des personnes sur internet. Il y a des choses très méchantes qui arrivent, j'ai eu des attaques contre mes enfants, et c'est bien pire si tu es une femme dans cette industrie. Je ne leur accorde plus d'attention depuis un an, je bloque systématiquement. Je trouve juste que c'est extrêmement triste que ces gens soient encore là, à vouloir se faire de l'argent en vendant de la haine.

On en revient à DC Comics. Après quelques années chez Marvel, tu reviens chez l'éditeur, pour Injustice 2, mais aussi DCeased [nda : en février 2020 chez Urban Comics], qui est grosso modo : Tom Taylor bute tout l'univers DC. Peux-tu nous raconter les prémisses du projet ?

Je connais l'éditeur Ben Abernathy de longue date ; il est venu me proposer d'écrire un titre d'horreur chez DC et au départ je n'étais pas vraiment partant, pour être honnête (rires). Je ne suis pas fan d'horreur, de zombies, mais à force d'y réfléchir, j'accumulais d'idées. Je n'aime pas les zombies, mais j'aime les challenges ! Abernathy a été d'un grand secours pour tout le processus créatif.

Tu as reçu une feuille de route sur l'ordre dans lequel les personnages devaient mourir ?

Du tout, j'ai tout décidé ! Et personne ne m'a mis de barrières. Si on a tué l'un ou l'autre personnage, ce dès le début, c'était pour faire quelque chose que DC Comics n'avait pas encore eu l'occasion de faire. On s'attend par exemple tous à ce que dans une situation telle que DCeased, Batman ait toujours un plan de prévu. C'est avec ce genre de présumés qu'on peut surprendre son lectorat.

J'ai choisi Trevor Hairsine pour le dessin parce qu'il est brillant. Il me fallait à la fois de l'action, mais également de l'émotion. Trevor est capable de dessiner des scènes de destruction incroyable, mais c'est son émotion dans les dessins qui est aussi incroyable. On regardait une liste de dessinateurs qui pouvaient convenir, et comme il était disponible, on a été très vite d'accord avec Ben Abernathy pour que ce soit lui. Je ne veux pas trop spoiler, mais dans DCeased #5, il se passe un évènement avec Superman et sa famille. Et ce qu'il a fait est déchirant. Il arrive à faire quelque chose rempli d'émotions différentes, il arriver à cerner ce que les personnages ressentent et à le transmettre, et tout le monde n'en est pas capable. A côté de moi, Bruno Redondo fait aussi partie de ces artistes.


Avec qui tu lances Suicide Squad, justement. Quelle est la différence pour toi à présent que tu travailles sur un titre qui est en continuité, comparé à Injustice/DCeased qui étaient hors-continuité ?

C'est le challenge principal, c'est de faire tenir le tout en continuité. On ne peut pas tuer un personnage important dès le premier numéro. Mais on a des personnages secondaires qui pourraient mourir, on a créé de nouveaux personnages qui pourraient s'en aller : les enjeux sont donc bien importants ! Personne ne va pouvoir prédire ce qu'il se passe. De plus, ce ne sont pas des personnages prévus pour des films : qui sait s'ils seront encore là au prochain numéro ?

Ce n'est pas un peu dommage d'avoir un titre Suicide Squad dans lequel les "gros" personnages ne peuvent pas mourir ?

Oh, ne t'inquiète pas, il y aura de "vraies" stars d'ici les prochains numéros (rires). Dans le premier numéro, on rencontre une équipe, les Revolutionaries, qui sont soit des combattants de la liberté, soit des terroristes, en fonction de ton point de vue. La Suicide Squad va les affronter, il va se passer quelque chose, il y a des pertes des deux côtés, et les membres restants doivent former une nouvelle Suicide Squad - alors qu'ils se détestent tous. Il y a donc une dynamique et une tension folle. Ce ne sont pas que des vilains à qui l'on demande de faire des choses : ils sont complètement opposés à ce qu'on leur demande de faire. Mais s'ils ne le font pas, leurs amis seront tués !

On a donc une équipe de super-vilains avec des super-vilains qui en ont quelque chose à faire des autres ?

Bien sûr qu'ils tiennent aux autres. Harley Quinn a beau être folle, ce n'est pas pour autant qu'elle ne tient pas à ses coéquipiers. Même si ce sont des "méchants", il y a énormément de zones grises avec ces personnages. Ils ont leurs croyances, leurs convictions, leurs propres combats à mener. 

Tu prévois aussi de faire des intrigues géopolitiques comme pour le run de John Ostrander ?

Oui. Dès Suicide Squad #2 ils seront envoyés dans un pays étranger pour faire des choses peu recommandables. Après, je ne vais pas les envoyer dans des pays existants comme la Syrie. Mais ce sera une façon de parler de choses qui arrivent réellement dans le monde. 

Une dernière question : quid du creator owned ?

Ca tombe bien, parce que je suis au travail sur deux titres en ce moment. Sur lesquels j'ai pu avancer en étant en France d'ailleurs. Il y a une première série que je fais avec Jon Sommariva, dont j'ai terminé le premier numéro, mais je ne peux pas te dire le titre. Tout ce que je peux te donner, c'est notre hashtag, #GetLost2020 [nda : on en parlait par là]. Il y a un autre comicbook sur lequel je travaille, mais vous en saurez plus bientôt, promis.

Très bien, merci beaucoup !

Arno Kikoo
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